Alice In Chains

Grunge

États-Unis

Dirt

1992

Chronique

par Mikki Fajito

REQUIEM FOR A DREAM

Le 5 avril 2002, disparaissait Layne Staley, chanteur d’Alice In Chains, d’une overdose vraisemblablement intentionnelle. En réécoutant Dirt, qui est peut-être l’album le plus fascinant du groupe, tout semble évident. Fuite, impossibilité d’être et de naître, mort : avec son rock sombre et décadent, le quartet de Seattle renouait avec des thèmes chers aux Romantiques.

« [La vie est] un incessant processus purgatorial : ni récompense ni châtiment, rien qu’une série de stimulants qui permettent au chaton de s’attraper la queue. »
Samuel Beckett
 
« La vérité, c’est une agonie qui n’en finit pas. La vérité de ce monde c’est la mort. »
Louis-Ferdinand Céline

Depuis Joy Division et The Cure, on sait que les chants les plus désespérés sont parfois les plus captivants. La scène dite grunge fut peut-être le dernier sursaut collectif de l’esprit rock originel en tant qu’expression du malaise adolescent, mais poussée jusqu’à la conscience de l’Absurde et de la vanité de toute révolte et, en définitive, de la vie elle-même. Alice In Chains, dont la musique exsudait mélancolie et désespoir, fut certainement l’une des formations les plus fascinantes de cette scène et, a fortiori, de l’histoire du rock.

Qualifié de « Joy Division metal » par certains journalistes, AIC partageait avec le combo mancunien un son froid, oppressant et angoissant, dépeignant un univers lugubre et désolé — et pour tout dire : morbide. Ses compositions étaient marquées par une intensité tragique rare, qui place ce groupe aux côtés des Nirvana, Cure, Joy Division, Tool ou Radiohead dans le Panthéon du rock.

Après Facelift (1990), premier album dans lequel le groupe jouait un rock tourmenté, où affleuraient tour à tour révolte et mélancolie, la dope fait son entrée dans la danse. Elle marquera de sa morbide empreinte la musique du quartet. Et mènera lentement le groupe à sa perte [1]. Aussi, il n’est pas surprenant que la drogue soit au cœur du second album.

Vertige romantique

C’est avec Dirt (1992), que le nom du groupe prend toute sa signification : Alice, comme l’héroïne de Lewis Carroll, symbole de l’enfance. Dans le conte, Alice évolue dans un monde imaginaire, enchanté : celui du rêve ; elle ignore encore le monde des adultes. Dans le cas du groupe, il y a une conscience exacerbée du monde adulte, un monde refusé. Aussi, musique et paroles traduisent une fuite, une élévation hors de ce monde écrasant, non dans le rêve mais dans la dope (« God name is smack for some », God Smack).

Alice In Chains, c’est le rêve, l’enfance et la vie enchaînés. C’est le désespoir face à l’Absurde. Le désespoir ou la double fascination pour la mort et la naissance. Une indécision entre un profond désir de vivre, dans l’exaltation et l’ivresse — de la drogue ou de l’amour — et un refus de vivre dans la laideur fade et insensée de ce monde. Dans les paroles, à plusieurs reprises se confondent mort et naissance : « Some say we’re born into the grave » (Them Bones), « Bury me softly in this womb » (Down In A Hole). Il y a la pesanteur écrasante d’un Beckett et l’inextricable d’un Céline dans le metal d’AIC. Alors que la section rythmique est écrasante, étouffante, la guitare de Cantrell esquisse, par ses riffs lyriques, une quête d’élévation, de naissance. Mais toujours, les chaînes subsistent — la conscience de sa propre mort (« What’s the difference ? I’ll die in this sick world of mine », Sickman). Et, seul se profile l’échec de toute tentative d’élévation (« I’d like to fly, but my wings have been so denied », Down In A Hole). Ce même désespérant vertige hantait déjà les Romantiques, qui eut raison de Nerval.

