Le Black Metal islandais Un tour d'horizon de la scène

Si l’on questionne le tout-venant sur la musique islandaise, il a beaucoup de chances pour que l’on peine à obtenir quelques noms. Assez facilement, on nous parlera de la célébrité locale, chanteuse, compositrice et actrice, Björk. Moins aisément, seront peut-être évoqués les groupes de Post-Rock Sigur Ros, MumAminaa ou les compositeurs que sont Olafur Arnalds, le regretté Johan Johannsson ou l'étoile montante Hildur Gudnadottir. L’Islande peut s’enorgueillir d’avoir enfanté des groupes époustouflants et aux esthétiques musicales vraiment particulières. Comme s'il se dégageait de ces groupes ce quelque chose d‘unique, lié à leur pays. Mais derrières les compositions belles et contemplatives des groupes précédemment cités, il rôde quelque chose de plus sournois, évoluant dans l’ombre, mais se faisant de plus en plus connaitre depuis quelques années. Et si la plupart d’entre-vous connaissent probablement le Black Metal norvégien, la scène Française reconnue au-delà de nos frontières, ou bien même la scène américaine qui a renouvelé le genre ces dernières années, moins connue, mais tout aussi qualitative, la scène Islandaise n’en demeure pas moins intéressante, mais aussi très ancrée dans une certaine esthétique, dans une autre manière d’aborder le Black Metal. Il y a véritablement quelque chose qui se passe en Islande depuis quelques temps et des formations comme SvartidaudiMisþyrming, NadraWormlust ou Sinmara l’ont bien démontré.



Avant tout de chose, histoire de situer, il convient de revenir aux prémices du genre en Islande, qu’on pourrait situer vers le début de carrière des désormais très connus Solstafir. La démo Í Norðri et l'ep Til Valhallar sortis respectivement en 1995 et 1996 montrent un Black Metal froid, très empreint d'une culture nordique chère à la seconde vague qui a débuté à l'aube des années 90 en Norvège avec d'ores et déjà cette volonté de ne pas rester bloqué par les clichés du genre. Les années 2000 feront constat de cette évolution, Solstafir se parant d’éléments progressifs, gothiques et Rock au fur et à mesure des albums jusqu'à leur popularité grandissante dans les années 2010. Avant eux, on trouve aussi un groupe du nom de Flames Of Hell, qui sort un unique album, Fire And Steel en 1987, une sorte d'émanation des vieux Hellhammer ou Venom avec un Black / Thrash Metal primitif, des riffs brouillons, une voix étrange proche de Dead de Mayhem et ce côté bancal, qui ose, maladroitement une façon de jouer du Heavy Metal de manière plus extrême.

Courant des années 2000, on trouve également un autre groupe, Myrk, qui a sorti une démo et un seul album, Icons Of The Dark en 2003. On reste dans un Black Metal classique mais pas dénué d’intérêt, mais une sortie plus que confidentielle et rien qui ne puisse être symptomatique d’un début de mouvement. L’Islande est ainsi très en retard dans le genre par rapport à d’autres courants ou d’autres approches qui naissent dans des pays autres que la Scandinavie.



Svartidaudi est sur le point d’émerger avec une première démo en 2006 suivie par deux autres en 2009 et 2010, mais ce n’est véritablement qu'en 2012 avec la sortie de leur premier album très remarqué, Flesh Cathedral, que les islandais commencent à se faire un nom dans le milieu underground porté par le non moindre label Terratur Possessions (One Tail One HeadUrfaustDodsengel…). Cette sortie marque au fer rouge la future émergence du Black Metal islandais même si il est encore trop tôt pour parler de réel mouvement. Cependant, trois ans plus tard, déboule sans crier gare, Misþyrming, avec son premier opus, Söngvar Elds Og Oreiðu. Celui-ci sort également chez Terratur Possessions mais également chez Fallen Empire Records. Les albums s’écoulent très rapidement, se retrouvent à prix d’or sur les sites de revente des collectionneurs. Les deux œuvres de Misþyrming et Svartidaudi peuvent se considérer conjointement. On retrouve dans leurs albums des pièces longues, étirées, une certaine complexité dans les structures et les compositions. Il est indéniable que ces deux albums ont nécessité un gros travail de composition et de production. Ce ne sont pas les œuvres hasardeuses de groupes paumés, il y a une volonté derrière de proposer quelque chose de solide, cohérent, sincère.

