Le Streaming, arnaque ou ruée vers l'or ?

Le monde de la musique a été bouleversé depuis l’arrivée d’internet dans les années 90 et ce sur de nombreux points : libre accès et diffusion accélérée des informations, piratage en ligne et ce qui a logiquement suivi : effacement du support physique au profit du support numérique. Entre les baladeurs remplis à ras bord de mp3 dans les années 2000, le retour du vinyle ces dernières années, mais aussi l’explosion de l’offre des services de streaming et les concerts qui fusent dans tous les coins, la manière de consommer de la musique n’a jamais été aussi riche et diversifiée que maintenant. Mais les musiques Metal, Punk et Rock sont des musiques de passionnés, de personnes souvent soucieuses de soutenir les groupes, les labels, les orga de concerts. Dans ce premier volume, nous allons tenter de défricher du mieux possible comment il est possible de soutenir un artiste grâce au numérique et aux services de streaming. Histoire d’y voir plus clair dans tout cela car, les plateformes de streaming peuvent paraître opaques dans leur façon de rémunérer les groupes, mais aussi histoire de tordre le cou à certains avis parfois biaisés.

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Spotify et Deezer

Les deux plateformes de Streaming les plus connues et qui dominent le marché sont Spotify et Deezer (en France). Il est possible d’écouter de la musique sur ces deux plateformes avec des comptes gratuits. C’est alors la publicité qui est diffusée entre les morceaux que vous écoutez qui sert de rémunération pour les ayants droits. Par ailleurs, vous pouvez vous abonner pour écouter de la musique en illimité et sans publicité, avec un compte qui comptabilise le nombre d’écoutes. Deezer et Spotify ont les mêmes prix pour un compte individuel qui est de 9.99€ par mois, mais celui des comptes familles ou étudiant est également au même prix à savoir 14,99€/mois pour la famille ou 4,99€/mois pour un compte étudiant. Toutefois, le service Deezer a l'avantage d'être disponible en abonnement annuel à 99,90€, ce qui permet de faire 19,98€ d'économie par an. Deezer et Spotify proposent tous les deux 70 millions de titres environ. On y trouve la plupart des sorties, sauf quelques artistes dans des milieux assez underground, mais même des groupes comme Bathory, Decline Of The I ou Vile Creature, trois formations, plus ou moins connues, sont présentes sur les deux plateformes, donc il n’y a pas tant de différence que ça entre les plateformes, au moins en termes de choix et dans les styles qui nous intéressent.



Spotify
 
Sur un abonnement classique, on peut s’intéresser au système de rétribution. Sur les 9,99€ TTC que nous payons, il faut enlever la TVA (de 20% en France), donc il reste 8,3€ à laquelle on prélève entre 10 et 15% qui vont aux sociétés de gestion collective, type Sacem en France qui gagnent 0,83€. Les distributeurs (les majors, Idol, Believe...) et les ayants droit touchent environ 55% des 8,3€. Ils prélèvent donc 4,5€. En fonction des contrats, ils reversent cette somme là aux ayants droit et au groupe. Il reste en définitive 3€ (8,3€ - 0,83€ - 4,5€) que touche Spotify sur le montant de l'abonnement. Les 4,5€ se repartissent donc par distributeur en fonction du nombre de streams et le distributeur reverse en fonction du nombre de streams et du contrat qui le lie à l'artiste. Sur une année, on obtient donc un montant d’environ 54€ reversé aux ayants droit. Lorsque les comptes sont gratuits, le même principe est appliqué sauf que c’est le montant des publicités qui est reversé aux ayants droit, donc cela reste infime par rapport à un abonnement payant (source). Cependant, le principe de Spotify est d’utiliser la rétribution globale. Dans ce système, le montant reversé aux artistes n'est pas lié au nombre de stream total d’un utilisateur sur les dits groupes qu’il écoute. C’est ainsi qu’on se retrouve dans une situation où les musiques populaires sont clairement avantagées sur ces services en streaming, notamment parce que les titres sont souvent courts, que le public jeune écoute souvent les mêmes morceaux, etc.

