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Biographie
Chris "Stig" Miller - guitare Rob "The Baron" Miller - chant, basse Roy Mayorga - batterie George - synthé
Amebix naît en 1978 dans le Devon (Angleterre) sous l'impulsion de Chris et Rob Miller. Evoluant dans un premier temps sous le patronyme Band With No Name, les frangins, accompagnés de Billy Jug et de Clive, enregistrent une première démo dans leur chambre. Le groupe parvient péniblement à en écouler quatre exemplaires dans la cour de l'école mais un titre parvient aux oreilles des membres de Crass. Grâce à eux, "University College" apparaît sur la première édition de la compilation Bullshit Detector. Les premiers changements de line up ont lieu en 1983. Billy Jug est remplacé par Martin, jeune homme de bonne famille dont les parents habitent un manoir de Dartmoor. Profitant de leur absence, il invite les frères Miller et Clive à venir squatter la bâtisse. Jouant la nuit, dormant le jour, faisant bombance, le groupe répète ses gammes mais se voit contraint et forcé de quitter les lieux lors du retour des paternels de Martin. C'est à cette époque que la formation opte pour l'appellation Amebix. S'ensuit une période plus délicate. Après l'épisode Dartmoor, les frères Miller déménagent à Bristol, vivant d'expédients et fréquentant les squats. C'est dans l'un d'eux qu'ils font la connaissance de Virus, batteur de Disorder, avec qui sont enregistrés les ep Who's the Enemy, Winter et No Sanctuary chez Spiderleg Records. La formation, qui a également ajouté un synthé à son line up en la personne de Norman, part ensuite en tournée. C'est à l'issue de cette dernière que Virus quitte le groupe, remplacé par Spider. En 1985, une rencontre avec Jello Biafra (Dead Kennedys) permet à Amebix de signer un deal avec Alternative Tentacles. Arise, premier album des anglais, voit le jour la même année mais, en raison de problèmes divers, le groupe se retrouve forcé de quitter le label. Amebix ne reprendra le chemin des studios que deux années plus tard pour l'enregistrement de Monolith. Une tournée en Yougoslavie lui succède mais le groupe splitte peu après, Spider, George (successeur de Norman) et Stig partant former Zygote. Après vingt ans de silence, de forge dans les Highlands pour Rob Miller, Amebix se reforme autour des frangins avec George et Ray Mayorga. 2008 voit les rééditions de Arise chez Moshpit Tragedy ainsi que les trois premiers ep ches Alternative Tentacles.
Un nouvel album d'Amebix...si depuis
une dizaine d'années, on est habitués aux reformations les plus
diverses et les moins attendues (comme Dinosaur Jr), qu'Amebix publie
une nouvelle galette de compositions originales relevait du
fantasme de fan, de la fiction pure. Au début de la décennie,
personne ne connaissait et tout le monde s'en foutait avant que
Alternative Tentacles ne réédite leurs premiers disques avec
quelques inédits et que Neurosis, Tragedy et Napalm Death ne
viennent clamer leur fanatisme absolu. Tout à coup, on venait de
découvrir le parent caché du sludge et que non, Discharge n'avait
pas inventé le crust à eux tout seuls. Un bon coup de projecteur
qui fit acquérir au groupe une nouvelle fanbase dont la moitié
était à peine née lors de leur séparation (votre serviteur le
premier), et une série d'entretiens filmés avec Rob « The
Baron » Miller racontant la geste amebixienne depuis sa
retraite anglo-normande achevait de les porter à la lumière. Mais
celui-ci, propulsé du coup gardien de la légende, martelait avec
force que non, il ne reformerait pas Amebix, niet. Les conditions
n'étaient d'ailleurs pas idéales : il s'était plus ou moins
brouillé avec son guitariste de frère, les derniers temps du groupe
étaient surtout constitué de sombres errances, et le dernier
batteur en date souffrait d'acouphènes tellement terribles qu'il ne
pouvait plus écouter de musique, alors en faire....
