Qu'est-ce que l'équipe a écouté ces derniers temps ? Du neuf et des vieilleries, du Metal, du Punk, ou tout autre chose. C'est à découvrir dans ce nouveau numéro de Metalorgie Monthly.
Le mois d’août de…
… Zbrlah
The Tangent - The World That We Drive Through (2004)
Je me suis souvent demandé comment l’équipe d’Andy Tillison pouvait être aussi productive. The Tangent c’est des albums d’une heure, des titres aux structures longues et complexes, un bon degré de technicité, et pourtant c’est très rare qu’on ait à patienter deux ans pour une nouvelle livraison. Sans compter que le groupe tourne, et doit aussi gérer du turn-over parmi son line-up (et franchement ça doit prendre du temps et de l’énergie de trouver la bonne personne puis d’apprendre un répertoire pareil). Et malgré ce rythme effréné, rien ne semble bâclé. Dès ce second album (et même dès le premier, sorti l’année d’avant) la musique est mature et accrocheuse, tout en Rock Prog keyboard-driven assez rétro. Si vous aimez Karfagen, Transatlantic, Magellan, ou The Flower Kings, allez-y les yeux fermés.
Circus Maximus - Nine (2012) et Havoc (2016)
On est en 2024 et Circus Maximus semble préparer quelque chose, si on en croit le regain d’activité sur leurs réseaux sociaux. Pourtant, leur dernier album date de 2016, et… et c’est l’occasion de réécouter ça. Je n’avais pas consacré de temps à ce groupe depuis des années, alors que j’en garde un excellent souvenir, surtout des deux premiers albums, à mi-chemin entre le Prog mélodique et le Power Metal, pas loin de Pagan’s Mind ou Symphony X. Pour autant, ce sont les deux autres albums que j’ai réécouté, qui ont une approche moins Power Metal et un peu plus… subtile ? Ça reste Metal, mais en se penchant plus vers un aspect "à fleur de peau", plus "chargé d’émotions", davantage à la Evergrey qu’à la Vanden Plas et avec le recul ça correspond bien plus à ce que j’ai envie d’entendre aujourd’hui. On retiendra notamment les titres finaux de chacun de ces deux albums, Last Goodbye et Chivalry, tous deux à ça de me tirer une larme.
Fenix Tx - Lechuza (2001)
Je l’ai déjà dit en parlant de Millencolin il y a un mois ou deux : l’été c’est la saison du Pop Punk. Et un des groupes qui a le mieux incarné ça pendant mon adolescence ; qui m’a, l’air de rien, guidé vers une musicalité un peu plus lourde ; que j’ai très longtemps espéré voir revenir ; c’est Fenix Tx. Leur deuxième et dernier album Lechuza, c’est la recette classique Punk Rock mais épicée avec un peu de Heavy Metal (surtout dans Something Bad Is Gonna Happen, Pasture Of Muppets, ou Beating A Dead Horse). Un peu la même méthode que s’apprêtait à suivre Sum 41, au final. C’est inédit à l’époque, écrit de manière ultra catchy, ça donne envie de faire du skate mais en mode vénère, ça prend toujours aux tripes. Et les morceaux les plus simples, sans cette influence Metal, sont encore aujourd’hui de vrais bangers pour l’ado de 37 ans que je suis (A Song For Everyone, Phoebe Cates, Abba Zabba…). Les titres sont travaillés, texturés, systématiquement plus “complets” et denses qu’on ne le pense à la première écoute. Chaque subtilité fait de cet album un régal à redécouvrir chaque fois que reviennent les fortes chaleurs. Fenix Tx s’est séparé et s’est reformé mille fois. Après Lechuza, on a eu un live en 2005, puis un ep en 2016… Puis rien. J’attends. Et chaque été, lorsque la saison d’écouter Fenix Tx revient, je vérifie. Toujours rien, et j’attends encore.