Essayons de voir ça plus concrètement avec des exemples volontairement éloignés. Bad Bunny est un chanteur de Trap Latino portoricain. C’est l’artiste le plus écouté en 2020 (en volume global), est écouté par 51 millions de personnes et cumule plus de 3,3 milliards de streams. Cela fait environ 64 titres streamés par personne. En comparaison, Metallica a réalisé 1.1 milliard de streams sur l’année 2020 et est écouté par 53,5 millions d’utilisateurs. Cela fait environ 20 titres écoutés par personne. Cependant, avec ce type de système, la valeur d’un stream fluctue selon le nombre d’écoutes. Un amateur de Mirror Reaper de Bell Witch (un seul titre de 1h27) va donner autant d’argent par écoute qu’un amateur de Dákiti de Bad Bunny (3mn25) après une écoute. En extrapolant, si vous êtes un peu fou et écoutez seize heures de musique par jour pendant un mois (trente jours) et en restant sur le même morceau, vous cumulerez 330 écoutes de Bell Witch contre 8 850 écoutes pour Bad Bunny. Du coup, pour ce cas précis, on a un total de récolté pour deux comptes de 9€ qui vont au groupe / ayants droits. Avec la valeur d’un stream estimée à 0,0013€, les ayants droits pour Bell Witch touchent donc 0.42€ alors que les ayants droits pour Bad Bunny touchent 11.5€. Ceci est un exemple schématique et volontairement abusé, mais l’on ne paye pas pour les groupes qu’on écoute.

On notera qu’il existe également la fraude au streaming. Celle-ci consiste, à générer des streams artificiels par des utilisateurs ou des machines qui écouteraient les morceaux en boucle en silencieux ou moins de trente secondes (la durée pour qu’un « stream » soit comptabilisé). Néanmoins la plateforme veille au grain et précise : il est strictement interdit d’augmenter artificiellement le nombre de reproductions de sa musique en utilisant une machine, un script ou toute autre procédure automatisée. 



Deezer

Le modèle de rémunération mis en place par Deezer est actuellement le même que celui de Spotify. Cependant sa volonté est de passer sur un système différent basé sur les écoutes individuelles des utilisateurs même si l'on peut émettre des doutes quand au projet qui peut fortement ressembler à un plan de communication pour mieux se faire voir auprès des artistes et des consommateurs. Ainsi, l’argent des abonnés irait directement aux groupes (ou ayant droits) et est censé être plus juste car il rémunère directement les artistes qu’écoutent chaque utilisateur. La plateforme de streaming explique directement le principe via un simple graphique (source). Il est important de préciser que le projet est évoqué depuis des années et n’est pas encore mis en place, mais il permet de dégager, selon notre exemple précédent une autre approche. Selon la rétribution individuelle, les 4,5€ sont donc reversés aux ayants droit des groupes écoutés par l’utilisateur. Ainsi avec notre exemple précédent, Bell Witch touche (au mieux) 4,5€ et Bad Bunny touche également 4,5€, ce qui est beaucoup plus équitable.

Ce système-là est néanmoins à relativiser car une étude du Centre National de la Musique en début d’année montre que ces changements de rémunération notamment avec l'User Centric Payment System (UCPS) de Deezer ne sont pas si probants que ça. (source). Dans cette étude, où Spotify et Deezer ont bien voulu mettre à disposition leurs données, on note par exemple « qu’en dessous du 10000ième artiste le plus écouté, toutes esthétiques confondues, l'impact du passage à l'UCPS serait au maximum de quelques euros par an en moyenne sur l'artiste. » mais que « le passage à l'UCPS pourrait favoriser une redistribution significative entre esthétiques aux audiences importantes, au détriment du Rap et du Hip-Hop et en faveur du Rock et de la Pop. » Malgré son aspect plus juste et équilibré, l’impact de ce système semble limité et reste à réellement déterminer. Les revenus augmentent pour les petits artistes et par style le Heavy Metal est l’un de ceux qui gagnent le plus. Mais cela est à relativiser : certes +22% d’augmentation c’est beaucoup (c’est la moyenne pour le Heavy), mais passer de 10 à 12.2€ / mois ne changera pas spécialement la donne.



