Abraham Cross

Crust/D-Beat

Japon

Peace Can't Combine

2002

Chronique

par Fragone

Si la scène modern crust/d-beat japonaise des Muga, Assault, Inga et consorts nous a habituée à davantage de pondération dans son hardcore, à la fois furieux et mélancolique - Envy est passé par là - celle des années 90 avec les Crow, Disclose ou Death Side, directement inspirée du d-beat anglais et suédois, prônait beaucoup plus le frontal.

Peace can't Combine, première et quasi unique production de Abraham Cross est un prototype. L'oeuvre regroupe divers enregistrements du groupe réalisés au milieu et à la fin des années 90 dont les quatre extraits des compilations Tokyo Crusties et Meaningful Consolidation, toutes deux largement épuisées aujourd'hui.
Situé totalement à l'opposé des Reveries du promeneur solitaire, Peace can't Combine résume à lui seul le mal-être d'une société entièrement dévoué au libéralisme pur et dur où le mal-nanti, le laissé pour compte, l'oublié de la croissance économique, n'a plus que les yeux pour pleurer et la musique pour crier.
Adepte d'un hardcore à l'européenne, Abraham Cross prend le parti de la ligne dure, de la démonstration rugueuse, de l'acharnement musical, dans la droite lignée de Doom, Anti Cimex et Benediction. Aussi, inutile de  s'attendre à une production léchée. Les tokyoïtes appartiennent à la race des diystes, aux réglages effectués à la va-vite, le souci de privilégier l'aspect instinctif à l'attitude préméditée. D'approche rustique, Peace can't Combine nous entraîne dans les tréfonds les plus obscurs, nous maintient la tête sous l'eau croupie durant le petit quart d'heure que dure le skeud. Portés par une basse bourdon aussi efficiente qu'une boule de démolition, "Teach a Cage" ou "In There" nous ramènent aux grandes heures du Doom de War Crimes : Inhuman Beings, avec ses rythmiques néanderthaliennes, directes, sans fioriture, mais porteuses d'un malaise significatif, que traduisent bien les grawls de Soujiro, inévitablement proches de ceux de John Pickering (Doom) ou de Barney Greenaway (Napalm Death). On suffoque, on halète, on encaisse la dureté de l'inflexion, la violence du propos, mais on ne lache pas prise, tellement le ton est juste, authentique ("Course for Life", "Feelings in Soil"). Au risque de se retrouver les oreilles noircies par le côté abrasif de la galette, qui n'en finit pas de se consumer, pour littéralement se ratatiner par l'incontournable reprise de Discharge ("Why"), au demeurant excellente, mais qui tient davantage du pléonasme qu'autre chose.

Les habitués des productions soignées auront certainement un peu de mal à assimiler le son roots de Peace Can't Combine et ce malgré le lifting subi en 2006.  Il est pourtant révélateur d'une formation mais également d'un mouvement qui, en optant pour cette radicalité, se refusait à accepter le moindre compromis. Il y a des choses qui ne s'achète pas.

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