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Biographie

Amenra

Amenra, malgré son nom, ne vient pas d'Egypte mais de Belgique. Venant du Hate 8000, collectif Hardcore / Metalcore Belge des années 90, le groupe formé d'ex-Spineless, Lordz ou Firestone fait évoluer sa musique pour petit à petit atterrir sur les plages Post-Hardcore, style connaissant un engouement de plus en plus visible. Après la sortie de plusieurs EP, LP et splits (avec Gameness, Gantz, Vuur), 2006 voit le jour de Mass III, le premier album du groupe. Même si fortement influencé par les formations phares du mouvement (Isis, Neurosis, Cult Of LunaAmenra développe pourtant une lourdeur extrême et personnalité autre notamment avec des visuels et un concept très marqués. Le groupe aime également se produire dans des lieux insolites : forêts, défilés de sous vêtements, vieilles églises... 
En 2008, Amenra revient avec Mass IIII, plus atmosphérique mais toujours aussi intense. Après plusieurs concerts remarqués, Amenra se produit en première partie de Neurosis en 2011 à Paris puis signe l'année suivante chez Neurot Recordings pour la sortie de Mass V.
Cinq ans plus tard, Mass VI est considéré par de nombreux observateurs comme un nouveau tournant dans la discographie des belges. Moins lourd, il donne d'avantage de place au chant clair.

15 / 20
8 commentaires (16.75/20).
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De Doorn ( 2021 )

En première approche, De Doorn semble poursuivre le chemin initié par Mass VI : un peu plus de chant clair et de passages apaisés tandis qu’en parallèle le sentiment d’oppression et douleur affleurante se fait moins ressentir, sans que pour autant les fondamentaux du « style Amenra » ne soient abandonnés. Het Gloren le prouve à lui seul. Tout y est : les cris stridents de Colin H van Eeckhout, les riffs massifs et les lourds martellements de la batterie. Sur le papier, tous les ingrédients sont donc réunis pour faire de ce septième album une nouvelle réussite venant compléter un parcours sans faute.

Mais… parce que cette fois-ci il y a bien un « mais » dont je n’arrive pas à me départir, une pointe de scepticisme, faisant barrière à l’adhésion totale, persiste au fil des écoutes. Le relatif manque de rythme, dû à la longueur des introductions et autres transitions atmosphériques, crée au début un léger sentiment de n’avoir pas grand-chose de consistant à écouter. Mais on finit par s’y habituer. L’atténuation de la dimension cathartique, élément central des productions d’Amenra est en revanche déjà plus marquante. Sans vouloir paraître sadique, on se met parfois à regretter que le groupe soit allé moins loin dans l’expression de la douleur. Cette orientation se traduit directement au niveau du chant qui est traité différemment de la façon dont il l’était auparavant, ce qui vient changer la donne. Le chant clair a désormais une place beaucoup plus importante. Plus seulement confiné aux parties calmes (De Evenmens), il vient également parfois changer drastiquement l’équilibre entre parties calmes et énervées, en particulier sur Voor Immer. Mais pour dire franchement les choses, c’est le chant clair de Caro Tanghe d’Oathbreaker qui constitue l’élément le plus perturbateur. Venant diminuer par sa luminosité non appropriée l’intensité du chant de Colin H van Eeckhout il donne l’impression d’écouter la version édulcorée d’Amenra.

On en vient justement au point clé : De Doorn n’est pas un album habituel d’Amenra. Qu’il ne s’appelle pas Mass VII n’est pas anecdotique. Chaque Mass a été écrit à la suite d’une période pendant laquelle au moins l’un des membres du groupe avait vécu une expérience traumatisante comme la perte d’un proche. Ce septième LP a en fait été écrit en 2018, en vue d’une commémoration de la fin de la première guerre mondiale. En collaboration avec l’artiste indonésien Toni Kanwa Adikusumah fut créée une sculpture en bois au sein de laquelle le public fut invité à déposer des notes décrivant une perte avant que l’ensemble ne soit mis à feu. S’en suivit ensuite en 2019, pour la célébration de leurs 20 ans, les « Fire Ritual », réalisés en collaboration avec Lingua Ignota et le sculpteur Johan Tahon. A Menen, un bûcher fut allumé, découvrant petit à petit la statue d’un homme sans bras ni tête, accroché sur la potence inversée symbole du groupe. 

