Anathema hors-jeu depuis 2003 (en attendant fébrilement tout de même le nouvel album enfin annoncé), c'est Antimatter qui défend ces dernières années les couleurs et les déprimes d'un rock amer, empreint de mélancolie et d'élégance mélodique. Avec le départ de son co-fondateur Duncan Patterson (ex-Anathema par ailleurs), Antimatter s'est retrouvé réduit à Mick Moss et ses musiciens. Autant dire que ce dernier a connu la même situation que Danny Cavanagh au moment d'aborder le Judgement d'Anathema en 1999. Comment se relever du départ d'un compositeur ultra-talentueux, élément clé de l'alchimie du groupe, parti exercer ses talents au sein de Ion?
Leaving Eden y répond avec de nouveaux arguments. Là où le précédent album Planetary Confinement avait subjugué par ses qualités mélodiques, sa variété et sa triste beauté, ce quatrième album est porté par des guitares plus incisives qu'à l'accoutumée. Bien sûr, le groupe affectionne toujours les tempos medium, mais le renflement du son est indéniable, donnant une tonalité plus rock à l'ensemble. Pour autant, les arrangements de cordes et de piano ne sont pas négligés, et ce n'est pas un hasard si on retrouve Danny Cavanagh sur ce disque. Il apporte sa maîtrise musicale et toute sa sensibilité aux compositions de Mick Moss. On découvre ainsi un album d'une classe folle où les émotions rappellent énormément l'univers d'Anathema, témoignage des liens quasi fraternels qui unissent les deux formations.
Comme toujours dans ces contrées musicales, on ressent l'influence de Pink Floyd, icône indépassable dans l'imaginaire de Mick Moss. Mais, on aurait tort de réduire Antimatter à une resucée ou un Anathema-bis. L'instigateur de Antimatter a du talent à revendre et le montre, tant dans les élans des guitares, heavy quand il le faut, et toujours mélodieuses (Another Face In A WIndow), que dans l'élégante simplicité de ses mots. Ceux-ci disent les fêlures et les soubresauts du temps qui passe, l'amour incertain, l'inquiétude de l'homme malade du monde qui l'entoure (Freak Show) et la mort qui peut-être soulage (Leaving Eden, magnifique morceau titre). Dans ce défilé de mots blessés, peu de place pour la lumière, aussi ténue que les tâches colorées ornant la pochette noire de cet opus, semblables aux traces fébriles de l'activité cérébrale.
Mick Moss est un orfèvre de la mélancolie, érigée en idéal artistique, s'incarnant dans des mélodies toujours intimistes malgré la richesse de certains arrangements, vibrant de l'amertume de celui qui se sait en décalage. Capable d'orchestrer des instrumentaux fins avec piano et violons sans larmoyer, il y a chez ce musicien des trésors de sensibilité, en particulier dans son chant superbement tenu tout au long de l'album. On citera pour l'exemple Conspire, ballade dans les limbes amoureuses au refrain aérien. Quant au morceau titre, s'il porte la marque de son auteur, on l'imaginerait presque sortir du répertoire de Katatonia, tant son mélange de guitares puissantes et subtiles et de chant éthéré file le frisson. Mick Moss partage avec le combo suédois la même dépréciation de l'existence, inhérente à l'impuissance de l'homme dont les combats sont perdus d'avance. Peut-être parlerait il d'Immaculate Misconception le temps d'un instrumental bien troussé. Aux élans heavy du disque répond enfin la guitare acoustique délicate de Fighting For A Lost Cause, jolie ballade lacrymale, qui conclue le disque de belle manière.
Sans être aussi définitif que Planetary Confinement, plus varié et à l'atmosphère mélancolique extraordinaire, Leaving Eden n'en constitue pas moins un très bel album de rock mélodieux et romantique, au sens le plus noble du terme. Ecrin de sentiments douloureux, c'est une pièce de choix, qui devrait plaire à un public amateur de Anathema, Katatonia ou encore Porcupine Tree.
Le morceau Leaving Eden est en écoute sur la page myspace du groupe.
Somptueuse atomsphère mélancolique... mais c'est à peu près la seule chose que l'on trouve sur cet album, ce qui pénalise largement la durée de vie de l'album une fois les premières écoutes digérées.