Le Metal est Politique

"On n’est pas là pour parler de politique, mais de Metal", "On s’en fout de l’idéologie, ce qui compte c’est la musique". C’est le genre de propos que l’on peut voir passer de plus en plus sur des articles ou dans des commentaires dans les réseaux sociaux lorsque ceux-ci évoquent, plus ou moins fortement, un propos engagé, un parti pris, une démarche politique. Comme si le Metal n’a aucun lien et n’en avait jamais eu, avec la politique. Pire, comme si cela n’avait aucune importance, comme si il suffisait d’en faire abstraction, de balayer le truc sous le tapis. Parce qu’on s’en fout. Une sorte de nihilisme de façade, d’arrangement, de posture de salon, bien confortablement assis derrière son écran.

Il ne faudrait surtout pas qu’on vous dérange.

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Sauf que non, réagir de cette manière, c’est au mieux faire preuve d’ignorance et n’avoir aucune connaissance de la scène Metal, au pire se voiler complètement la face et enfouir bêtement la tête dans le sable, tel un ou une enfant qui répond "nia-nia-nia" quand on lui explique qu’il / elle a fait une connerie. De plus, avancer ce genre d’argument qui-n’en-est-pas-un, c’est déjà prendre position. On pourrait le résumer autour de l'apolitisme qui rejette tout engagement ou intérêt en politique, et paradoxalement cherche à neutraliser le questionnement politique qui existe malgré tout. Tout cela c’est déjà faire preuve d’une posture politique. C’est ne pas vouloir voir les problèmes, les questionnements, les inégalités, les problèmes sociétaux. C’est vivre dans un monde imaginaire, utopique.

Le Metal est politique et l’a toujours été. On va le voir ici à travers plusieurs exemples et plusieurs causes politiques que défendent des groupes. Plutôt que d'aborder en profondeur certains engagements (écologie, la guerre, les problèmes sociaux...), ce qui sera le sujet spécifiques d'autres futurs articles, nous avons choisi s'aborder la question de manière générale afin de brasser plus large et en faire une sorte de grande introduction à cette large thématique. Commençons par le commencement. 1970, Black Sabbath sort son premier album éponyme. A la fin du disque, on tombe sur Wicked World, un morceau qui dénonce les effets d’un système qui profite aux élites, qui augmente les inégalités sociales et qui enfonce les populations les plus pauvres à vivre dans la misère. War Pigs est également un morceau antimilitariste. Geezer Butler explique d’ailleurs en interview que deux de ses frères ont été appelés au service militaire, ont détesté ça et que lui a eu la chance de passer à travers les mailles du filet. L’obligation de le faire venait d’être annulée, mais il avait cependant très peur que cela revienne en pleine période de guerre du Viêt-Nam. Il était terrifié à l’idée d’être mobilisé sur place et ce morceau en parle, ainsi que des riches qui organisent des conflits armés dans leur propre intérêt afin d’engranger davantage de profits.



Récemment, Rob Halford a déclaré pour le magazine Metal Hammer que les morceaux de Judas Priest n’avait rien à voir avec la politique, mais qu’il « y a une place pour la politique dans le Metal et qu’il applaudit les groupes qui le font ». Par ailleurs, en 2018, il déclarait ne pas soutenir Donald Trump pour les présidentielles, du fait de l’aversion de ce dernier pour les communautés LGBTQI. Lorsque Rob Halford révèle son homosexualité en 1998 sur la chaine de télé MTV, c’est évidemment un acte fort « It's a wonderful moment when you walk out of the closet. Now I've done that and I've freed myself » mais c’est également un acte politique de le dire à une période ou l’homosexualité était moins acceptée qu’aujourd’hui et surtout dans une Amérique chrétienne et réactionnaire. Dernièrement, le chanteur a déclaré que le titre Raw Deal qui est issu de Sin After Sin de 1977 parle de Fire Island, une langue de terre à deux heures de New-York où se réunissent les communautés gay et drag-queens pour vivre leur sexualité sans entrave. Rob Halford déclare également encourager les gens à révéler leur homosexualité : "Je suis comme ça et je suis fier de la personne que je suis. Je n'ai pas a en avoir honte. Je ne vais pas vivre dans la crainte. Je n'ai pas a faire passer l'avis des autres avant moi."

