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Netflix & chill ou refaire des concerts ? La chute de fréquentation des concerts metal après deux ans de covid

14 mars 2022, les restrictions sanitaires sont enfin levées en France après deux ans de pandémie. Le port du masque et le pass sanitaire ne sont plus obligatoires pour les salles de spectacles et les concerts peuvent enfin reprendre dans des conditions normales. On s’attendait à ce que tout le monde reviennent aux concerts, que les salles fassent salle comble après deux ans de privations, de multiples reports ou annulations, mais après deux mois de réouverture « comme dans le monde d’avant », la reprise semble plus qu’incertaine. Le covid, les mesures gouvernementales qui en ont découlé et les deux années éprouvantes qu’on a vécues calfeutré.e.s chez nous, ont eu un impact sur la culture, nous et les passionné.e.s de musique que nous sommes. Et oui, les concerts et les festivals semblent encore bien malmenés avec une reprise timide de la fréquentation de ces évènements.



Partie I : les signes d’inquiétudes

Les premières alertes nous viennent en avril. Deux festivals sont annulés en mai fautes de préventes. Le 8 Fest II dans le 44 est annulé alors qu’il faisait complet l’an dernier en pleine pandémie avec des groupes français / locaux comme HilldaleBeyond The Styx ou encore Brothers Till We Die. Mais cette année, avec Guilt TripHard Mind ou In Other Climes, ça se ne semble pas être la même affaire et l’organisation jette l’éponge un mois avant les festivités. Plus étrange et plus loin en terme de programmation et d'organisation, Le Horizon Open Air est annulé faute de préventes. Le festival devait avoir lieu du 1er au 3 juillet à Egruselles-Le-Bocage entre Paris et Auxerre et accueillir pas moins que Fleshgod Apocalypse, Terror, Cytotoxin, Ultra Vomit, Black Bomb A, Benighted… On a fait pire en termes de programmation et pourtant, même ces groupes-là ne suffisent pas pour attirer un minimum de personnes pour assurer leur festival. Tout aussi grave, le M'N'M Slasher Fest prévu le 14 mai est annulé, le festival n'a pas communiqué de raison à cette annulation, mais il devait accueillir à Nancy Meshuggah, Leprous, Zeal And Ardor, Celeste, Déluge, Gorod… ce qui est très loin d’être une affiche dégueulasse. Manque de préventes également ? L’association n’a pas communiqué en ce sens, mais vu le contexte, il y a de forte chances et on imagine qu’ils préfèrent rester discret là-dessus.

Dans le même laps de temps, Suden Promotion, une organisation de Paris annule un concert prévu le 25 mai à Glazart avec à l’affiche AnalepsyCenotaph et Maximize Bestiality. L’organisation évoque une baisse de fréquentation et un manque de préventes pour les concerts (leur post). Deux dates de Noiser, à Toulouse ont également sauté pour les mêmes raisons avec les annulations de W!zard et Paddang le 30 avril et de Big Brave et Fagelle le mai 20. Noiser a communiqué sur ses chiffres de préventes des concerts que vous pouvez retrouver par ici (leur post). Notons le très faible nombre de préventes pour Big Brave (10), Wiegedood (16) ou Benighted (31), alors que d’autres programmations s’en sortent tout juste correctement : Oranssi Pazuzu (59) Stöner (70) et d’autres très bien The Ocean (200). Il faut préciser que les préventes permettent parfois aux associations d’avancer de l’argent permettant de payer le tourneur et le cachet des groupes, et sont aussi un indicateur des personnes intéressées par l’évènement. Difficile dans ces conditions d’une part d’avancer l’argent, mais d’autre part de tabler que les gens viendront le jour du concert sans craindre un four monumental et s’endetter de parfois plusieurs centaines ou milliers d’euros selon les plateaux.


 
Partie II : vos avis

Pour tenter de comprendre les changements d'habitude, on vous a proposé de remplir un questionnaire. En premier lieu, on souhaite vous remercier chaleureusement car en une journée vous avez été près de 600 personnes à répondre. Cela permet d’obtenir tout de même un aperçu assez représentatif, mais à nuancer puisque les personnes ayant répondues sont amateur.ice.s de Rock / Metal, lisent ou suivent Metalorgie sur le site ou les réseaux sociaux et vont potentiellement à des concerts dans les genres musicaux qui nous intéressent. Voici le cadre du sondage et il n’a nulle prétention ni vocation à remplacer ceux de l’IFOP. Maintenant que ceci est établi, on peut déjà se poser la question s’il y a un changement d’habitudes. On a ainsi posé les questions en plusieurs étapes (que tout le monde ne voyait pas forcément car cela dépendait des réponses précédentes). Sur nos participant.e.s :
- 82% ont déjà fait un concert depuis la reprise en février
- 18% n'ont pas encore refait un concert.