Cette année, lors de mon annuelle enquête, j’apprends que le chanteur-guitariste-fondateur Will Salazar a été remplacé, et surtout la disparition du bassiste Adam Lewis, ce 11 juin 2024, suite à un cancer du pancréas. Je suis désemparé. Lechuza a plus de vingt ans (et je l’écoute depuis sa sortie - j’avais quatorze ans), et malgré cette temporalité, l’impact qu’ont eu sur moi ces tristes nouvelles prouve à quel point l’album est important et prodigieux, au moins pour moi.
… OonaInked
On continue dans les révisions de festivals avec une brochette signée Pelagic Fest, porté par le label du même nom.
The Ocean - Phanerozoic I: Palaezoic (2018)
La collègue wohosheni vous avait parlé en juin dernier de Holocene (2023), je me dois de mentionner un de mes all time favorite. Le premier volet de ce diptyque est pour moi difficilement égalable : le titre introductif commence avec un piano lent, évoquant une exploration des eaux profondes et bouillonnantes… s’ensuivent des riffs lourds comme la pressions des abysses…. Puis un enchaînement de hits, jusqu’au Permian: the Great Dying explosif. L’album s’écoute d’une traîte très facilement, vous avez en prime un featuring avec Jonas Renske (Katatonia) et ses lignes de chant envoûtantes dont la sobriété contraste à merveille avec le grain de Loïc.
Year Of No Light - Consolamentum (2021)
Toujours un plaisir de replonger dans les eaux troubles, sombres de Year Of No Light et leur Sludge / Post-Rock. Sorti huit ans après Tocsin (2013), Consolamentum débarque tel une poigne presque divine, lourde, étouffante… Ce qui fait sens car le nom de l’album vient tout droit d’un rituel cathare. Les bordelais ne dérivent pas de leur modus operandi : peu de titres mais belle longueur d’écoute. Même si le côté full instrumental peut paraître oppressant et indigeste à la première écoute, chaque piste possède une réelle force évocatrice dystopique et brutaliste. Si vous aimez Cult Of Luna ou Hangman’s Chair mais que vous n’avez pas une heure de libre, prenez au moins dix minutes pour écouter Interdit Aux Vivants, Aux Morts Et Aux Chiens.
Llnn - Unmaker (2021)
Je n’avais que survolé ce troisième opus au moment de sa sortie, puis je l’ai redécouvert sur la Valley du Hellfest 2023. C’est, on pourrait dire, le starter pack de ce que tout bon fan de Post-Metal pourrait attendre : tempo (très) lent, chant tiraillé, atmosphère sombre et viscérale renforcée par une nappe de bruit dès l’ouverture d’Imperial. Le tout rappelle avec brio l’appel du néant illustré sur la pochette. Enfin, j’ai une affection particulière pour Resurrection, son petit côté Ulver et son ambiance mi-sinistre mi-contemplative.
… Wohosheni
Sunnata - Chasing Shadows (2024)
Voilà un album de stoner / doom / prog sorti en mai dernier et qui, au fil des écoutes, mûrit extrêmement bien. Très fan de Outlands (2018), un peu moins conquise par Burning in Heaven, Melting on Earth (2021) aux atmosphères affinées mais trop posées pour mon goût personnel, le dernier opus des Polonais de Sunnata semble être la parfaite conjugaison des deux. Pendant plus d’une heure, Chasing Shadows fait monter ses ambiances presque rituelles en posant son grain grunge sur des élancements psyché et des langueurs envoûtantes. Certains morceaux comme Wishbone rappelleront la dynamique plus rock’n’roll de Mastodon tandis que certaines progressions mélodiques (The Tide) invoquent les couleurs de Cult Of Luna. Mais c’est sur le morceau au titre à rallonge Like cogs in a wheel, we're trapped between waves of distorted time que Sunnata surprend et clôture son album en lui donnant une dimension électro / trip hop qui fait mouche et qui laisse entrevoir plein de potentiel.