Par ailleurs, on trouve quelques mélodies ici ou là, mais elles sont tordues, maladives (Söngur Heiftar / Sterile Seeds). Certaines personnes feront des rapprochements avec Deathspell Omega à cause des dissonances présentes chez les deux groupes. Ce n’est bien sûr pas totalement faux, mais il y a autre chose en terme d’ambiance, de tension et de manière de sonner à travers ce côté étouffant dans leur musique, de grandiose aussi, comme peut l’être Aosoth dans sa discographie. A travers cette première pierre, Misþyrming évoque ce brasier, cette flamme, ce truc terré qui ne demande qu’à sortir telle une allégorie de la caverne de Platon. Svartidaudi est lui davantage sur un rapport sataniste, à travers ses visuels et ses propos. Sinmara sort également un premier méfait, Aphotic Womb, en 2014, toujours sur le même label, Terratur Possessions, véritable catalyseur de groupes de Black Metal islandais à cette période-là. Chez Sinmara aussi on découvre un Black Metal chaotique, dissonant et assez hermétique à travers des morceaux longs et implacables. Dans ces trois œuvres, on découvre un son un peu unique, une volonté de faire les choses d’une manière différente, de pousser le Black Metal hors de ses retranchements. On ressent cette force tellurique, comme si une sorte de magie noire s’échappait de cette île des mers du nord. En outre, ces groupes là, comme ceux qui suivront, s'inscrivent dans une démarche occulte et spirituelle. On trouve plusieurs photos avec des musiciens portant des ossements, réalisant des rituels, mis en scène devant des lieux naturels rappelant leur île, mais à forte empreinte visuelle, ou affichant des symboles ésotériques sur eux, dans leurs groupes ou leurs visuels. Tout cela participe au mystère et à l’atmosphère si particulière qui englobe ces groupes de Black Metal. Ainsi, SvartidaudiMisþyrming et Sinmara forment donc un socle uni, une sorte de terreau fertile pour faire pousser les mauvaises graines du Black Metal islandais.



En réalité et de manière un peu à part, Wormlust sort son premier effort, The Feral Wisdom, en 2013. Difficile de l’associer aux groupes dont on parlait précédemment car il n’a pas grand-chose à voir en terme de grammaire sonore car évoluant dans des contrées plus psychédéliques que ses confrères. Une sorte d’Oranssi Pazuzu islandais en somme. En tout cas, leur premier album est excellent, mais ne fait pas forcément parti du cœur du mouvement à ce moment-là. Tout comme Skaphe par ailleurs, entité mi-islandaise mi-américaine, qui sort un premier album en 2014 chez Fallen Empire Records, puis un second en 2016, Shaphe² qui fait d’avantage parler d’eux. On pourrait d’ailleurs voir Skaphe comme une sorte de pont, entre les dissonances des groupes précités et ce nouveau vocabulaire, cette envie de pousser le genre dans un autre retranchement. Skaphe évoque d’ailleurs à travers ses compositions des travers plus boueux, des structures imprévisibles, des disharmonies et un fiel constant. C'est sans doute à partir de ces deux albums qu'on peut mettre en exergue l'aspect psychédélique du Black Metal islandais. Bien sûr cela est ténu, n'a rien à voir avec la scène Rock Psyché, mais tout de même, on retrouve des mouvements, des éléments hypnotiques dans leur musique. Plus tard, des groupes comme Sinmara avec Crimson Stars ou Almyrkvi avec Umbra vont déployer ces aspects cosmiques. Pour l'anecdote, il pousse des psilocybe semilanceata, des champignons hallucinogènes, en Islande et ils sont assez répandus dans les champs et faciles à récolter ou à obtenir. De là, à dire que cela pourrait favoriser l'inspiration pour ce type de musique...

