2017. Une année très sympathique pour le Tech Death avec des sorties d'une indéniable qualité qui voit le retour attendu de formations telles que Artificial Brain, Decrepit Birth, Cytotoxin ou The Faceless mais aussi de très bonnes surprises de la part de groupes plus confidentiels : Fractal Universe, Dark Matter Secret, Exocrine...
Mais cette fois-ci, la menace vient du Canada. Qui pouvait prédire une telle bombe ? Avec deux albums à son actif, Archspire s'était déjà forgé une petite réputation sur la scène, mais aucune des deux sorties ne le plaçait comme cador du style. Tout au plus comme outsider prometteur à la technique irréprochable mais au sens de la composition encore à parfaire.
A la sortie du premier single de Relentless Mutation, intitulé Involutary Doppelgänger, l'effet de surprise a été total. Taclant Rings of Saturn sur son propre terrain, Archspire réussit l'exploit de jouer du Tech Death à 350 BPM et à rendre ça écoutable. Et même plus : accrocheur, rythmé, harmonieux. Que s'est-il passé dans la tête du quintet pour atteindre un tel niveau de composition ? Quelle que soit la réponse, il est clair que l'espoir placé en ce troisième opus a explosé, en partie à cause de la déception causée par les récentes sorties de … Of the Dark Light de Suffocation et surtout du septième album d'Origin, Unparalleled Universe. Les fans du genre attendent ainsi la prochaine gourmandise avec impatience.
Human Murmuration a ainsi confirmé que Involutary Doppelgänger n'était pas un coup de chance, mais bien l'annonce d'une future pierre angulaire du Death technique. Et le 22 Septembre 2017, le constat est sans appel : la réception de l’album est dithyrambique. Le tout-internet ou presque s’accorde pour dire que Relentless Mutation est un monstre. Un monstre d’une rapidité, d’une précision et d’une créativité sans égal. C’est le boss de fin du Tech Death comme on n’en a pas vu depuis Incurso des légendaires Spawn of Possession, en 2012. A la sortie de l’album sus-mentionné, on pensait qu’on tenait déjà l’album de la décennie ; que les Suédois avaient produit le nouveau standard à atteindre, et c’était vrai. Exploit réalisé par les Canadiens.
Relentless Mutation suinte le perfectionnisme par tous les pores. En trente minutes, l’album explore pléthore de paysages musicaux grâce à une paire de guitaristes qui font l’exploit de ne recycler aucun riff, aucun lead. Oli au chant débite son texte comme une mitrailleuse, de son growl sec et caverneux. La basse virevolte autant que les guitares et ne tient pas une seconde en place, à mi-chemin entre la rythmique et la mélodie. Et bien sûr la performance de Spencer Prewett aux fûts qui délivre des gravity blasts et des volées de double pédale supersoniques. Aucun musicien n’est laissé pour compte dans cette ode à la technique bien moins décérébrée qu’elle en a l’air.
Nombre de groupes ont l’art d’écrire des riffs. On déroule quelques mesures, on fait quelques variations et on passe à autre chose. Là où Archspire excelle, c’est cette cohérence avec laquelle les morceaux sont assemblés. Loin du patchwork de mélodies assemblées bout à bout, le quintet a su donner à chaque composition une personnalité et une homogénéité à l’album, ce qui tient de l’exploit tant l’hydre possède de têtes. Finalement, le titre Relentless Mutation prend tout son sens : une entité qui mute en permanence, et à vitesse grand V puisque la moyenne de tempo de l’album s’élève à… 270 BPM.
Trente minutes à une telle cadence, le tout n’étant jamais douloureux ou indigeste grâce à quelques rares accalmies en mid-tempo très judicieusement placées qui permettent d’assimiler un peu la tartine qu’on vient de prendre, avant d’avaler goulûment la suivante. Et une fois que les dernières notes de A Dark Horizontal se sont étiolées, on est frappé par le silence soudain. Où est la suite ? Pourquoi est-ce déjà terminé ? Car toutes les meilleures choses ont une fin. Et celle de Relentless Mutation nous laisse la bouche entrouverte, les yeux exorbités : “Qu’est-ce que je viens d’écouter ?”
Bien sûr, l’album n’est pas parfait. On peut reprocher des patterns de batterie trop redondants, l’utilisation des roulements de caisse claire trop fréquente. Même lorsque Archspire se la joue Slam Death l’espace de quelques mesures, Spencer refuse de calmer son jeu et semble faire du remplissage. “Less is more” est l’exact opposé de cette débauche de technique explosive et grandiloquente. Mais c’est aussi cet aspect jusqu’au-boutiste qui fait la force de Relentless Mutation : aucune concession et liberté de création absolue. C’est un album extrêmement personnel qui ne sonne comme aucun autre.
La fin de la décennie approche et le constat est sans appel : Archspire a marqué l’histoire du Death Metal Technique. C’est un fait d’autant plus intéressant qu’une telle oeuvre va probablement en titiller plus d’un et pousser la concurrence à vouloir surpasser les Canadiens. Et j’aime à croire qu’au moment où j’écris ces lignes, quelqu’un, quelque part, est en train de train de composer une suite spirituelle à ce bijou. Un guitariste répète ad nauseam des sweeps machiavéliques ; un batteur panse ses doigts couverts de cals et s’applique une bonne couche de pommade anti-inflammatoire. Et un chanteur soupire en réalisant que pour une fois, il va devoir bosser plus d’une demi-heure pour placer correctement son texte.
A écouter : Tout.