The Giant est un (très) bon compromis entre les deux albums d'Ahab, davantage inspiré que son prédécesseur. On y trouve encore beaucoup de chant clair, mais pas uniquement et surtout, celui-ci est véritablement habité, que se soit dans les moments de fureur ou ceux plus calmes et désespérés. Ahab réussi également à composer des moments magnifiques avec ces guitares plaintives (Aeons Elapse qui surpasse tous les autres selon moi, ou le déchirant début de The Giant par exemple). Vraiment, c'est un plaisir de retrouver Ahab investi pleinement dans sa musique.
Ahab
Funeral Doom

The Giant
01. Further South
02. Aeons Elapse
03. Deliverance (Shouting At The Dead)
04. Antarctica The Polymorphess
05. Fathoms Deep Below
06. The Giant
07. Time's Like Molten Lead (digipak and vinyl bonus track)
08. Evening Star (vinyl-only bonus track)
Chronique
Troisième album pour les Allemands d’Ahab qui continuent de pousser toujours plus avant leur concept de ‘nautik funeral doom’ au rythme d’une sortie tous les trois ans. Ayant crevé l’écran en 2006 avec leur premier opus The Call of the Wretched Sea basé (attention révélation !) sur Moby Dick de Herman Melville (1851), ils avaient refait surface en 2009 avec The Divinity of Oceans, inspiré du récit du naufrage du baleinier Essex d’Owen Chase (1821), pour un résultat moins convaincant. Ce coup-ci, ils s’attaquent avec The Giant à un autre gros morceau de la littérature de voyage, à savoir Les Aventures d’Arthur Gordon Pym (1838), seul roman achevé d’un certain Edgar Allan Poe.
Si, avec le choix d’une telle œuvre, le groupe semble témoigner de sa fascination pour la terra incognita, musicalement, on reste en sentier balisé : il s’agit toujours d’un funeral doom pachydermique soutenu par des guitares tantôt lancinantes, tantôt écrasantes (Fathoms Deep Below, The Giant), véritable marque de fabrique d’une formation désormais bien installée parmi les grands pontes du genre. On aurait pu s’inquiéter d’une orientation plus stoner en découvrant cet artwork d’un goût plutôt douteux, mais il n’en est rien. Si le rythme est peut-être légèrement plus enlevé qu’auparavant, le disque est globalement aussi lent qu’une traversée sans vent, même ses des bourrasques apparaissent parfois subitement (The Giant).
On note pourtant des innovations, et notamment concernant le chant ; si The Call of the Wretched Sea n’était que growl monolithique tandis que The Divinity of Oceans faisait la part belle au chant clair, Ahab a cette fois opté pour plus de variété. Ainsi, non seulement growl et chant clair alternent-ils régulièrement (Aeons Elapse), un certain nombre de variations apparaissent, telles les murmures en ouverture de Fathoms Deep Below ou l’apparition de chœurs qui ponctuent ce magnifique morceau qu’est Antarctica (The Polymorphess), ou le final grandiose incarné par The Giant*. Cette plus grande variété vocale est à saluer, car les compositions en semblent plus aérées et se différencient d’autant mieux les unes des autres. En cela, ce disque est peut-être légèrement plus accessible que ses grands prédécesseurs.
Mais attention, si l’ensemble est peut-être moins écrasant qu’auparavant, il n’en a rien perdu en ambiance ; Ahab prouve encore une fois son talent pour maintenir une véritable atmosphère tout au long de ses albums, en l’occurrence celle d’une étrange et inquiétante traversée, semée d’embûches, où la folie n’est jamais très loin… soit exactement le sujet du récit sur lequel est basé l’album. Daniel Droste est d’ailleurs parfait dans son rôle de narrateur : son magnifique chant clair, empli de crainte et de désespoir, jamais loin de la rupture, et en cela très émouvant, évoque aisément Pym condamné à voyager toujours plus loin, sans savoir vers quelle destination (Further South).
Cependant, le véritable tour de force de ce disque se trouve dans l’utilisation des guitares ; hypnotiques à souhait, elles tissent ce sentiment d’angoisse diffus qui pourrait être celui d’un équipage embarqué vers une destination inconnue (le break de Fathoms Deep Below, Deliverance (Shouting at the Dead)). Elles savent également se faire ravageuses comme sur Antarctica par exemple, ou sublimes de clarté quand, quasi systématiquement en fin de morceau, elles finissent par supplanter le chant en des montées en puissance terribles qui évoquent peut-être davantage que de simples paroles.
Ainsi, avec un The Giant plein de maitrise, Ahab continue son exploration de la littérature de voyage, en descendant toujours plus au sud. A ce rythme là, il ne serait pas étonnant de voir le groupe travailler sur Le sphinx des glaces (1897) de Jules Verne, ou, osons l'espérer, sur Les montagnes hallucinées (1931) de Howard Lovecraft... Quoi qu'il en soit, Ahab en profite pour rappeller à tous qu’il est ce groupe intelligent, ambitieux et innovant, et que son précédent effort n’était peut-être qu’une simple erreur de compas. A coup sûr une des sorties de l’année dans le genre. Et dire qu’un nouvel Evoken a débarqué cet été…
* La version LP de l’album comporte deux titres bonus, Times like
Molten Lead et Evening Star, qui n’apportent pas grand-chose et dénotent
même quelque peu car ils semblent tout droits sortis du premier album.
The Giant est en écoute ici.
Les critiques des lecteurs
The Giant est un (très) bon compromis entre les deux albums d'Ahab, davantage inspiré que son prédécesseur. On y trouve encore beaucoup de chant clair, mais pas uniquement et surtout, celui-ci est véritablement habité, que se soit dans les moments de fureur ou ceux plus calmes et désespérés. Ahab réussi également à composer des moments magnifiques avec ces guitares plaintives (Aeons Elapse qui surpasse tous les autres selon moi, ou le déchirant début de The Giant par exemple). Vraiment, c'est un plaisir de retrouver Ahab investi pleinement dans sa musique.
Moi qui avait été rebuté par le manque de variété de "The Call Of The Wretched Sea", ici je me trouve admiratif des belles ambiances progressives et évocatrices initiées par un chant clair sublime et un son globalement moins lourd et moins monotone malgré sa lenteur.