Toujours en 2016, Nadra se fait remarquer avec son premier album, Allir Vegir Til Glötunar, sauvage et vindicatif dans le propos. Il parait aussi chez Fallen Empire Records. Moins grandiose ou tellurique que Svartidaudi et Misþyrming, il est cependant porteur de la même rage et la même colère, mais dévoilant des ambiances plus dépressives et déchirante comme peuvent le faire les suédois de Shining. Pour enfoncer le clou de cette année charnière, Zhrine arrive avec son unique album à ce jour : Unortheta qui lui parait chez un label avec davantage de visibilité : Season Of Mist. Passages chaotiques, dissonances, mélodies froides et malaisantes, on retrouve le terreau et les ambiances que l’on décrivait précédemment au détail près que Zhrine a gardé les influences Death Metal et donc ce son caverneux et rauque qui lui permet de ne pas répéter ce que les formations précitées avaient déjà mis en œuvre. En l’espace de quatre ans, la scène Black Metal islandaise fait émerger plusieurs formations de qualité et un solide savoir-faire. En développant des sonorités et ambiances similaires et des esthétiques assez proches, en quelques albums, on a pu se rendre compte qu’il était en train de se passer quelque chose en Islande. Faire un état des lieux des groupes marquants et précurseurs est une chose, mais ce serait ignorer d’autres éléments qui font que cette scène s’est développée en quelques années.



Certains musiciens l’évoquent dans des interviews, s'ils ont commencé à jouer cette musique, c’est que c’est lié à l’endroit où ils sont nés, où ils ont toujours vécu. En dehors des images idylliques que l’on peut avoir en tant qu’étrangers et touristes, l’Islande c’est un climat rude où il fait nuit la moitié de l’année. Les musiciens disent qu’ils vivent dans des conditions déprimantes et qu’ils sont souvent isolés les uns des autres. La plupart des islandais jouent d'un instrument de musique, peu importe le style musical. Dès leur jeune âge, ils jouent d'un instrument, ce qui les occupe quand il ne peuvent par sortir de chez eux. Pour certains, c'est le Black Metal qui les réunit, leur permet de transformer ces angoisses, cette noirceur qu’ils vivent au quotidien à travers leur musique. Il y a une sorte de catharsis derrière ces projets, une volonté d’expulser ces maux et ce mal-être. Ce qu’ils racontent n’est pas très surprenant, car dans l’idée, ce n’est pas si éloigné de ce que vivent les norvégiens par exemple. Quelque part, ce n’est ni plus ni moins qu’une répercussion de la seconde vague du Black Metal qui a eu lieu dans les années 90 en Norvège.

On prend un climat froid, des conditions de vie difficiles, l’isolement… Quoi de mieux pour faire naître un genre musical aussi sombre, violent et nihiliste ? Ainsi les islandais se rassemblent sous une même bannière, le Black Metal, catalyseur de leur colère. D'autres musiciens l’évoquent aussi en interview, ils sont pessimistes. La crise financière de 2008 n’a rien arrangé. Plusieurs entreprises islandaises ont fermé, le pays est endetté, l’émigration est importante car de nombreux jeunes fuient le pays et il faudra quelques années avant que l’Islande ne renoue avec la croissance. Plusieurs musiciens le confessent, les conditions économiques et politiques ont été comme un sursaut, pour la création de toutes ces formations et la crise économique a été un tremplin vers des solutions logiques, viscérales, qu’ils trouvaient en eux. On a donc un contexte, une base solide et presque idéale pour faire naître ce type de musique, mais cela n’aurait été pas possible sans d’autres éléments à prendre en compte.