Bandcamp

Bandcamp, qui a été fondé en 2008, est un peu différent de ses deux homologues puisqu’il peut être vu à la fois comme un site de streaming, mais également comme un magasin de vente de disques (numériques ou physiques) en ligne. En effet, n’importe qui peut écouter de la musique sur Bandcamp, avec un compte ou non, sauf qu’après trois lectures d’un même titre (limite qui peut être enlevée par le groupe), le site bloque l’écoute et incite la personne à acheter le morceau ou l’album. En achetant ainsi les pistes souhaitées, en physique ou non, on a alors accès de manière illimitée à celle-ci (sous réserve que le label / groupe ne ferme pas son compte, ce qui peut arriver). On peut donc se construire un catalogue des disques achetés dans notre espace personnel, qu'il est possible de télécharger dans différents formats tels que le mp3, le wav, le flac, etc… toutefois, il faut rappeler que l’écoute seule sur le site ne rapporte absolument rien aux groupes.

Bandcamp touche 15 % sur les ventes réalisées à partir de son site (hors frais de traitement des paiements bancaires) sur la vente numérique et 10% sur la vente physique (disques, t-shirt, merchandising de manière globale). Le chiffre de 15% tombe à 10 % lorsque le montant des ventes a dépassé les 5 000$ (source).

Bandcamp est une plateforme très connue dans le milieu Metal, même si l’achat d’un album numérique est encore possible sur Amazon ou iTunes, mais cela reste minoritaire dans le milieu qui nous intéresse. Bandcamp annonce reverser 82% des paiements aux artistes et aux labels et peuvent monter jusqu'à 93 % lors des "vendredis bandcamp". Lorsque vous payez un disque 10€, 1,7€ partent dans la TVA (de 20% en France) et il y a les frais Paypal à hauteur de 0,25€. Il reste ainsi 8,05€ et Bandcamp annonce reverser 82% aux ayants droit. Ils se prennent alors 1,35€ et reversent en définitive 6,6€ sur les 10€ payés initialement. Dans les faits, cela revient un peu au fait d’acheter un album en physique dans un magasin de disque, mais on enlève plusieurs intermédiaires tels le coût de la fabrication du disque, le transport et le stockage, mais également les distributeurs.

Depuis le vendredi 20 mars 2020, avec la pandémie liée au Covid 19, la plateforme a annoncé qu'elle renonçait à sa part de revenus et donnerait tous fonds engrangés aux artistes pendant une durée de 24h. L'initiative a été répétée mensuellement les mois suivants, et s’appelle désormais le "Bandcamp Friday" avec le site Is It Bandcamp Friday? qui permet de savoir si l'opération est en cours ou non. Le site a révélé avoir levé plus de 40 millions de dollars pour les musiciens en 2020 grâce aux Bandcamp Fridays et a décidé de prolonger l’opération à plusieurs dates fixes en 2021. Voici une autre anecdote intéressante : en réponse aux manifestations liées à la mort de George Floyd décédé des suites de violences policières, Bandcamp a donné 100% de ses bénéfices, le 19 juin 2020, pendant 24 heures, au NAACP Legal Defence Fund.



