Un album de A Silver Mt. Zion sonne toujours comme une expérience à part, un moment intense et énigmatique, duquel on ne ressort pas intact. Il aura fallu attendre 3 ans pour voir le successeur de Horses In The Sky arriver entre nos mains, avec cet artwork dépouillé, simple mais humble, à l’image de la musique du groupe, alors qu’un nouvel album de GYBE! se fait toujours attendre. Car ce 13 Blues For Thirteen Moons respire la sincérité, la volonté de créer une œuvre à part entière et non un simple ensemble de morceaux sans motivation réelle…
Les 12 premières pistes, de quelques secondes chacune, se succèdent pour former une mélodie presque dérangeante, stridente, mais ô combien énigmatique… Telles des cris de douleur, elles mettent mal à l’aise, cris d’agonie des 1,000,000 de morts évoqués lors de 1,000,000 Died To Make This Sound, dont les premières notes se fraient délicatement un chemin jusqu’aux oreilles de l’auditeur...
La voix, toujours hésitante, lâche ses mots de ce timbre si particulier empli de tristesse… Ce "1,000,000 Died To Make This Sound", répété en boucle sur la quasi-totalité de la chanson du même nom, sorte de litanie, de prière en hommage à un génocide musical, sonne si fragile dès les premières notes, que l’ampleur qu’il prend au final semble presque étonnant. La montée en puissance sonne tel un appel à l’unisson, au regroupement, mis en musique par l’ajout des instruments et des autres voix au fur et à mesure. Sur 13 Blues For Thirteen Moons, on la sent plaintive, chaque mot pleurant, évacuant ce trop plein de tristesse. On pourrait presque sentir les larmes couler sur le visage d’Efrim, lors de passages comme celui se trouvant aux alentours des 7 minutes. Black Waters Blowed/ Engine Broke Blues se voudrait, contrairement aux autres morceaux, presque joyeuse, les instruments se lâchant dans ce qui pourrait sembler une cacophonie musicale, mais serait plutôt un subtil agencement visant à exacerber les sens de l’auditeur. Bien que souffrant de cette mélancolie présente sur tout l’album, elle reste cependant la moins triste, celle dont la douleur se veut moins forte… Pourtant les cordes se veulent en deuil, chaque note résonnant tel un dernier cri d’adieu… Que dire encore de Blind Blind Blind, où les notes résonnent au début comme des pas hésitants, tâtonnements musicaux, pour mieux arriver au paroxysme offert lors des dernières minutes, où les instruments explosent, apogée du disque… Pour mieux se terminer sur un chœur de voix répétant encore et encore ces mêmes mots, supplique fermant ce disque à l’inverse de son ouverture, comme si la foule amenée derrière Efrim se dispersait petit à petit…
Musicalement, les notes se succèdent, s’entremêlent, s’unissent, non comme un renfort au chant, mais comme une entité à part entière, offrant à la fois ce coté doux et discret comme sur la fin de 13 Blues For Thirteen Moons, et celui plus violent (tout en se préservant d’une colère inutile) telle la conclusion de Blind Blind Blind. Cordes et percussions virevoltent, évacuant de leurs corps les fragiles derniers espoirs qui s’envolent vers les 13 lunes pour lesquelles jouent A Silver Mt. Zion.
A Silver Mt. Zion offre un album chancelant, où les notes se succèdent parfois à tâtons, mais finalement assemblées en un ensemble de compositions suintant la mélancolie. Sur presque une heure, le groupe offre le meilleur de lui-même, à travers une très grande tristesse et une instrumentation suavement maitrisée, plaçant ce disque au même niveau que ses prédécesseurs, ce qui devrait ravir les amateurs du groupe….
A écouter : 1
Entièrement d'accord avec la chronique, très bien rédigée et complète.
Je regrette juste que, sur les 4 pistes, la deuxième soit en retrait autant au niveau de la qualité de composition que du rendu pour l'auditeur.
Mention pour la fin de "BlindBlindBlind". Peut-être la meilleure chose composée par ASMZ.