Parmi les 18%, pour 60% d'entre eux, ne pas faire un concert pendant trois mois n'est pas habituel et parmi les 82% à avoir fait un concert, 52% ont l'impression de faire moins de concerts qu'auparavant. C’est donc sans trop de surprises que l’on note des changements de comportements nets. Pour toutes celles et ceux ayant répondu que cela n'était pas une chose habituelle (pour les autres : voilà pourquoi le questionnaire était aussi court !) on leur demandait les raisons de ces changements et il était possible de choisir plusieurs réponses. Nous avons eu un peu plus de 300 réponses. Voici les raisons principales :

1) Les reports à répétitions : 49%
2) Changement d'habitude (rester chez soi, voir des ami.e.s, ...) : 32%
3) Des affiches qui ne vous tentent pas : 31%
4) La hausse du coût de la vie (essence, nourriture) : 29%
5) Pas assez de concerts / festivals : 26%
6) Plus l’habitude d'aller en concert : 24%
7) Le prix des billets : 18%
8) Peur d'annulation en cas de covid : 15%
9) Manque de communication / visibilité : 13%
10) Incertitude des remboursements en cas d'annulation : 9%
11) Peur de se retrouver avec autant de monde : 8%
12) Peur de contracter le covid : 7%
13) Trop de concerts / festivals : 6%

En première place et un peu avec surprise, ce sont les reports à répétition qui font que les gens ont principalement changé leurs habitudes. Grâce à vos commentaires on a pu sortir plusieurs raisons liées à cela. Tout d’abord, certain.e.s se retrouvent avec plusieurs concerts prévus et préfèrent économiser pour ces soirées déjà prévues de longue date plutôt que d'en prévoir de nouvelles. D’autres personnes ont aussi prévu beaucoup d'événements qui arrivent en même temps que ce soit des concerts, des humoristes, des spectacles… et n'ont plus le temps pour de nouvelles dates. D’autres encore attendent que les reports réguliers s'arrêtent et enfin, quelques personnes devaient refaire des concerts et en faire une « activité normale » mais avec les reports récents (Meshuggah par exemple) ce n’est pas possible. Concernant l’embouteillage des concerts ou la multiplication des évènements plusieurs dates se chevauchent ou se retrouvent aussi très rapprochées dans le temps comme c’est le cas pour le Ieperfest en Belgique qui fête ses trente ans, le Horizon Fest et le Kave Fest, tous les trois programmés le même weekend du 1er au 3 juillet, soit une semaine après le double weekend du Hellfest. Et même si les groupes programmés sont divers et que les festivals se déroulent dans des endroits différents, le public Metal n’est pas extensible. Précisons toutefois que depuis quelques années le Hellfest semble être la cause de tous les maux dont ceux du peu de fréquentation de concerts ou d’autres festivals. Rappelons-nous qu'il y a dix ou quinze ans de cela, on ne trouvait pas autant de concerts et festivals que maintenant et que le festival de Clisson a bel et bien ouvert la voie pour qu’il y ait davantages d’évènements, que les groupes viennent en France et que la musique Metal soit davantage populaire et acceptée par la plupart des gens. Sans Hellfest on n’aurait sans doute pas eu en France de Motocultor, d’Xtreme Fest, de Sylak Open Air, de Download Festival etc… Concernant le sujet qui nous intéresse ici, comme le Hellfest est complet depuis un bon moment sur ces deux weekends, il laisse aussi un large public, français ou étranger, capable de venir sur d’autres festivals et concerts pendant l’été.



