"Underground", un label qualité à toute épreuve ?

A force de voir ce mot usé à tort et à travers pour défendre, glorifier ou justifier tout et n’importe quoi, l’envie nous a prise de nous pencher un peu plus avant sur ce mot magique, synonyme de génie irréfutable à en croire certains dires. Alors posons-nous la question et tentons d’y apporter une réponse : underground veut-il nécessairement dire qualitatif ? Et puis déjà, qu’est-ce que ça veut bien dire, ce terme qui estampille le dernier groupe à la mode ? 
Nous ferons donc une halte par la case dictionnaire, puis nous parlerons d’Abdou Cissant, musicien au pinacle de l’undeground actuel. Enfin, nous tenterons un diagnostic des plus farouches partisans de la musique souterraine et de leurs motivations. 

I) Définitions de « Underground »

Afin de partir sur des bases saines, nous allons nous atteler à produire une définition de ce qu’est l’underground. Pour ce faire, observons plusieurs références afin de voir s’il existe une acception claire du terme. Plus précisément, nous allons tenter de voir s’il est possible d’en faire un critère absolu, permettant ainsi de diviser très objectivement et sans hésitation les groupes qui sont effectivement underground et ceux qui ne le sont pas, aussi clairement que l’on pourrait diviser les groupes avec ou sans chanteur, utilisant la double-pédale ou non, etc. 

Bibliothèque du Trinity College, Dublin. Il doit bien y avoir un dico qui traîne quelquepart...

Cambridge dictionary
L’adjectif qui nous intéresse étant d’origine anglo-saxonne, commençons par le Cambridge dictionary. Celui-ci propose différents sens, dont un que l’on ne lie pas nécessairement à l’art mais qui peut tout de même colorer le mot

« An underground activity is secret and usually illegal:
Ex : An underground newspaper/movement
The Communist Party was forced (to go) underground, and its leaders went into hiding »

Ici, c’est la dimension secrète, cachée, clandestine qui est à l’honneur, pouvant aussi bien désigner le crime, des activités politiques, etc. Un sens qui n’est pas anodin et que l’on exploitera plus tard. 

Le Cambridge dictionary offre ensuite une explication relative au domaine de la création : 
« People in a society who are trying new and often shocking or illegal ways of living or forms of art
Ex : In Britain and the USA in the 1970s, the underground was a powerful subversive force. »

Là, c’est bel et bien aux courants de la Pop culture que le dictionnaire fait allusion, aux tendances qui ont traversé la littérature, la musique ou encore les arts visuels depuis l’après-guerre. Trois adjectifs sont ici employés : « nouveau », « choquant » et « illégal », les deux derniers étant tout de même relativisés par l’adverbe « souvent ». On parle donc de créations inédites, à contre-courant des canons et/ou des bonnes mœurs de leur époque, pouvant le cas échéant tomber sous le coup de la loi. 

Larousse
Passons de l’autre côté de la Manche à présent, et ouvrons le Larousse, qui nous renseigne ainsi :

« Se dit de spectacles, de films, d'œuvres littéraires, de revues d'avant-garde, réalisés en dehors des circuits commerciaux ordinaires. »

Alors que l’on parlait plus haut principalement du processus de création, des sujets et messages d’une œuvre, le dico français insiste lui sur les conditions de production et la distribution de celle-ci. La mention du terme « avant-garde » indique en sus que l’on n’a pas affaire à un livre, un film ou un spectacle lambda et attendu. Causant très certainement une diffusion sous le manteau et des ressources amoindries. 

Frank Zappa
Enfin, terminons notre tour d’horizon par une citation attribuée à Frank Zappa, au sujet de l’undergound : 

« The mainstream comes to you, but you have to go to the underground »

Plutôt qu’un exposé détaillé, Zappa discrimine en une phrase ce qui est de l’ordre du mainstream (ce qui vient à vous naturellement, avec un jeu de mot habile sur « stream », « cours d’eau » en français) et ce qui nécessite de la recherche, un intérêt prononcé, de l’investigation. Le mainstream, on peut l’imaginer, représente le flot de culture immédiatement à portée de main via des canaux comme la télévision, les journaux nationaux, la radio, en bref les média dominants. L’underground par opposition va se loger dans les fanzines, les cinémas indépendants, le tape-trading et toute autre activité demandant une implication personnelle pour aller au-delà des productions culturelles proposées par les mass media. 