L’une des spécificités de la scène Black Metal islandaise, c’est de partager plusieurs musiciens en commun selon les formations. La population d'Islande s'élève à 330 000 âmes réparties sur toute l'étendue de l'île, soit à peu près l'équivalent d'une grande agglomération française comme Nantes. Pas évident de trouver des dizaines et des dizaines de personnes ayant les mêmes aspirations musicales, néanmoins on trouve un noyau dur de musiciens qui ont formé la scène. En prenant le point de départ de Misþyrming, le multi-instrumentiste Dagur Gíslason est à lui seul derrière les combos Nadra, SkapheMartröð et , tout comme son compagnon d'arme Gústaf Evensen joue également chez Nadra, alors que Tómas Ísdal est présent dans Carpe NoctemGrafir, Nadra et . Si l'on va voir du côté de Svartidaudi, on trouve des musiciens présents dans les groupes Sinmara, Almyrkvi ou Zhrine. D'ailleurs Almyrkvi partage ses deux membres compositeurs, plus les musiciens live issus de Sinmara. Hafsteinn Viðar Lyngdal est également présent dans bon nombres de formations islandaises, membres rescapé de Myrk, compositeur chez Wormlust et musicien chez GuðveikiMartröð et Ljáin. Par ailleurs, des groupes comme Skaphe ou Guðveiki comprennent des musiciens américains dans leurs rangs avec notamment Alexander Poole (Martröð). A travers uniquement quelques musiciens, on obtient une belle représentation de la scène islandaise dans son ensemble. Ainsi, le fait que la plupart des groupes fondateurs ou émergents du mouvement soient constitués de musiciens en commun permet de comprendre qu’on trouve assez aisément une certaine patte, une esthétique sonore et une ligne directrice dans les compositions. Ce noyaux dur a permis aussi aux autres groupes de développer de nouvelles idées, de nouvelles visions artistiques, tout en renforçant les groupes déjà existant, comme une sorte d’émulation. De même le fait que les musiciens se permettent de multiplier autant de projets et soient aussi flexibles a très certainement facilité le développement de cette scène islandaise.



De plus le studio le Studio Emissary a joué un grand rôle dans l’enregistrement, le mixage et le mastering de nombreux albums. Derrière ce studio, situé dans la province de Reykjavik, mais tout de même en bordure de la capitale, donc idéalement situé, on trouve Stephen Lockeart bassiste de Sinmara. Logique que les productions de ces derniers soient enregistrées là-bas. Mais ce studio en fait aussi un excellent catalyseur de groupes de Black Metal islandais. Il suffit de regarder ce qui a été produit là-bas et tant pis pour le name dropping : SvartidaudiAbominor, Zhrine, AlmyrkviDraugsolDynfariAuðn, Rebirth Of NefastKaleikrNarthraal… Bref la liste n’est pas dégueulasse. Et c’est sans compter les groupes étrangers comme TchornobogJupiterian ou Above Aurora qui ont enregistré là-bas, permettant une renommée du studio pas uniquement locale. Il est ainsi évident que si Stephen Lockeart n’avait pas monté son propre studio, la scène Black Metal islandaise ne serait pas aussi développée et foisonnante qu’elle l’est actuellement, ou du moins elle l’aurait pas eu les mêmes facilités pour produire ces albums.



L’Eistnaflug festival a joué également un rôle dans la propagation de cette scène. Depuis 2005, le festival programmait essentiellement des groupes islandais orienté Metal / Rock. En 2007 Svartidaudi et Solstafir étaient programmés, se sont succédé par exemple AuðnMisþyrming, ZhrineDynfari, Sinmara… côtoyant d’autres groupes islandais plus Rock / Metal comme Dimma, The Vintage Caravan ou Skalmold mais aussi des têtes d’affiches internationales telles que Opeth, Neurosis, Godflesh, Anathema ou Behemoth. Alors bien sûr, le fait que des groupes islandais jouent à domicile, les as fait surtout connaitre dans leur pays, encore que le festival a pris de l’ampleur à travers les années et s’est taillée une réputation internationale, faisant venir des étrangers sur leur sol. Mais d’autres festivals ont mis en lumière cette scène. On pense au Roadburn qui a placé artiste en résidence Misþyrming en 2016 pour pas moins de quatre concerts cette année-là. Ils sont également revenus en 2018 sous le projet collaboratif Vanagandr, un concert exclusif de pièces uniques intitulées Sól An Varma, composées uniquement pour l’occasion avec sur scènes des musiciens de Wormlust, Nadra et Svartidaudi. Nadra aussi se sont produit au Roadburn 2016 et 2017 alors que le Nidrosian Black Fest ont fait joué Svartidaudi en 2013 et Misþyrming et Sinmara en 2015. Depuis, les groupes précurseurs de cette scène islandaise se sont produits dans de nombreux festivals étrangers tels que l’Inferno Metal Festival en Norvège, La Messe Des Morts au Canada, au Maryland Deathfest aux Etats-Unis, l’Acherontic Arts Festival en Allemagne et même le Hellfest. Depuis 2019, un festival essentiellement dédié au Black Metal islandais s'est monté sur l'île. Il se nomme Ascension Festival et il est notamment organisé par le Studio Emissary, histoire de boucler la boucle. Il est inutile de faire dans le name dropping à rallonge pratiquement tous les groupes cités dans ce dossiers y ont joué ou y joueront en 2020, aux côtés de groupes internationaux comme King Dude, Drab Majesty, Bölzer, Tribulation, Treha Sektori...