Ensuite, on retrouve assez haut placé le changement d'habitude lié à deux ans sans concert. Dans ces raisons, il y a tout simplement la perte de l'habitude de se déplacer à des concerts, mais aussi un attrait pour des soirées différentes. On note aussi une appréhension à se retrouver avec autant de monde ou / et la peur de contracter le covid. Ce sont d’ailleurs des raisons qui peut être très dommageable pour les organisateurs car il est difficile de faire rechanger des habitudes prises après deux ans de confinements / arrêts des concerts : faire revenir les gens dans les salles de spectacle. Cependant, pour d’autres c'est l'offre qui pêche : soit pas assez de concerts, soit des affiches qui n'emballent pas. Là-aussi, en lisant vos commentaires, certain.e.s trouvent qu'on voit toujours les mêmes groupes (en tournées, en festivals...). Cette réponse prête ici à interrogation, car au niveau des concerts on trouve justement qu'il y a une offre assez variée en ce moment, mais surtout sur des groupes de taille "moyenne" ou "petite" (en terme de notoriété). On trouve beaucoup de dates, mais pour les plus grosses affiches (des salles de plus de 1000 ou 2000 places par exemple) il y a en effet moins de choix en ce moment. Quelques personnes précisent qu'il y a surtout des affiches françaises et que cela ne les emballent pas.

Le dernier point saillant de ce sondage est bien évidemment l'argent. Cela revient souvent dans vos commentaires : il faut faire des choix, se limiter en terme de dates, il est évoqué la nécessité de faire moins de route, que le prix de certaines dates sont jugées trop élevées... On sent donc que les effets cumulés de la crise d'après covid sont là, conjointement avec les effets de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Quelques-uns mentionnent aussi le fait qu'ils vont faire des festivals cet été tels que le Hellfest ou le Motocultor et qu'ils feront le plein de concerts là-bas, mais préfèrent économiser d'ici là. Dans les raisons ajoutées par vos soins, beaucoup parlent de leur bébé (félicitations !). Cependant, la natalité ne semble pas à mettre en cause pour cette baisse d'affluence car les bébés confinements prédits se sont plutôt avéré être une contre contre intuition : la natalité neuf mois après les confinements a baissé. Sont également évoqués des déménagements dans des zones moins riches culturellement parlant, mais l'exode des villes vers la campagne ne semble pas encore à un niveau aussi élevé. Pour finir on trouve quelques retours étonnant comme ceux des non-vaccinés qui nous disent ne pas pouvoir aller en concert car ils n'ont pas leur pass sanitaire. Pour information le dit-pass n'est plus obligatoire depuis le 14 mars, donc profitez-en avant un hypothétique retour à l'automne si l'épidémie repartait à la hausse.

Au final et comme on pouvait le prévoir, plusieurs facteurs sont à l'origine de cette baisse de fréquentation, mais il y a aussi, comme souvent dans le public Metal, une vision très différentes selon que vous soyez plutôt amateur.ice.s des "gros" groupes de la scène ou des groupes moins populaires.



Partie III : du côté des organisations de concerts

Sébastien Godard, de Morrigan Asso et du festival Lid Ar Morrigan nous fait part de la situation actuelle compliquée dont font face les organisations de concerts, dont le fait de promouvoir certaines dates « Il y a clairement de gros embouteillages côté promotion et on est en perpétuelle recherche de nouveaux moyens d’en faire, bien que le mieux reste encore d'aller à des concerts similaires et de discuter avec le public » et ajoute que « Beaucoup ne savent pas qui est l'asso qui organise car ce n'est pas forcément leur monde et que de toute façon, les gens ne viennent pas parce que c'est toi ou ton association qui organise, mais pour les groupes ». 

Niko de l'association Noiser à Toulouse nous parle aussi de la manière de promouvoir des concerts : « On ne fait plus de flyers, on fait des sous-bock, c'est une manière de transmettre l'information autrement, de susciter la discussion dans un bar sur tel ou tel groupe ou tel ou tel concert. Il y le recto avec notre programmation et un QR code et un verso avec un visuel sympa. Garmonbozia font du flyer parce qu'ils sont dans un volume important de concerts et avec du monde, chez Noiser on est pragmatique, si je n'ai pas trop de résultat en ayant essayé le truc deux / trois fois je préfère essayer d'une autre manière. On a un autre chiffre, c'est que sur la billetterie d'achats de nos places de concerts, tu peux répondre de la manière dont tu as été au courant du concert. 14% de gens qui répondent disent que c'est par notre newsletter. Donc c'est quelque chose qu'on doit continuer. » Il indique par ailleurs : « Il serait intéressant de quantifier le nombre de personnes qui viennent en concert entre une et cinq fois par an, entre cinq et douze fois par an, etc, et avec Noiser essaye de faire ça en croisant les données pour comprendre le tissu des gens qui viennent en concert. Chez nous, on a 13 000 clients uniques ce qui est énorme. Le problème des statistiques c'est quelles te disent ce que tu veux leur faire dire. ».