Les ayants droit

Que sont les ayants droit ? Ici on va s’attarder sur un point de la législation française, mais c’est pourtant quelque chose de crucial pour comprendre les revenus des artistes. Si l'on reprend sa définition succincte, l'ayant droit est la personne détenant un droit du fait de son lien avec l'auteur. L'ayant droit est donc une personne bénéficiant d'un droit en raison de sa situation juridique, fiscale, financière ou d'un lien familial avec le bénéficiaire direct de ce droit. Dans ce qui nous intéresse ce sont donc les distributeurs ou les labels. A travers nos exemples précédents, 4,5€ c’est la somme que verse Spotify ou Deezer pour chaque compte payant. Si nous reprenons notre exemple de Bell Witch : le groupe est un duo, mais est-ce que les membres touchent chacun 2,25€ ? Non évidemment. Il sera difficile de savoir combien car cela dépend de contrats non publics entre le groupe et son distributeur et label. Comme le précise Deezer : « On ne rémunère pas directement les artistes, on reverse l'argent aux producteurs et aux éditeurs de musique, qui eux-mêmes rémunèrent les artistes sur la base du contrat qui les lie. » De façon un peu grossière, sur ces 4,5€, ceux-ci vont être versés vers les ayants droit et distributeurs des artistes (Warner, Universal, Believe…). Donc les distributeurs vont prendre leur part, puis les labels, et enfin, ce sont finalement les artistes qui recevront le reste.

Selon le contrat du groupe, le type de relation entre l’artiste et son label (un label peut payer l’intégralité du studio, de la promotion, des visuels… ou juste s’occuper de la promotion voire uniquement de la distribution), la part du label pourra se monter à 80% ou descendre à 20%. En sachant que la partie qui va à l’artiste, c’est en global à l’artiste, c’est donc à diviser par tous les membres du groupe (ou selon les termes de leur contrat). David Ellefson de Megadeth est par exemple co-auteur pour les vieux albums, mais depuis son retour dans Megadeth (il s'est néanmoins fait remercier en 2021) il est salarié du groupe donc là encore, les revenus entre chaque musicien est très compliqué à percevoir. Si l’on reprend notre exemple de départ avec Bell Witch, sur les 4,5€ versés, on peut autant partir sur quelques euros versés pour le groupe qu'à peine quelques centimes, tout dépend le contrat passé avec la formation. Donc les revenus au groupe dépendent du tout au tout de leur contrat passé avec leur label et de leur distributeur digital. Et l’on ne parle pas de ce que perçoit chaque musicien au sein du groupe, car là encore, on rentre dans une matrice propre à chaque formation.

Alors le streaming est-ce le mal ?

Sur le montant payé par les auditeurs, au final, les services de streaming reversent une grosse partie de l’argent récolté. Ce n'est pas un secret, les plateformes de streaming ne sont pas rentables et perdent de l’argent, mais c'est une stratégie chez Spotify de s'imposer comme le leader du marché. Au total, sur l'année 2020, Spotify a enregistré une perte de 581 millions d'euros (contre une perte de 186 millions en 2019), un chiffre d'affaires de 7,88 milliards d'euros (+16,5%), et a gagné un nombre record de 74 millions d'utilisateurs actifs mensuels (contre 64 millions en 2019). Mais l’on retrouve également ce même genre de perte de revenus sur des plateformes de type Netflix, ce n’est pas forcément lié à la musique. En 2019, la perte chez Netflix était estimée à deux milliards d'euros par an. Selon son analyse, la firme a dépensé jusqu'à 25 milliards de dollars en 2020 aux États-Unis dans la totalité de ses services proposés. On notera qu’a l’inverse, le choix proposé par les plateformes (70 millions de titres sur Spotify par exemple) peut rendre totalement inutile l’achat de support musical autre vu l’offre pléthorique. On pourrait aussi revenir sur la montée des prix des ventes vinyl qui est encore un autre sujet, mais les amateurs appréciant encore le physique, surtout dans nos scènes Metal / Punk / Rock, vont vers de jolis objets.

