Comme l’onomatopée d’une aspiration, Apse, discrète formation post-rock de Newton, Connecticut, a tout de même fait parler d’elle en 2006 avec son premier album Spirit, hébergé par le label espagnol Acuarela. Stylistiquement loin des cadors du genre que sont Mogwaï ou GY!BE, Apse se démarque par une contemplation permanente, un chant haut perché, teinté de psychédélisme, le tout animé par des percussions et une batterie omniscientes, colonisant l’entièreté de l’objet avec une pertinence rare.

L’on est directement mis en confiance par une introduction qui donnera le ton de l’album, investi d'une ambiance à la fois terrienne, tribale, et atmosphérique. Chacun des morceaux est propice au décollage mais sont tous connectés à la Terre, reliés par un cordon percussif inaltérable, ramenant à une certaine réalité, bien qu’il puisse s’effilocher par endroits, laissant entrevoir d’autres possibles (Wind Through The Walls, Spirit). Extrêmement facile à aborder, Spirit bénéficie d’une production idéale, illuminant la collection de perles incarnée par From The North, le pluvieux et généreux Legions, les plus nerveux et transis Shade of the Moor et The Crowned, ou le spatial Blackwood Gates aux relents dub. Tandis que le final éponyme obscurcit peu à peu l’horizon, amorçant quelques sombres desseins noise avant de succomber dans les entrailles de mère Nature.

Spirit, comme son nom l’indique parfaitement bien, incite au voyage spirituel, et le fait avec une classe indéniable. Ce disque finit par prendre possession de l’auditeur, l’invitant à le parcourir d’une traite, sans lasser, porté par l’évidence des flux, par une guitare minimaliste mais essentielle, par un piano fantomatique délicieux, ou encore par une basse un peu plus loquace, s’appliquant toutefois à taper la juste mesure, tout comme le frappeur.

Ce premier long format des Américains contient une certaine magie, quelque chose d’unique et de profondément habité, vivant, qui respire et nous rappelle nonchalamment à nos racines, dans la grâce et la volupté. Dommage que les albums suivants n’aient pas adopté un rituel chamanique du même tonneau. Néanmoins Spirit demeure un tel bijou intemporel que l’ignorer serait de l’ordre de l’inconscience.