La Nouvelle Scène Belge

Cette idée d’article fait suite à la sortie de l’excellent nouvel album de BrutusUnison Life, paru le mois dernier via Sargent House, et notamment de sa montée en puissance et en reconnaissance ces dernières années au point de dépasser simplement les cadres Metal / Hardcore que l’on connait. Même Le Monde leur a consacré un article récemment. Comme d’autres albums issus de la scène Belge viennent également de sortir récemment, on se disait, qu’en plus de parler de parler de Brutus, on pourrait dans le même temps parler de quelques formations que l’on juge intéressantes et qui méritent un peu d’attention, tout en restant dans des styles Post - Rock/Hardcore/Metal, donc sans forcément aller voir du côté du Metal extrême, ni du Hardcore pur jus. On ne mentionnera pas non plus la désormais bien célèbre Church Of Ra (Amenra, Wiegedood etc), puisqu’elle mériterait un article dédiée à elle seule, tout comme il semble évident que cet article n’a pas pour but de réaliser une liste de tous les groupes de Metal qui existent en Belgique, pour ça il y a Encyclopaedia Metallum. On vous a mis une petite playlist des sept groupes dont on parle ici à la fin de l’article pour vous faire un bref avis de ceux-ci.



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Bien entendu, impossible de débuter ces lignes sans quelques mots sur ce qu’on pourrait presque appeler désormais une célébrité Belge. Il faut dire que la formation de Louvain, a cassé la baraque avec son tout premier album, Burst, de 2017, signé chez Hassle Records. Avec un véritable mélange d’un paquet de genres (Post-Rock, Hardcore, Shoegaze, Indie-Rock, Pop…), une personnalité déjà largement bien trempée et ne ressemblant pas franchement à d’autres groupes, Brutus a apporté beaucoup de fraicheur dans des styles parfois trop cloisonnés. Ajoutons que la voix de sa batteuse, Stefanie Mannaerts, très émotionnelle et si particulière donne une bonne partie de l’identité de Brutus. Les tournées avec Russian Circles, Chelsea Wolfe et Cult Of Luna ont également permis au trio de se faire connaitre et de forger une excellente réputation live. Et si Nest, paru en 2019, était peut-être un petit peu moins marquant (et moins surprenant), il se révélait largement solide et qualitatif. Unison Life, sorti récemment, confirme tout le bien de ce qu’on pense du combo et si l’on perd un poil en énergie on gagne en terme d’écriture, de cohérence du fait du caractère abouti des morceaux avec toujours ce qu’il faut de riffs et de mélodies qui vont se loger dans un coin du cortex (Victoria, What Have We Done, Storm…). Unison Life semble aussi peut-être plus mélancolique et gris que les deux précédents disques, en tout cas leur mélange est toujours aussi agréable et personnel, Stefanie a progressé dans la justesse de sa voix et on a l’impression que Brutus a encore franchit un niveau supérieur dans sa carrière. Au vu de tous ces éléments et même s’il y a toujours une part de hasard ou de hype dans l'équation, on comprend pourquoi le trio gagne autant en popularité et plaise autant. C'est amplement mérité.

Stake n’est pas un groupe récent à proprement parler puisqu’il existe depuis 2004, mais s’est formé sous le nom de Steak Number Five. La relève Stake et ce changement de nom arrive alors en 2018, avec l’album Critical Method en 2019 chez Hassle Records (le label qui a sorti Burst de Brutus) et cette année avec le fourmillant Love, Death And Decay. Si Critical Method témoignait d’une certaine efficacité Post Metal / Hardcore à grand coup de riffs parfois pas si éloignés du Sludge ou du Stoner (Catatonic Dreams) ou de plages plus atmosphériques soignées (Evolution), c’est surtout avec Love, Death And Decay cette année que le combo de Wevelgem se révèle particulièrement intéressant et plus original. En effet, Stake déploie dans ce disque davantages d’influences psychédéliques (très belle pochette colorée au demeurant) et progressives avec beaucoup de subtilité se montrant parfois étonnamment chatoyant à la manière d’un Elder (le bien nommé Ray Of The Sun). Ca ne veut pas dire que le groupe abandonne les riffs en fusion (comme sur l’excellent titre éponyme) et un groove certain, mais il le nuance davantage son propos et offre beaucoup plus de possibilités et d’ampleur à sa musique. La voix de Brent se trouve également doté d’une nouvelle palette vocale, plus douce, mais aussi plus colorée, avec de nombreux moments marquants. Love, Death And Decay est un très beau voyage et on est curieux de voir dans quelle direction continuera Stake par la suite car il y a moyen d’aller tutoyer les étoiles.



