An Autumn For Crippled Children
Post Black Metal

Try Not To Destroy Everything You Love
1) Autumn again
2) The woods are on fire
3) Never complete
4) Try not to destroy everthing you love
5) Hearts of light
6) Sepia mountains for her lament
7) Closer
8) Avoiding winter
9) Starlit spirits
Chronique
Quel avait donc été mon périple au milieu des tonitruants Internets, quel typhon d’URL et de scrobbling m’avait mené jusqu’à cet artwork aux lignes rose et nacre, défendant un nom de groupe et un titre à rallonge ? « Don’t judge a book by its cover » comme aiment à nous le rappeler nos amis britanniques. Mais leur vieil adage ne fit pas effet cette fois : tyrannie du marketing visuel ou caprice fugace de ma cornée saturée par un Black trop noir, je me lançais une fois de plus vers l’inconnu, sans vertiges ni attentes, sans peur et sans idée reçue. Ce jour-là encore, mon cœur s’était arrêté une fraction de seconde, un peu au hasard des dédales numériques. L’objet m’était étranger, mais comme par pressentiment, je songeais déjà avec délice que je m’étais égaré dans les grandes allées sombres et presque inexplorées de l’intarissable discothèque de la toile.
Dès le premier morceau, il était impossible de se tromper. C’était comme être happé, et devenir l’heureux prisonnier d’un tourbillon sonore duquel le silence était exclu ; pour geôliers, ces riffs sans fin emplis de grandeur, étirés et parfois teintés d’une mélancolie profonde (« Never Complete », titre éponyme), cadencés par une batterie boudant blast-beats et autres patterns du genre pour des tentatives loin des conventions. Et comme si la noirceur du chant ne suffisait qu’à produire un Black Metal standard aux flancs déjà osseux et vieux de deux décennies, des claviers aveuglants bercaient ce microcosme sonore d’une lumière renfermant à elle seule la Vie et la Beauté (« Hearts Of Light », « Sepia Mountains For Her Lament »).
Qu’avait-elle donc d’obscur, de ténébreux, d’impie ou de malfaisant cette œuvre qui semblait décidément destinée à tromper son petit monde ? Eh bien rien. Si elle ne faisait pas défaut en matière d’intensité (principalement grâce au chant), elle était en revanche totalement dénuée de quelconque volonté de nuire. Se plonger dans les méandres de Try Not To Destroy Everything You Love signifiait aussi accepter d’apprendre, et accueillir ces élans mélodiques poignants aux échos très Post-Rock/Shoegaze (« Starlit Spirits »), ou ces notes de piano galopantes avant le final tout en sublime violence de « Closer ».
A l’issue de ce disque il me sembla avoir baigné trois-quarts d’heure durant dans un environnement de coton et de lait-fraise amniotique, où la noyade était douce et sans douleur (claviers finaux d’ « Avoiding Winter »). A demi-mot, les Hollandais invitaient à fermer les yeux et à laisser le monde derrière soi, tant l’aspect Atmosphérique ouvrait des voies aériennes. Une élévation, une purge de l’âme, un voyage que l’on voudrait sans retour.
Comme d’autres formations Post-Black récentes, (Deafheaven,
Liturgy, Alcest, etc…), An Autumn For Crippled Children malmène les codes
esthétiques et musicaux solidement établis d’un genre pourtant intransigeant.
Adieu, interminables hivers boréals de la fin du siècle dernier, place aux
vagues irradiantes de plaintives et charmeuses décibelles, pourfendant le
nocturne Black 90’s en plein cœur, d’une aurore au spectre infini.
Le Noir Metal a beaucoup péché, voici venir sa rédemption.