Caractéristiques communes
Après avoir décortiqué ces quelques définitions, tâchons d’en dégager les aspects saillants : 
-une œuvre underground est par son contenu, son message ou sa forme en décalage avec les canons de son temps 
-cette œuvre n’est pas immédiatement accessible, car produite et distribuée en dehors des circuits habituels
-cette œuvre enfin peut revêtir un caractère subversif, illégal, contraignant son auteur au secret et à n’évoluer que dans un cercle d’initiés

Ces trois critères sont dans l’ordre artistique, commercial, et moral. Nous allons à présent les confronter à la question suivante : l’underground est-il objectif ou subjectif ?  Afin de répondre à cette interrogation, reprenons les trois critères établis plus haut et questionnons-les, en piochant des exemples dans la sphère qui nous intéresse, celle de la musique Metal.

Le fanzine, un vecteur de diffusion de l'underground

Critère artistique
Peut-on ranger objectivement Amon Amarth dans l’underground pour des raisons purement artistiques ?  Amon Amarth est-il « en décalage avec les canons de son temps » si l’on reprend notre propre définition ? Tout l’enjeu est ici de définir les canons, et surtout de savoir si oui ou non le Death Metal mélodique en fait partie. C’est une question épineuse et dont la réponse ne peut être figée : la culture dominante a-t-elle digéré la musique Metal ? On pourrait argumenter dans un sens comme dans l’autre, en avançant que des sonorités comme le growl ou les guitares très saturées ne font pas encore l’unanimité chez les férus de musique, mais on pourrait également rétorquer que le deuxième festival du pays est dédié aux musiques extrêmes. Tout est une question de curseur, permettant de fixer la limite entre ce qui a effectivement intégré la culture dominante et globalisée et ce qui reste de l’ordre de l’exception artistique, de la curiosité ou de la bizarrerie. 
La question artistique est ardue, car la tentation est grande pour évaluer ce qui est accepté ou non dans le cinéma, la musique ou la littérature par le commun des mortels de se référer au critère commercial. On pourrait alors de manière (trop) simpliste se dire que si un artiste vend peu, c’est que son œuvre ne correspond pas aux canons de l’époque. Mais des paramètres tels que l’exposition, le carnet d’adresses ou même la chance viennent contredire ce lien de cause à effet éculé.

Critère commercial
Intéressons-nous maintenant à la distribution de notre album d’Amon Amarth et à l’exposition dont il jouit. Est-il « réalisé hors des circuits commerciaux ordinaires » ? Là encore, le relativisme est de mise : pour certains, Amon Amarth est underground car le groupe n’est pas diffusé à la radio, ses clips ne passent pas à la télé, les musiciens ne sont pas invités au 20H pour défendre leur dernier disque...Mais pour d’autres, leurs bobines de vikings en couverture de magasines spécialisés, leur discographie accessible sur toutes les plateformes de streaming ou dans les bacs de n’importe quel espace culturel grand public sont autant de marqueurs qui rangent Amon Amarth dans les « circuits commerciaux ordinaires ». Une fois de plus, tout est question d’appréciation personnelle, car il est objectivement impossible de statuer fermement sur la place des Suédois dans le camp undeground ou mainstream. 

Critère moral et légal
Enfin, évaluons le critère moral et légal. Le risque de contrevenir à la morale peut être une motivation pour garder le secret autour d’une œuvre et ne la réserver qu’aux initiés. Notons que c’est tout de même dans un cadre politique particulier que de telles situations se produisent, car un régime garantissant une liberté d’expression effective de ses citoyens ne se préoccupe pas de morale (fluctuante, subjective) mais des lois (écrites et précises), et laisse la questions des bonnes mœurs à l’église ou à la famille, bref, au domaine du privé. Dans un contexte politique plus autoritaire s’enquérant du respect d’une ligne de conduite en plus du respect des lois, cacher des écrits allant à l’encontre de la bonne morale peut être une question de vie ou de mort. Ainsi, avoir à son actif des titres comme Antichrist au Brésil en 1985 (période de dictature militaire durant laquelle le christianisme est érigé comme une valeur nationale) a pu pousser Sepultura à se la jouer profil bas, et donc underground. A l’inverse, les trublions norvégiens de la seconde vague Black Metal n’ont pas été inquiétés pour leur blasphème à longueur d’albums (sans quoi le magasin Helvete n’aurait pas tenu bien longtemps), mais ce sont leurs actes illégaux qui ont mené à une certaine confidentialité.