A travers leur discographie et leurs propos, Gojira est un groupe qui transmet un message et essaye d’inculquer une conscience écologique. Le morceau Global Warming issu de From Mars To Sirius de 2005 en est forcément un très bon exemple, même si cet album traite de manière générale des problèmes environnementaux et sur la nécessaire prise de conscience de l’être humain avant qu’il ne soit trop tard. En tout cas, ces paroles illustrent bien les inquiétudes de Gojira “Un monde s'éteint et personne ne pourra le reconstruire, les terres mutilées sont en train de changer”. Mario Duplantier l'évoque pour Metal Hammer : "nous vivons dans un monde chaotique, avec une économie basée sur la fraude fiscale et la politique basée sur la corruption. Le monde est hélas comme cela, mais on peut le changer". Chose également intéressante, Mario précise dans cette interview que "tu fais parti des gens, donc si tu fais un petit peu plus d'efforts, tu peux avoir un impact sur ces changements". Mario invite ainsi à une prise de conscience et une responsabilité collective pour réaliser des changements dans notre monde et que chaque personne est importante et a son rôle à jouer.



Dans le Black Metal, il est commun de trouver bon nombre de groupes qui parlent d’anciennes traditions ou mythes historiques, mais aussi de connexion avec la nature, comme quelque chose qu’on aurait égaré dans nos sociétés industrielles et capitalistes. Et si ces revendications peuvent parfois avoir l’odeur d’un folklore ou d’une sorte de médaille comme faire valoir pour se faire accepter au sein de la scène, certains groupes poussent la démarche pour de vrai. On citera par exemple Wolves In The Throne Room qui comme d’autres formations américaines comme AgallochVelvet Cocoon ou Panopticon qui se définissent comme des groupes écologistes. Leur attrait pour la nature, leurs paroles, leur démarche en témoigne. Aaron Weaver de Wolves In The Throne Room va justement dans ce sens "Pourquoi nous semblons si tristes et si démunis dans ce genre de musique ? Parce que le monde moderne est un échec." Il précise également dans une autre interview que, selon lui, le Black Metal ne se résume pas à un décorum mais doit se transformer en quelque chose de positif : "Je pense que trop de personnes écoutent des musiques extrêmes comme quelque chose de fantastique. j'aimerai que plus de gens réalisent que cette musique est un appel pour détruire et métamorphoser cette société avec une énergie positive". C’est d’ailleurs tout point de leur démarche, puis qu’Aaron et sa femme vivent dans une ferme en agriculture biologique près d’Olympia dans l’état du Washington avec une volonté d’être autonomes et de vivre de leurs ressources et dans un mode de vie à part de la société traditionnelle "Moi et ma compagne, Megan, nous travaillons dans notre ferme biologique, comme d'autres personnes qui vivent sur leur propre terre. Megan cultive environ un millier de différentes variétés de légumes tout au long de l'année. On fait de l'élevage de poulets et de canards. On essaye de se développer pour produire une quantité suffisante de céréales, mais c'est difficile à réaliser dans notre climat et pluvieux.”. Au-delà de la musique et de ses revendications, Wolves In The Throne Room met en application ses idées, est raccord avec ce qu’ils défendent et en témoigne à travers leur musique ou des interviews.

Dans les années 80, lorsque émerge le Thrash Metal, celui-ci va cristalliser plusieurs thématiques qui vont caractériser le genre comme la mort, l’apocalypse, l’horreur ou la religion. Plus engagés, de nombreux groupes traitent aussi de la menace nucléaire, des injustices sociales et des révoltes politiques. Nous sommes en 1986 quand survient l’accident nucléaire de Tchernobyl. Voïvod en parle dans son album de 1987 intitulé Killing Technology et notamment sur le titre Overreaction avec ces paroles “Les mauvaises personnes derrière l'énergie nucléaire, nous apportent aujourd'hui cette calamité. Le disfonctionnement de cette technologie, cette erreur nous amera tout droit vers l'enfer. Ca nous dépasse”. Nuclear Assault, la même année, évoque également cette menace sur son premier opus : Game Over. Rien que dans le nom du groupe déjà ou dans le morceau Nuclear War, mais aussi dans le titre Afthe The Holocaust : “Les dirigeants dans les coulisse amènent comme résultat final une guerre nucléaire. Ca nous a tous dévastés, notre civilisation est dévastée par des cauchemars qui nous détruisent.” La crainte d’une nouvelle guerre est largement présente tout comme elle évoque la puissance et la domination de quelques personnes qui sont au pouvoir. Chez les groupes récents de Thrash Metal, cet héritage et cette contestation s’est transmis. On peut aller voir du côté de Toxic Holocaust par exemple avec le titre A.T.O.M.I.C qui parle lui aussi cette crainte que le nucléaire ne dévaste la terre : “Vous sentez la terre se fissurer, elle commence à se fissurer, il y a des fuites de radiation, l'avenir de la ville s'obscurcit”.



