Fatalitas. Comme s'il n'y avait plus rien de bon à tirer de ce qui nous entoure. Comme s'il n'y avait jamais eu rien de bon à tirer, d'ailleurs. "For a long time now we've been building their own fucking dreams with the illusion this is ours, I can't say if we are victims or just cowards". Réaliste. Froid. Comme la musique d'Aguirre. Avec Calvaire, les bordelais avaient ramassé tous les os sur lesquels ne persistait aucune bribe de chair et de vie pour en faire un tas. Avec Fatalitas la curée se poursuit. Même plus une plainte. Le constat d'un avenir barré par le désespoir. "Rien à carrer, rien à attendre, rien à demander, rien à devoir". Aguirre l'a bien compris. Comme un barrage qui ne retient plus rien "Bastards" se dresse au-devant d'un océan de sable, de sècheresse.
Un côté simple - peut-être pas toujours inspiré - juste pour marquer le territoire. Pour Aguirre l'innovation n'existe pas. Seul compte ce qu'il y a à l'intérieur. Et c'est pas beau à voir. Un torrent de bile régurgitée, déversant des grumeaux baptisés capitalisme, politique, religion, des domaines différents mais unis dans un triumvirat maléfique regardant dans la même direction, celle de l'avidité, du lucre, du pognon, du pouvoir. Pour l'expulser, quatre longues plages de souffrance, raides comme des piquets et lourds comme des tombereaux de ferraille, Aguirre va au plus simple, ne s’embarrasse pas d'artifice, ce qui pourra donner à l'ensemble une apparence un peu rustre, moins inspiré que le puissant prédécesseur, mais pas moins efficace. Fatalitas n'est qu'un cadavre dans lequel ne persiste à peine qu'une goutte de sang ("Besse" ou "Barricades"), un soupçon de son southern pour donner une apparence plus humaine. Mais le mal est là, et l'a toujours été. Les fatalitas sont ce qui reste quand les rêves ont disparu. Des images, des mots froids un peu comme ceux inscrits sur le fronton de l'ossuaire de Dambach, "ce que vous êtes nous l'étions, ce que nous sommes vous le deviendrez..." Fatalitas, Fatalitas...
A écouter : Barricades, Bleak