Et puisque l’on parle de Black Metal, terminons avec l’aspect légal, sans doute le plus fiable au passage car il est possible avec une bonne connaissance de la loi de déterminer ce qui l’enfreint ou non. Ainsi, le tristement célèbre courant National Socialist Black Metal est forcé à rester underground et relativement secret en France (et bien sûr on s’en réjouit) sous peine de condamnation pour incitation à la haine raciale ou négationnisme. Aux Etats-Unis en revanche, le premier amendement garantissant une liberté d’expression totale, on ne pourrait ranger le NSBM dans la case underground pour motif d’illégalité. 

Ils ne le savent pas encore, mais ils vont devenir les légendaires géniteurs de Arise, Chaos A.D. et Roots.

Bilan
Résumons. Le cadre politique et historique rend possible la séparation objective de ce qui est underground et ce qui ne l’est pas. En revanche, sur le plan artistique et commercial, tout est une question de point de vue, de limite personnelle que chacun fixe entre la culture et les réseaux de distribution mainstream et les voies alternatives. 

Internet a sa part de responsabilité là-dedans : avant un tel outil, différencier les réseaux de distribution officiels des circuits souterrains était plus aisé. Du temps de leur hégémonie, télévision, radio, journaux étaient (et sont toujours aujourd’hui) tributaires d’une ligne éditoriale ou d’une programmation, offrant de fait une exposition ou une absence d’exposition à telle ou telle œuvre. Facile alors de distinguer les productions grand public des autres. 
Plus tard, la démocratisation d’Internet a autorisé chaque individu à s’exprimer et exposer ses créations. Côté spectateur, l’offre s’est alors considérablement élargie, ou plutôt elle a été rendue visible. Youtube offrant par exemple la possibilité de découvrir la scène Japanoise ou bien d’écouter le dernier titre numéro 1 des charts. Et cette accessibilité accrue brouille les pistes, car théoriquement Taylor Swift et Merzbow se retrouvent au coude à coude parce que écoutables en une recherche Google. Théoriquement oui, car ne nous dupons pas, Youtube ou les autres plateformes de streaming musical sont loin d’être parfaitement horizontales, bien au contraire. A tel point qu’une nouvelle forme d’exploration de l’underground s’est développée mécaniquement, poussant les plus motivés à fouiller (depuis leur salon) les méandres du net pour passer le filtre du tout public pour dénicher leur prochaine baffe culturelle. 

La tendance à considérer l’underground comme un gage qualitatif se heurte donc à un premier problème : lorsque l’on utilise ce qualificatif, on ne parle pas de la même chose. 
Nous allons donc prouver à présent qu’en plus d’être une désignation très floue à l’heure actuelle, la  notion d’undeground est à dissocier de toute forme de label qualité. Et nous allons le faire avec une machine à laver. 

II) Underground, label qualité à toute épreuve ?

Imaginons que mon voisin, un artiste avant-gardiste convaincu, enregistre sa machine à laver et rajoute quelques effets (une reverb et de la wah-wah) sur le son obtenu. Il finalise le tout, divise son heure de rinçage-essorage en sept titres et les poste sur Myspace. Il ne partage le lien qu’avec ses deux amis les plus proches, eux aussi fans de vibrations d’électroménager.  

Je peux dire sans sourciller que mon voisin est artistiquement et commercialement underground. La dimension morale et politique en revanche l’en exclut car mon voisin vit dans un pays qui garantit ses droits à enregistrer son lave-linge et à le partager sur Internet, et personne dans ce pays n’a de problème moral majeur avec des artistes jouant de la musique avec un tambour prévu pour la lessive et non pour les percussions. 

Bien que les genres musicaux se multiplient d’année en année avec des nouveautés toujours plus surprenantes, on pourra difficilement nier que sur le plan artistique mon voisin se trouve plutôt en décalage avec les canons de l’époque tant sa démarche est expérimentale, voire absurde. On dispose d’assez peu de preuves de rassemblements de fans d’électroménager dans des festivals ou  conventions qui envisagent le lave-vaisselle comme un potentiel instrument de musique. On conviendra alors de classer la production artistique de mon voisin comme underground car franchement à la marge pour son temps.