Sébastien confirme également une des choses qui ressort du sondage sur la montée des prix : « Si ta programmation n’est pas intéressante et que le prix est trop élevé, tu perds les éventuels curieux et tu fais réfléchir à deux fois les gens qui ont les courses, l'essence et leurs diverses factures à payer ». La hausse des prix se répercute également du côté organisation : « Tous mes fournisseurs de bières ont augmenté de 20% leurs prix par exemple et je suis aussi en train de revoir les défraiements à la hausse avec le prix de l’essence ». Difficile dans ces conditions de garder la place d’un concert / festival à un prix abordable et il est possible, assez logiquement, que l’on observe également une inflation sur la billetterie les prochains mois à venir. Niko nous parle aussi de cela et de la concurrence : « On est a un peu moins d'une cinquantaine de concerts en 2022, mais il faut se battre tout le temps sur pleins de niveaux, pour que ta tête d'affiche tu la payes moins cher, que ton billet soit abordable, que les gens puissent venir. On essaye aussi d'avoir un tarif adaptable à tous les revenus, mais c'est compliqué aussi avec les SMAC qui payent les groupes plein pot. En tant qu'indépendant c'est compliqué de s'aligner. Je n'ai pas un budget à l'année, je ne touche pas les revenus du bar donc on joue dans la même cour, mais pas avec les mêmes cartes. Et si un tourneur arrive et te dis qu'un plateau c'est 15 000€... qui fait des offres à ce prix là ? Des salles subventionnées de ouf. Notre force c'est notre indépendance et quand on arrive à parler avec les promoteurs de cela, ils comprennent. »



De même, Sébastien aborde la question des cachets des groupes et de l’argent que doit avancer une organisation de concert avant la date : « De notre côté pour Trollfest c'est 50% du cachet trois mois avant l’évènement et l'autre moitié deux semaines avant. On a pu s'en sortir grâce à nos finances, mais c'était compliqué de faire les avances de cachet puis de réserver les avions pour les faire venir ». Il conclue sur les annulations récentes de festivals : « Les festivals qui annulent tôt alors qu'ils n'ont pas d'avances à faire font une erreur. Je ne sais pas si la tendance va se maintenir pour nous, mais le Muscadeath comme les Westill Fest sont passés de 350 / 400 personnes en 2019 à plus de 600 personnes sur leur dernière édition. »

Niko nous parle aussi de la multiplication des concerts et des festival : « Tu avais le moment où il y avait trois ou quatre festivals Metal en France et où il y avait très peu de concerts dans les salles et maintenant, tu as des dizaines de festivals dans tous les sens avec les têtes d'affiche de Rage Tour à chaque fois, des concerts partout dans les salles que tu connais, des concerts dans les bars avec des groupes locaux pour 5€... la quantité de concerts augmente qu'on le veuille ou non. Et quand l'offre est supérieure à la demande, l'offre est censée baisser de prix, ce qui n'est pas le cas à part des groupes locaux, mais les têtes d'affiches gagnent toujours plus. Ce qui est vrai c'est que les bars sont pleins, les restaurants sont pleins. Est-ce que la réponse du manque de fréquentation des concerts, elle n'est pas aussi dans la somme que ça coûte d'aller faire un concert. Dans un bar, tu rentres gratuitement, tu bois ce que tu veux et tu t'en vas. Un concert, tu payes ton entrée, tu consommes quelques bières, tu prends un disque ou un t-shirt si tu as aimé le groupe... »

Chez Garmonbozia, Fred Chouesne constate que la fréquentation des concerts est en baisse notamment sur les groupes plus modestes : « On a réalisé un rapide calcul sur les mêmes groupes que l'on faisait jouer avant 2020 et nous constatons une fréquentation à la baisse autour de 30 et 50% sauf pour des groupes plus importants comme Wardruna qui a effectué plusieurs dates en mars et où cela a fonctionné quasiment partout. Mais pour des groupes qui font en général moins de mille entrées et des salles de capacité plus petite ou moyenne, on sent une forte baisse de fréquentation. » Pas totalement défaitiste il précise que la billetterie bouge énormément à quelques jours de l’approche du concert : « En mars et avril, nous avons fait jouer Marduk et Primordial à Paris, en comptabilisant les préventes effectuées sur les deux derniers jours ainsi que les ventes sur place le soir du concert, nous avons eu environ 50% de ventes sur ces dernières heures par rapport à tout ce qui s'était vendu sur les derniers mois. Mais c'est quelque chose qu'on n'a donc pas avec les plus gros concerts, le public est plus prévoyant pour ne pas se retrouver sans billet devant un concert qui a de fortes chances de terminer complet. Pour les concerts typés Metal extrême, les gens décident désormais de leur venue à la dernière minute. Pour Primordial on a fait autant de monde qu'à la période avant covid par exemple, donc on a de bonnes surprises. Mais si on se basait uniquement sur l'état des préventes on irait droit dans le mur, on revient donc peut être à un modèle qui était celui d'il y a 20 ans pour ce genre d'affiches, c'est à dire énormément de ventes sur les tous derniers jours. ».