Dans Chaos A.D qui paraît en 1993, Sepultura prend une posture plus politique avec des paroles antiracistes et anti militaires. Avec le morceau Territory, le groupe parle des politiciens corrompus et racistes développant une culture de la haine et de la discrimination pour mieux employer des mesures de répressions envers les peuples : "Discours de connard débile. L'être humain est raciste" Andreas Kisser, le guitariste, le concède en interview : “Avec Arise les paroles restaient très Heavy Metal et basées sur la fantasy, mais avec Chaos A.D nous voulions devenir plus engagés politiquement et socialement”. Slave New World traite de la censure, alors que Amen exprime les dérives de la religion d'imposer des idéaux religieux à d'autres personnes. Sur le titre Refuse Resist le chanteur / guitariste Max Cavalera écrit "Les chars sont dans les rues, on se bat contre la police, le peuple saigne." à propos des évènements de la prison Carandiru à São Paulo, lors desquels, 111 détenus ont été tués au cours d'une révolte et d'une répression extrêmement violente de la police militaire.

A peu près au même moment, Body Count parlait aussi des violences policières avec Cop Killer qui met en scène un homme souhaitant se venger des policiers, de “presser la détente / pour effacer quelques flics” de "traîner un flic au milieu d'un parking pour lui faire éclater sa putain de face" Le titre a été associé aux émeutes de mai 1992 à Los Angeles, des suites l'arrestation de Rodney King, un chauffeur noir qui a été violemment battu par des policiers blancs en mars 1991. Celui-ci prenait plus de 50 coups de matraques, par quatre officiers du LAPD, pour violation du code de la route. Ice T déclare dans une interview en 2017 que “Cop Killer était un morceau de protestation, à la manière des protest-songs des années 60. Le message était clair : on en avait marre des brutalités policières et je pense que c'est toujours pertinent aujourd'hui, c'est une piqûre de rappel : le pouvoir peut très facilement être corrompu.”



Comme d'autres formations norvégiennes de Black Metal (Mayhem, Darkthrone...) Gorgoroth est un groupe anti-chrétien et traite de satanisme. Dans les années 90, ces groupes font beaucoup parler d'eux pour les incendies d'église, le suicide de Dead de Mayhem ou le meurtre d'Euronymous (Mayhem) par Varg Vikernes (Burzum). Si à l'époque, le satanisme pouvait choquer, c’est encore le cas en 2004 en Pologne. En février 2004, Gorgoroth donne un concert à Cracovie et crucifie quatre figurants nus, et orne la scène de barbelés et de têtes de moutons. L’évènement fait scandales dans les médias polonais, le groupe est poursuivis en justice et interdit de rejouer en Pologne. Une enquête de police est menée pour offenses religieuses et cruauté envers les animaux, mais les accusations ne seront pas retenues car le groupe n’était pas au courant qu’ils faisaient quelque chose d’illégal. Gaahl n'est pas à proprement parler sataniste. Dans une interview il brouille les pistes et explique davantage sa position : "Nous vivons dans un monde Chrétien et nous nous devons de parler leur langage... Lorsque j'utilise le mot « Satan », cela signifie pour moi l'ordre naturel, la volonté d'un homme, la volonté de grandir, la volonté de devenir... libre et de ne plus être opprimé par aucune loi ecclésiastique, qui est l'unique moyen de contrôler les masses". Dans tous les cas, le chanteur est clairement anti-religieux et concernant les incendies d’églises, il précise encore une fois sa position : “Les incendies d'églises sont, bien sûr, une chose dont je suis partisan à cent pour cent. Encore plus d'églises devraient être brûlées et elles le seront prochainement. Nous nous devons d'éradiquer toute trace de christianisme, et toute racine sémitique qui subsiste encore dans ce monde”. A travers ces actes et ses propos, le leader de Gorgoroth prouve quand même quelque chose : ses idées, ses actions, ce qu’il défend en interview, tend à prouver qu’il se bat contre, selon lui, l’asservissement de l’individu par la religion qui contraint les libertés et bien entendu, c’est un acte politique encore actuellement, mais surtout dans les années 90 où se positionner contre le christianisme et ses idéaux qui était très présent en Norvège. "Dans les années 1990, il y avait ces groupuscules norvégiens et une chose guidait vers une autre. J'étais impliqué dans des combats et j'avais de faux amis... Il n'y avait aucune disposition politique, ni de ma part, ni de la part de mes amis. Mais tu dois toujours t'engager dans un certain groupe pour te défendre et t'en sortir".

