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Biographie
Adam Agius: chant, guitare Rodney Holder: batterie John Bray: basse Roy Torkington: guitare Nick Wall: samples live
Bien que formés en 1987, on entend assez peu parler des australiens d'Alchemist. Le groupe connait pourtant depuis ses débuts une stabilité remarquable dont peu peuvent se targuer. Avec un lineup totalement stabilisé depuis 1992 le groupe n'a cessé de développer un univers musical très personnel et totalement atypique alliant conscience écolo, trips cosmiques et réflexion sur l'être humain au long de ses passages en studio. A la marge des canons du metal et sans grand tappage, les australiens continuent cependant de gagner des auditeurs au fil du temps. On les a récemment retrouvés en soutien de Meshuggah lors de leur passage en Australie ou encore lors de l'édition 2008 du Hellfest. Alors que le groupe bossent sur un EP, lors de l'année 2010 les membres annoncent mettre Alchemist en Hiatus pour une durée indéterminée.
C'est désormais clair, il y a les autres groupes... et il y a Alchemist. Quelque soit le sens du vent les quatre (cinq) australiens restent droits dans leurs bottes, comme hermétiques aux tendances, à produire leur art hybride. Qu'il soit musical ou graphique (les visuels des albums sont de leur fait), rien n'y change. Alchemist ne peut plus rater la marche du "Next big thing" car Alchemist est hors catégorie comme décrit précédemment. Prog, psychédélique, atmosphérique, puissant, contemporain des premières échappées du Death Metal vers d'autres contrées, de la rencontre du Metal et de l'Indus, descendant de la froideur gothique et de l'incandescence Post Punk sans vraiment y toucher. Voilà ce qu'est Alchemist: à part.
En 2007, Tripsis débarque comme l'album le plus violent des australiens depuis 10 ans. Là où Austral Alien avait presque érigé le combo au rang de maitre zen, le petit dernier rue sans vergogne dans les brancards sur le fond et la forme malgré un démarrage en trompe l'œil regorgeant de ces effets alternant le chaud et le froid qui font depuis une dizaine d'années toute la force du son d'Alchemist. La forme: Tripsis se révèle très vite d'une puissance dévastatrice beaucoup moins contemplative que par le passé. L'expérience ne fait pas toujours l'accalmie. L'attaque est sonore est frontale tout autant dans les sonorités que dans le texte - le fond. Sur Tongues and knives: "Lick tongues and licking knives / All your words are lies / You preach vast imagination / Fool yourself into hypnotisation" est on ne peut plus explicite. Nothing in no time ne vient d'ailleurs nullement tempérer ce sentiment d'avoir à faire à un groupe remonté. Alchemist cogne du point sur la table, alourdit de nouveau ses sonorités, recolle les deux pans de son identité et gronde. Le groupe cesse en 2007 de cultiver sa dichotomie et rappelle sa force de frappe musicale partie s'aventurer sur des terrains moins plombés depuis deux albums en renfort d'un propos qui, lui, n'a cessé de se faire plus accusateur. Rodney Holder revient en force, se fait remarquer et offre un numéro de cogneur magistral, le riffing, toujours reconnaissable entre mille se fait moins aérien et enchevêtré (tout est relatif ceci dit). La pression est cette fois constante, le propos plus concret et le ton urgent (Anticipation of a high). En ressortent des titres froids, sans effets de manche, martelés, déshumanisés (God shaped hole, Grasp at air à peine sauvé par son final vaporeux mais glacé) et de ce fait en contradiction avec l'aspect très organique que le groupe avait toujours insufflé à son édifice musical halluciné. L'effacement de l'individu évoqué tout au long des 42 minutes de Tripsis trouve sa traduction dans un album homogène, monolithique fait de rythmique et de murs sonores. L'entité Alchemist, musicalement plus percutante que jamais, s'éclipse au final derrière sa création, se fait quasi fantomatique (Substance of shadow) et continue de cultiver son étrangeté. Alchemist est entièrement maitre d'un univers sonore qu'il plie à sa volonté, selon ses inspirations, aspirations et besoins: le sien. On ne peut plus pertinent.
