Abandon
Sludge

In Reality We Suffer
Chronique
C'est une entité recroquevillée sur elle même, saignant de toutes parts, s'exprimant à coups de larsen titubants, apprenant à marcher le temps d'un album pour nous guider dans cet endroit désespérant, sombre, ce palace immense rempli de néant et de souffrance se trouvant en chacun de nous.
En réalité nous souffrons.
Cette fureur dépressive, malade à l'extrême, avec ses cordes à vide sonnant faux comme si elles avaient été jouées d'un coup de poing, nous envahit progressivement au fil de l'album qui ne cesse de nous surprendre. D'un Sludge puisant véritablement dans le Hardcore et sa haine, la haine du monde qui nous entoure et qui abuse de nous et nous souille, la souffrance perd de son élan et retombe sur elle même, sur nous même, dans des passages Doom brumeux d'un désespoir total.
L'Abandon prend du temps, et de la dévotion. On ne sombre pas par erreur, on succombe avec ce plaisir coupable de couler au fond de l'obscurité, qui nous berce, et comme disait Baudelaire, « nous éloigne de ces miasmes morbides ».
Dans la réalité nous souffrons.
Jusqu'à l'apothéose, le dernier morceau, ce même riff, cette erreur, ce regret, que l'on tourne et retourne, passe et repasse en soi jusqu'à l'obsession, nous laissant hypnotisé, enivré, dans une torpeur maladive et anémiée, incapable du moindre mouvement, de la moindre pensée, prisonnier de notre propre réalité.
Deuxième et avant dernier album des suédois d'Abandon, ils nous livrent ici une véritable ode à la souffrance intérieure.C'est un album à écouter au moins une fois, qui prend sa place entre un premier jet plus rageur et beaucoup moins Doom ainsi qu'un troisième opus toujours aussi extrême dans son intention (1h47), mais sans la haine, juste agonisant et résigné, portant la marque du deuil de son chanteur mort d'overdose avant la fin de l'enregistrement.
"Exhausted within can't take another day
I hate this world as I hate myself as I hate the ones who gave me life".