A travers une démarche totalement différente, mais néanmoins présente, d’autres formations de Black Metal peuvent défendre des idéaux culturels et traditionnels. Ça peut être fait de manière saine comme chez Aes Dana ou Möhrkvlth qui parlent et défendent la culture bretonne mais cela peut tomber dans des travers identitaires, nationalistes et racistes comme chez Peste Noire par exemple. D'autres appartiennent clairement au mouvement de Black Metal National Socialist, et font partis d’une réalité de la scène musicale et d’une démarche politique d’extrême droite. A l’inverse d’autres groupes de Black Metal tels que Panopticon, Dawn Ray’d ou Ancst se disent ouvertement antifascistes en opposition aux idées des formations de NSBM ou des groupes dits apolitiques. Mais certains justifient le fait d'écouter ou soutenir des groupes aux propos ou aux actes largement tendancieux / répréhensibles en dissociant l'homme de l'artiste. On l'a encore vu récemment avec les nombreuses plaintes pour agressions et viols impliquant Marilyn Manson où de nombreuses personnes font comme si de rien n'était, parce que d'une part la culture du viol est bien intégrée dans notre société (plus d'infos sur Wikipédia), parce qu'elles ne sentent pas concernées ou parce que son statut d'artiste prime sur le fait qu'il puisse commettre des choses atroces. Mais il est bien évidemment plus facile de faire l'impasse sur le fait qu'un musicien soit raciste, sexiste ou homophobe quand on fait parti de la culture dominante.

Un des groupes les plus connus dans la scène Metal Extrême, avec des positions politiques fortement ancrées est Napalm Death qui sont également antifascistes, avec l’exemple le plus connu est leur fameuse reprise des Dead Kennedys : Nazi Punks Fuck Off qu’ils jouent très régulièrement en concert. L’engagement politique de Napalm Death se fait sur plusieurs fronts et ils se disent socialistes, anarchistes et défendent la cause animale. Barney Greenway, le chanteur, est d’ailleurs vegan depuis plusieurs années et on peut voir l’album de 2015, Apex Predator - Easy Meat, à travers son titre et sa pochette, comme une critique de l'agroalimentaire et de la société de consommation. En 2016, les anglais jouaient également un concert à Villeurbanne en soutient aux réfugié.e.s et en 1999 ils participaient à une compilation nommée Stop Racism Anti-Racist Action aux côtés de groupes comme H2O, Less Than Jake ou Good Riddance. Faire l’état des lieux de tous leurs engagements est impossible, surtout en quarante ans de carrière, surtout que cet engagement n’a jamais failli et que Barney parle souvent de ses convictions et des causes qu’ils défendent en interview. Rappelons-nous par ailleurs qu’en 2016, le président indonésien Joko Widodo, fan de Metal et de Napalm Death, avait été contacté par le groupe au sujet de la peine de mort afin de gracier et les condamnés et faire changer la législation indonésienne. Si certaines exécutions avaient été repoussées d'un mois, on apprend qu'en 2017, il reste environ 260 personnes dans le couloir de la mort en Indonésie.



