De nombreuses œuvres se sont inspirées des Aventures d'Alice Au Pays Des Merveilles depuis sa parution en 1865. Qu'on passe du cinéma à la bande dessinée ou aux jeux-vidéos, on ne compte plus les adaptations du célèbre conte de Lewis Caroll. Même la musique s'en mêle avec des artistes comme Jefferson Airplane, Marilyn Manson, Korn ou Indochine qui se sont intéressés aux péripéties de la jeune Alice égarée dans un monde bizarre et cauchemardesque. Mais lorsque l'héroïne du roman s'échappe dans le pays imaginaire de Peter Pan, que la musique se fait douce et invite à la contemplation, cela donne un projet intitulé Alice In Neverland.

En narrateur de cette histoire, qu'il soit derrière les machines ou à la guitare acoustique, Vincent Fauché est accompagné par la pianiste Laura Nicogossian et du violoncelliste Jérémie Garat pour une œuvre intime et emplie de poésie. C'est donc entre musique électronique, plages ambiantes et mélodies folk que l'on se trouve pour ces douze pistes essentiellement instrumentales pour définir un peu grossièrement les traits. Début invite au songe, au recueillement presque, mais c'est surtout un disque très mélancolique quelles que soit les oscillations que prennent la musique. Le thème de l'enfance y est d'ailleurs fortement implanté comme sur la très jolie balade acoustique Clair Obscur avec sa superbe mélodie un peu guillerette, sa voix qu'on dirait murmurée et le clavecin qui donne l'impression d'être perdu dans une époque lointaine. La délicatesse se déploie sur 2 Sœurs ou sur Belisa uniquement jouées au piano, mais l'on notera aussi avec étonnement certains morceaux aux gammes orientales et des percussions presque tribales comme sur Mosquito ou Observatoire qui rappellent légèrement Dead Can Dance. 

Toutefois, ne vous y trompez pas, si Début est bien emplie d'une pureté et d'une grande beauté, on se rend compte que l'œuvre se révèle bien plus sombre qu'il n'y parait. C'est d'ailleurs le grand intérêt du conte, avoir un double niveau de lecture enfant / adulte qui est très intéressant et cela se retrouve aussi sur le projet Alice In Neverland. Derrière l'œuvre en apparence mélodique et un peu naïve se cache des recoins inquiétants, des zones d'ombres. C'est dès Prélude que l'on est attiré dans cet univers gentiment inquiétant avec ce piano à l'air quelque peu dérangeant. Le ton se fait aussi plus grave sur Au Bout Du Fil, empreint d'une grande tristesse ou sur les débuts Shadow où les ombres ne tardent pas à se dissiper. A ce compte là, un des morceaux qui me semble le plus réussi est Zazen ou se mêle dissonance et chant hanté.

Il est utile de préciser que Début est un album homogène qui s'écoute d'une seule traite, une peu comme une histoire que l'on suit dans l'ordre, il est difficile d'en extraire un titre plutôt qu'un autre et il convient de se laisser porter tout du long du voyage dessiné par le trio. Il est tout de même un peu dommage que ne surviennent pas quelques sursauts ou grandes envolées qui viendraient nous surprendre à l'écoute sur ce premier album. L'ensemble est très doux, mais on aurait peut-être aimé quelques éclats qui nous sortent de notre torpeur. Mais ne boudons pas notre plaisir car Alice In Neverland c'est trois excellents musiciens qui proposent une musique attendrissante et enchanteresse. Avant tout axé sur des ambiances oniriques réussies, Début est un bel album, subtil et raffiné qu'il convient d'écouter posé, tout simplement.