Abdou Cissant (c’est le nom de scène que s’est choisi mon voisin) a publié son premier album sur Myspace et nulle part ailleurs. Seules deux personnes ont eu vent de son projet et l’écoutent de temps à autre entre deux solos de micro-ondes. L’exposition de Abdou Cissant est quasi-nulle, aucun titre n’est disponible sur les plateformes de streaming, pas de page facebook, instagram ou de site internet, et le nom même du one-man band est très mal référencé sur les moteurs de recherche. Seuls les initiés peuvent prendre part à la fête du roulis ré-arrangé des slips sales de mon voisin. On peut le dire, commercialement son œuvre est underground car en dehors des circuits attendus et franchement difficile à trouver. 

La vérité sur mon voisin
J’ai bien conscience de causer la déception de certains d’entre vous mais comme précisé plus haut, cette pépite musicale n’est encore que fictive et sert notre démonstration (en revanche Matmos a bel et bien utilisé une machine à laver comme base à des morceaux Electro). Cette situation volontairement absurde a pour but de prouver qu’une production underground artistiquement et commercialement n’est pas nécessairement synonyme de prodige. Alors oui, on pourra admettre que mon voisin a pris le temps d’enregistrer un projet commercialement et artistiquement suicidaire, on pourra saluer sa passion sans bornes pour la musique expérimentale. Mais voilà, ce n’est pas parce que Abdou Cissant est confidentiel et clivant musicalement qu’il produit forcément un album incroyable. Il est underground oui, mais ceci est un état de fait et non un sceau qualité. 

Le duo Matmos en live

III) Pourquoi alors certains auditeurs ne jurent-ils que par cela ?

Le milieu Metal ne manque pas de grands prêtres de l’underground, loin s’en faut. Brandi comme un étendard d’authenticité et de qualité, certains ne jurent que par cet adjectif qui fait selon eux la pluie et le beau temps sur les terres du bon goût. Atteints à des degrés plus ou moins caricaturaux, on a tous rencontré des individus dans le genre, souvent assez fermés d’esprit et réfractaires. Peut-être même en faisons-nous partie, quelques fois. 

Après avoir exposé les limites de cette association entre bonne musique et confidentialité, nous allons tenter de proposer des pistes de réflexion à propos de ce manque de recul. Pourquoi certains fans encensent-ils inconditionnellement le dernier rejeton obscur d’un groupe à peine connu tout en gardant d’office leurs distances avec d’autres formations sous prétexte qu’elles touchent trop de monde ? 

Le fantasme du dénicheur de talent
On en est sans doute tous un peu victimes. Découvrir un groupe génial c’est bien, découvrir un groupe génial que personne ne connaît encore, c’est mieux. On entretient une relation privilégiée à sens unique avec l’artiste, et le partage de ce disque si incroyable avec certaines connaissances chanceuses nous octroiera la primeur de cette perle auprès d’elles. Paradoxalement, le jour où cet album touche un plus grand nombre qu’auparavant, un sentiment de dépossession peut s’emparer de nous, comme si notre groupe fétiche nous avait été dérobé et qu’il avait été livré sur un plateau à des auditeurs paresseux qui ne mesurent pas leur chance. 
C’est une réaction égoïste, irrationnelle même (personne ne vous empêche de réécouter infiniment ce fameux album), mais bien réelle que certains ont peut-être éprouvée. Comme dit plus haut, Internet et son déferlement constant de nouveautés entraîne l’enfouissement de quantité de trésors qui n’attendent que d’être déterrés et exposés au grand jour. Alors une fois le filet de pêche remonté, il faut se le taper, le tri colossal des démos et de nouveaux albums qui sortent chaque jour, l’écoute des derniers groupes à avoir pullulé aux quatre coins du monde ces dernières 24 heures. C’est un sacerdoce louable auquel s’adonnent certains fanatiques, quitte à faire de la rétention et à ne pas trop crier leurs derniers coups de cœur sur tous les toits pour ne pas se gâcher le plaisir. Peut-être alors ont-ils tendance à glorifier l’undeground et à maudire le mainstream, comme si l’un appartenait encore à la sphère de l’intime, tandis que l’autre passerait entre toutes les mains de béotiens incapables d’apprécier cette musique à sa juste valeur. 
Répétons-le, c’est une question d’égo et nul n’en est préservé. Mais en prendre conscience est déjà un premier pas pour éviter de sombrer dans l’élitisme puéril du gamin qui ne veut pas prêter ses jouets. 