Un combat contre l’idée de sa propre mort

La pochette de l’album est éloquente, qui résume la musique du groupe. Un corps d’adolescente (est-ce Alice ; est-elle vivante, morte ou défoncée ?), fantomatique, happé par le sol du désert. Une atmosphère délétère émane de cette photo, exsudant morbidité, isolement et solitude. On ne sait trop s’il s’agit de naissance ou de mort. Car peut-être est-ce le retour à la  terre-matrice (« Bury me softly in this womb », Down In A Hole), une régression vers l’enfance, vers la naissance, vers le non-être. Comme l’évoque la couverture de l’album, le son Alice In Chains a quelque chose d’un enfoncement, d’un marécage : toute fuite est vouée à l’échec (« Seems every path leads me to nowhere », Rooster). Car comme chez les héros du film de Darren Aronofsky, Requiem for a dream [2], au bout de la défonce, de ses mirages, de cette enfance que l’on croit retrouvée, ne subsistent que l’enfance et le corps saccagés, enchaînés. Et la mort.

À la chanter avec tant de persistance, Layne Staley cherchait-il à apprivoiser l’idée de sa propre mort ? Rien n’est sûr. Reste que la vie de Layne Staley, à laquelle la musique de Alice In Chains fut un écho évident, apparaît comme un combat contre la mort, contre l’oubli, contre l’Absurde.

Dirt, et plus généralement, l’œuvre de Alice In Chains sont d’une beauté envoûtante ; c’est un chant funèbre, un requiem à l’enfance. Un requiem pour un rêve de poésie et d’innocence.

18

[1] Du fait des probl

Les critiques des lecteurs

Moyenne 18.25
Avis 32
Necromerguez September 29, 2022 09:00
Pour les 30 ans de cette tuerie, il fallait bien que je lui donne sa note. Etant un de mes albums préférés.



Et toujours rien à dire, cet album pur chef-d'œuvre qui continue de me marquer après plus de 8 ans.
20 / 20
Moi-Même March 9, 2020 08:09
Leur meilleur album(Avec Facelift,le premier LP):

Them Bones(la meilleure chanson

Iron Gland(l'interlude)

Would?

Dam That River

Angry Chair

dommage que Down In A Hole soit A GERBER

EDIT:J'ai réecouté, DIAH est pas si mal.

C'est surtout sa version Unplugged avec laquelle j'ai du mal.
20 / 20
Jean-Renard August 26, 2019 16:24
Un des albums de mon adolescence. Peu de choses à redire !
18 / 20
pierrock December 23, 2016 00:00
Meilleur album d'Alice In Chains, et certainement l'un des meilleur album de tous les temps de part la puissance émotionnel que celui ci dégage et de ses mélodie devenues cultes.

Seul petit bémol : un début quasi parfait puis un léger relâchement vers la fin avec des musiques moins entrainantes mais cependant dans une sonorité propre au groupe

A écouter à tout prix : Down In A Hole et Rooster, titres qui nous prennent aux tripes grâce à musicalité poignante et une voix puissante et profonde

Pas étonnant qu'avec un album pareil ils soient classés dans le Big Four of Seattle
19 / 20
Cyprien November 4, 2016 22:07
Un album dont l'écoute ne laisse vraiment pas indifférent. Le chef d'oeuvre du grunge. Le style est unique, une mélodie qui donne envie de mourir avec des thèmes passant par la drogue, la mort, le suicide, la dépression. Nous sommes bien avec un groupe de GRUNGE il n'y a pas de doutes. Chaque titres est un voyage différent et c'est ce genre de chose que j'aime le plus dans un album ! Les voix sont psychédéliques et les guitares envoûtantes, la basse très entraînante... Ya pas à dire nous tenons entre nos mains un album de qualité. Sinon je suis le seul à trouver que Load et ReLoad de Metallica ont quelques sonorités ressemblantes à cet album ?



Mes titres favoris : Rooster, Dirt, Would?
20 / 20
MegaMotörFlames May 28, 2014 14:36
Le chef d'oeuvre du grunge. Je vous aime les gars. Rock rocks.
20 / 20
nola29 March 27, 2013 17:21
La classe au dessus tout simplement!! De tous les groupes sortis a Seattle (si il ya bien 1 appellation que je déteste, c'est bien celle de " grunge"… sérieusement, c'est quoi exactement? A part les jeans troués et la provenance géographique, ou est la ressemblance entre Nirvana, Soundgarden, Pearl Jam et Alice in Chains? L'un est heavy et fan de Metallica, l'autre est punk rock et fan des Pixies, etc... Une étiquette parmi tant d'autres!!) je pense que c'est Alice in Chains qui c'est le mieux distingués de part sa richesse musicale (attention…en aucun cas, je dénigre les autres dinosaures de cette belle époque), sa déprime contagieuse, une très belle voix (il nous manque ce p’tit con!!!), des riffs entêtants, bref!!! Un des rares albums de SEATTLE que je réécoute non pas avec plaisir mais avec passion!!!!!!
19 / 20
MIDI24 February 28, 2012 01:49
De tous les groupes grungy, Alice In Chains sont mes préférés ! Je ne pourrais en revanche pas dire qu'elle est leur meilleur album tant ils sont tous très différents les uns aux autres. Dirt, lui est le seul véritablement grunge (les autres étant soit assez heavy). Sortie 10 jours plus tard après ma naissance (décidément, qu'elle bon cru cette année là ^^), c'est album est un véritable trip, les morceaux sont sombres mais très envoûtants, et cette voix ! Si torturé, entre le grognement et le cri, qui comme dirait n@no pourrais être celle d'un blue man. Jerry Cantrell lui, opte pour une voix plus claire, ce qui crée un duo unique et magnifique.

