Héritage des années 90 et 2000, tout ce qui est étiqueté « néo » est considéré avec suspicion (il faut dire que le passif est lourd) pourtant le qualificatif de Neocrust semble bien être celui qui sied désormais le mieux à Absolutist tant le matériau de base de la formation anglo-saxonne, le Crust donc, se retrouve transcendé par l’adjonction de multiples influences allant du D-beat au Post-rock.
Histoire de mettre d’entrée de jeu les points sur les i, Absolutist nous envoie dans la tronche et sans mise en garde Sleepless Tension, un brûlot qui, en moins de deux minutes, met tout le monde d’accord. Démonstration désormais faite qu’ils maîtrisent les codes et la technique du style dans lequel ils puisent leur inspiration originelle, les Irlandais peuvent désormais s’amuser avec cette matière première. Traverse s’inscrit ainsi dans la continuité de ce qu’ils avaient fait avec Fall to none, merveille du genre de près de 16 minutes enregistrée à l’occasion du précédent split avec les Belges de Link.
A peine posé sur la platine pour la première fois, ce nouvel EP marque par la leçon du maniement des oppositions qui nous est donnée. Le groupe joue avec les sons, les ambiances et nos émotions. Bien sûr, la schizophrénie de Lux vient immédiatement à l’esprit tant, en l’espace d’une fraction de seconde, le mid-tempo se mue en un rythme saccadé et impitoyable et les guitares, qui se faisaient aériennes et languissantes, deviennent abrasives. Mais en creusant, cette permanence des antagonismes s’exprime également dans l’affrontement continuel et magnifié sur Traverse, entre le chant lourd et rocailleux du guitariste et les cris d’écorché à vif du bassiste.
Marqueur de qualité, Traverse dévoile progressivement sa richesse et ouvre des niveaux de lecture insoupçonnés lors des premières écoutes, alors subjuguées par l’attrait de la puissance et de l’énergie brutalement déchargées. On prend alors conscience de la ligne de guitare qui, au milieu de la fureur et malgré les coups de butoirs de la batterie, maintient son fil mélodique. Du chaos émerge ainsi une relative délicatesse.
Traverse est de ces EP qui frustrent plus qu'ils ne satisfont tant la durée limitée de l’exercice, ici 12 minutes, confine au sadisme. Ce sentiment est d’autant plus renforcé que ces quelques petites minutes sont les seules que le groupe ait bien consenti à nous offrir en deux ans. Et oui, les gars d’Absolutist prennent autant leur temps à enregistrer des disques qu’ils jouent vite. C’est dire…
A écouter : dès que vous avez 10 minutes devant vous