L’auditeur, héros underground à moindre frais ?
J’écoute donc je suis. Voilà comment on pourrait résumer un trait de caractère propre à un type de fans. J’écoute un groupe à contre-courant et sans compromission commerciale donc je suis moi-même à contre-courant et sans compromission commerciale. Une manière de raisonner quelque peu adolescente, consistant à définir son identité par ses écoutes, et qui est source de bien des illusions. 
Alors qu’il faut soit du mérite, du talent, du travail ou bien tout en même temps pour sortir une œuvre musicale complète sans aucune garantie de reconnaissance de quelque nature que ce soit, écouter ladite œuvre et se l’approprier est tout de même bien plus confortable. Et à force de rabâcher qu’ils font partie de ce milieu (en tant que simple fan rappelons-le), certains semblent vouloir s’approprier par un procédé parasitaire des mérites dont ils ne sont que les spectateurs. Ajoutons qu’une validation par quelques pairs suffit à créer un sentiment d’appartenance, une fierté mal placée et une défiance envers tout ce qui franchit la limite du mainstream. 
Bien entendu, cela n’a que valeur de constat, peut-être ne connaissez-vous personne qui se rapprocherait d’un profil aussi condescendant, et on vous le souhaite franchement. 

La passion, plus forte que tout
Terminons sur une note plus positive, en envisageant que pour certains défenseurs de l’underground, c’est avant tout une valorisation des artistes et de leur passion qui prime. On l’a mentionné plus tôt, enregistrer ne serait-ce qu’une démo est un investissement en temps, en argent, du travail de composition et d’apprentissage d’un instrument. Le tout dans des conditions qui ne sont pas celles d’un artiste déjà reconnu, financièrement établi et soutenu par un label. 
Toutes ces conditions compliquant la création d’une œuvre sont une barrière à franchir, et possiblement un gage de passion et d’investissement que souhaitent valoriser les plus fervents partisans de l’underground. L’artiste dont la carrière n’est encore qu’au stade embryonnaire prouve en sortant sa démo que son amour de la musique et sa volonté de la défendre sont à même de dépasser les difficultés. A l’inverse, un groupe comme Metallica renvoie l’image du musicien pépère en studio qui n’a qu’à se préoccuper de sortir des albums. 
Entre ces deux extrêmes, nuançons le propos, car il ne suffit pas d’être connu dans le monde du Metal pour être le roi du pétrole et échapper aux ennuis du quotidien. A titre d’exemple, Fenriz de Darkthrone travaille toujours aujourd’hui malgré le statut légendaire du groupe norvégien. John Tardy de Obituary, ponte du Death Old School s’il en est, avait lui aussi un emploi jusqu’en 2007. Et Eric Adams de Manowar bossait encore au rayon boucherie d’une épicerie au milieu des années 80, après avoir sorti Sign Of The Hammer et Hail To England. On peut s’en douter, une vaste majorité des formations moins populaires que celles que nous venons de citer sont toutes sujettes aux joies du salariat, et aux contraintes a minima horaires qui en découlent. 

A gauche, un boucher-charcutier qui a changé de voie

Conclusion
Bon, qu’est-ce qu’on tire de tout ça ? Déjà que lorsque l’on utilise cet anglicisme qui nous a occupés à longueur de paragraphes, on ne parle pas forcément de la même chose. Envisage-t-on un groupe dans sa dimension musicale ? Commerciale ? Dans un contexte historique et politique ? Tout cela est à éclaircir dans nos discussions, si tant est que l’on recherche à conférer au mot underground une certaine précision et non à en faire une étiquette bien fourre-tout et destinée à appâter l’auditeur. Sinon, autant ne pas l’employer. 
Car non, ce n’est pas un argument qualitatif (rappelez-vous d’Abdou Cissant), c’est un état de fait, assez subjectif qui plus est de nos jours. Alors bien sûr, cet article n’est pas à charge contre une certaine frange de groupes, bien au contraire. Le but est plutôt de casser le mythe, d’éviter de créer une catégorie d’artistes intouchables et par opposition d’en dénigrer par principe parce plus connus, plus vendeurs, plus grand public ou que sais-je. Chaque album a droit à sa chance, à une certaine indulgence aussi selon son histoire, et à son lot de critiques. Il se pourrait que la meilleure façon de faire honneur à une œuvre underground soit d’éviter une discrimination positive acquise d’avance, mais de la juger et de la creuser avec la même pugnacité qu’un grand classique. 

Skaldmax (Juillet 2020)

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