Rage Against The Machine a toujours été un groupe politiquement engagé depuis ses débuts. Son leader, Zach de la Rocha justifie leur position ainsi : "I'm interested in spreading those ideas through art, because music has the power to cross borders, to break military sieges and to establish real dialogue". On revient à notre idée de départ : la musique, notamment le Metal est un vecteur pour y défendre ses convictions politique. Un des moments marquant de leur carrière aura été de filmer le clip de Sleep Now In The Fire devant Wall Street et faire fermer la plus grande bourse mondiale. Leur morceau le plus connu, Killing In The Name, aborde, comme Cop Killer de Body Count, des violences policières et des émeutes de Los Angeles qui suivirent l'acquittement de quatre policiers blancs dans l'arrestation de Rodney King. La pochette de l'album The Battle Of Los Angeles y fait également référence. De manière générale, bon nombre des paroles de Rage Against The Machine parlent de l'impérialisme Américain et de l’oppression du peuple par les classes dominantes. Le titre Vietnow critique notamment les émissions de radios d'extrême-droite tenus par Oliver North, le président de la National Rifle Association ou par Rush Limbaugh, journaliste conservateur très controversé. En 2009 ils ont également participé à une campagne avec l'aide de groupes comme Nine Inch Nails, Pearl Jam ou R.E.M pour fermer la prison de Guantanamo où leur musique est notamment utilisée pour torturer des prisonniers.

Dans plusieurs de ses morceaux, System Of A Down, dont ses quatre musiciens sont d'origine arménienne, se fait le porte étendard de la reconnaissance du génocide arménien. Ce combat est développé notamment dans deux de leurs titres : P.L.U.C.K et Holy Mountain. La traduction des paroles de ce premier titre ne laisse aucun doute : "Le génocide d'une race entière dépouillées de toute notre fierté. [...] Reconnaissance, restauration, réparation, regardez-les tous tomber." Sur Holy Mountains c'est plus subtile même si Serj Tankian a bien confirmé que les paroles évoque le génocide arménien par les turques en 1915 : "Ils sont tous revenus et se sont reposés sur le côté de la montagne. Nous avons appris que vous n'aviez pas d'honneur.". En 2015, le groupe réalise une tournée intitulée Wake Up The Souls Tour, à l'occasion du centenaire du génocide arménien et récemment, ils viennent de sortir deux morceaux en réaction aux bombardements sur la ville de Stepanakert (dans la région du Haut-Karabah en Arménie) par les forces armées de l'Azerbaïdjan.

Plus proche de nous les anglais.e.s de Svalbard traitent de plusieurs sujets d’actualité dans leurs morceaux notamment à travers des thématiques sociales. Le titre Pro-Life par exemple se focalise sur l'avortement et du droit des femmes à disposer de leur corps comme elles l’entendent : "Ne vaut-elle pas la peine d'être protégée ? N'est-ce pas une vie ? Ce corps est le mien, donc c'est ma décision". Le titre Revenge Porn lui, comme son titre l’indique, parle de cette pratique qui consiste à mettre en ligne du contenu sexuellement explicite sans le consentement de la personne, mais la législation pour contrer ce genre de pratique diffère d’un pays à l’autre et peine encore à être établie dans de nombreux pays. Serena Cherry y hurle en fin de titre : "Où se trouve la protection de la victime ? Où est la justice pour celles qui ne consentent pas ? Où est la protection des femmes ?". De manière générale, Svalbard parle de féminisme, comme sur le titre Feminazi ?, What Was She Wearing ? ou encore Expect Equal Respect dont les titres sont plutôt évident quand à la nature de leur engagement. Comme dernier exemple, Unpaid Intern montre l’engagement du groupe pour la cause animale "Ouvrez les cages, effacez les frontières, écrasez les cellules, pas de confinement pour quoi que ce soit." et on peut y voir à travers ces paroles, le fait que la société considère les animaux comme une marchandise, un produit que l’on peut vendre en magasin et qu'on peut continuer de les exploiter comme si c’était normal.



A travers ces quelques exemples - ce n’est pas non plus l’idée de dresser un portrait complet de la politique dans le Metal - on se rend bien compte que Metal et politique est étroitement lié. Il faudrait être aveugle ou faire preuve de mauvaise foi pour ne pas se rendre compte que les deux sont intimement liées. D’une part parce que ces revendications prennent plusieurs et nombreuses formes (écologie, critique du gouvernement, mouvement sociaux etc), mais aussi par que ces liens sont présents depuis l’origine du mouvement. Ces liens n’ont pas non plus faibli à travers le temps, ont pu se renforcer et on a pris différentes formes d’engagement, ce qui est toujours très présent aujourd’hui.

