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Biographie

Anna Von Hausswolff

Anna Von Hausswolff est une musicienne suédoise née en 1986 àn Göteborg. Elle écrit, chante et joue du pianio ainsi que de l'orgue. En 2010, elle sort son premier album, Singing From The Grave, plutôt bien reçu par la presse suédoise et ouvre pour quelques concerts de Lykke Li. Mais c'est surtout en 2012 et 2013 qu'elle se fait connaitre avec la sortie de Ceremony d'abord chez Kning puis via City Slang en 2013. Sa voix est comparée à Kate Bush et sa musique, entre Art Pop, Drone / Ambient et Néo Classique attire par son ambiance noire et éthérée parfois pas si éloignée des univers de Chelsea WolfeSoap&Skin ou encore Rachel Grimes. En 2015, la musicienne revient avec un album tout aussi ambitieux signé sur son propre label : The Miraculous.

17 / 20
5 commentaires (16.3/20).
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All Thoughts Fly ( 2020 )

Au XVIème siècle en Italie, au Nord de Rome, un duc local commandite ce que l’on peut traduire par un “Parc Des Monstres”, le figurativisme mais aussi l’ésotérisme étant très en vogue en ce siècle de découverte. Ce parc, établi dans une petite forêt, présente une dizaine de statues, aux inspirations diverses, de la mythologie grecque à l’illusion d’optique pure et dure.

Dès la pochette, c’est ici qu’Anna Von Hausswolff nous invite, debout dans la bouche de la statue dite de L’Ogre, sorte de porte d’entrée aux enfers dans notre imaginaire collectif. Elle nous souhaite la bienvenue à sa manière dans Les Jardins de Bomarzo. Ce même parc qui abrite une vingtaine de statues, toutes mangées par la nature, et dont l’entrée se targue de ce message : « Toi qui entres[sic] ici, dirige ton esprit sur chaque chose et dis-moi si toutes ces merveilles sont le produit de la tromperie ou bien de l’art. »
Le ton est donné, et l’album peut commencer, avec 5 notes seules pour les premières minutes d’introduction, nous prenons la route sur un chemin boisé, une longue nappe d’orgue et c’est le début de la balade.

D’une fin de morceau grinçante (Dolore de orsini), qui rappelle les sonorités d’un Ennio Morricone sur ces compositions les plus oppressantes, en passant par des sonorités quasi New-Wave sur Sacro Bosco et ses cascades de notes cristallines, l’album est bourré de références et/ou d’influences à qui aura l’oreille curieuse.
Sacro Bosco, le bois sacré, une dose de mysticisme suffisante pour s’interroger sur tous les indices disséminés de la pochette aux titres, quelle grande représentation de roche volcanique viendra se calquer sur ces accords ? Combien d’errances auront-vus ces sentiers ? Ces incongrus monstres de pierre protégeaient-ils ou menaçaient-ils les promeneurs ?

Avec Persefone, titre quasi funèbre, on se plonge dans l’histoire du parc, la tristesse du duc qui a perdu sa femme, qui décide de se jeter corps et âme dans l’art (ou du moins sa commande). Et si sa femme était-elle même devenue Persephone ? Enlevée par le dieu des enfers pour sa beauté, revenant sur terre pour y apporter le printemps ?
Le final, drone à souhait, laisse retomber l’ambiance, l’esprit s’apaise, le fin du voyage approche. Une apothéose cachée, minimaliste et plutôt magistrale, aux accents de Phillippe GlassAll Thoughts Fly, voilà une fois de plus un nom bien évocateur.
Entièrement composé à l’orgue baroque, enregistré dans une église, l’album se défile sans accrocs, sans longueurs et se prête à la rêverie, jamais monotone. La tessiture y est exploitée dans son entièreté, les textures sont travaillées pour révéler le bruit de souffle propre à l’instrument est utilisé comme ses notes, à part égale.

On sort de cet album avec des feuilles dans les cheveux et des souvenirs qui ne sont pas les nôtres plein les bras.

A écouter : En Italie quand ça sera permis
16.5 / 20
5 commentaires (16.5/20).
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Dead Magic ( 2018 )

L’emprise de la fausse note ne semble pas en mesure d’atteindre l’organiste suédoise Anna Von Hausswolff. Celle que nous avions laissé en 2015 avec l’excellent The Miraculous revient trois ans plus tard, après une tournée éreintante - notamment en première partie de Swans - et avec la volonté d’ajouter à sa discographie une nouvelle œuvre majeure. 

Pour les fans de la première heure, ce quatrième album semblera tout à fait familier. En effet, tous les éléments qui ont charpenté le son si caractéristique d’Anna Von Hausswolff sont bien présents. Ce Drone vrombissant, ces nappes envoûtantes d’orgue, cette atmosphère lynchéenne, cette voix possédée, cette volonté de creuser son sillon contre la tendance. Tout est bien là, à sa place. Enfin... pas tout à fait. 
Dead Magic déploie les ailes d’Anna, celles qui auparavant l’empêchaient d’atteindre les cimes entraperçus, lui ouvrent aujourd’hui la liberté de ton attendue. Après avoir souffert d’une longue panne d’inspiration, ce n’est que face à sa propre peur du vide qu’Anna est parvenue à extérioriser l’essence de son art. Cette énergie vitale transpire dans la composition. Les morceaux, au nombre de cinq, s’étirent jusqu’à plus de seize minutes pour finalement aboutir à une longue messe rituelle. Si The Miraculous respectait dans l’ensemble un format plus commercial, Dead Magic fait voler en éclats codes et conventions pour mieux délivrer son ambition. L’orgue, enregistré en quelques jours dans une église, constitue la matière première à partir de laquelle l’alchimie a été conçue. Randall Dunn, tête pensante de Sunn O))), chapeaute l’ensemble. 