« What you lose in the fire you find in the ashes »

De Doorn n’a donc jamais été conçu pour être un album mais l’est devenu de fait, parce que les morceaux étaient là. Qu’il ait d’abord été pensé comme un support sonore à une performance artistique, un « rite » explique beaucoup de choses comme l’abondance de passages atmosphériques ou le chant en flamand. Cependant, regarder la captation du « Fire ritual » de Menen (qui sont en ligne depuis 2 ans…) permet de réaliser la puissance intrinsèque des morceaux de De Doorn et de se rendre compte que l’album souffre avant tout d’une production trop propre, trop lisse (au passage on se demande également pourquoi Lingua Ignota est passée à la trappe). Espérons que la version live sorte un jour.

Un ton en dessous des précédents AmenraDe Doorn n’est pas pour autant un mauvais album, en témoigne la note plus qu’honorable qui lui est donnée. Depuis Mass VI, on sent une formation en pleine réflexion sur son évolution, cherchant au travers de diverses expérimentations (mise en scène de rites, tenue de concerts acoustiques, intégration du chant clair, du français, écriture d’un disque en flamand) à ne pas rester dans sa zone de confort. Ecrit dans un but spécifique, photo du groupe à un moment donné, ce nouvel LP n’apporte aucune certitude quant à la direction artistique qui sera prise. Reste que si le détachement vis-à-vis du concept de catharsis se confirme, une période d’ajustement sera nécessaire tant l’acceptation de la douleur comme étape du dépassement de soi est au cœur de ce que martèlent Amenra depuis plus de 20 ans. Soyez cependant rassurés, le chemin menant à un apaisement total est encore très long !

17 / 20
32 commentaires (16.83/20).
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Mass VI ( 2017 )

Depuis 2004 la série des Mass porte en elle une malédiction qui lui confère la beauté des plus grandes tragédies. Nées des peines et des souffrances de ses créateurs, chacune de ses pièces est la transcendance sublimée des affres de leur désespoir. Cette fois, c’est le décès de la mère du batteur qui, dans un processus cathartique, déclencha le besoin libératoire de se retrouver, de composer et d’enregistrer. Comme pour chacune de leurs productions précédentes, Mass VI représente donc bien plus qu’une collection de morceaux pour les membres d’Amenra.

En deux décennies, dans un mouvement de fusion dans lequel, progressivement, les frontières entre les sources d'inspiration, l'œuvre et les musiciens se sont effacées pour ne former plus qu'un, les courtraisiens se sont forgés une identité allant bien au-delà d’une signature musicale. Amenra est maintenant aussi une image, véhiculée par leurs clips et leurs performances scéniques, toujours très visuelles. L’univers des belges dépeint ainsi un monde de nature morte, désincarné, déserté par la couleur et dans lequel, au milieu des ruines d’anciens lieux de culte, les seules formes de vie non animale que l’on croise ne semblent être mues que par une implacable et froide mécanique rituelle et sacrificielle.

Force est de constater que l’amateur d’Amenra n’est, depuis environ dix ans, pas très bousculé, à chaque nouvelle sortie une certaine continuité étant toujours de mise. C’est donc en toute quiétude que l’on aborde Mass VI. Seulement voilà, la première rencontre avec ce nouveau venu est assez déconcertante. Tout parait être en place mais pourtant rien ne semble comme avant. Un peu comme si, éloignés d’une scène, le son et l’image nous arrivaient de manière désynchronisée. Une foule d’éléments nous parviennent alors de façon très brute, déconnectés les uns des autres : la plus grande présence du chant clair, le couplet en français de Plus près de toi et ce sentiment global que l’oppression ne se fait plus aussi prégnante que par le passé. Plusieurs écoutes sont ainsi nécessaires pour dépasser l’inertie de l’image que l’on s’est formée de la manière dont le groupe « doit » sonner, pour se rapprocher de leurs intentions et surtout pour comprendre les apports de ces ajouts qui bientôt ne nous apparaissent plus comme tels. La chape de plomb n’est certes plus aussi lourde mais en contrepartie, minutieusement façonnée, elle a gagné en relief laissant ainsi l’opportunité à des sentiments inédits, tels la fragilité, d’exister. 

Lorsqu’il s’agit d’écrire sur le 6ème LP d’un groupe, le tropisme naturel est de porter son attention sur les nouveautés, les éléments marquants. La discographie d’Amenra est pourtant à l’image de leur musique : elle suit une évolution lente et progressive évitant les écarts brutaux. Mass III est identifié comme l’album charnière mais c’est oublier que Mass II qui, avec Ritual I et Ritual II, avait posé les premières bases du style qui leur est désormais propre. Il en est de même avec Mass VI qui ne cherche pas la disruption. La sublimation de la souffrance est toujours de mise, seuls les chemins pris ont changé. On finit toujours donc par se laisser transpercer par les cris de Colin H van Eeckhout. On fait sienne sa douleur, son désespoir. On frissonne à l’écoute des interludes en spoken-word en flamand qui rajoutent à la solennité du moment. On est déchiré par la rencontre des chants clair et hurlé de A Solitary Reign et on se demande comment on a pu douter.