De manière assez basique, on peut comprendre que le Metal soit lié à la politique. Il semble logique que ce qui nous fait peur, ce qui nous angoisse, ce qui nous révolte, se transmette dans une musique violente et rapide, de sa forme originelle du Heavy Metal à sa forme la plus agressive du Metal extrême. Quoi plus satisfaisant d’hurler dans un micro, de taper sur des trucs et de jouer des notes à fond la caisse ? Ca peut sembler primaire ainsi formulé, mais le lien entre nos préoccupations et nos valeurs que l’on souhaite transmettre, nos envie de changement, prennent un chemin artistique qui trouve sa cristallisation dans la musique Metal, tout comme ça peut être le cas avec le Punk ou le Hardcore dans un format encore plus brut, où ces musiques sont encore d’avantage politisées que le Metal. 

On pourrait également parler du fait que la politique influence le Metal et pour cela on citera les mots de Michael, le patron de Season Of Mist dans une interview qu'il nous a donné (lien) : "Je parlais un jour avec la fille de John McCain (l’ancien candidat à la Maison Blanche) et le patron de Century Media Records qui me disait comment l’issue de l’élection Obama-McCain allait influencer leur politique de signature. Et il me dit « C’est simple : si c’est un mec de droite qui passe, on va avoir une forte contestation sociale et on va signer plus de groupes de Punk. Si c’est Obama, le candidat de gauche, qui gagne, il va quand même se planter et les gens seront désespérés. Du coup on va signer plus de Goth et de Coldwave. » Obama a gagné, et qu’est-ce qui s’est passé ? On a eu un retour de la Coldwave dans la musique et notamment dans le Metal." Alors les groupes qui en sortent n'ont pas nécessairement de visée politique, donc c'est un peu différent de notre idée de départ, mais il reste intéressant de noter que cela créer une atmosphère, une sorte de tendance dans la musique et que celle-ci peut influencer les goûts autant au niveau des groupes, que des labels ou des personnes qui écoutent la musique.



Et si actuellement ce n’est plus trop le cas, longtemps le Metal a été catégorisé de contre-culture, voir péjorativement de sous-culture. Le terme de contre-culture prend naissance dans à la fin des années 60, début des années 70 et se caractérise par un groupe d’individus en opposition consciente à la culture dite dominante et bourgeoise avec l’explosion de mouvements contestataires de la jeunesse d’être gauche idéaliste. Désormais la musique Metal est bien plus acceptée socialement parlant. Le Hellfest ramène des dizaines de milliers de personnes chaque année, tu peux porter un t-shirt à l’effigie de ton groupe préféré dans la rue sans choquer personne et n’importe qui connait au moins un titre de Metallica ou d’AC/DC. Les exemples seraient nombreux pour démontrer la popularité du Metal à l’heure actuelle, mais toujours est-il que dans les années 70 ou 80, le genre était bien moins populaire et d’avantage marginal. A travers cet aspect de rébellion, on peut comprendre que plusieurs groupes abordent de thématiques politiques et n’axent pas uniquement leur musique sur l’imaginaire à base de certaines iconographies parfois clichées (pirates, vikings, squelettes, vampires etc).

On se souvient par exemple du discours de Dee Snider de Twisted Sister pour se défendre devant une commission, la Parents Music Resource Center, tenue notamment Tipper Gore (la femme du vice-président Al Gore) qui l'accusait ainsi que d'autres groupes de Hard Rock ou de Pop telles que Motley Crue, Judas Priest, Venom ou Madonna de corrompre la jeunesse américaine à travers des textes qui évoquent l'alcool, la drogue, le sexe, le satanisme et la violence. De fait, le Glam devenait de plus en plus populaire, mais était vu par par une certaine caste de l'Amérique réactionnaire, comme une musique subversive à travers ces visuels, ces textes ou même les vêtements, les coiffures et les poses des musiciens. En tout cas, on peut voir l'émergence ce type de musique et ce genre de thématiques impliquant une libération des mœurs en opposition au climat conservateur de l'époque. Il semble bon de parler également de la réactivité de certains artistes quand à certains évènements politiques avec par exemple récemment la formation de Prophets Of Rage pendant la campagne de Donald Trump, ou la sortie l'an dernier de l'ep Wake Of A Nation de Zeal And Ardor avec les matraques sur la pochette ou le titre I Can't Breath en hommage à Georges Floyd et en réaction aux violences policières qui ont suivit.