En bref, Dirt est le premier d'une longue série de grand albums d' AIC. (le premier étant qu'a moitié bon pour moi)
18 / 20
mattback23 July 1, 2011 15:16
Le meilleur d'Alice in chains. Une pure merveille.

Rien à jeter dans cet album. Mes préférées sont Rooster, Junkhead, Down in a hole, Dam that river et Would.

Dans mon top 10 de mes albums préférés.
18 / 20
n@no March 4, 2011 11:48
Cet album est un trip, aussi bien pour ceux qui l'écoutent que pour ceux qui l'ont créé. Ici le grunge n'est pas que synonyme d'efficacité (hein, Nirvana!). Il cherche à nous attirer par la surenchère d'éléments caractéristiques du rock sombre des années 90, à commencer par la voix de layne staley: puissante, âpre, éraillée. On croirait entendre un bluesman qui chante du metal. Imposant, le gaillard amplifie sa voix, la multiplie pour en faire des choeurs désenchantés, et finit par créer une longue complainte mélodique, malsaine, éprouvante. Le rythme est tour à tour lancinant et affolant, il nous assène des riffs implacables("god smack") ou monte en puissance("angry chair", "rain when I die")pour mieux redescendre l'instant d'après. La chanson éponyme est d'une puissance magistrale: un souffle épique la traverse et quand layne chantonne le riff obsédant au début, d'une voix nasillarde, on en est convaincu: le bougre nous nargue du haut de son micro... Parmi ce déchainement de guitares saturées se trouvent deux ilôts de calme et de lumière: J'ai nommé "rooster" et "down in a hole", presque douces, qui se déploient progressivement dans cette noirceur poisseuse que le disque a mis sur pied. Il se finit sur une chanson au groove discret et efficace, "would". Avec cet album, Alice in chains nous lacère puis nous laisse sur le bas-côté d'une autoroute peu fréquentée... "If I would could you?"
17 / 20
Abracadabra January 20, 2011 20:58
Bah, que dire sinon que c'est du même acabit que l'album éponyme (quoique que moins sombre) , c.à.d un monument. A noter une pochette fascinante.
19 / 20
chris17 December 8, 2009 20:14
Enorme tout simplement. Atemporel. Mélodieu et à la fois plein de punch. Un ambiance unique.
19 / 20
Son of a Gun September 19, 2009 09:33
Que des hits ! Un monument du grunge !
17 / 20
Sugarbread August 28, 2009 08:58
Cet album est le grunge dans toute sa splendeur ... absolument indispensable !
20 / 20
romu_star July 25, 2009 17:13
Le meilleur d'AIC. Un de mes disques cultes.

Les meilleurs titres : JUNKHEAD (25/20),Rain when I Die,Would, Them bones .... et puis le reste
19 / 20
agarock October 2, 2008 09:51
L'album de la légende !!! celle d'un groupe légendaire ALICE IN CHAINS ! après un premier album fabuleux et déjà très sombre mais comprenant des titres plus abordables et plus classiques, cet album arrive et déchire tout : une lourdeur, une noirceur incroyable ! une ambiance à se foutre en l'air tout simplement, tellement pesant que l'on est transporté dans un monde, très humain, mais où l'on ne ressent que douleur et souffrance ! la qualité de cet album nous transforme pendant son écoute et nous fait entrer dans un tunnel sombre et interminable dans lequel la mort est omniprésente. Seul les deux derniers titres sont suceptibles de nous permettre de retrouver la lumière du jour : down in a hole et would ! merci pour le chef d'oeuvre !!!
17 / 20
hed_webloza March 18, 2008 11:17
Après avoir (tres) longtemps ecouté l'album eponyme, je me suis enfin penché sur cet album. Honnetement la premiere chose qui me vient à l'esprit c'est le mot "deception".