Einar Soldberg - 16 (2023)
Du neuf et du traditionnel, c’est un peu comme cela que l’on pourrait décrire cet album solo du chanteur de Leprous. On y retrouve en effet à la fois ce qui peut faire aimer - ou détester, c’est selon - la patte musicale du Norvégien mais aussi des éléments nouveaux qui viennent apporter une identité intéressante à ce premier opus en solo. Dans une ambiance néo-prog moins démonstrative que sur Leprous, ce sont beaucoup d’orchestrations et d’ambiances électroniques texturées dans la veine des des influences développées sur Pitfalls (2019) et Aphelion qui occupent cette fois-ci quasiment tout l’espace, posant les atmosphères pour des lignes vocales tantôt intimistes, tantôt envolées dans la ligne directe de ce à quoi Soldberg nous a habitué·e·s depuis des années. Le musicien s’est aussi entouré d’un certain nombre de compositeurs, chanteurs et musiciens invités qui contribue assurément à apporter une vraie touche de fraîcheur à un album finalement assez diversifié : le très posé Blue Light avec Asger Mygind au chant (Vola), les incursions dans le rap avec Home grâce à la participation de Ben Levin, le prog de The Glass is Empty avec le pianiste et guitariste Tóti Guðnason (Agent Fresco). On y retrouve enfin des têtes connues comme l’incontournable Ihsahn (la famille…) qui nous gratifie de son chant saturé et de ses touches blackisantes sur Splitting The Soul, rappelant évidemment beaucoup les ambiances de ses précédentes collaborations avec Leprous. Si j’aurais pu me passer de quelques rares morceaux (je saute systématiquement Over the top que je trouve… over the top, justement), les onze minutes du final The Glass is Empty viennent se hisser au niveau des montées en puissance et en émotion les plus déchirantes qu’a pu nous offrir Soldberg. Et rien que pour cela, il serait dommage d’en faire l’impasse.
… Mayalabielle
Agoraphobic Nosebleed - Agorapocalypse (2009)
Agoraphobic Nosebleed, mené par Scott Hull (Pig Destroyer), revient quelques années après le très atypique Altered States Of America : un album de Grind sans concession de 99 titres qui ne dépassent pas la minute. Cette nouvelle galette, Agorapocalypse, avait déjà marqué les esprits avec sa pochette désormais iconique et son vert nucléaire qui fourmille de détails creepy. 87% de titres en moins (13 titres) que l’album précédent, arnaque me dirait vous ? Quenini, Agoraphobic Nosebleed pond une masterclass de Grind, ça crie a en vomir les boyaux. La production de bonne facture et plus digeste que sur l’album précédent ajoute une puissance appréciable à l'ensemble. N'oubliez pas de profiter, en chemin, des quelques temps de respirations à base de mid-tempo bien lourds entre deux rasades de blast beat. Rien n’est à jeter dans cet album, a part peut être votre tête qui aurait pris son indépendance après un headbang trop violent.
Anna Diorio - Inner Grounds (2018)
Anna Diorio, anciennement connue sous le nom de Happy Accident, est une MC du New Jersey. Elle commence la musique par le piano dès ses 5 ans. Son chemin artistique l’amène petit à petit au Rap (en passant par le Jazz). Sa musique mêle Jazz, Hip-Hop, R&B, Néo-Soul, Indie-Pop, et Folk, le tout enveloppé dans un univers ésotérico-mystico-chaman. Avec Inner Grounds, Anna Diorio acquiert une petite notoriété dans le Rap conscient, féministe et engagé (le titre Wild Women est le meilleur exemple). Les influences se mélangent parfaitement et l’album bien que très varié reste très cohérent. Entre flow hargneux et ligne vocale très appréciable, Inner Grounds est un super compagnon chill (mais pas trop) pour finir l’été.