Et pour ne pas trop s’éloigner des constellations, ni même trop stylistiquement parlons maintenant de Psychonaut, un trio originaire de Malines fondé en 2013 et auteur de deux très beaux disques Unfold The God Man (2018) et Violate Consensus Reality (2022), tous deux édités par Pelagic Records. Deux des musiciens officient dans le plus récent Hippotraktor dont on parlera juste après et sur le dernier album, Stefanie Mannaerts (Brutus) et Chve (Amenra) sont également invité.e.s sur un titre. Voilà, vous commencez à comprendre les liens et la constellation artistique autour de ces projets. D'autant que le mot est bien choisi puisque le trio entame dans sa musique une quête personnelle pour l'homme de s'élever à un autre niveau de conscience supérieur pour Unfold The God Man alors que Violate Consensus Reality évoque la formation d’un nouveau monde à travers l’acceptation d’une nouvelle identité humaine. Ces à travers ces concepts que Psychonaut déploie un Post Metal aux contours progressif et atmosphériques. Les deux disques forment d'ailleurs une sorte d'ensemble très lié aux influences pouvant aller de Mastodon à Tool en passant par inévitablement par The Ocean bien sûr et plus récemment on pensera à Dvne et forcément à leurs comparses de Stake dont on parlait précédemment. Au delà de tout cela, la musique de Psychonaut est magnifique de cohérence et exaltante d'intensité car il se dégage une force et une magie de l'ensemble assez unique. Le chant de Stefan est poignant, les compositions intelligentes, lumineuses, c'est à la fois malin et plein d'émotions. Une exploration des étoiles comme de notre fort intérieur, ou bien l'inverse et les deux en même temps. On le répète, les deux albums sont somptueux.

Dans un registre complètement autre, 30,000 Monkies est une belle évocation de la scène Belge dans ses aspirations de lourdeur et de bruit, chose que l'on pouvait déjà apercevoir avec leur premier album au nom ironique I Ate Myself To Grow Twice As Big de 2016 avec cette volonté de mélanger Noise Rock, Sludge, Doom et Drone. Le groupe originaire de Beringen s’y emploie depuis plus de dix ans, même s’il est resté plutôt confidentiel. En 2019, Are Forever, le second album de 30,000 Monkies est sorti chez Consouling Sounds (le label Belge pour tout ce qui est musiques expérimentales et lourdes : Nadja, Gnaw Their Tongues, Treha Sektori, Lento...) et pousse le curseur encore davantage dans les aspect Sludgecore / Noise évoquant à la fois The Abominable Iron Sloth, Love Sex Machine ou ce genre de groupes pas très finauds, accordés comme des sagouins hyper bas ou balance des trucs bruitistes bizarres à la Swans ou à la Oxbow. Sur leur dernier effort, sorti cette année, Honesty Integrity Friendship Passion, on retrouve aussi ce mélange de parpaings de gras et de cacophonies à te faire vriller les oreilles et d’atmosphères angéliques (oui, oui) pourtant c’est à chaque fois très cohérent et assez génial dans l’approche extrême du truc. On n’a toujours pas compris le décalage entre leurs pochettes de J-Pop et leur musique hyper sérieuse et violente, mais tant que c’est bon... Dans un style pas si éloigné (et de Belgique toujours) on pourra les rapprocher des récents Doodseskader, tout comme ils nous font regretter les Ultraphallus qui n’ont pas donné de nouvelles depuis trop longtemps.



Pour continuer dans la lourdeur, mais d’autre manière, Hippotraktor, originaire de Malines et fondé en 2017, est arrivé très fort avec un premier album, Meridian, l’an dernier via Pelagic Records. On trouve d’ailleurs chez Hippotraktor trois des musiciens de Psychonaut et chez Pelagic Records des voisins de palier que sont Briqueville et d’excellentes formations telles que LlnnCrown ou encore Year Of No Light. Tout ça pour dire qu’en un seul album, les belges n’ont pas à rougir des noms précités avec leur mélange de Post Metal / Metal Progressif dont la filiation avec The Ocean saute assez vite aux oreilles avec ce côté syncopée et atmosphérique, tout comme certains passages rappellent ce que produisaient il y a quelques années en France des formations comme Hacride ou bien Eryn Non Dae. C’est dans cet entre deux eaux qu'on trouve Hippotraktor allaint la brutalité de certains passages qui font vraiment rouleau compresseur (ou tracteur pour coller à leur nom) tout comme ils installent des atmosphères presque célestes par instants portées par les voix de Stefan et Sander qui altèrent entre hurlement et chant clair franchement magnifique (Sons Of Amesha). Un disque pesant, mais fin et éclairé tout comme il se révèle nébuleux. Un sacré premier effort donc, qui mérite amplement qu’on suive la suite des activités du combo.