Le troisième épisode de la seconde ère d'Alchemist vient compléter le podium sur le fil dans un style bien particulier tout en puissance. Indéniablement issu de la même école que ses deux prédécesseurs, cet album développe pourtant un concept et une ambiance qui lui sont propres, faits de nuances et d'ajustements. Une fois encore. Bienheureux qui arrivera à véritablement départager ces trois pavés sur un critère objectif. Au sortir de leur sixième album, les australiens se retrouvent de nouveau à un tournant de leur carrière. Reste à voir si la prochaine décennie sera à nouveau celle de l'évolution ou celle de la confirmation. Seule certitude: Alchemist sera attendu. A juste titre.
A écouter : Enchainé à ses grands frères.
En 2003 Alchemist sort le plus "australien" de ses disques: Austral Alien. Le plus... et le moins à la fois. Encore une fois ça commence bien. Une contradiction étrange mais pas si folle quand on y regarde de plus près. Car comme pour tout autre album du groupe, s'arrêter au stade de l'écoute est ici encore insuffisant. Trois ans après avoir généralisé son propos et s'être affranchi d'à peu près tout pour définitivement s'inventer, la formation se penche sur la question Australienne. C'est ainsi qu'Austral Alien voit le jour.
Et pourtant jamais Alchemist n'aura été plus universel. Universel car sous la métaphore australienne se cache une vérité bien plus large. Universel car Alchemist, une fois encore, se fait plus accessible. Plus aventureux... et direct aussi. Rien n'est jamais figé avec la formation de Canberra. First contact donne le ton. Plus rude, voire clairement inquisiteur dans le propos , plus aérien dans les sonorités. L'écologie Australienne, fragile île-continent, est clairement au premier plan, l'homme (blanc), l'Austral Alien, est désigné comme responsable de sa déterioration ("Seeking out a new world, exploit it as our own [...] You take without asking, you take without reason or consequence") et l'héritage laissé est la ligne d'horizon désertique vers laquelle avance cette sortie. Malgré cela Austral Alien est le disque le plus léger d'Alchemist. Toujours très riche et puissant, le son se fait plus clair, plus dégagé. Sans le dénaturer, Alchemist explore son univers sonore, l'affine et surprend (l'incantatoire et planant Solarburn, Alpha capella nova vega).
Mélodies de guitare orientalisantes, didgeridoo (toujours, ici sur Great southern wasteland), rythmiques et breaks assagis, vocaux moins lunatiques dans leur expression, nappes de synthé adoucies... Austral Alien enveloppe l'auditeur, monte toujours plus haut mais n'oublie ni d'être en accord avec l'inspiration qui le mène, ni ses origines. C'est un disque extrêmement percutant que nous présente ici Alchemist. Un album doublement marquant: par son orientation inédite - même pour du Alchemist - et par sa capacité à bousculer sans rien casser, à remuer profondément sans en donner l'impression (le final surpuissant de Backward journey). Une fausse mer d'huile qui, sous une surface placide, bouillonne. Un peu à la manière de certains groupes du début des années 80, en apparente rupture avec la dureté du punk sans en perdre l'essence et l'énergie dévastatrice ou qui auront remplacé hargne bouillonante par froideur mécanique. On pense alors bien sur à la Grande Bretagne et au révérend Coleman. On retrouve d'ailleurs de nouveau Killing Joke sur cet album comme une influence lointaine mais évidente sur des titres comme l'intelligente Grief bareer ou les rythmiques d'Epsilon et, plus globalement, dans la voix d'Adam Agius (Speed of life) même si la diction tend à s'en éloigner un peu plus que sur Organasm. On a déjà vu plus australien en effet mais là est le grand tour de force d'Austral Alien: alors qu'Alchemist décrit le désastre quotidien de sa nation et envisage le prochain épisode avec dramatisme (sur Letter to the future: "I wish I could help but I don't know what to do, with good intentions I am the problem too"), cette cinquième sortie, par son aura et un feeling mi-old school, mi-visionnaire en opposition avec une esthétique moderne typique du groupe frappe beaucoup plus large. La qualité d'écriture et de composition des australiens leur permet de dénoncer avec force sans virer au prosélytisme et surtout en conservant un intérêt musical intact.