Mirar - Mare (2024)
Mirar est une jeune formation française qui propose un Djent THALLesque d’une puissance et d’une qualité incroyable. Avec Mare, le premier ep, Mirar repousse les limites des expérimentations Vildhjartiennes avec un son lourd et puissant, servi par une production aux petits oignons. Entre dissonances à se faire exploser le cerveau et breaks qui fracassent les neurones, Mirar enfonce le crâne de l’auditeur jusqu’au centre de la terre. Quelques passages éthérés (Hestehov), typiques du style, permettent de respirer entre deux breaks monstrueux. Le tout baigne dans un univers baroque (Franka) apportant l’originalité nécessaire à la formation pour s’affranchir de ses inspirations. Mirar pousse l’expérimentation jusqu’au bout en avec une hybridation hard-tech/djent plutôt réussie sur le titre Oslo. Cet ep est une bonne surprise et de quoi pousser l’auditeur à surveiller consciencieusement les prochaines sorties de Mirar.
...Skaldmax
The Cure - Three Imaginary Boys (1979)
Chaque fois que je replonge dans le premier album de The Cure, je sais qu'il va me coller à la peau pour un moment. Three Imaginary Boys est très dépouillé, rythmique, mené par une basse Post-Punk qui fait sa loi. Certes Boys Don't Cry ou Close To Me n'y figurent pas, mais l'album révèle déjà une capacité à composer des merveilles. En particulier les titres plus nerveux comme Grinding Halt, Object, Fire In Cairo, mémorables grâce aux trouvailles vocales d'un Robert Smith de toute évidence marqué par le Punk. Avant la grisaille (Seventeen Seconds et Faith) puis les ténèbres (Pornography), ce disque juvénile des anglais est un indispensable pour alterner entre deux écoutes de Joy Division et de Siouxsie And The Banshees.
…Maxwell
Lofofora - Le Fond Et La Forme (2003)
Un peu de poésie dans un monde qui s’effondre. Beaucoup de douceur alors qu’est venu le temps de se morfondre. Accablé par la douleur de la perte d’un être cher, quelqu’un de très proche que ma foi j’appelais frère. Parmi ces souvenirs, de quelques mélodies encore je me rappelle, et je me souviens très bien ô combien tu les trouvais belles. De la prose riche et des rimes ravageuses, faisant mouche pour dénoncer une société piégeuse. Tant de hargne, de peur, de haine et de violence, tombées sur ce pays qu’autrefois on appelait France. Symptômes meurtris d’une nation devenue morose, cancer du corps et de l’esprit, la névrose. Un album si peu reconnu et tant apprécié, d’un groupe talentueux que maintes fois tu louais. Du fond à la forme le temps est venu, à Lofofora l’hommage est rendu. Pour cet album que tu m’as fait découvrir et aimer, et que maintes fois nous avons écouté. En souvenir de tous ces moments partagés, à toi mon frère que je ne pourrai jamais oublier.
... Pentacle
Jesu - Opiate Sun (2009)
J'ai toujours trouvé que Jesu était plus pertinent dans son format ep. C'est le cas avec Silver (2006), Lifeline (2007), les splits avec Envy ou Battle Of Mice mais encore Opiate Sun de 2009 quand il était dans superbe période Slowcore / Doom / Post Metal. Et ce disque regorge de mélodies poignantes, d'une lourdeur comme seul sait le faire Justin Broadrick. C'est doux, sensible, violent, c'est Jesu !
Panopticon - ...And Again Into The Light (2021)
Des passages Folk à la Neil Young, du gros blast tels si c'était Wolves In The Throne Room : c'est ce qu'évoque ce disque, du moins en terme de références. Mais cela est bien trop caricaturale. Aimez ce mélange de Country / Folk / Black Metal pour ce qu'il est vraiment. Pour ce truc épique fabuleux, pour ce rapport à la nature, pour ce que l'on est ! Il est ses mélodies qui crèvent l'aorte. Un magnifique album de Black Metal.
Puremoon - Fade (2024)
Personne n'écoutera Puremoon, parce qu'ils ont trop à part dans un style Math-Rock / Emo hors de certains carcans Mais nous on s'en fout parce que ça tue. C'est album est une petite pépite d'Emo / Shogeaze / Indie Rock avec un paquet de mélodies accrocheuses. Fade est l'équivalent de My Bloody Valentine en 2024. Ecoutez les, je vous en supplie.