Suivez le guide #4 : Arjen A. Lucassen - introduction à une discographie protéiforme

Si nos comptes sont bons, Arjen Anthony Lucassen a une “discographie principale”, c'est-à-dire un nombre d’albums où il est impliqué en tant que membre officiel du line-up d’un groupe, de 28 albums. Vingt-huit, oui. Et sans compter les compilations, les singles, ni les lives.

A ceci, s’ajoute une trentaine d'apparitions en guest chez divers groupes, que ce soit pour ses talents de chanteur, de guitariste, ou de claviériste ; ainsi qu’une dizaine de mentions en tant que producteur, ingénieur du son, responsable du mixage et/ou du mastering pour différentes formations.

Et le tout s’étale de 1982 à nos jours.

Alors forcément, en tombant par hasard sur un titre cool signé par le personnage et en voulant creuser un peu, si on débarque sans contexte, la carrière d’Arjen Lucassen peut déstabiliser. Par où commencer ? Dois-je tout écouter ? Est-ce que le best-of d’Ayreon peut me suffire ; ou à défaut, puis-je commencer par ça ? Metalorgie s’est penché sur ces questions et vous propose une approche pour appréhender l'œuvre d’un musicien aussi brillant que prolifique.


The Source (une courte biographie)


Arjen Anthony Lucassen a vingt ans quand il intègre Bodine (Heavy) en tant que guitariste en 1980. Il restera avec cette formation jusqu’à son split quatre ans plus tard, mais aura le temps de participer à deux albums.

Libéré de ses obligations chez Bodine, il rejoint Vengeance (Heavy) en 1984, toujours à la guitare. Il y restera jusqu’en 1998, bien que le groupe ait eu un hiatus de quelques années au milieu, et sera impliqué dans cinq albums. Vengeance existe toujours (le chanteur Leon Goewie est le seul membre d’origine, on y retrouve aujourd’hui le bassiste live de Blind Guardian ainsi que le guitariste de Delain), et a publié cinq albums supplémentaires depuis le départ d’Arjen Lucassen.

Pendant le hiatus de Vengeance, il publie trois albums. Son premier effort solo, sous le nom “Anthony” (orienté Rock Psyché / Hard Rock), puis deux opéras-rock : les deux premiers opus d’Ayreon, qui devient son principal projet. C’est d’ailleurs pour s’y consacrer qu’il quitte Vengeance.

Le Néerlandais ne cache pas son goût pour de nombreuses influences, et il en incorpore une bonne partie dans Ayreon. Ces disques sont très progressifs (avec des motifs musicaux qui reviennent plusieurs fois au fil de l’album, et souvent quelques titres qui tutoient les 10 minutes), très mélodiques, chargés d’instruments folks, d’orgue Hammond, et se caractérisent par la présence de nombreux.ses invité.e.s au micro, incarnant les divers personnages mis en scène.

Si Ayreon reste la principale occupation du protagoniste, il créera aussi d’autres formations pour explorer des orientations musicales légèrement différentes.


Timeline (les différents albums d’Arjen Lucassen)


Bodine (Heavy - guitare)
Bold As Brass (1982)
Three Times Running (1983)

Vengeance (Heavy - guitare)
Comme son précédent groupe, cette formation n’a que très peu de lien avec la suite de la carrière de Lucassen.
Vengeance (1984)
We Have Ways To Make You Rock (1986)
Only The Wind (1986, EP)
Take It Or Leave It (1987)
Rock’n’roll Shower (1988, EP)
Arabia (1989)
If Lovin’ You Is Wrong (1989, EP)
The Last Of Fallen Heroes (1994)

* Albums solo (guitare, basse, clavier, chant)
Les albums solo du Néerlandais sont tous les trois très différents (et publiés sous différents pseudonymes). Les deux premiers sont relativement expérimentaux, seul le troisième s’inscrit avec logique dans sa discographie.
Pools of Sorrow ~ Waves of Joy (1993 - Rock psyché - sorti sous le nom “Anthony”)
Strange Hobby (1996 - album de reprises - sorti sans aucun nom)
Lost In The New Real (2012 - Rock / Metal Prog - sorti sous le nom “Arjen Anthony Lucassen”)

* Ayreon (Opera-Rock / Metal Prog mélodique - guitare, basse, clavier, chant)
Ayreon est le bébé d’Arjen Lucassen. En plus de jouer la majorité des instruments, il écrit la musique et les paroles, enregistre, mixe et masterise. Beaucoup de disques d’Ayreon sont liés entre eux par leurs scénarios oscillant entre SF et fantasy. De très nombreux.ses invité.e.s se partagent le chant et incarnent les personnages de ces histoires. Parmi eux, on trouve Bruce Dickinson (Iron Maiden), James LaBrie (Dream Theater), Mikael Akerfeldt (Opeth), Devin Townsend, Floor Jansen (Nightwish), Tommy Rogers (Between The Buried And Me), Tobias Sammet (Edguy, Avantasia)...