Cet album est tres loin d'egaler le niveau de l'album eponyme, il est bourré de clichés grunge et les chansons sont assez inegales, tant au niveau des compos que de la qualité de ces dernieres. Un album qui vieilli mal.

Ceci dit, on y trouve quand meme de bons titres.
13 / 20
letatar July 7, 2007 18:14
Chaque titre peut être considéré comme un classique des 90's et le tout renferme une atmosphère dépressive extraordinaire. Le fait d'écouter leur musique connaissant la triste fin du groupe ne fait que transcender la douleur ressentie.

Une des pièces constituant la légende d'AIC.
19 / 20
kulte2.2 April 4, 2007 14:25
Du trés bon Alice in chains avec une ambiance parfois reposante dans certains morceaux comme "hangry chair"
18 / 20
Julio75 January 21, 2007 19:43
Excellent, Down in a Hole à une bonne place dans mon MP3 :)
18 / 20
PAPIC68 October 8, 2006 07:53
tout est là, puissance, mélodie, ambiance noire, et ce chant.... tout simplement culte ! Par contre je ne trouve pas du tout de rapport avec le grunge ! rien a voir pour moi !
20 / 20
tutul September 28, 2006 23:50
Abum Géantissime!! Dirt est un album Parfait. Pour le Meilleur groupe (avec Nirvana) que le Mouvement grunge ait connu....



DOWN IN A HOLE est un Bijou...
19 / 20
brianm August 30, 2006 14:52
Enormissime, un des skeuds les plus bourrés en émotion que j'connaisse. Le titre éponyme reste mon préféré, du grunge à la sauce quasi doomesque!



Je le trouve toutefois légèrement en dessous de l'album éponyme.
18 / 20
aister July 22, 2006 03:06
D habitude j aime pas trop le grunge... mais j ai collé cet album surtout pour les paroles

ma préférée: Down In A Hole
18 / 20
Th3_P!T April 1, 2006 12:17
Un album enorme pour un groupe enorme...

Un indispensable pour tout les amateurs de ce qui se faisait de mieux dans l'alternatif metal des années 90's

Rip layne
19 / 20
sound_machine March 28, 2006 11:58
L'album que j'écoute en général en période de déprime, ben ça aide pas les choses! mais comment passer à coté d'un tel chef d'oeuvre d'émotion!
18 / 20
MonNombrilRegitLeMonde March 22, 2006 19:20
Je suis sorti sale de cet album. Une reussite étourdissante.
19 / 20
voidy4 January 5, 2006 17:29
moi, perso, je m'identifie beaucoup à l'esprit d'aic, pour moi, c'est un album de maturité pour le groupe,c'est un album qui parle beaucoup du désepoir, de la frustration, du mal-etre, du mépris de la vie et de la fascination pour la mort, Layne a fait preuve d'une sagesse,d'une non-chalance, d'une force et d'une brutalité extreme à travers une voix émouvante et sincère. et les textes comme cela a été signalé sont d'une grande importance " hate to feel", rien que lire les 2 vers du refrain " i can see yeah yeah, wish i couldn't see at all, i could feel wish i couldn't feel at all, hate to see, hate to feel" nous donne du froid dans le dos, c'est immense l'univers Alice in chains et ca exprime bien ce que certains qui ressentent le meme sentiment n'arrivent pas à exprimer.
10 / 20
eezewean October 31, 2005 00:30
Quel album !

Ce qui est bon chez AIC, c'est qu'on ne s'en lasse jamais.

Un album avec un bon son, des chansons vraiment bien ficelées, tantôt pêchues, tantôt plus calmes, mais toujours avec autant d'intensité dans l'émotion, dans les textes et la voix divine de Layne Staley, bien appuyée par un Jerry Cantrell de plus en plus présent vocalement, ce qui se confirmera sur l'album suivant.
19 / 20
arnofo May 26, 2005 13:22
ah lala merci a Alice in Chains d'avoir sorti cet album !!!

certe, c'est un album sombre et noir, qui ne respire pas la joie de vivre, mais il y a tant d'intensité émotionnelle dans les chansons...

dam that river, rain when i die, junkhead, down in a hole, would, dirt...vraiment du très très bon rock.
17 / 20