Plusieurs labels ont également joué un rôle dans la diffusion de cette scène islandaise, le premier étant sans doute le label norvégien Terratur Possessions qui sortait le fameux premier album de Svartidaudi en 2012, Flesh Cathedral, puis plus tard Aphotic Womb  de SinmaraSöngvar Elds Og Oreiðu de Misþyrming ainsi que les sorties suivantes de ces groupes-là. Bénéficiant d’une bonne visibilité dans l’underground Black Metal, avec plusieurs sorties d’Urfaust mais aussi quelques noms prometteurs de la scène norvégienne comme DodsengelVemod ou One Tail, One Head, c’est le premier label à avoir contribué au lancement du mouvement suivis aux Etats-Unis par le très actif label Fallen Empire Records, sortant principalement des K7 sur ses premières années d’activité avant de se mettre de plus en plus aux vinyls vers 2014, 2015. C’est ainsi qu’il signe les premières sorties de SkapheMisþyrming, NadraMartröð et plus tard Wormlust ou Guðveiki. Là aussi son catalogue est de qualité et est devenu une référence en matière de Black Metal aventureux en l’espace d’un ou deux ans. Le fait que les premiers groupes de Black Metal islandais commencent à se faire connaitre a sans doute donné de la visibilité à son catalogue.

Mais tel un renvoi d’ascenseur, la scène Black Metal américaine notamment les groupes du label, on certainement permis une meilleur expositions des groupes islandais avec par exemple des formations comme Death Fortress, Tchornobog, Serpent Column ou Mare Cognitum. Depuis Fallen Empire Records n’est plus, mais continue sous le nom de Mystískaos et en 2019 sont sorti l'album collaboratif entre Skaphe et Wormlust, mais aussi le récent et spleenesque premier album d’AndavaldUndir Skyggðarhaldi. Enfin, impossible de passer sous silence le label islandais Vanagandr tenu par des membres de Misþyrming. Crée en 2014, le label a permis de sortir les premières démos, eps ou albums des groupes initiateurs du mouvement dont on a parlé, mais de combos plus modestes comme MannveiraCarpe NoctemNorn ou Úrhrak. Le tout était édité dans un format K7 plus confidentiel.



Depuis, la scène Black Metal islandaise est de plus en plus vivace, SvartidaudiMisþyrming et Sinmara ont tous trois sorti en 2018 et 2019 leur second album, toujours aussi créatifs et évolutifs par rapport à leurs débuts. Des groupes moins connus sont restés dans l’ombre aussi. Mannveira avec son ep trois titres nommé Von Er Eitur, sorti en 2014, montrant déjà tout ce qui pouvait caractériser la fureur, le mal-être et la noirceur du Black Metal islandais ou  et son Null&Void, unique album et unique piste de 35 minutes déprimantes qui n’évoque rien d’autre qu’une fin au bout d’une corde. Restés très confidentiels, Nornahetta a sorti plusieurs eps en quelques années. Les débuts sont très raw, très primitifs, sales et cacophoniques, mais possèdent une rage sourde incroyable. L’ep, Synesthetic Pareidolia, s’inscrit lui d’avantage dans la mouvance du Black Metal islandais comme on le décrivait, mieux produit, mais toujours avec ce surplus de violence aigre, incontrôlable. De nouveaux combos ont émergé. Tomas de Misþyrming et Nadra est à l’origine de Carpe Noctem dont la première réalisation, In Terra Profugus est somme toute classique, mais avec la signature de ce son à l'islandaise dont on parlait précédemment. Vitrun sorti en 2018 quant à lui pousse également dans cette voie, mais avec une écriture qui a gagnée en solidité, une ambiance ténébreuse, des morceaux à rallonge plutôt tempétueux, mais entrecoupé de passages plus atmosphériques. Andavald a développé des thématiques plus tristes et abattues dans sa musique, les rythmes sont plus lents, porté par une déprime Xasthurienne, mais on trouve toujours ce sens de la mélodie cachée et toujours cette patte islandaise. Dernièrement chez Rebirth Of Nefast, se cache Stephen Lockhart, propriétaire du Studio Emissary et membre de Sinmara, accompagné de Bjarni Einarson, batteur chez Carpe Noctem, Nadra et Misþyrming, on retrouve cette propension au chaos sonore, aux pistes fournies, évoquant Deathspell Omega et au ambiances grandioses propres à Svartidaudi.