The Final Experiment (1995, réédité en 2005)
Actual Fantasy (1996, réédité sous le nom Actual Fantasy Revisited en 2004)
Into The Electric Castle (1998)
The Universal Migrator (part I) (2000, réédité en 2004 en double-album avec la part II)
The Universal Migrator (part II) (2000, réédité en 2004 en double-album avec la part I)
The Human Equation (2004)
01011001 (2008)
Elected (2008, EP)
Timeline (2008, best-of)
The Theory Of Everything (2013)
The Theater Equation (2016, live)
The Source (2017)
Ayreon Universe - Best Of Ayreon Live (2018, live)
Electric Castle Live And Other Tales (2020, live)
Transitus (2020)

* Ambeon (Ambiant - guitare, clavier)
Mot-valise créé à partir de “Ambiant” et “Ayreon”, ce projet éphémère implique Astrid van der Veen, une jeune chanteuse de 15 ans.
Fate Of A Dreamer (2001)

* Star One (Metal Prog d’inspiration SF - guitare, basse, clavier)
Ce groupe est stylistiquement voisin d’Ayreon, mais est bien plus “guitar driven”. Star One est composé de cinq musiciens et de quatre vocalistes (Floor Jansen de Nightwish, Russel Allen de Symphony X, Dan Swanö de Nightingale et mille autres projets, et Damian Wilson de Threshold). Les pistes du premier album sont inspirées de films de SF se déroulant dans l’espace, celles du second opus de films se passant sur terre.
Space Metal (2002)
Live On Earth (2003, live)
Victims Of The Modern Age (2010)

* Stream Of Passion (Metal Sympho et Prog - guitare)
Créé par Arjen Lucassen suite à l’envie de continuer de travailler avec la chanteuse Marcela Bovio après la sortie de l’album d’Ayreon The Human Equation où elle chante l’un des rôles, ce croupe mexico-néerlandais de Metal Symphonique splite en 2016 après quatre albums. Lucassen quitte néanmoins l’aventure au bout des deux premières années de la formation.
Embrace The Storm (2005)
Live In The Real World (2006)

* Guilt Machine (Rock Prog mélancolique - guitare, basse, clavier)
Le Hollandais a formé ce groupe pour travailler avec le chanteur du groupe de Rock Indé belge Arid. Il s’entoure aussi de sa compagne, Lori Linstruth (guitare et textes, ex Stream Of Passion) et de Chris Maitland (batterie, ex Porcupine Tree).

Comme pour Star One et The Gentle Storm, on ne sait pas si cette formation existe toujours officiellement (Lucassen ayant plusieurs fois affirmé qu’il composait ce qui lui plaisait, et “réanimait” un groupe dormant s’il se rendait compte que la musique sur laquelle il travaillait ne correspond pas réellement à Ayreon).
On This Perfect Day (2009)

* The Gentle Storm (Rock Symphonique / Metal Symphonique - guitare, basse, clavier)
En dehors d’Arjen Lucassen, la seule autre membre de The Gentle Storm est Anneke van Giersbergen, avec qui le multi-instrumentiste a déjà collaboré plusieurs fois. Ensemble, ils sortent un double album qui contient deux fois les mêmes titres : arrangés en version “gentle” (Folk acoustique) sur un disque, et en version “storm” (Rock / Metal Symphonique) sur l’autre).
The Diary (2015)

Computer Mind (Metal Prog - chant)
Lucassen est invité à être un membre officiel de cet éphémère projet studio du bassiste Mike van den Heuvel, en compagnie d’autres vocalistes (dont Marcela Bovio et Damian Wilson avec qui il a déjà travaillé). C’est l’une des rares fois où il ne participe pas à la composition de la musique.
The Aspie Project (2016)


The Theory Of Everything (quelques façons possibles d'appréhender cette discographie)


Les productions d’Arjen Anthony Lucassen sont surtout axées vers le Prog au sens large. Si vous êtes intéressé.e par du Heavy tradi, vous trouverez probablement des groupes plus captivant que Bodine et Vengeance (sans que ces groupes soient nuls pour autant). C’est aux sorties à partir du milieu des années 90 que nous nous intéresserons ici.

Approche #1 : navigation à vue

Commençons par The Diary, l’unique album de The Gentle Storm. Puis, demandons-nous ce qu’on a aimé dans ce double opus.