De fait, il est intéressant de noter qu’avec la popularisation du Metal, on verse désormais - du moins à grande échelle - d’avantage dans la pop culture que dans une véritable contre-culture (même si des niches continuent d’exister et de foisonner). Les groupes avec un engagement politique restent moins connus que les autres et ceux qui sont très connus ont tendance à voir leur propos se délayer dans ce fameux « ce qui est compte c’est uniquement la musique ». Beaucoup de gros groupes connus (citons au hasard Mastodon, Ghost, Slipknot ou Babymetal) n’ont pas spécialement d’engagement politique et effectivement il se dégage d'eux uniquement leur proposition artistique. Mais c'est également le cas dans des courants allant du Doom Metal au Black Metal. Ainsi, les gens ne se rendent pas compte de certains engagement politique de groupes et n’ont pas trop envie de se poser de questions. On en revient aux phrases de départ : « On n’est pas là pour parler de politique », « Ce qui compte c’est la musique ». Son côté politique est peut-être d'avantage enfoui et pourtant on l’a vu à travers Napalm Death, Wolves In The Throne Room, Sepultura ou Judas Priest : Le Metal est politique. Il bon ton de se le rappeler.

Pentacle (Mars 2021)
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Commentaires

spinoza1313Le Jeudi 24 juin 2021 à 04H28

le probleme en fait dans la politique, c est que si tu te dis apolitique, en fait tu cautionnes le systeme actuel... il est vrai que la contestation du systeme n est pas que dans les mots, mais peut etre dans la musique... (ce dont jimi hendrix par exemple a fait la demonstration a woodstock en reprenant l hymne americain)

SeenoevilLe Mercredi 10 mars 2021 à 00H20

Politiser la question me semble être la moindre des choses et ça fait toujours plaisir ces articles.
# BYCL: « Concepts albums », l’énoncé sonne déjà très politique je trouve… L’art pour l’art, c’est une fumisterie grossière pour qui veut neutraliser les implications politiques de la musique. Il y en aura toujours, même là ou on les attends le moins, précisément là d'ailleurs.
Bref pas trop envie de polémiquer dans ce format.. Merci pour l’article en tout cas, c’est cool ce genre de focus.

BYLCLe Mardi 09 mars 2021 à 14H03

Juste quelques remarques en filant.

Je ne suis pas d'accord avec l'idée selon laquelle se foutre de l'idéologie serait forcément "ne pas vouloir voir les problèmes, les questionnements, les inégalités, les problèmes sociétaux. C’est vivre dans un monde imaginaire, utopique." Ce n'est pas si simple et mériterait d'être nuancé comme d'autres points de l'article.
On peut très bien dissocier les deux sans que l'un soit la prémisse de l'autre. Apprécier un groupe pour sa musique n'est pas forcément l'apprécier pour l'idéologie peu ou pas respectable qu'il véhicule ou que leurs musiciens revendiquent dans leur vie privée ou plus directement politique. ET avoir une "vie militante" ou "politique" à l'opposé des idées nauséabondes de certains groupes. On pourrait d'ailleurs étendre ces idées nauséabondes aux groupes véhiculant des idées religieuses, les religions n'étant en général pas des idéologies très tolérantes... Mais là énormément de groupes seraient concernés.

(Pour l'anecdote, moi qui aime le jazz dont feu Chick Corea, je n'aimais pas la scientologie à laquelle ce dernier était affilié...)

Ensuite, si le metal a été politique, il ne l'a pas toujours été totalement (et pourrait très bien ne plus l'être). Les milliers de concepts albums le montrent et ce n'est qu'un exemple.

Enfin, BLM était très réformiste, des gestionnaires du système en place, à la base d'une partie des inégalités dénoncées. Il y a d'ailleurs eu scission avec des plus radicaux : https://www.courrierinternational.com/article/etats-unis-portland-la-victoire-de-biden-divise-anarchistes-et-militants-black-lives-matter

PS : Tom Morello est un admirateur de Fidel Castro qui fut dictateur. Le totalitarisme fut-il "rouge", niveau engagement pour les libertés, la tolérance, etc., ya beaucoup mieux, non ?

PentacleLe Jeudi 04 mars 2021 à 15H41

Merci beaucoup :)

Le jugeLe Lundi 01 mars 2021 à 08H56

Encore un super article, bravo Pentacle et merci d'aborder ce genre de sujet!