Séries Musicales #1 du Rock au Hip-Hop

Des séries ou des films documentaires qui abordent les différents styles de musique, il en existe des tas et des très bons. Mentionnons par exemple le très touchant documentaire sur Lemmy Kilmister (Motörhead) tout comme l'histoire des malchanceux d'Anvil dans les scènes Metal ou bien encore la série The Defiant Ones qui parle des vies respectives du producteur Jimmy Lovine (U2, Tom Petty, Patti Smith...) et de Dr Dre pour son approche et les liens qu’il tisse dans les histoires du Rock et du Hip-Hop. Mais plutôt que d’évoquer ici la facette documentaire du genre, on vous a sélectionné trois séries en rapport avec la musique, forcément, mais qui en traite d’un axe fictionnel. Ce sont donc trois histoires, toutes trois différentes dans les styles musicaux évoqués, à savoir dans les largeurs plutôt Rock, Punk et Hip-Hop, mais aussi dans les thématiques qu'elles dépeignent. Ce sont également des mini-séries finies, constituées d’une poignée d’épisodes et qui se déroulent et se concluent sur une saison. Une petite playlist se trouve également en fin d’article avec une dizaine de morceaux pour vous faire une idée de l’univers et des artistes abordés dans ces trois séries qu’on vous garanti sans spoilers, histoire de ne pas vous gâcher la découverte.



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Vinyl - Mick Jagger, Martin Scorsese, Rich Cohen, Terence Winter (2016)

Nous sommes en 1973 à New-York et nous suivons Richie Finestra, fan de Blues et de Rock, qui a monté le label American Century Records dans les années 60. Sauf que si le label a connu des heures de gloires en signant des groupes comme Jethro TullSlade, Thin LizzyGrand Funk RailroadHannibal et en se diversifiant dans des styles tels que le Heavy Metal, la Funk, la Disco et le Reggae, pour l'heure, c'est la déroute. Le label a subit de grosses pertes financières en raison de plusieurs signatures d'artistes désastreuses, de la perte de popularité de plusieurs de ses artistes déjà établis et du départ de certains de ces artistes également. Bref, Richie est au plus mal et essaye de sauver son label, ou du moins sa peau, en le vendant aux allemands de Polygram (dans la réalité néerlandais). Ce qui est assez génial c’est que la série brouille souvent la frontière entre la réalité et la fiction, puisque l’on retrouve des icônes de la scène Rock / Blues des années 70, Andy Warhol, Robert Plant de Led Zeppelin ou même une scène franchement savoureuse avec Alice Cooper, dans des séquences inventées tout comme des groupes fictifs avec la formation de Punk Nasty Bits dont on suivra les péripéties pendant ces dix épisodes. Le label, American Century Records, est lui aussi complètement fictif, même s’il parait franchement réel et on sent le sens du détail dans la série puisque Polygram a bien effectivement développé ses activités dans les années 70 en rachetant plusieurs labels tels que MGM Records ou Verve Records.

Du détail, certes, mais on en attend pas moins d’une série produite par l’une des figures iconique du Rock’n Roll, Mick Jagger (The Rolling Stones) et Marin Scorsese (Taxi DriverLes AffranchisLe Loup de Wall Street…) dont on connait l’importance de la musique dans sa filmographie. Il y a bien sûr, et ce n’est pas un hasard, son documentaire sur les Rolling Stones, sur Bob Dylan, mais aussi cet effet juke-box / clip dans Vinyl que l’on pouvait retrouver dans Casino (1995). Pour l’anecdote c’est James Jagger, le fils de Mick qui joue le chanteur des Nasty Bits dont on parlait plus haut. L’un des gros points forts de la série, c’est que vous verrez beaucoup de séquences de concerts, de répétitions, d’enregistrements en studio avec des groupes connus (mais avec des acteurs / actrices) que ça soit New York Dolls, The Velvet Underground avec Nico, Alice Cooper, David Bowie, des bluesman dont je ne connais malheureusement pas les noms avec parfois des enchainements de styles et de vraiment séquences musicales et pas seulement quelques secondes calées ici ou là. On sent une réelle passion pour la musique et cette période-là (logique vu que Jagger et Scorsese avaient tous les deux trente ans dans les années 70) à évoquer les balbutiements du Hip-Hop dans les quartiers pauvres comme le Bronx grâce à la jeunesse afro-américaine, l’explosion du Punk pour sa rage et son énergie communicative, le Rock en plein expansion, la Funk et le Blues qui cohabitent également et tout ce brouillement musical et artistique.



