Après un And We Wept The Black Ocean Within qui nous avait laissés sur une impression plus que moyenne, A Storm of Light a donné une impression toute autre en live, les vocaux féminins salvateurs venant largement compenser le marasme sonore des guitares. Néanmoins, le sentiment dégagé par le groupe, avant la sortie de Forgive Us Our Trespasses, est plus d'ordre visuel que musical (peu étonnant, en y réfléchissant quand on sait que Graham est le Monsieur Visuels de Neurosis). En renforçant ses performances live de projections vidéo aux thématiques marines et grâce à ses superbes artworks denses et travaillés (le nouvel album ne déroge d'ailleurs pas à la règle), le groupe de Josh Graham s'attache avant tout à se forger une reconnaissance sur la scène par une personnalité de mastodonte. Arriver tel un pachyderme pour se faire sa place. Pauvre porcelaine.
Et même si l'agitation paraissait assez vaine, sortir un deuxième album aussi rapidement relevait de la gageure. And We Wept... donnait à entendre, en fin de parcours que le concept se mordait un peu la queue et que la redite guettait méchamment. Le morceau choisi par le groupe pour présenter la nouvelle sortie n'en suggère pas moins: Tempest débarque dans ses gros sabots, rythme lent, batterie lourde et toutes distorsions dehors. Un schéma classique qu'on est heureux de pouvoir écorner et qu'on n'est pas surpris de voir repris, quasiment à l'identique pour la voix, sur Trouble Is Near (oui, aussi sur Omega, d'accord). Evidemment, à ce stade, la recette n'ayant déjà pas fonctionné sur le précédent disque, elle avait sans doute peu de chances de prendre ici. Pas faux, mais le même résultat est conduit par une raison différente. Ce qui gêne sur, Forgive Us..., ce n'est pas tant une bouillie sonore, autrefois élevée au rang de concept musical plus que limite (plus c'est lourd, plus c'est noir, plus c'est bien); non, ici, c'est simplement le manque évident de créativité qui met en exergue un faible relief musical et émotionnel.
Il n'est pas normal que ce soit les interludes (la série des Law of Nature, tirée tout droit des samples de Battle of Mice - où l'on croirait entendre un Julie Christmas masculin) qui apportent le plus au disque. Triste constat d'être soulagé que l'agressivité (toute relative tant elle est linéaire, perdant par là-même son onde de choc) manifestée sur les morceaux les plus lourds se terminent pour apprécier les passages un peu plus variés (The Light in Their Eyes, Across The Wilderness), qui ne sont d'ailleurs pas légion. Et, surtout, malgré la filiation évidente à Neurosis, qu'on désire que cesse cette voix monotone qui n'apporte rien aux mélodies ni à l'ambiance mais qui fait patiner les morceaux dans une platitude regrettable (Midnight fait par ailleurs penser à du sous-Minsk). Pourquoi ne pas avoir réédité l'expérience live et, aussi, celle du split avec Nadja, en intégrant les vocaux féminins qui se greffaient parfaitement aux compositions? Forgive Us Our Trespasses se fait plus aéré sans doute (interludes, guitare claire plus présente, son batterie mis en valeur donnant parfois une certaine profondeur) mais ne décolle toujours pas, la faute à une identité floue mal constituée.
Et de se demander, au final, quel est le but d'un homme qui a quand même quitté Battle of Mice et Red Sparowes pour créer son propre exutoire, sorte de chutes d'enregistrement issues de la bande des "frères Scott" (Kelly et Walker). Ressort alors la possible explication que Josh Graham ne serait capable que de travailler en collaboration (Red Sparowes, Nadja) ou confrontation (Battle of Mice) comme sources créatrices et qui, lorsqu'il se retrouve seul, ne ferait que ressasser ses inspirations déçues. Moche, mais tellement courant.
A écouter : Euh...