Mais l'éclairage médiatique avait
redémarré la machine. Lors de la réalisation d'un DVD qui leur
était consacré, Miller - pressé par les innombrables demandes de
reformation de la part des fans - craque et décide de reformer le
groupe. Alléluia mes frères ! Il retrouve son frangin, enterre
la hache de guerre et embarque Roy Mayorga derrière les futs, car il
aurait entendu dire que ce batteur serait prêt à les rejoindre en
cas de réunion. Et oui, tout arrive. Quelques tournées plus
tard, ils annoncent avoir recommencé à écrire des morceaux.
Stupéfaction générale et angoisse des fans qui anticipent le
faux-pas de mauvais goût ou pire, la trahison à la légende. Qu'en
est-il ? SUSPENSE !
Tout d'abord, évacuons le débat
concernant la production, certains imbéciles hypocrites pouvant
juger depuis leurs platines laser méga surround achetées 1000
boules sur eBay, que ne pas avoir une prod dégueu est un haut fait
de trahison. Amebix a toujours clamé n'avoir jamais spécifiquement
cherché à avoir une prod crade, s'ils avaient pu faire avec autre
chose que les moyens du bord dans les années 80, ils ne s'en
seraient pas privé. Alors maintenant qu'ils peuvent, ils ne se
gênent pas.
Maintenant, taillons dans le gras. Cet
album est-il bon ? Oui, il est bon. Mais il risque franchement
de surprendre. De crust, on n'en distingue quasiment plus rien.
Quelques soubresauts çà et là (The Messenger, Here Come The
Wolf, The One, Knight Of The Black Sun), tout droit issus de la
tradition qu'ils ont eux-mêmes forgée, comme le riff d'entrée de
God Of The Grain qui n'est pas sans rappeler Winter
tant il tient presque du clonage. Leur penchant gothique a, quant à lui presque pris le dessus sur le reste. Des passages acoustiques à la
guitare qui font penser à Johnny Cash qui se serait laissé pousser
la barbe au bord d'une falaise, un opuscule baudelairien dans la
poche (Days, Sonic Mass Part 1). Auparavant discret bien que
central, le clavier prend une dimension bien plus importante avec ses
massives nappes qui couvrent la plupart des compositions (et on se
demande bien comment ils vont gérer ça en live sans engager un
nouveau membre pour le tenir).
On n'est plus du tout dans un disque de
punk, si tant est qu'on ait jamais pu qualifier Amebix de simplement
punk. Le metal vient se partager les restes du gâteau avec parfois
des riffs bien thrash (The Messenger), comme si les frères
Miller avaient repris le travail là où ils l'avaient laissé avec
Monolith. En revanche, ce qui ne change pas, c'est l'influence de
Killing Joke. Elle est même encore plus forte qu'avant puisque
certaines parties ne dépareilleraient pas sur un des derniers
disques de la bande à Jaz Coleman. Mêmes riffs mécaniques, même
rythmique tribale et un chant parfois clonesque, on retrouve des
bouts de KJ un peu partout sur ce disque, comme un motif auquel le
trio se raccroche pour mieux relancer ses compositions.
Celles-ci d'ailleurs, conservent leur
ambiance épique, le romantisme des influences gothiques aidant
beaucoup à l'installer. Tellement épique qu'on croirait parfois
presque entendre du Heavy et les anglais se permettent même de
nous passer un sample d'une bataille à l'épée sur Shield Wall
(probablement des productions maisons de Rob Miller). En fait, on
pourrait avoir l'impression que ce Sonic Mass n'est en fait que le
conte de leur gloire passée qu'ils nous livrent avant de prendre
un nouveau départ. La dernière piste de l'album, Knight Of The
Black Sun semble être le point départ d'une nouvelle épopée,
nous ramenant à des sensations similaires à celles qu'on a pu
ressentir en écoutant Arise !, Slave ou Nobody Is Driving.
Sonic Mass est un disque surprenant.