Le pilote de la série est en ce sens impressionnant, s’étalant sur deux heures et se regardant presque comme un film. Vous trouverez dans Vinyl et de manière assez évidente l’adage sexe, drogues et Rock n’ roll : les dealers, les prostituées, les fêtes avec ce qu’il faut de débauche et d’extravagance, les mauvais trip, la violence, le business de la musique et tout ce que ça englobe de magouilles et d’hypocrisie, des mafieux, des ordures, des musiciens qui essayent de survivre dans cette jungle ou l’empathie semble avoir mis les voiles il y a bien longtemps. C’est extrêmement bien filmé, on ressent bien cette ambiance enfumée de fond de bar tout comme cette exaltation due à la fête et à la musique. Alors oui, les personnages sont parfois caricaturaux et certaines scènes semblent un peu trop en faire dans le côté défonce et montrer que les acteurs de la scène sont presque tous des salopards narcissiques et méprisants, mais si vous connaissez le cinéma de Scorsese vous ne serez pas dépaysés et puis on se laisse prendre au jeu avec des dialogues ciselés qui font souvent mouche. Enfin, quelle BO aux petits oignons ! Difficile de rendre d’avantage hommage à cette période et l’ambiance électrique qui se dégage de Vinyl est hyper accrocheuse. HBO qui produisait la série n’a pas signée pour une seconde saison à cause d’une audience jugée trop faible, mais également parce qu’elle coutait très cher à produire (30 millions rien que pour le pilote et 8,7 million par épisode, soit plus cher qu’un épisode de Game Of Thrones). Soyez rassurés cependant, car l'unique saison se conclue sans cliffhanger et peut se regarder comme telle. Vinyl peut se visionner sur Canal + en streaming.

We Are Lady Parts - Nida Manzoor (2021)

Bien différent de VinylWe Are Lady Parts est une série à petit budget produite par l’anglaise Nida Manzoor qui avait notamment travaillé sur deux épisodes de Doctor Who en 2020. Elle raconte la nouvelle vie d’Amina, une jeune femme sérieuse et discrète, qui voit son quotidien chamboulé quand elle rejoint par accident Lady Parts, un groupe de Punk musulman féminin, à la recherche de sa nouvelle guitariste. Le groupe se compose d'une bassiste illustratrice, d'une batteuse conductrice pour Uber, d'une manageuse qui travaille en journée dans un magasin de sous-vêtements, d'une chanteuse / guitariste qui est bouchère et ensemble, elles rêvent de percer mais ont besoin d'une seconde guitariste pour mettre définitivement leur groupe sur pied. Mais Amina, l’héroïne de l’histoire, est fleur bleue, tout aussi timide que coincée et très douée à la guitare, pensant surtout à trouver l’amour et continuer ses recherches en biologie. Une bonne partie de l’humour de la série vient de là, de ce décalage entre ce personnage sérieux et sa rencontre avec d’autres femmes aux vies et caractères haut en couleur, avec ce côté humour british malin, cinglant et même parfois assez cru. Six petits épisodes pour raconter leurs repets, leurs doutes, leur colère qui se transmet dans la musique Punk, leurs amours, leurs conflits internes, tout ça avec beaucoup de bienveillance et de justesse.



La réalisatrice Nida Manzoor précise d’ailleurs elle-même qu’elle a grandi dans une famille pakistanaise musulmane, au milieu de la musique et elle ajoute que We Are Lady Parts a un côté autobiographique. Elle s’est inspirée de Spinal Tap et The Young Ones pour la façonner. Le truc vraiment cool et qui donne un joli cachet aux six épisodes, c’est qu’elle a également composé, en compagnie de sa famille (ses sœurs Shez Manzoor, Sanya Manzoor et son beau-frère Benjamin Benni Fregin) différents morceaux que compose / joue Lady Parts en repet ou sur scène avec des titres aussi savoureux que Voldemort Under My Headscarf. Bien sûr la série se moque de l’islamophobie ordinaire et de ceux qui sont gênés par leur port du voile et elle met en lumière des femmes musulmanes qui vivent leur foi à leur manière, tout en luttant parfois contre les attentes de leurs proches. En fait, We Are Lady Parts est un portrait de femmes qui utilisent la musique Punk pour s’exprimer, s’affirmer et vivre leur vie et leur religion comme elles l'entendent malgré les préjugés racistes et sexistes de la société. On trouve une belle sororité dans We Are Lady Parts, tout comme elle est une hymne à la musique Punk et est porté par une énergie communicative. Bref c’est frais, c’est juste, c’est drôle et ça fait tout simplement du bien de voir ce genre de séries à l’écran.
Avec We Are Lady Parts, Nida a gagné un Rose d’Or en talent émergent et elle travaille actuellement sur son premier film, Polite Society qui devrait sortir cette année. C’est disponible en streaming chez Brutx.