On remarquera aussi que les rentrées d’argent sont décalées dans le temps. Pour un label, faire un "coup" avec un tube qui aura une durée de vie limitée est moins intéressant, alors que d’avoir des classiques écoutés pendant des mois l'est davantage, comme par exemple The Weeknd dont les tubes sont toujours très écoutés. Finalement le back catalogue a un intérêt plus important qu’avec un modèle de vente physique. Si tu signes Mayhem sur ton label, d’autant plus si tu as les droits sur les anciens albums, il y a de fortes chances qu’il soit toujours écouté des mois et des mois après la sortie d’un nouveau disque, à l’inverse d’un groupe inconnu de Black Metal français (non moins qualitatif) qui n’aura que quelques écoutes suivant la sortie du disque (sauf cas de buzz incroyable). Pour les groupes, un album apprécié sur lesquels les amateurs reviendront leurs assure des revenus dans la durée, là où les ventes physiques rapportaient beaucoup à la sortie, mais pas forcément dans le temps. C’est là où le streaming est intéressant sur la timeline d’écoute et sur les revenus qu'il génère dans le temps via ces plateformes.



Il y a vingt ou trente ans, si on le voit d’un point de vue purement capitaliste, il fallait sortir de nouveaux disques pour dégager des revenus, réaliser de nouvelles tournées et rentrer dans un schéma de disque / promotion / tournée / retour en studio / disque… Or, si on prend le sujet de manière presque binaire, aujourd’hui, un groupe qui a sorti un super album dans les années 90, désormais culte, toujours énormément écouté, peut complètement capitaliser sur les revenus du streaming, sans forcément se reformer, sortir de nouveaux albums, refaire une tournée etc… L’exemple est volontairement extravagant, mais dans l’idée on se rapproche du format radio et en extrapolant on se retrouve vers Jean-Jacques Goldman qui perçoit beaucoup plus d’argent ces dernières années en étant diffusé à la radio, sans jamais avoir sorti le moindre disque depuis des années, qu'avec la vente de ses disques. On apprend par exemple que RFM, diffuse en moyenne dix titres du chanteur par jour soit plus de 3600 par an. A chaque fois, la radio lui donne onze euros de droits d'auteur, soit 40 000€ par an juste pour RFM. On s’est très très éloigné du Metal, mais l’exemple n’en reste pas moins parlant. Combien gagne par exemple Metallica sur ses streams Spotify / Deezer en un an, via leur back catalogue ? Peut-être d’avantage qu’avec la vente de disque actuelle. 

Depuis plusieurs années, on s’aperçoit aussi qu’il y a une inégalité dans le partage des revenus générés par le streaming. En effet, les morceaux qui ont le plus grand nombre de stream sont peu nombreux et ce sont donc quelques rares artistes superstars qui accumulent l’argent qui aurait pu être reversé à des artistes moins écoutés. Les genres musicaux qui profitent davantage du système actuel sont les plus populaires et pour revenir sur les ayants droits, certaines maisons de disques en profitent et rémunèrent mal les artistes, mais là encore, tout dépend des contrats signés entre les deux parties. Les contrats peuvent être très différents selon les artistes, mais il est aussi possible que certains contrats dans les années 90 soient désormais dépassés (même si la rémunération se fait de la même façon pour ces artistes). United Musicians and Allied Workers Union (UMAW) regroupe plus de 30 000 artistes dans le monde et a réalisé plusieurs actions depuis le début et des manifestations devant les locaux de Spotify et dans 31 villes comme Los Angeles, New York, Berlin ou Chicago. Ils réclament une meilleure transparence de la plateforme, une meilleure rétribution des revenus et d’aller à un centime de dollar par stream. Supposons que si tout artiste préférera être rémunéré à sa juste valeur, le "business-plan" (si tant est qu'il y en ait un) ne va pas être le même entre Metallica, Svalbard et Syndrome81.

