Alchemist
Avant-Garde Metal

Organasm
Chronique
Alchemist, quatrième acte. Les australiens se sont désormais bien affranchis de leurs racines Death déjà rongées depuis les débuts par un mal étrange. Le copieux Spiritech a brouillé les pistes et le quintet est dans l'obligation de faire un choix: continuer de se développer vers le Metal moderne, aventureux et tentaculaire qui leur semble promis ou ralentir net le rythme pour approfondir. Organasm amène rapidement une réponse quand à la décision prise. Alchemist fera les deux à la fois, continuant de creuser fond et forme dans toutes les directions.
Cet album est celui qui fait passer le groupe dans une autre dimension. Celle de la maturité et de la sagesse. Dès lors Alchemist devient irrattrapable. Personne ne les fera descendre de leur méga-trip de toute la décennie à venir.
Entièrement construit autour de la thématique de l'évolution (de l'espèce, de l'humain), Organasm se veut aussi abordable en apparence que complexe en profondeur, la faute à un concept développé à tous les niveaux. Textes, les trois parties de l'Evolution trilogy (explicite), des titres régulièrement découpés en plusieurs mouvements, une progression des sonorités sur l'ensemble de l'album répondent tous à cette même logique. Derrière une apparence monolithique Alchemist développe une véritable richesse dans l'inspiration et une façon de sonner unique au service de son concept.
Le groupe, en trois temps, introduit son propos (Austral spectrum), résume les épisodes précédents (Evolution Trilogy), fait le point sur l'Homme et ce qu'il est (Single sided, Surreality). Lorsqu'Alchemist fait l'inventaire au tournant du millénaire celui-ci est amère. Le ton d'Adam Agius n'a jamais été si grave et solennel, presque Killing Joke-ien. L'Homme (s')est perdu. Puis, enfin, les australiens rêvent. Oui, ils rêvent. Alchemist, sans complaisance ni condescendance, aspire à l'élévation de (New begining, Tide in mind out) et au salut (Eclectic, Escape from the black hole) de l'espèce humaine.
L'album entier monte en pic depuis les origines, armé de rythmiques tribales (Austral Spectrum qui convoque aussi un didgeridoo) jusqu'à Single sided, plaque tournante d'Organasm, avant de suspendre un temps sa fuite puis de redescendre. Apaisé et plus atmosphérique que jamais (Eclectic et son embrasement final cosmico-orientalisant), comme rasséréné à l'idée que la suite reste à écrire.
Organasm est un disque grandiloquent, épique, puissant, atmosphérique et organique, sorti de nulle part si ce n'est de l'imagination et des convictions d'un groupe un peu perché, aussi solidement ancré dans le paysage des musiques extrêmes que totalement à part. Un album en rupture avec la norme, un album "hors norme" et peut être un peu étourdissant au premier abord, auquel il faut laisser le temps de se développer. Du metal pour nerd, évolutif, halluciné et néanmoins bien plus rattaché à la réalité qu'il n'y parait. Alchemist embrasse musicalement hier, aujourd'hui et demain, sur de sa direction et de ses convictions, fort d'un lineup inamovible depuis près de dix ans qui lui permet de prendre la hauteur nécessaire à la pleine expression de sa créativité.
La grandeur ne se juge pas toujours à la lumière de la renommée, la productivité, au déballage technique ou au look. Alchemist a peut être des clips moches mais était surtout là bien avant beaucoup d'autres et, dix ans après cette sortie, continue d'ailleurs à produire des œuvres d'une qualité peu commune en termes d'inspiration, d'innovation et de sincérité sans jamais tomber dans la redite. Alchemist est unique et Organasm, replacé dans son contexte, une de ses plus grandes réussites.
Très bonne chronique Craipo, quasiment rien à rajouter dans la mesure où je perçois les choses de la même façon. Au-delà des textes, un son et des atmosphères uniques évoquant l'évolution de l'espèce humaine, la nature, le cosmos mais également les vieilles ethnies australiennes. De la belle ouvrage que voilà, bien maîtrisée par des musiciens inspirés. A ce titre je trouve que la production ne rend pas complètement justice au jeu du batteur, surtout le son des toms qui me paraît bien faiblard. Un groupe à découvrir quoi qu'il en soit.