Au commencement, il y avait Tortoise. Le groupe de Chicago, un beau jour de 94, leva la poussière, dit "que le post-rock soit" et de là naquit Maserati et And So I Watch You From Afar, dans le lointain. Airpeople, 15 plus tard, bénéficia du reste des particules suspendues en l’air.

Tous dans les bulles rythmiques de The Golden City et dans sa déconstruction des structures provient de ses géniteurs. Aphrodite vint au jour, après qu’Ouranos émasculé, vit son membre déchue fécondé la mer dans laquelle il avait échoué. Airpeople doit sa création à pareil processus. Un membre tronqué de Tortoise tombée dans l’océan And So I Watch You From Afar. Du post-rock et du math-rock. Des grandes étendues et du microscopique. De l’élancé et du crispé. Mêlés. Le titre éponyme d’ouverture Golden City parle de lui-même. Sans autre parole que celle des autres instruments, groovy as fuck, progressif dans l’agressivité. Car oui, Airpeople n’est pas smooth/onirique comme le veut la coutume post-rock. Il est de ceux qui bondissent, qui tanguent, qui chavirent. Et chacun des rouages de sa machine le rappelle, que ce soit dans la posture presque métallique de sa basse (Denver), dans l’aigüe acerbe de ses notes (Mombassa), dans le rappel tranchant de ses "thèmes" ou dans la nervosité de son propos non-linéaires ("Le Mans"). De l’écume.

Tantôt froid avec ses vapeurs trip-hop ("San Juan"), tantôt 8 bits avec son clavier aux allures de playschool ("Mombassa"), The Golden City cherche ainsi à ne pas se cantonner à la simple représentation dancing/happiness du math-rock d’école, en dépit de son côté Patterns sans chant et même s’il emprunte bon nombre des codes et autres coups d’éclat classiques (les "wouh", les clap-clap) à Battles, ASIWYA ou Giraffes ? Giraffes ! qui font merveille dans le genre. Probablement en dessous des sus-cités toutefois du fait d’une exploration d’un territoire déjà bien battu en brèche avant lui, Airpeople n’en suit pas moins le tracé avec les honneurs et l’état d’esprit qui sied ; celui qui consiste à trouver une forme de liberté musicale, là où les carcans, les règles académiques et de bienséances sont abolis. Ainsi soit-il.