C'est beau, c'est magique, c'est Anna.
Le morceau-titre est clairement un des chefs-d'oeuvre de cette année.
Au XVIème siècle en Italie, au Nord de Rome, un duc local commandite ce que l’on peut traduire par un “Parc Des Monstres”, le figurativisme mais aussi l’ésotérisme étant très en vogue en ce siècle de découverte. Ce parc, établi dans une petite forêt, présente une dizaine de statues, aux inspirations diverses, de la mythologie grecque à l’illusion d’optique pure et dure.
Dès la pochette, c’est ici qu’Anna Von Hausswolff nous invite, debout dans la bouche de la statue dite de L’Ogre, sorte de porte d’entrée aux enfers dans notre imaginaire collectif. Elle nous souhaite la bienvenue à sa manière dans Les Jardins de Bomarzo. Ce même parc qui abrite une vingtaine de statues, toutes mangées par la nature, et dont l’entrée se targue de ce message : « Toi qui entres[sic] ici, dirige ton esprit sur chaque chose et dis-moi si toutes ces merveilles sont le produit de la tromperie ou bien de l’art. »
Le ton est donné, et l’album peut commencer, avec 5 notes seules pour les premières minutes d’introduction, nous prenons la route sur un chemin boisé, une longue nappe d’orgue et c’est le début de la balade.
D’une fin de morceau grinçante (Dolore de orsini), qui rappelle les sonorités d’un Ennio Morricone sur ces compositions les plus oppressantes, en passant par des sonorités quasi New-Wave sur Sacro Bosco et ses cascades de notes cristallines, l’album est bourré de références et/ou d’influences à qui aura l’oreille curieuse.
Sacro Bosco, le bois sacré, une dose de mysticisme suffisante pour s’interroger sur tous les indices disséminés de la pochette aux titres, quelle grande représentation de roche volcanique viendra se calquer sur ces accords ? Combien d’errances auront-vus ces sentiers ? Ces incongrus monstres de pierre protégeaient-ils ou menaçaient-ils les promeneurs ?
Avec Persefone, titre quasi funèbre, on se plonge dans l’histoire du parc, la tristesse du duc qui a perdu sa femme, qui décide de se jeter corps et âme dans l’art (ou du moins sa commande). Et si sa femme était-elle même devenue Persephone ? Enlevée par le dieu des enfers pour sa beauté, revenant sur terre pour y apporter le printemps ?
Le final, drone à souhait, laisse retomber l’ambiance, l’esprit s’apaise, le fin du voyage approche. Une apothéose cachée, minimaliste et plutôt magistrale, aux accents de Phillippe Glass. All Thoughts Fly, voilà une fois de plus un nom bien évocateur.
Entièrement composé à l’orgue baroque, enregistré dans une église, l’album se défile sans accrocs, sans longueurs et se prête à la rêverie, jamais monotone. La tessiture y est exploitée dans son entièreté, les textures sont travaillées pour révéler le bruit de souffle propre à l’instrument est utilisé comme ses notes, à part égale.
On sort de cet album avec des feuilles dans les cheveux et des souvenirs qui ne sont pas les nôtres plein les bras.
Certainement l'album 2020 dans la catégorie ballade musical