Pourtant les ingrédients initiaux sont là : une base
post-punk, une forte influence heavy et thrash rehaussée d'une
grosse rasade de cold wave, rien de nouveau. Mais le tout étonne,
arrive là où ne l'attendait pas et malgré les similitudes, rompt
complètement avec leur forme classique dont se sont inspirés moult
artistes qui aujourd'hui figurent dans nos panthéons, Neurosis en
premier. Est-ce simplement le temps passé qui fait œuvre ?
L'influence de Roy Mayorga ? Ou celle de plus d'une décennie de
nouvelles écoutes et de nouvelles découvertes ? C'est
peut-être les trois à la fois.
Et on se dit que comme quoi, s'ils
avaient voulu aller au bout de leurs envies à l'époque et que c'est
plutôt un Sonic Mass qu'ils avaient pondu au lieu d'un Arise, notre
environnement musical aurait une gueule bien différente, le crust en
premier. Vous imaginez tous ces gros dreadeux patchés recouvrir leur
d-beat de vagues de synthés qui feraient envie à un groupe de dark
wave ? En tout cas, étant donné le quasi-culte dans lequel a
baigné Amebix pendant toutes ces années de silence, je suis curieux
de voir quel impact aura ce Sonic Mass sur les productions à venir.
A écouter : Days, God Of The Grain, Here Come The Wolf, Knights Of The Black Sun
Une immersion dans le monde d'Amebix revient à peu près à effectuer une plongée en eaux glauques, là où l'obscurité règne en maître absolue, dans la peau d'un troglobie Typhlichthys subterraneus, poisson cavernicole incolore aveugle. Et pour cause, inutile de voir ce qui est laid, inutile de scruter le néant. Amebix c'est l'équivalent de se faire happer par un boa constrictor en pleine jungle amazonienne. La vision d'un sort funeste inéluctable pendant qu'on entend craquer les os.
C'est en tout cas, à peu de choses près, le sentiment qui nous cueille à l'heure d'entrer dans ce No Sanctuary - The Spiderleg Recordings qui sort ces jours-ci sur Alternative Tentacles - apparemment les problèmes avec Biafra sont oubliés - qui, comme son nom l'indique, regroupe l'essentiel des productions pré-Arise, Who's the Enemy ?, Winter 7" et No Sanctuary, enregistrées sur le label de Miller. Remastérisées par Jello Biafra et George Horn, c'est l'occasion de jeter une oreille neuve sur ces productions, de se replonger dans cette atmosphère, ce marasme qui prend racine au sortir de la frénésie de 1977. Fans ultimes de Crass, les frangins mettent sur pied un être hybride et malsain, rejeton rejeté de la scène punk de l'époque puisque mêlant des influences aussi variés que Killing Joke, The Cure ou Black Sabbath. Même si les premiers enregistrements de Who's the Enemy? maintiennent ce genre punk sous assistance respiratoire ("Curfew", "Belief"), les prémices d'un apocalypse musical pointent à l'horizon : arythmie chronique, violence dans l'expression, cris compulsifs, Amebix soumet ses concitoyens à un traitement de choc, parfois de manière involontaire (cf le beat peu assuré de "Belief"), au détour de rituels d'inspiration tribale, renvoyant l'être humain à ses propres interrogations, à ses néfastes excroissances religion, détention, progrès, freins à son émancipation. "What will you do when your properties gone? When the finger on the triggers your one and only son? When the money in your pocket cannot buy even bread? The city has crumbled, the people have been bled" ("The Beginning of the End"). Les anglais rectifient un tant soit peu le tir sur le Winter 7", deux titres qui stabilisent la machine de manière plus sereine tout en annonçant la bombe No Sanctuary. "Welcome to Cell Block 427" où une invitation à se glisser dans un monde d'aliénation qui peu à peu sera le réceptacle de toutes les productions de Amebix. Structure de glace, souffrance indicible, le groupe enfile sa camisole de force pour donner plus de colère à sa musique. Véritable concentré de violence psychopathe, grosse assise rythmique, chant en perdition de Miller auxquels se mêle le post punk hystéro de Killing Joke ou de Joy Division, Amebix dresse une forteresse musicale infranchissable, imperméable au moindre espoir, n'offrant aucune solution de sortie. No Sanctuary...