En 2003 Alchemist confirme encore et toujours. Les années Spiritech et Lunasphere sont bien derrière. Les australiens se sont arrachés à l'attraction terrestre et s'en sont rapproché à la fois, comme si l'éloignement puis le retour permettaient de mieux appréhender, de mieux comprendre. Plus vaporeux et plus concret à la fois. Contradictoire mais loin d'être fou.
A écouter : Autant que le précédent.
Alchemist, quatrième acte. Les australiens se sont désormais bien affranchis de leurs racines Death déjà rongées depuis les débuts par un mal étrange. Le copieux Spiritech a brouillé les pistes et le quintet est dans l'obligation de faire un choix: continuer de se développer vers le Metal moderne, aventureux et tentaculaire qui leur semble promis ou ralentir net le rythme pour approfondir. Organasm amène rapidement une réponse quand à la décision prise. Alchemist fera les deux à la fois, continuant de creuser fond et forme dans toutes les directions.
Cet album est celui qui fait passer le groupe dans une autre dimension. Celle de la maturité et de la sagesse. Dès lors Alchemist devient irrattrapable. Personne ne les fera descendre de leur méga-trip de toute la décennie à venir. Entièrement construit autour de la thématique de l'évolution (de l'espèce, de l'humain), Organasm se veut aussi abordable en apparence que complexe en profondeur, la faute à un concept développé à tous les niveaux. Textes, les trois parties de l'Evolution trilogy (explicite), des titres régulièrement découpés en plusieurs mouvements, une progression des sonorités sur l'ensemble de l'album répondent tous à cette même logique. Derrière une apparence monolithique Alchemist développe une véritable richesse dans l'inspiration et une façon de sonner unique au service de son concept. Le groupe, en trois temps, introduit son propos (Austral spectrum), résume les épisodes précédents (Evolution Trilogy), fait le point sur l'Homme et ce qu'il est (Single sided, Surreality). Lorsqu'Alchemist fait l'inventaire au tournant du millénaire celui-ci est amère. Le ton d'Adam Agius n'a jamais été si grave et solennel, presque Killing Joke-ien. L'Homme (s')est perdu. Puis, enfin, les australiens rêvent. Oui, ils rêvent. Alchemist, sans complaisance ni condescendance, aspire à l'élévation de (New begining, Tide in mind out) et au salut (Eclectic, Escape from the black hole) de l'espèce humaine.
L'album entier monte en pic depuis les origines, armé de rythmiques tribales (Austral Spectrum qui convoque aussi un didgeridoo) jusqu'à Single sided, plaque tournante d'Organasm, avant de suspendre un temps sa fuite puis de redescendre. Apaisé et plus atmosphérique que jamais (Eclectic et son embrasement final cosmico-orientalisant), comme rasséréné à l'idée que la suite reste à écrire.
Organasm est un disque grandiloquent, épique, puissant, atmosphérique et organique, sorti de nulle part si ce n'est de l'imagination et des convictions d'un groupe un peu perché, aussi solidement ancré dans le paysage des musiques extrêmes que totalement à part. Un album en rupture avec la norme, un album "hors norme" et peut être un peu étourdissant au premier abord, auquel il faut laisser le temps de se développer. Du metal pour nerd, évolutif, halluciné et néanmoins bien plus rattaché à la réalité qu'il n'y parait. Alchemist embrasse musicalement hier, aujourd'hui et demain, sur de sa direction et de ses convictions, fort d'un lineup inamovible depuis près de dix ans qui lui permet de prendre la hauteur nécessaire à la pleine expression de sa créativité.
La grandeur ne se juge pas toujours à la lumière de la renommée, la productivité, au déballage technique ou au look. Alchemist a peut être des clips moches mais était surtout là bien avant beaucoup d'autres et, dix ans après cette sortie, continue d'ailleurs à produire des œuvres d'une qualité peu commune en termes d'inspiration, d'innovation et de sincérité sans jamais tomber dans la redite. Alchemist est unique et Organasm, replacé dans son contexte, une de ses plus grandes réussites.
A écouter : Absolument.
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