Les questions concernant la politique impérialiste et agressive (voire carrément guerrière) des Etats-Unis ont beaucoup remué les esprits ces derniers mois et quand des musiciens tels que ceux d’A Perfect Circle décident eux aussi de faire enttendre leur voix par le vecteur sonore on ne peut que saluer la démarche et se pencher avec une attention et un enthousiasme non dissimulé sur ce eMOTIVe, dernier effort en date du groupe. Premier constat : l’album est en quasi-totalité constitué de reprise d’horizons divers. Second constat : le chant n’est dorénavant plus le privilège de James Maynard Keenan mais se partage avec le guitariste, Billy Howerdel. Dernier constat : le groupe s’est entouré de musicien aussi prestigieux que Danny Lohner, Trent Reznor ou encore Pas Lenchantin. Tout semble réunis pour enfanter d’un petit prodige.
Annihilation (reprise de Crucifix) nous entraîne dans la danse. Le chant uniquement chuchoté accompagné d’une instrumentation discrète donne à ce morceau des allures de berceuse et sonne bien plus comme une introduction que comme une véritable chanson. Pris par la main on nous amène délicatement vers ce qui est pour moi le titre d’eMOTIVe. Imagine est re-travaillé d’une main de maître. La version originale n’est pas cachée bien loin mais ce réarrangement lui offre une peau neuve aux allures grandioses. John Lenon n’est en rien travesti, la mélodie sonne comme une invitation à rêver et on ne peut que succomber au génie déployé lors de ces quelques minutes. Ma jubilation débordante sera pourtant vite canalisée … Peace Love And Understanding (d’Elvis Costello) ampute quelque peu mon plaisir. Billy Howerdel a beau posséder une voix égalant en intensité celle de Maynard, la composition ne me séduit qu’à moitié, j’espère des reliefs capable de me sortir de ma dubitation mais ils n’arrivent pas. What’s Going On (de Marvin Gaye) ne me surprend pas davantage. Le talent d’APC m’apparaît comme tapi, le groupe restant peut-être trop proche du style original des morceau et ne se les appropriant pas suffisamment. Je ne reconnais pas vraiment les auteurs du fabuleux Thirteenth Step … j’attendais peut-être beaucoup trop de ce nouvel opus. People Are People (reprise de Depeche Mode) et When The Leeve Breaks (reprise de Memphis Minnie) me laisse également ce léger goût amer au creux des tympans sans pour autant être désagréables à l’écoute.
C’est plus avec des titres tels que Freedom Of Choice (de Devo) ou Let’s Have A War (reprise de Fear) que mes neurones retrouvent leur enthousiasme. Pourtant il faudra attendre un destructuré Gimmie Gimmie Gimmie (de Black Flag) rappelant fortement un Tool rageur ou un Fiddle And The Drum (de Joni Mitchell) à capella pour que je m’enchante à nouveau. Passive m’arrachera même un sourire gratuit : l’énergie déployée n’empiète en rien sur la finesse des arrangements, ne reste qu’un refrain accrocheur pour abattre mes dernières réticences. Counting Bodies Like Sheep To The Rhythm Of The War Drums (remix de Pet) me séduira avec la même facilité me rappelant par certains aspect Die Eier Von Satan de Tool. Difficile de porter un regard sur l’ensemble de l’album tant il me paraît inégal et décousu. Discerner une homogénéité parmis ce collage de reprises toutes relativement fidèles aux versions originales et donc diverses dans leur style me paraît un exercice difficile.
Tiraillé, je ressens une légère déception envahir mes orteils : eMOTIVe me paraît bien loin de ce que le groupe peut produire et n’égale pas l’intensité atteinte avec Thirteenth Step. Il constitue pourtant un très bon album que je n’imagine pas dispensable mais il gagnera sûrement bien moins souvent ma platine que ses prédécesseurs …
Un nouveau disque de la bande à Maynard Keenan et Billy Howerdel est toujours un évènement. Cette fois-ci le groupe nous prend par surprise, car le temps est généralement espacé entre la parution de deux albums. Toutefois, l'idée consiste ici à réunir des reprises variées s'articulant autour de thèmes tels que la paix, la non-violence ou encore la tolérance. Pour parachever son concept, A Perfect Circle envisage de sortir cet album le jour même de l'élection présidentielle américaine, à savoir le 2 novembre 2004.
Une mélodie enfantine fait office d'introduction à cet album, avec en prime la voix de Maynard Keenan qui se veut autant rassurante que chuchotée, dans l'intention d'exacerber une certaine fragilité en dépit du titre "Annihilation". Le pari s'avère néanmoins plus délicat sur le titre suivant. Véritable ode au pacifisme, "Imagine" du regretté John Lennon fait partie du patrimoine musical mondial. Toutefois le groupe réussit avec brio une adaptation personnelle du titre, quoique plus sombre et pesante, à l'image du chant de Keenan et du rythme sévère de Josh Freese. Parti sur une telle base, A Perfect Circle a tout pour mettre l'auditeur dans sa poche. Il n'en est rien. Malgré l'agréable passage au chant de Billy Howerdel sur "Peace, Love And Understanding", le titre s'avère excessivement linéaire dans sa structure. Malheureusement c'est loin d'être le seul.
En effet, c'est Marvin Gaye qui passe au crible avec l'adaptation de son titre phare "What's Going On?". Mais ici encore, A Perfect Circle ne fait pas preuve d'une grande originalité. Une seule boucle rythmique est utilisée, le tout accompagné d'un chant monocorde et de sonorités brouillonnes en toile de fond. "Passive" renoue avec un registre plus traditionnel pour le groupe, bien qu'il ne soit pas pour autant du niveau de titres issus de Thirteenth Step ou encore de Mer De Noms. Se plaçant visiblement dans l'optique de prendre l'auditeur à contre pied, "Gimme Gimme Gimme" risque d'en dérouter plus d'un. Maynard Keenan, habituellement associé à un chant mélodique maîtrisé et puissant, opte ici pour une superposition de voix proche du borborygme. Il est d'autant plus déstabilisant que la musique ne se prête pas forcément à cette figure de style. "People Are People" se veut quant à lui un titre proche de l'électro, sûrement en raison de son affiliation au groupe Depeche Mode. N'étant pas déplaisant, il ne déroge pas pour autant au caractère répétitif dont semble être frappé la plupart des titres de cet album. C'est le cas également pour le très drum'n'bass "Let's Have A War", sur la parodie trip-hop "When The Levee Breaks", ou encore sur "Counting Bodies.." qui est un remix du titre "Pet" issu de Thirteenth Step. "Fiddle And The Drum" clôt de manière minimaliste cet album, au rythme des seules voix de Maynard Keenan et de Billy Howerdel.
Inutile de cacher la déception que procure eMotive. Malgré un démarrage sous les meilleurs auspices, l'album sombre vite dans une excessive linéarité. Il ne s'agit que d'un album de reprises certes, mais on est bien loin de l'excellent Renegades de Rage Against The Machine. La déception est d'autant plus grande que tout ce qu'entreprend Maynard Keenan est bien souvent une réussite. De plus, il est indispensable de prendre en compte l'aspect politique que revêt cet album, au sein duquel le fond a visiblement primé sur la forme. eMotive n'est pas un album, c'est un manifeste.
Dommage que le groupe se mette à nous faire un album de remix, moyen de surcroît.