Il y a des groupes dont on ne soupçonne pas l'importance, dont on ne mesure pas l'impact qu'ils ont eu à un moment donné. Formation pivot de la scène anglaise des années 1980, Amebix est à l'origine de nombreuses vocations, considéré simplement comme l'un des précurseurs du crust punk avec Antisect ou Hellbastard. Demandez à Neurosis, Napalm Death ou Doom ce qu'ils en pensent...Incontournable.
Tracklist : 1. Battery Humans; 2. Control; 3. Progress; 4. Sanctuary; 5. The Church Is for Sinners; 6. Sunshine Ward; 7. Moscow Madness; 8. Winter; 9. Beginning of the End; 10. Carnage; 11. Curfew; 12. Belief; 13. No Gods No Masters.
A écouter : No Gods, No Masters
Hellhammer, Bathory, Darkthrone, Neurosis, Napalm Death, Voivod, Sepultura, Panopticon, Nausea. Derrière cette liste qui donne le tournis, on retrouve des artistes qui ont été inspirés par Amebix, formation élevée au rang de légende par ses pairs, le public, le temps et peut être même un soupçon de fantasme. Car oui, l'aura qui entoure les Anglais est remarquable, elle forme une masse qui empêche quasiment toute critique d'être émise sans que celle-ci ne soit transformée en blasphème. Écartons donc ces histoires, leur statut actuel , leur importance quasi étouffante pour nous concentrer sur ce disque en lui-même, deuxième album sorti en 1987, jeune frère d'un Arise ! de deux ans son aîné.
Amebix a d'ailleurs profité de ces deux années pour modifier génétiquement sa musique, ajoutant quelques traits propres à la race Metal de l'époque. On trouve donc un ADN renforcé au Motorhead, au Thrash et à ce que la scène de l'époque pouvait compter de plus rapide et féroce. À la manière du xénomorphe que l'on aperçoit sur la pochette, Monolith a bien intégré les traits de ses victimes. Prenez « The Power Remains » par exemple et ce riff à 2:38 et venez me dire que vous n'entendez pas du Thrash ici. Ou bien ces soli nerveux, flirtant avec les nerfs de l'auditeur, à mi-chemin entre les digressions d'un Kerry King et la déconstruction sonique d'un Voivod.
Pourtant, si Amebix s'est inspiré de la scène Metal de l'époque, il est indéniable que son esprit, son corps et son âme restent avant tout liés au mouvement Punk, dans son ensemble. On pense alors à Killing Joke, à Crass, à Joy Division et à bien d'autres noms qui ont su emmener ce genre musical vers d'autres rivages. Monolith réussit le pari de conserver ses instincts primaires en y ajoutant une dose de puissance quasi grandiloquente comme sur « I.C.B.M. ». Il n'hésite pas à se munir d'une mélancolie certaine lorsque cela est nécessaire (« Fallen From Grace »), d'un romantisme impossible dans un monde en ruine (« Last Will and Testament »). Il confesse sa peur de mourir dans une guerre thermo-nucléaire et sa rage face à sa propre impuissance.
Monolith c'est tout cela mais c'est surtout un témoignage, celui d'une époque perdue que l'on aurait tort de regretter, encore plus de chercher à copier. Amebix a forgé sa personnalité à la force du poignet, il propose avec ce deuxième album une immersion dans une œuvre musicale bouillonnante, qui fait abstraction des scènes locales et stylistiques pour produire quelque chose d'unique et personnel. Une fusion de Metal et de Punk sale, mettant en avant des ambiances sombres et étouffantes. Le Crust Punk vous dites ? Pourquoi pas Metal Punk ? Ou alors Crust Metal ? Au fond, le plus bel héritage qu'ait laissé Amebix, c'est de se dire qu'on en a rien à foutre.
A écouter : Plus que jamais.
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