De sa longue tournée avec Swans, Anna Von Hausswolff n’en a pas retenu que la fatigue. Ugly And Vengeful, pièce maitresse de l’album en témoigne allègrement. Une lente montée en puissance où guitares, orgue et percussions virevoltent avant un final dévastateur où la batterie est martelée à n’en plus finir. La maîtrise du chant est aussi à souligner, là où sa grandiloquence parfois criarde sur les précédents opus pouvait en crisper certains. Quelque part entre Kate Bush, JarboeDimanda Galas voire Fever Ray, Anna n’a jamais aussi bien chanté. Sur le morceau d’ouverture, The Truth, The Glow, The Fall, sa voix se fait tantôt douce et aérienne, tantôt dans la complainte, sans jamais forcer le trait. À l’opposé, les moments de silence sont prépondérants. Mais la voix sait aussi s’effacer pour laisser place à de longs instrumentaux où chaque détail est travaillé. La production de Randall Dunn, ample et précise, laisse entendre nombre de craquements, grésillements, bourdonnements et autres ronronnements engouffrés dans les nappes constantes de clavier et d’orgue. The Mysterious Vanishing Of Electra, premier « single » est effectivement un magnifique porte-étendard des éléments précités, notamment par la performance vocale exceptionnelle qui le compose et le mélange de styles appliqué. De la Darkwave au Néoclassique en passant par l’Ambient, l’Art Pop, le Drone, le Metal, Anna Von Hausswolff fait fi des genres et saisit avec ardeur et d’une ferme poigne son auditeur au cœur d’une ballade nocturne où ombre et lumière s’entrelacent à n’en plus finir. On regrettera néanmoins les deux derniers morceaux qui, s’ils sont loin d’être mauvais, auraient sans doute mérité de mieux s’incorporer dans l’ensemble. Notamment Kallans Ateruppstandelse, dont l’arrêt final brutal laisse quelques regrets.  

Mélodieux, épique, aventureux, orchestral, tribal, sombre, Dead Magic est un périple lugubre qui mérite toute votre attention à travers de nombreuses écoutes pour mieux s’imprégner de son univers si singulier. Indéniablement le meilleur album d’Anna Von Hausswolff jusqu’à présent, en attendant la suite. 

A écouter : The Mysterious Vanishing of Electra
16.5 / 20
7 commentaires (16.21/20).
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The Miraculous ( 2015 )

Anna Von Hausswolff est enfin de retour ! On l’attendait avec impatience ce nouvel album, après un Ceremony en 2012 qui n’a, à l’époque, laissé personne indifférent. Un savoureux entremêlement quelque part entre Pop gothique, Rock expérimental et Drone venait confirmer les velléités avant-gardistes de la jeune Suédoise. Trois ans plus tard, The Miraculous s’impose comme étant la suite rêvée dans la carrière d’une artiste qui ne fait décidément rien comme les autres.

Celui qui avait daigné poser une oreille sur son précédent album ne pouvait être que fébrile. Ce moment toujours délicat où il est enfin possible de lancer l’écoute du successeur d’une petite merveille. Ceremony avait surpris son monde en 2012. Si le mélange des genres était déjà tout à fait pertinent, il témoignait aussi et surtout d’un amour certain pour un instrument particulier : l’orgue. La pochette d’abord, qui annonçait avec force la couleur. La musique, ensuite, qui laissait entrevoir une affection particulière pour un Drone/Ambient tout à fait singulier. Autre point fondamental pour bien comprendre la musique d’Anna Von Hausswolff : le chant. Perché quelque part entre PJ Harvey et Kate Bush, la Suédoise n’hésite pas à parcourir un nombre impressionnant d’octaves au service d’une musique où la mélodie vient se laisser choir dans un océan d’instrumentations quasi orchestrales.
L’intégralité de ces éléments sert de base créative à The Miraculous qui se permet, pour notre plus grand plaisir, d’aller plus loin encore.

La puissance de cet album vient de son ancrage dans des franges stylistiquement opposées de la « musique actuelle ». Le défi incommensurable est celui de rassembler une source inouïe d’influences tout en gardant une cohérence géniale. Anna Von Hausswolff va ici piocher à la fois dans le classique moderne avec Philip Glass, Steve Reich ou encore plus récemment Nils Frahm (Pomperipossa, En Ensam Vandrare), mais aussi dans un Drone/Rock expérimental à la croisée de Earth et de Swans, sur le monumental Come Wander With Me/ Delivrance, ou encore l’inquiétant Evocation. Ce côté Rock est d’ailleurs ici bien plus appuyé que sur ses deux efforts discographiques précédents.
La musique de film n’est pas en reste. Nous connaissions déjà Anna rendant hommage à Twin Peaks sur Ceremony avec le titre Epitaph of Daniel, c’est ici une fois encore le morceau En Ensam Vandare, encore lui, qui laisse transparaître une accointance certaine avec le maestro Angelo Badalamenti. Enfin, le titre éponyme, long de plus de neuf minutes, n’aurait pas fait pâle figure sur la (fantastique) bande originale d’Interstellar composée par Hans Zimmer.
Ce qui fait la force de cet album c’est bien d’être parvenu à rendre ses influences digérables et sincères. The Miraculous est un ensemble cohérent d’une artiste qui produit une musique viscérale, à la fois résolument moderne et fondamentalement hors du temps. Un vrai miracle.

Cette nouvelle offrande d’Anna Von Hausswolff happera sans peine les esprits les plus ouverts mais aussi les plus goguenards partisans du « c’était mieux avant ». Cette épopée lugubre étonne par la puissance qui s’en dégage et rassemble par les genres qu’elle unit. Un vrai grand disque de 2015.  

A écouter : De nombreuses fois.