Niko lui nous dit que : « On fait des bons scores à Toulouse par exemple et sur Bongzilla on a même réalisé le même nombre de préventes qu'à Paris pour Garmonbozia. On a fait les meilleures entrées qu'ont aie faite sur Amenra aussi, mais c'est à relativiser parce qu'est-ce qu'on aurait fait plus sans le covid ? Impossible de savoir. » Il ajoute que « un artiste peu être déprécié dans l'inconscient global parce qu'il n'y aura pas beaucoup de préventes. Quant on a fait jouer Maserati et qu'on perd 4000€ sur la date, qu'il y a 83 personnes dans la salle, on nous dit qu'ils pensaient qu'il y avait plus de monde. Ils ne se rendent pas compte. C'est pour cela qu'on communique sur le nombre de préventes et j'aimerai aussi qu'on communique sur comment on réalise un budget pour une soirée à destination du grand public. Qu'il y ait plus de transparence. Le budget hôtel pour ce soir, le budget de la SACEM... personne n'a conscience de cela. Il faut se réinventer tout le temps, s'adapter, sinon on disparait. »

Nous parlons aussi des préventes qui, pour Garmonbozia, étaient davantage un indicateur du public qui viendra au concert qu’un enjeux financier avant la date : « En dehors des billets que l'on vend nous-même (les fameux billets - chers + jolis), et qui représentent de faibles ventes par rapport aux places vendues sur les réseaux classiques, les paiements effectués par Digitick, Fnac et Ticketmaster se font quelques jours après que ces concerts soient passés, ces préventes n'ont donc pas vraiment d'impact pour payer les acomptes auprès des groupes, salles et autres prestataires. Je n'ai plus le nom en tête de ce service de billetterie plutôt récent, mais lorsque le billet est acheté, le montant est directement versé au producteur du concert et ce fonctionnement est intéressant pour des structures plus modestes qui peuvent payer les acomptes au groupe sans trop faire jouer leur trésorerie, mais cela peut être également problématique lorsque l'évènement est annulé et que tu dois prendre contact avec chaque acheteur pour effectuer les remboursements individuellement. » Alors que Niko de Noiser évoque une autre possibilité de billetterie qui pourrait revenir : « On prend des préventes que lorsque ça risque d'être blindé. Est-ce qu'il ne faudrait pas revenir au early birds, c'est à dire cent places au tarif réduits par exemple et sinon c'est le prix normal. La tu récompenses la prévente. » Fred précise qu’organiser des concerts c’est un risque à prendre et que ça peut être risqué financièrement : « Quelquefois il n'y a pas d'autres solutions que d'annuler mais l'organisateur doit prendre conscience qu'il a des engagements à respecter, un rôle à assumer et qu'il ne peut pas non plus mettre en difficulté toutes les personnes concernées subissant sa décision d'annuler, ce n'est pas un jeu qu'organiser des concerts. La morosité ambiante n'aide pas non plus et on est un peu pessimiste pour nos propres concerts mais on espère un retour à la normale courant 2023 si d'ici là nous n'avons pas de nouveau variant. » et il est rejoint par Niko là dessus : « Ce qui est sur c'est qu'il y a de plus en plus de concerts. D'un point de vu économique, si tu as des incertitudes, tu épargnes. »