Plutôt le premier disque, acoustique, très folk ? Dans ce cas, l’étape suivante sera The Universal Migrator (part I) d’Ayreon. Effectivement, si cet album est aujourd’hui réédité comme un double, il était initialement sorti séparément de son binôme, et le dyptique sépare les influences de leur auteur à la façon de The Diary.

Si on se trouve d’humeur mélancolique, après The Universal Migrator (part I), la suite sera On This Perfect Day de Guilt Machine ; mais si on préfère encore calmer le jeu, direction Ambeon.

Si c’est le second disque du Gentle Storm que vous avez préféré, alors partez sur Embrace The Storm (Stream Of Passion).

Vous accrochez toujours ? Live In The Real World, du même groupe. On vous y présentera les titres de Stream Of Passion que vous aimiez déjà, et quelques titres d’Ayreon (sur le deuxième disque) réarrangés pour coller au line-up sur scène. Et si ces titres vous rendent curieux.se, alors la suite sera pour vous The Human Equation.

La profondeur de l’histoire de The Diary vous a plu ? Écoutez The Human Equation, The Theory Of Everything, Transitus, Lost In The New Real...

Et si vous n’aimez pas The Diary ? Il y a des solutions ! Trop d’arrangements dans The Gentle Storm, c’est pas assez “Metal” ? Allez sur Star One, ou sur The Universal Migrator (part II).

Vous vouliez plus de psyché, plus de prog ? Into The Electric Castle.

(Cliquez pour agrandir)

Approche #2 : logique narrative

Certains albums d'Ayreon sont liés entre eux, et si vous accordez une importance certaine aux paroles et aux histoires racontées, alors une découverte qui respecte l’ordre des événements peut s’avérer intéressante.

Dans ce cas, commencez (logiquement) par The Source, qui raconte l’histoire des Alphans, une race extraterrestre au bord de l’extinction sur leur planète Alpha. Une partie d’entre eux s’exileront sur une planète appelée Y, et deviendront une nouvelle race, les Forever.

La suite est 01011001 (la représentation binaire de la valeur ASCII du caractère “Y”, ça ne s’invente pas), qui narre la suite des événements des Forever, et où l’humanité entre aussi en scène.

Ensuite vient The Final Experiment. L’espèce humaine est bien en place, puisque l’action se passe au début du Moyen-Âge. Un jeune homme nommé Ayreon (eh oui !) reçoit d'incompréhensibles visions du futur, un futur dans lequel l’humanité semble condamnée, en 2084. Il essayera de changer les choses depuis son époque, en influençant comme il le peut sur sa petite part de l’Histoire.
L’album suivant est Into The Electric Castle. Huit humains issus de différentes époques passées et futures sont catapultés dans un nulle-part et un “nulle-quand”, toujours grâce à des expériences de télépathies temporelles, comme dans The Final Experiment. Les protagonistes vont devoir résoudre des embûches, pendant qu’un Forever les guide et étudie leurs réactions.
The Universal Migrator (part I&II) se situe… un peu partout dans tout ça. Cet album raconte un autre point de vue de toute cette chronologie, de son début à sa fin. Vous pouvez l’écouter quand vous le souhaitez.
D’ailleurs, même si 01011001 est évoqué ci-dessus, la fin de sa tracklist vient en fait s’intercaler plus tard, après The Final Experiment (et la toute fin vient même après Electric Castle).

Dans cette approche de “logique narrative", The Human Equation ne doit être découvert qu’après avoir posé les oreilles sur The Universal Migrator I&II.

La piste Epilogue - The Memory Remains (un titre inédit dans le best-of Timeline) conclut la saga.

La plupart du contenu de Actual Fantasy est décorrélé de cet arc narratif, ainsi que les albums The Theory Of Everything et Transitus (ne vous laissez pas piéger par les paroles (et le titre) de This Human Equation, ce n'est qu'un clin d'œil innocent. Le scénario de Transitus n'a réellement rien en commun avec cette grande fresque musicale).

Il existe une playlist Spotify de tous les titres d’Ayreon qui s’inscrivent dans cette vaste saga, en les mettant tous dans l’ordre (certains albums sont donc éclatés). Accrochez-vous, ça fait 107 titres pour 10h27 de Prog…

Approche #3 : plongeon dans le grand bain

C'est à dire, "allez-y à la zob", en gros. Faites comme bon vous semble, choisissez en fonction de la pochette, des guests qui vous plaisent le mieux, y a pas de règles.

Simplement, on se permettra ici quelques conseils. Après tout, avant de vous lancer dans ce fameux "grand bain", on vous doit bien quelques tuyaux pour que vous ayez une idée de comment on nage... Mais ces conseils ne sont "que" des suggestions, bien sûr.

