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Biographie
Aeris se forme en 2004 avec à son bord Manuel Adnot (Sidony Box - Guitare), Samuel Diné (Basse / Chant) et Boris Louvet (L'Effet Défée, Le Dead Projet - Batterie) dans l'intention de jouer une musique qui s'oriente autant vers le Jazz moderne que le Rock ou le Metal en laissant la part belle aux improvisations qui occupent une place importante dans la musique du trio nantais. Improvisations que l'on retrouve également dans les illustrations de la dessinatrice Clémence Bourdaud qui projette ses créations improvisées durant les concerts. Elle réalise aussi les dessins qui illustrent leur premier album éponyme sorti en 2009. Pendant trois ans, Aeris tourne essentiellement dans le grand ouest avec Bruxisme, Time For Energy ou Corbeaux notamment et c'est en 2013 que le groupe revient réellement sous un nouveau line-up avec Emerson Paris (Lemurya) à la basse et Louis Godart (A Prison Called Earth) comme second guitariste. Leur second effort, Temple, sort chez Ex-Tension Records.
Si je dresse le bilan des groupes locaux de la région rennaise / nantaise affiliés aux scène Rock / Metal / Hardcore, le tour du propriétaire est très loin d'être dégueulasse. N'ayez crainte, je vous éviterais une name dropping pédant et ennuyeux. Par contre j'insisterais lourdement sur le fait que Aeris, ici même, a été une révélation il y a quelques années, le genre de coup de cœur tout particulier qu'on ne rencontre que très rarement, qui vous poursuivent à vie et qu'on réécoute avec la même émotion, intacte. Alors forcément, ça me semble vain de dire que mes attentes pour ce second album étaient hautes.
Avec Temple, Aeris arbore une nouvelle apparence et pas seulement parce que le line-up a été remanié avec l'arrivée d'un second guitariste, Louis Godart (A Prison Called Earth) et d'un nouveau bassiste, Emerson Paris. C'est également un virage musical que prend le désormais quatuor, ce dont on ne s'étonnera qu'à moitié connaissant les musiciens à la fâcheuse tendance à multiplier les projets et leurs attirances pour des musiques diverses (la bizarrerie de L'Effet Défée et le chaos Le Dead Projet pour Boris / le Jazz-Rock de Sidony Box pour Manuel). Temple s'éloigne donc des atmosphères doucereuses de l'éponyme pour dévoiler un visage plus dur, plus tendu, mais où les expérimentations sont toujours au cœur de l'ouvrage.
Flamme : son point de combustion et que ce que je pensais également être le point de non retour qui concluait avec magnificence le premier album. Tu parles, retour de Flamme ouais! Aeris reprend exactement là où il s'était arrêté, carbonisant tout sur son passage. Découpé en trois chapitres, le morceau reprend bien évidemment le fabuleux thème d'il y a quatre ans, réarrangé, dévoilant une première partie de mastodonte : saccage rythmique, riffs cyclones, groove brutal et lead guitare électrisant. En deux minutes, ton cerveau a déjà exécuté un triple axel dans ta boite crânienne. Mais comme Aeris est bien incapable de rester en place, Hidden Sun tente une approche bruitiste nettement plus expérimentale dans des essences Ambient / Noise, puis une mutation Doom / Drone allant titiller le maître Sunn O))) avant que ne reviennent cette lumière bienfaitrice reprenant avec ferveur l'éléphantesque thème principal.
Le groupe poursuit sur un nouveau triptyque. Richard évolue à travers un Metal les nerfs à vif, tortueux, chargé de quelques coups de chevrotine alors que Horizon évoque d'avantage les paysages de l'album éponyme avec sa guitare cristalline comme autant de gouttes de pluies qui viennent doucement se poser sur une vitre. L'ondée ne tarde pas à évoluer langoureusement vers un Post-Rock tout en montées sur Robot, décliné en saturations, puis passages chaotiques ou écrasants. Temple se conclue alors par l'admirable Captain Blood, sans doute la plus belle et la plus touchante pièce du disque.
Néanmoins plusieurs choses m'ont gêné, m'empêchant d'affectionner cet album autant que je l'aurais souhaité. Temple est en effet plus massif que Aeris et je n'ai pas retrouvé la beauté de certaines phases d'une pureté rare en dehors de Horizon et Robot par instants. En fait, il m'aura fallu attendre la dernière composition, Captain Blood pour ressentir pleinement ce que j'attendais, ce moment ou sans trop savoir comment, tu te retrouves dans les étoiles, serein, comme si rien n'existait tout autour. Je ne reproche bien sûr pas au groupe de tenter de nouvelles choses, surtout que dans les faits, ils s'en sortent plutôt bien, mais je ne me retrouve pas entièrement à travers ces expérimentations Noise, Doom, ou même ce Metal-Progressif beaucoup plus costaud. Un mot également sur la production, qui joue peut-être sur l'appréciation du contenu, car elle me semble trop épaisse, compressée, ne mettant pas suffisamment en valeur toutes les couleurs de leur musique.