My Dilligence débute en 2012 à Bruxelles comme un groupe de Stoner un peu classique avec un ep et un album éponyme en 2015, mais c’est réellement en 2019 avec l’album Sun Rose que la formation devenue trio (deux guitares / batterie / chant) se montre réellement intéressante en développant un côté très Torchesque dans ses compositions. Nulle besoin de basse, l’épaisseur des six cordes suffit avec un jeu fluide et groovy, tout comme ils aèrent leur propos avec le chant de Cédric Fontaine, très aérien justement, proche de groupes comme ceux de la scène de Savannah (on pense à Baroness et Kylesa en tête). La musique de My Dilligence s’en trouve alors bien plus nourrie et intéressante avec des côtés Post Rock / Metal que l’on sent poindre ici ou là. C’est une chose qu’ils embrassent désormais pleinement avec The Matter, Form And Power qui vient de paraitre cette année. On y décèle vraiment des influences de Cult Of LunaIsis ou Russian Circles comme sur les morceaux Celestial Kingdoms ou Elasmotherium, mais tout en gardant grandement ces mélodies et ce son heavy et épique à la Torche. Le chant de Cédric s’est affiné et est d’une justesse assez rare dans un style aussi clair et limpide. C’est une évidence My Dilligence a gagné en ampleur, en puissance et en émotion dans leurs compositions et ils peuvent aller tutoyer Brutus sur leur terrain de jeu sans problème. Et le truc vraiment fort chez eux, c’est que même si on devienne au premier coup d’oreille les influences (Torche et Cult Of Luna en premier), ils arrivent à les mélanger d’une fort belle manière et livrer des morceaux très solides grâce à un talent d’écriture élégant.



Pour finir sur une note un peu plus calme, parlons du groupe de Tournai, Endless Dive, fondé fin septembre 2015 et auteurs de de deux albums, Falltime (2019) et du tout juste A Brief History Of A Kind Human (2022). Le quartet pratique un Post-Rock dans une lignée proche d’un Explosions In The Sky ou de Mono à savoir des compositions très mélodiques, des montées en puissance et des passages touchants pour avoir la petite larmichette à l’œil. Sur ce premier effort, Endless Dive se révélait un brin trop classique, même si on note quelques petits accents Math-Rock voir Emo assez agréables et ensoleillés (Misadventures), néanmoins très plaisant, mais pas assez fort en terme d’écriture pour revenir se glisser régulièrement dans la playlist. Mais avec A Brief History Of A Kind Human c’est une autre paire de manche puisqu’Endless Dive a nourrit ses compositions d’autres influences alliant musiques électroniques et autres plages ambient. Leur son se révèle plus ample, plus organique, avec toujours cet aspect sautillant et enjoué comme sur les pistes telles qu’Elevator To Silence ou encore Tropique Triste, mais d’autres morceaux développent aussi une facette plus dense et sombre (le bien nommé La Cigüe). D’une manière générale, avec ce nouvel album Endless Dive témoigne d’une volonté de s’affirmer avec un Post-Rock atmosphérique et poétique. C’est beau et intelligent, il n’y a qu’à souhaiter que la suite aille dans cette direction.

Comme on le précisait en début d’article, cette présentation de quelques groupes avait surtout pour but de mettre en lumière quelques formations Belges gravitant autour des musiques « Post » sans pour autant faire le tour de la question et de recenser tous les groupes du genre dans un pays aussi vaste musicalement que la Belgique, mais on espère que vous ferez de belles découvertes. Pour aller un peu plus loin on vous conseille trois groupes belges bien différents de cette sélection. En premier lieu, Neptunian Maximalism si vous êtes amateur / amatrice de musiques expérimentales et psychédéliques allant du Drone, Au Free Jazz en passant par la Noise, le Dark Ambient et le Doom, Wyatt E, pour leur Drone / Doom mystique transperçant parfois proche d’un Om et enfin Bones, avec leur premier album Sombre Opulence qui est sorti cette année, si les recoins caverneux et poisseux du Death Metal ne vous font pas peur.

Pentacle (Novembre 2022)

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