- Le best-of Timeline n'est pas forcément l'endroit idéal pour commencer. Déjà, c'est un triple-album, donc forcément peu digeste. De plus, il est sorti avant The Source, The Theory Of Everything et Transitus, et n'est donc plus complètement représentatif (d'autant plus que Theory est un des meilleurs Ayreon).
Si vous tenez vraiment à un best-of, dirigez-vous plutôt vers le live Ayreon Universe, à la fois plus court et plus complet (il n'y manque que Transitus).

- Si l'aspect "massif" vous fait peur, n'attaquez peut-être pas directement par Ayreon (ou alors seulement les deux premiers, qui sont les seuls albums "mono-disque" du projet, tous les suivants font ensuite 1h20 ou plus). Les autres formations (à l'exception de The Gentle Storm) proposent des disques qui ne sont pas des double-albums et qui sont plus simples à appréhender pour rentrer dans l'univers du personnage.

- Si vous ne comprenez pas la toute fin de The Human Equation, c'est à The Universal Migrator I&II qu'il faut se référer. Dans la mesure du possible, on proposerait d'ailleurs d'écouter Migrator avant Equation.

- Lorsque vous en serez à The Theater Equation, ne l'écoutez pas : voyez-le. Plus qu'un simple concert, l'idée de "théâtre" est vraiment là visuellement, la mise en scène est importante.

- "Ok, Ayreon c'est bon, je vois un peu. Maintenant, c'est quoi ces neuf-mille projets autour ?"
Pour un tour d'horizon (et constater par vous-même ce que vous aimez ou pas), vous pouvez tenter le Electric Castle Live And Other Tales. Après une interprétation de Into The Electric Castle, place aux "other tales" : sont joués, dans l'ordre : un titre de The Gentle Storm, un d'Ambeon (mais Indus-Metalisé, non-représentatif de Fate Of A Dreamer), un de Stream Of Passion, un de Guilt Machine, une reprise de Marillion (avec Fish au chant), un extrait du troisième album solo, Lost In The New Real, et enfin un morceau de Star One.

Approche #4 : l’affect de votre serviteur

Tout simplement.

Je peux vous conseiller, mais mes goûts ne sont pas nécessairement les mêmes que les vôtres. Je vous propose donc une tier-list qui n’engage que moi, à vous d’en faire ce que vous voulez.

(Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : il s’agit d’un classement relatif. Cela veut donc dire que j’apprécie moins les albums du bas que ceux du haut, mais ça ne veut pas dire que je trouve ceux du bas complètement nuls.)

Top-tier : The Human Equation

A-tier : The Theory Of Everything / tous les Star One / The Universal Migrator II / 01011001 / The Theater Equation / Ayreon Universe - Best Of Ayreon Live

B-tier : The Source / Into The Electric Castle / The Final Experiment / Electric Castle Live And Other Tales / Live In The Real World (non dispo dans le template)

C-tier : The Universal Migrator I / le Guilt Machine / Actual Fantasy / Embrace The Storm (non dispo dans le template) / le Computer Mind (non dispo dans le template)

D-tier : Transitus / Lost In The New Real / le The Gentle Storm

E-tier : le premier album solo / Ambeon / l’album solo de covers (non dispo dans le template) / tous les Bodine (non dispo dans le template) / tous les Vengeance (non dispo dans le template)


01011001 (ou "ne pas avoir d'idée pour repomper un nom d'album qui illustre la conclusion")

Arjen Lucassen sort plus ou moins un album par an. Bien sûr, cet article (sorti début 2021) sera rapidement obsolète. Il existera peut-être de meilleures façons d'appréhender l'ensemble de ses travaux, en les attaquant par une facette future.

Mais quelle que soit la route qui vous emmènera à découvrir la tentaculaire discographie du Néerlandais, ce sera forcément une bonne route. Le plus compliqué, c'est souvent de se décider à faire les premiers pas... Et si vous ne connaissiez pas le personnage ou aviez peur, jusque ici, de vous lancer, et bien nous espérons que ce dossier vous aidera à faire ces premiers pas. Car si vous aimez le Metal progressif et mélodique, la science-fiction, et les sons d'orgue vintage, alors il serait vraiment cruellement dommage que vous ne vous lanciez pas. Allez hop, filez d'ici maintenant, direction Spotify, Deezer, ou YouTube !

Zbrlah (Février 2021)

Retrouvez les précédents "Suivez le guide" ici :
#1 : introduction au Metal Symphonique
#2 : introduction au Black Metal
#3 : initiation au Metal "aquatique"

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