Alchemist
Avant-Garde Metal

Austral Alien
1 - First Contact 2 - Great Southern Wasteland 3 - Solarburn 4 - Alpha Cappella Nova Vega 5 - Older Than The Ancients 6 - Backward Journey 7 - Nature Of A Leash 8 - Grief Barrier 9 - Epsilon 10 - Speed Of Life 11 - Letter To The Future
Chronique
En 2003 Alchemist sort le plus "australien" de ses disques: Austral Alien. Le plus... et le moins à la fois. Encore une fois ça commence bien. Une contradiction étrange mais pas si folle quand on y regarde de plus près. Car comme pour tout autre album du groupe, s'arrêter au stade de l'écoute est ici encore insuffisant. Trois ans après avoir généralisé son propos et s'être affranchi d'à peu près tout pour définitivement s'inventer, la formation se penche sur la question Australienne. C'est ainsi qu'Austral Alien voit le jour.
Et pourtant jamais Alchemist n'aura été plus universel. Universel car sous la métaphore australienne se cache une vérité bien plus large. Universel car Alchemist, une fois encore, se fait plus accessible. Plus aventureux... et direct aussi. Rien n'est jamais figé avec la formation de Canberra.
First contact donne le ton. Plus rude, voire clairement inquisiteur dans le propos , plus aérien dans les sonorités. L'écologie Australienne, fragile île-continent, est clairement au premier plan, l'homme (blanc), l'Austral Alien, est désigné comme responsable de sa déterioration ("Seeking out a new world, exploit it as our own [...] You take without asking, you take without reason or consequence") et l'héritage laissé est la ligne d'horizon désertique vers laquelle avance cette sortie. Malgré cela Austral Alien est le disque le plus léger d'Alchemist. Toujours très riche et puissant, le son se fait plus clair, plus dégagé. Sans le dénaturer, Alchemist explore son univers sonore, l'affine et surprend (l'incantatoire et planant Solarburn, Alpha capella nova vega).
Mélodies de guitare orientalisantes, didgeridoo (toujours, ici sur Great southern wasteland), rythmiques et breaks assagis, vocaux moins lunatiques dans leur expression, nappes de synthé adoucies... Austral Alien enveloppe l'auditeur, monte toujours plus haut mais n'oublie ni d'être en accord avec l'inspiration qui le mène, ni ses origines. C'est un disque extrêmement percutant que nous présente ici Alchemist. Un album doublement marquant: par son orientation inédite - même pour du Alchemist - et par sa capacité à bousculer sans rien casser, à remuer profondément sans en donner l'impression (le final surpuissant de Backward journey). Une fausse mer d'huile qui, sous une surface placide, bouillonne. Un peu à la manière de certains groupes du début des années 80, en apparente rupture avec la dureté du punk sans en perdre l'essence et l'énergie dévastatrice ou qui auront remplacé hargne bouillonante par froideur mécanique.
On pense alors bien sur à la Grande Bretagne et au révérend Coleman. On retrouve d'ailleurs de nouveau Killing Joke sur cet album comme une influence lointaine mais évidente sur des titres comme l'intelligente Grief bareer ou les rythmiques d'Epsilon et, plus globalement, dans la voix d'Adam Agius (Speed of life) même si la diction tend à s'en éloigner un peu plus que sur Organasm. On a déjà vu plus australien en effet mais là est le grand tour de force d'Austral Alien: alors qu'Alchemist décrit le désastre quotidien de sa nation et envisage le prochain épisode avec dramatisme (sur Letter to the future: "I wish I could help but I don't know what to do, with good intentions I am the problem too"), cette cinquième sortie, par son aura et un feeling mi-old school, mi-visionnaire en opposition avec une esthétique moderne typique du groupe frappe beaucoup plus large. La qualité d'écriture et de composition des australiens leur permet de dénoncer avec force sans virer au prosélytisme et surtout en conservant un intérêt musical intact.
En 2003 Alchemist confirme encore et toujours. Les années Spiritech et Lunasphere sont bien derrière. Les australiens se sont arrachés à l'attraction terrestre et s'en sont rapproché à la fois, comme si l'éloignement puis le retour permettaient de mieux appréhender, de mieux comprendre. Plus vaporeux et plus concret à la fois. Contradictoire mais loin d'être fou.
Tout en gardant des bases similaires à son prédécesseur, cet album présente des différences notables. Sur ce disque les titres ont quasiment tous le même format et une faible durée. Et malgré un chant et une musique souvent aériens, cela donne un ensemble moins riche et prenant. De plus 2-3 morceaux me semblent en deça des autres, d'où une petite déception.
On reste quand même en présence d'une musique originale et attractive, qui personnellement me transporte au milieu d'un vaste désert australien, par une nuit de pleine lune, le regard perdu dans les étoiles.