Le Monde de Demain - Katell Quillévéré, Hélier Cisterne, David Elkaim (2022)

Au départ, Le Monde de Demain, semble "se vendre" comme une série abordant les débuts du duo de Rap français NTM. Même s’il est vrai qu’on suit la rencontre et le parcours de Didier Morville (aka Joey Starr) et de Bruno Lopes (aka Kool Shen) qui découvrent le Hip-Hop grâce aux danseurs sur le parvis du Trocadéro, on suit en réalité l’essor du mouvement Hip-Hop en France dans les années 90 où se mêle danse, graffiti, deejaying et rap. Ils verront l’émergence d’artistes comme MC SolaarSuprême NTMIAMAssassin ou encore Dee-Nasty (joué ici par Andranic Manet, connu dans le monde du battle rap) et Lady V, danseuse et graffeuse. A l’inverse de VinylLe Monde de Demain tient à raconter l’histoire de manière la plus fidèle possible, tel un biopic, si bien qu’on a parfois l’impression d’assister à un documentaire et de suivre les acteurs comme si on était avec eux tel un personnage tierce qui assisterait à leurs différentes péripéties. En ce sens, la réalisation du trio Katell Quillévéré, Hélier Cisterne et David Elkaim est juste, sans en faire des caisses et au plus proche de ses acteurs.



Ce qui joue aussi beaucoup dans l’appréciation de cette série c’est que le casting d’acteur est excellent. Melvin Boomer est tout simplement impressionnant en quasi copie conforme, physiquement, de Joey Starr mais aussi et surtout pour ses capacités de breakdancer (il est danseur de métier) tout comme de chanteur / rappeur. Il est arrogant, insolent tout comme il arrive à captiver avec une sorte de charme frondeur énigmatique. Anthony Bajon (La PrièreTeddyAthena…) incarne à ses côtés un Kool Shen plus posé, plus réfléchis, bataillant entre sa famille et son désir de devenir rappeur. On suit également le sympathique et attachant Dee-Nasty qui pourrait gagner la palme d’or des DJs qui a le plus la poisse tout comme Béatrice (Léo Chalié) qui organise des concerts (officiels ou non) et ne se laisse pas marcher sur les pieds dans un milieu dominé par les hommes.

Le Monde de Demain montre comment ce milieu s’est façonné, les prémices à base de concerts dans des terrains vagues, de distributions de flyers, de radio libres, de compétitions entre rappeurs, d’essayer d’enregistrer, de sortir et de vendre un disque, des portes fermées et des emmerdes avec les flics. On sent bien cette énergie nouvelle, cette impulsion et cette envie de créer à partir de rien, parfois de bric et de broc en essayant d’apporter un nouveau style musical en France. Au-delà de ça, le scénario est toujours proche de ses personnages et dévoile les relations entre chaque protagonistes que ça soit leurs doutes, leurs galères, leurs coups de gueules, leurs désaccords, mais aussi leurs réussites, leur amitié / amour avec beaucoup de justesse et sincérité. Le Monde de Demain ne tombe heureusement pas dans le cliché mélodramatique, il se montre parfois drôle, tantôt touchant, mené par la détermination de ses personnages qui une sorte de verve et courage revigorant. Même si vous n’aimez pas le Hip-Hop, (après, très honnêtement, son principal intérêt réside dans la création du mouvement en France) c’est une excellente série et c'est vraiment cool d'avoir une série française de ce niveau ! Le Monde de Demain est disponible en streaming sur Netflix.

Pentacle (Janvier 2023)

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