Concernant les récentes annulations Fred de Garmonbozia évoque deux cas de figures pour les groupes et organisateurs : « Pour Fleshgod Apocalypse qu'on avait placé sur le Horizon Fest, le groupe venait d'Italie pour une date unique, ils n'avaient pas encore engagés de frais. Par contre dans le cas où le groupe est en tournée, des frais sont incompressibles. Un tour-bus coûte entre 1200 et 1500€ de location par jour, plus la restauration, un staff qui les accompagne, un manque à gagner avec zéro vente de merchandising, sur ce cas de figure d'annulation, l'organisateur doit bien souvent payer l'intégralité du cachet convenu ou au moins 50% qui a été versé en avance. Pour un groupe en tournée avoir des dates qui s'annulent représente un désastre financier. Certains organisateurs préfèrent annuler car ils sont moins perdants financièrement que d'avoir à maintenir le concert en ayant peu de public. Mais une annulation d'un festival peu de temps avant sa tenue, avec des groupes internationaux, il y a pratiquement tout à payer y compris un dédommagement à l'ensemble des prestataires engagés sur ce festival. »



Il essaye de rester positif, mais se montre craintif quant à l’enchainement des festivals cet été et la reprise des concerts à la rentrée : « Il y a désormais beaucoup de festivals en été, les gens doivent faire un choix car c'est un budget surtout avec tous les à-côtés à prendre en compte. Le nombre croissant de festivals a sans doute changé les habitudes des gens par rapport aux habitudes liées aux concerts en salle. On voit peut être également moins de monde depuis la reprise parce que les "curieux" ou n'étant pas des habitués à proprement dits ne viennent plus contrairement aux fans d'un groupe qui préfèrent toujours venir aux concerts en salle car avec de meilleures conditions, avec un meilleur son, etc. L'automne va voir un enchainement de fou, on aura quasiment des concerts tous les jours avec Garmonbozia entre Paris, Nantes, Rennes, Lyon et Toulouse. Ca va être tendu car les gens vont avoir du mal à suivre, j'espère vraiment qu'au printemps 2013 on puisse revenir à quelque chose que nous avons vécu avant cette crise. On risque aussi de voir des structures disparaitre avec cet enchainement de concerts, si le public n'est pas suffisamment au rendez-vous, ce n'est pas faute d'avoir averti les agents avec qui nous travaillons mais qui n'ont pas forcément le même vécu sur le terrain que les organisateurs de concerts. »

Niko a lui une approche un peu différente de la chose : « J'ai l'impression que c'est plus difficile d'être rentable entre janvier et juin qu'entre septembre et décembre. Et je ne sais pas pourquoi mais c'est quelque chose que j'observe. Quand j'ai commencé Noiser, j'ai reproduits un comportement, j'ai voulu refaire ce que je voyais et ce que j'avais envie d'être. Le Hellfest, le Pukkelpop ou les festivals à l'étranger m'ont beaucoup aidé là-dedans. Quand tu vas avec des potes à un festival l'été, que tu kiffes, t'as envie de retrouver un peu cette ambiance là. J'espère que les festivals vont remettre un coup pour redonner envie aux gens. Je vois encore des gens aux concerts qui me disent que c'est leur premier concert depuis deux ans. Jusqu'à quel moment j'entendrai encore ça ? Mais ce n'est pas qu'en France, tu as personnes dans les salles en Angleterre, en Allemagne, en Belgique... c'est partout pareil. Que la reprise prenne plus d'un an c'est assez logique. Les gens qui ont connu la crise du H1N1 et qui étaient dans l'évènementiel, en 2009, ils nous ont dit que ça avait mis trois ans à revenir, donc on peut encore attendre un moment, mais on en sait rien. »

On lui laisse le mot de la fin « On ne peut pas blâmer les gens. Tout le monde devient un sociologue averti comme épidémiologiste pendant le covid. Mais tu ne peux pas dire où sont les gens, parce que tu n'en sais rien. Les habitudes ont changées, on a tous envie d'être dehors... je ne pense pas que les gens qui aient très envie de rester sur Netflix à regarder leur série. On préférait tous être blindés, ne pas avoir à bosser et se lever le matin. Il ne faut pas se positionner en moralisateur sur le fait que les gens ne soient pas à tes concerts, mais il faut avoir conscience de beaucoup de choses et de comment ça fonctionne. »

Pentacle (Mai 2022)

Merci à toutes celles et ceux ayant répondu au questionnaire. Merci à Fred (Garmonbozia), Niko (Noiser) et Sébastien (Morrigan Asso) pour nous avoir accordé un peu de temps pour répondre à nos questions.

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Commentaires

MATHDOKLe Lundi 23 mai 2022 à 12H33

beau boulot, merci pour le partage