Ne voyez pas pour autant un mauvais disque à travers ces critiques, mais plutôt une légère déception par rapport au fait que Aeris m'avait beaucoup marqué en 2009 et à mes trop grandes attentes quant à sa nouvelle mouture. Même si à chaque écoute je n'arrête pas de me dire que j'aurais souhaité mieux, je peux quand même ajouter en toute objectivité que ce Temple est pétri d'un excellent savoir-faire. Aeris peut se vanter d'une technique incroyable, mais ne la hisse jamais sur une piédestal au détriment des atmosphères variables, nées d'une approche unique des genres. C'est sans doute cela qu'il faut retenir avant tout.
L'album est en écoute intégrale sur bandcamp.
Parfois, au beau milieu de dizaines de disques qu'on n'aura même pas le temps de tous écouter avant la fin de l'année, il en arrive un qui étonne, qui surprend sans trop savoir pourquoi, qu'on ne comprend même pas tout à fait au premier abord et pourtant on y accroche bel et bien. Et puis les écoutes suivent, nombreuses et tout se décante et confirme une chose : ce disque est épatant.
Ce disque c'est celui d'un trio réuni sous une même entité répondant au doux nom d'Aeris. Trois qui ne font qu'un comme rarement un groupe peut l'être, car si un mot devait résumer le substantifique moelle d'Aeris se serait bien osmose puisque quels que soit les styles alimentant leur musique, tout semble uni, prendre vie à l'unisson pour former un tout extrêmement cohérent. Donc osmose entre les musiciens bien sûr, lorsque la basse ronronnante, chaleureuse (Doudou) et fortement présente tout le long de l'opus est porté par des rythmiques dansantes (Le Train De Lucie), de nombreux breaks qui varient étonnamment l'allure des compositions, sont plus rentre dedans par des cadences percutantes et efficaces lorsque les titres s'envolent (Arthur / Retau) ou amenés par un jeu plus subtil et léger par instant (Géant). Le tout est saupoudré de guitares qui développent des thèmes atmosphériques opposés à des motifs plus acerbes et vif, presque sur la corde raide (Mars). Une alchimie qui se déclare également par la beauté des notes dans les mélodies ou nappent ambiantes qui portent loin (Arthur / Retau) vers un ailleurs idéal, ainsi que dans les improvisations (Naufragé) terrain de prédilection dans lequel le groupe rayonne et où chaque musicien permet de s'imposer tout à tour.
Oui mais Aeris c'est quoi au final? Car c'est bien beau de parler de tout ça mais sans accroche styliste on n'est pas plus avancé. Disons qu'il serait impensable de réduire le groupe nantais à une seule étiquette, mais que si l'on cite pèle-mêle Rock-Progressif, Jazz et Metal et leurs différentes déclinaisons, on permet déjà de cerner les grosses lignes qui composent la musique d'Aeris. Conjuguons à cela des influences qui vont de Sigur Ros à Tool en passant par Zu et dans la musique du monde (Naufragé) et les contours d'Aeris se dessinent peu à peu. Mentionnons justement que l'album est joliment illustré par les dessins mêlant thèmes naïfs et colorés à l'humour sanglant et que l'on peut retrouver dans la mise en scène lors des concerts des nantais.
Derrière une technique indéniable se cache surtout une simplicité et une humilité qui va droit au cœur, car même si chaque musicien se réalise de manière impressionnante derrière son instrument, Aeris n'oublie pas le principal, à savoir joindre un large panel d'émotions que se soit à travers des pièces planantes (Mars), d'instrumentales acoustiques aux milles couleurs ensoleillées (Improvisation Pour Gwen) ou dans les envolées chantées. Un tout qui navigue allègrement entre les diverses influences du combo et demeure homogène et fluide à la fois. Et puis à la fin de ce voyage enchanteur, Aeris se conclue par le titre Flamme, celui qui porte bien son nom, où les guitares s'affolent et s'embrasent, entrainées au point de combustion la où se rejoignent le groove d'une basse grondante et d'une batterie en feu, un dernier titre comme le point culminant de leur art.
Qu'on se le dise clairement, cet éponyme est une éclatante réussite, ou se confrontent les genres, lieu de rencontre de multiples influences alliant mélopées jazzy à des sonorités carrément plus tendues. Mélange original, déjà largement assuré, bien qu'un peu complexe dans son approche au départ, il ne le reste pas longtemps avec de multiples détails qui restent logés dans le creux de l'oreille. Bref, ce disque est épatant.
A écouter : Flamme, Flamme, Flamme et tout le reste!
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