On peut également se poser la question du pourquoi une plateforme à un gain par stream moindre qu’une autre. Au final chaque plateforme fonctionne de la même manière, mais il suffit que sur une plateforme les gens streament plus de titres (grâce à une proposition de titres similaires par exemple), que les prix soient moins élevés (l’offre étudiant de Spotify par exemple) ou que sur les comptes famille il y ait plus de monde et ceci peut expliquer en partie les différences de rétribution, notamment pour les abonnements payants. Mais penser qu'une plateforme rémunère plus qu'une autre est faux. En outre, peu importe la plateforme, les ayants droit gagnent la même somme sur un abonnement. Lorsque vous voyez le montant moyen par stream : cela vient du prix payé par les utilisateurs (compte étudiant, compte famille) et de leurs habitudes d’écoutes, mais chaque type d’abonnement (5€, 10€, 15€…) est compté différemment. Dans tous les cas c'est environ 70% du prix de l'abonnement qui est reversé, mais que selon le prix que vous payez, les rétributions pour les différentes parties, et donc les artistes, sera différent.



Souvent, les prix affichés par certains médias disent qu’un stream Spotify ne rapporte que 0.0084$ par stream, c’est à la fois un peu vrai, mais aussi trompeur car cela ne concerne qu’une partie des streams. En bref, il appartient de mettre de la nuance sur ce genre de question et voir que certains raccourcis sont faits par facilité de compréhension, sont un peu plus complexes qu’il n’y paraît. Dans le monde, Spotify compte 380 millions d’utilisateurs, dont 172 millions d'abonnés payants. 45% d'utilisateurs sont donc des personnes qui ne payent pas d'abonnement. Une des pistes pour mieux rétribuer les artistes serait par exemple de ne pas partager son compte ou de ne pas prendre de compte à plusieurs, mais aussi que les personnes qui consomme de la musique en streaming payent un abonnement pour rétribuer les groupes (car la publicité génère quelques revenus, mais ça reste maigre par rapport à un abonnement payant). On peut aussi se dire qu’en payant un abonnement plus cher que ceux actuels cela génèrerait d’avantage de revenus pour les groupes. Amazon, Tidal et Qobuz proposent justement des abonnements plus chers, mais en proposant une qualité de streaming supérieure. 

Pour finir, nous vous proposons quelques exemples concrets en ayant demandé leurs revenus à deux groupes assez connus dans la sphère Metal / Hardcore qui souhaitent rester anonyme. L’un a gagné autant de revenus sur la vente de vinyles que sur la vente numérique lors de la sortie de leur album. Trois ans plus tard, le numérique est plus important que le physique (exemple de février 2020 à juillet 2020 : $317 de CDs, $1667 de LPs et $2500 en numérique). Il est impossible de savoir les sources du numérique, mais de façon évidente l'achat de MP3 via Bandcamp est un apport non négligeable. La seconde formation génère chaque mois, environ 400€ de revenus via Bandcamp (en pay as you want), mais n’est pas présent sur les plateformes de streaming. Ils vendent environ 2500 LPs et entre 1000 et 1500 CDs par sortie d’album. Enfin, voici deux interviews que nous avons réalisées. La première est axée autour du streaming concernant un patron de label (par ici) et la seconde d’un musicien de Synthwave qui nous explique qu’il gagne bien sa vie grâce au streaming (par là).



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Pentacle (Décembre 2021)

Pour aller plus loin :
- Le documentaire d'Arte sur le sujet

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Commentaires

fedaykynLe Mercredi 15 décembre 2021 à 13H38

En définitive, considérant l'état actuel des habitudes, ça ne sert à rien de diaboliser qui que ce soit en somme. Et autant écouter spotify que télécharger. En fait c'est comme tout, ce qui change les choses, c'est le public et sa manière de "consommer". Je connais des gens grands amateurs de musique et de concerts mais qui n'achètent jamais rien en physique (ni même en démat). A contrario, j'achète toujours pas mal de cd, quelques vinyls, de plus en plus de démat via bandcamp, et j'ai un abonnement à spotify. Mais je peux me le permettre car j'ai la place et les revenus qui vont avec. Un autre point, c'est la quantité de musique disponible. c'est comme les bds, les films et les séries. Plus on a accès à tout, plus il y a d'offres et plus les parts du gâteaux sont petites.

LandrailleLe Mercredi 15 décembre 2021 à 08H22

Super article, j'ai appris pas mal de choses, merci !