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Biographie
Le nom Acid King provient de Ricky Kasso (surnommé "The Acid King") qui commit un meurtre d'inspiration satanique en 1984 à Northport, New York. Formé en 1993 par Lori S., Joey Osbourne et Peter Lucas, à San Francisco, Acid King se démarque de la scène Stoner / Doom par une musique psychédélique de par son utilisation particulière de la distorsion du couple guitare/basse, mais surtout grâce à la voix féminine de Lori S. Après un premier ep en 1994, Acid King, le groupe compose son premier album, Zoroaster, en 1995 mais Peter Lucas quittera le navire après leur première tournée nationale. Acid King recrute donc un nouveau bassiste du nom de Dan Southwick le temps d'un second ep, Down With The Crown en 1997 (édité également en split avec Altamont). En 1999, le groupe signe son album de référence : Busse Woods, avec Brian Hill à la basse. Le groupe tourne beaucoup, mais Hill dit au revoir au groupe à la fin de l'année. Guy Pinhas (Obsessed, Goatsnake) le remplace puis Acid King enregistre en 2001, un split avec The Mystick Krewe Of Clearlight et son troisième album en 2005, sobrement intitulé III. En trois albums et trois eps, le groupe aura vu se succéder quatre bassistes différents dans ses rangs depuis 1993. C'est Rafa Martinez qui détient le poste actuellement et selon leur site officiel, la composition du nouvel album est en cours.
Le Doom-Stoner d’Acid King ne s’est jamais prétendu révolutionnaire. Au sein d’un courant devenu aujourd’hui plus embouteillé que l’A13 un vendredi soir, les Californiens continuent cependant à sortir la tête du lot, et pas seulement car ils sont menés par une voix féminine. Les dix années écoulées depuis la sortie de III n’ont pas changé l’état d’esprit du groupe, elles lui ont juste laissé le temps de se construire patiemment une fusée, un tant soit peu sale et rouillée je vous l’accorde, pour se libérer une fois pour toutes de la pesanteur terrestre. Acid King nous emmène avec cet album dans une odyssée cosmique parmi les galaxies d’un univers peuplé de divinités maudites, tels les Grands Anciens de Lovecraft, bannis mais attendant leur heure pour revenir nous asservir. Les riffs se font plus aériens et la rythmique, toujours implacable, ne se contente plus de ramper mais aspire elle aussi à la conquête de nouveaux horizons, malgré le risque d’y croiser des forces incontrôlables. Le résultat final s’avère plutôt réussi, en dépit de quelques longueurs et d’un ou deux morceaux sans grand intérêt (l’enchaînement Laser Headlights/ Red River, où l’auto-caricature prend le pas sur la sincérité). L’une des qualités de cet album est de parvenir à maintenir sur la longueur, y compris lors de passages plus anecdotiques, un groove présent dès l’Intro instrumentale, annonciatrice d’un trip plus cosmique que jamais. Cette influence Space Rock est parfaitement illustrée par le très réussi Silent Pictures, au cours duquel on succombe assez facilement à une transe encouragée par le chant hypnotique de Lori S. et l’efficacité d’un riff entêtant. Coming Down From Outer Space, morceau plus court et mélodique, plus « rock », emprunte une voie sur laquelle le groupe se montre vraiment très à l’aise et que l’on aimerait voir approfondie. La lourdeur d’un Infinite Skies très martial, si elle peut évoquer la fin d’un voyage où l’on se serait trop approché du soleil, ne symbolise en fait qu’une libération, celle d’avoir enfin accès à un espace sans limites et sans lois ("Feel the heat rise as we enter the burn/ Thru the infinite skies/Burst of yellow"). De l’infiniment grand à l’infiniment petit, Center of Everywhere s’interroge sur notre place dans l’univers ("Standing here/Looking out/Far away from the clouds/All alone In the crowd"), avant de nous laisser seuls face à nos doutes ("They may say nothing to be found/In the center of everywhere").
Evidemment, au-delà des qualités et des défauts d’un disque, l’état d’esprit de l’auditeur est une composante essentielle dans l’expérience que propose ce style musical. Les clichés psychédéliques et psychotropiques qui y sont associés, s’ils ont un fond de vérité, peuvent faire oublier que l’écoute d’un album de ce genre est un processus bilatéral, une implication de celui qui donne et de celui qui reçoit. Etre partout et nulle part, c’est le défi que s’est lancé Acid King avec Middle of Nowhere, Center of Everywhere. Vu la difficulté de la tâche, je me contenterai de savourer les instants où le groupe y parvient et de faire l’effort de remplir les passages plus faibles de mes propres voyages mentaux.
A écouter : le regard vers les étoiles
Confiné dans sa région des Etats-Unis, Acid King oeuvre dans l'intimité. Le lien, invisible, entre le groupe et le reste du monde est celui du virtuel. La formation tenant à rester discrète, elle préfère la pénombre aux spotlights de la célébrité. Célèbres, malgré eux, ils le sont. Cependant ils ne s'en vantent pas et on parierait même qu'ils en sont surpris. Extérieur à la réalité de 1999, Busse Woods est l'outil qui permet de ralentir l'horloge, voire de la stopper.
Au gré des 6 compositions, Acid King écrit le temps et peint l'obscurité, sans faire dans la démonstration. L'album illustre le stoner/doom sans surprendre dans la composition: un son massif, une distorsion douillette, des accords simples et le tout joué au ralenti. Pourtant, Acid King a un toucher unique. L'incroyable unité des instruments, créant un seul ensemble sonore, sublime le groupe et la musique devient le quatrième membre. Mais ce qui fait mouche c'est cette voix, celle de la guitariste qui envoûte notre être. Montant légèrement dans les aiguës, incantatoire sur toutes les compositions, l'organe vocal devient un instrument de plus, suivant sa propre portée.
Busse Woods est un album monolithique qui happe l'auditeur dès les premières notes de Electric machine, ouvrant les portes de l'univers sombre du trio. Porté par des titres comme Drive fast, Take chances ou Carve the 5, Busse Woods n'est pas qu'un simple album : c'est un livre musical, où l'ombre et la nuit sont les personnages principaux. Leur ennemi est la lumière et de la musique nait une canopée dense qui empêche le rival de passer. Le chant tonne la mélancolie et déclame une tragédie. Le final de Busse Woods est le long râle annonçant l'agonie et la mort. Tel l'esclave derrière l'empereur romain, Acid King chuchote à l'auditeur: « tu n'es qu'un homme ».
Ainsi s'achève le disque. Sur ce brusque retour à la réalité, on réalise que le temps ne s'est pas arrêté. Pire il a filé, continuant sa course, sans nous faire signe. Et nous, lâchés sur un îlot dans l'océan du vide, nous restons là. Seuls avec nous-mêmes et Busse Woods comme oraison funèbre.
A écouter : avant de mourir
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