Mass VI n’est pas le meilleur album d’Amenra, tout simplement parce que cela n’a pas de sens. Comme son nom l’indique, il est le fruit de l’héritage de ses prédécesseurs, sans lesquels il n’existerait pas. Il ne peut ainsi être compris seul et doit être abordé avec une approche holistique de la discographie des belges. En revanche, il est le sublime témoignage d’un groupe qui, en pleine maîtrise de son art et affranchi de toute contrainte donne libre court à son inspiration et à ses envies.


Deux versions de Mass VI sont disponibles : une américaine (bandcamp), mixée par Billy Anderson, et une européenne (bandcamp), mixée par Jack Shirley. La plus grande différence se fait entendre sur l’ouverture Children Of The Eye, plus longue de longue de 2 minutes sur le second mix.

16.5 / 20
19 commentaires (17.45/20).
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Mass V ( 2012 )

Amen Ra. Ce nom a le talent de retourner les tripes, de serrer bien fort les organes jusqu'à agonie lente. Mass V, c'est l'album attendu, le messie signé chez Neurot Recordings. Alors autant dire que la première écoute, tout comme la seconde et les multiples suivantes, furent baignées d'une aura salvatrice pour ceux qui s'impatientaient depuis 4 ans.

Je faisais partie des déçus de Mass IIII, manquant de charisme face à III. Et avec V, je n'ai plus qu'à savourer mon désespoir. Ils l'ont fait : aller plus loin qu'avant, allier encore et toujours obscurité et lumière fatiguée, avec un Colin survolté, une ambiance caverneuse amplifiée ("Nowena") et une douleur qui s'abat encore et encore, sans relâche.
L'Oeuvre n'est plus ici simplement sans concession, noire. Elle est majestueuse, avec le renfort de Scott Kelly (Neurosis) pour forcer une dernière fois à plier l'échine. Les sensations sont multiples, parleront à ceux qui se recroquevillaient déjà sur Mass III, laisseront couler les larmes sur "A Mon Ame" et sa litanie ensorcelante. Heureusement pour nous, les Belges ont repris du poil de la bête, sont allés à l'essentiel malgré une progression qui donne naissance à des titres oscillant entre 9 et 13 minutes. Pourtant, oubliez artifices et fausses montées en puissance : chaque instant de Mass V est crucial pour la pertinence de l'oeuvre et sa stabilité. Même les premières notes hésitantes de "Deadborn and Buried", ces cris familiers chevauchant les multiples riffs reconnaissables - même si la touche "Neurot" est bien visible sur la production - qui donnent lieu à un véritable cérémonial funeste ("Deadborn and Buried", "Boden").

Il n'aura suffit que de "A Mon Ame" pour me convaincre. Amen Ra est grand, bien plus que sur III ou IV, et pourtant la tâche était ardue pour arriver à égaler certains morceaux phares du combo. Mais Mass V surenchérit, avec une apparente désinvolture qui donnerait presque envie de pleurer.
Au final, l'artwork de grotte d'un noir profond était peut être le meilleur moyen d'initier la découverte de Mass V.

A écouter : A Mon Ame
14 / 20
10 commentaires (15.8/20).
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Mass IIII ( 2008 )

Compliqué de succéder au cérémonial III. Surtout lorsqu'on a laissé tant de chair, tant de sang sur l'autel. On se demande même combien de temps va durer cette contrition, cette autoflagellation avant de sombrer dans l'aliénation la plus totale. 

Même décor ténébreux, mêmes ustensiles de célébration, même sensation d'étouffement, plongée dans les affres tourmentés d'âmes en totale perdition, Amen Ra récidive dans un registre qu'on lui connaît déjà, un chant sous produit émis depuis l'obscurité d'une crypte, un prêtre (Colin) loin d'être un comique, toujours en transe, en proie avec ses angoisses et ce qu'il a de plus noir, enfoui au plus profond de son être. Comme son prédécesseur, Mass IIII est une séance d'exorcisme, une danse chamanique saisissante d'effroi qui, pour le coup, s'avère plus raide et ce même si la production nickel tente de nous faire croire le contraire.
Ici pas de sirène au chant de cristal, pas de mélodie rédemptrice pour nous amadouer et faire passer la pilule. Ce qui ne va pas sans risque d'ailleurs "Silver Needles Golden Nails" et "Razoreater" manquant un peu trop de souffle et d’aventure pour nous engloutir totalement. Il en va autrement de "De Dodenakker" sur lequel Amen Ra appuie sur les plaies pour les faire saigner avant de nous emporter dans ses bras et nous attendrir avec le surprenant "Thurifer er Clamorad te Veniat", plus atmosphérique, plus mélancolique, avec un petit côté psychédélique. L’œuvre se fortifie avec "Le gardien des rêves" où le quasi murmure de Colin est chatouillé de douceurs éthérées prenant progressivement possession de l'espace, lentement, assurément, avant d'éclater inévitablement en bout de course. Bien fait, bien structuré mais malheureusement dépourvu aussi de cette capacité de pressurisation qui était la spécialité d' Amen Ra jusque là.

Un final qui rachète en partie un prologue plutôt timide mais un album dans l'ensemble peut-être en dessous du potentiel des flamands. Avec des possibilités de se retourner assez minces, Vincent Tetaert ayant remis son chasuble à l'office, il se pourrait bien que le rituel cesse avec Mass IIII.

Tracklist : 1. Silver Needle, Golden Nail ; 2. Razoreater* ; 3. De Dodenakker; 4. Thurifer et Clamor ad te Veniat; 5. Terziele ; 6. Le gardien des rêves ; 7. Aorte nous sommes tous du même sang*.

A écouter : Le gardien des rêves; Aorte, nous sommes tous du même sang
16 / 20
23 commentaires (17.7/20).
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Mass III ( 2006 )

Voilà déjà quelques années que Amen Ra fait son nid; auparavant plutôt confidentiel et connu essentiellement en Belgique, leur pays d'origine, ce Mass III va leur permettre de se faire un nom en dehors de leurs frontières, tant mieux. Le nombre de groupes évoluant dans le post hardcore (terme regroupant de plus en plus de groupes et donc de "genres") ne cesse de croître et la qualité ne semble pas encore affectée, Amen Ra donne en effet dans une musique à forte teneur en Isis, Neurosis et Cult Of Luna. Contrairement à ses derniers Amen Ra ne ponctue pas ses morceaux de longs passages post rock, au contraire aux passages légers d'un Cult Of Luna Amen Ra oppose une lourdeur doomesque des plus angoissante.

Lourd, très lourd, ce 6 titres d'Amen Ra est un pavé compact (d'où son nom?) colossal, le genre d'album qui vous met à terre par sa noirceur et le poids, quasi physique, véhiculé par les instruments. Certes du lourd on en a vu depuis des années, Black Sabbath et ses innombrables bâtards ont labouré ce chemin crasseux depuis des décennies, même Neurosis, et ses imposants monolithes discographiques, nous a souvent mis à terre. Mais ce Mass III est un concentré de tout ce qui a pu être fait, ici pas d'ambiance embrumée façon Electric Wizard, non on donne dans la noirceur qu'on se prend pleine gueule, violente et sans concession.
Les instruments, spécialement basse / guitare distillent leurs rythmes pachydermiques et quasi hypnotiques sur chaque titre, la guitare se fera plus aiguë l'espace de quelques instant, ne faisant que mettre en avant la lourdeur oppressante qui l'entoure. La voix en retrait, comme prisonnière des instruments l'accablant à chaque note, se modulera et apportera des ambiances bien distinctes, parfois claire comme sur Le Fil des faux elle sera le plus souvent criarde (le passé hardcore du groupe?) et se verra même accompagné d'une superbe voix féminine sur Am Kreuz.
Quelques passages seront moins empreints de ce poids écrasant (Ritual notamment) mais cela ne durera pas. Ce même Ritual finira dans un chaos cataclysmique, une pure jouissance pour les amateurs du style.

Ce Mass III devrait faire des heureux, du coté de ceux aimant la lourdeur forcément (cette chronique vous l'a assez rabâché je pense) et aussi peut être une bonne façon de passer du hardcore vers le post hardcore; le feeling HxC étant en effet tout de même présent. Quoi qu'il en soit ces 6 titres sont de petits bijoux, et semblent plus constituer un tout qu'un enchaînement de titres. A quand une tétralogie ?


MP3 : Ritual

A écouter : Am Kreuz, Ritual