Derrière ce son islandais, de plus en plus de formations essaient de tracer leur chemin, et proposent de nouvelles idées, se nourrissent d’autres influences. Par exemple, Almyrkvi s’éloigne des compositions telluriques de ses compatriotes pour un Black Metal atmosphérique, décrivant des paysages lunaires et astraux. Örmagna est le nouveau groupe d'Örlygur Sigurðarson, le chanteur de Nadra, mettant en œuvre des idées inexploitées dans ses autres projets. Moins chaotique et tortueux, Örmagna dévoile des influences plus proches de la scène norvégienne, des racines Doom et des mélodies épiques. Chez Guðveiki, on trouve des musiciens de WormlustMartröð et Skaphe et le chaos poussé à l’extrême. Pensez Portal, les influences Black / Death Metal, les dissonances et un psychédélisme tortueux. C’est très dense, difficile d’accès, mais aussi terriblement attirant quand on a franchi ces barrières.

En 2015, Tomas de Misþyrming et Nadra fonde Grafir, un groupe de Punk / Black Metal, mais un seul ep nommé, Úr Ofboði Oværunnar est sorti avec trois tires primaires et efficaces. Draugsol a vu naître un premier méfait Volaða Land en 2017, plus inspiré vers un son norvégien à la Enslaved, un Black Metal furieux, mais des envies progressives et des atmosphères évoquant d’avantage les froides forêts nordiques que les coulées de laves islandaises. Sa suite, Kaleikr, avec deux anciens musiciens de Draugsol, évolue lui d’avantage vers des contrées progressives et psychédéliques. Leur son est moins caverneux, le riffing plus raffiné, lorgnant vers le Death Metal Progresssif d’Opeth. On garde la complexité et un certain chaos dans les morceaux, mais avec d’avantage de finesse et plus de clarté dans la production. Enfin, d’avantage éloignées de la scène Black Metal, Dynfari joue la carte du tout atmosphérique, que ce soit à travers ses mélodies Post-Rock ou celles Post-Black Metal. C’est beau, lumineux, et leur album The Four Doors Of The Mind de 2017 évoque d’avantage Solstafir, Alcest ou Deafheaven que les groupes précités. Et c’est un peu la même chose chez Auðn qui possède des membres en commun avec Dynfari, encore que le groupe déploie plus un Black Metal Atmosphérique que des éléments Post et a plus de virulence dans son propos notamment dans les vocalises écorchées du chanteur Hjalti Sveinsson. Musicalement, les influences se font davantage scandinaves.



De l’émulsion des débuts de la scène, jusqu'à son développement rapide d’à peine quelques années, la scène islandaise a surpris plus d’un.e amateur/amatrice de Black Metal. Et cela semble parti pour durer, car au vu des formations toujours en activités et d’excellente qualité ou des nombreuses autres qui ont fait des petits et s’annoncent soient déjà comme indispensables, soient très prometteuses, l’avenir s’annonce sous les meilleurs auspices et prédit encore de belles découvertes. Le Black Metal islandais ne semble pas encore avoir tout dit, tout dévoilé et c’est sans doute pour ça qu’il reste comme l'une des scènes les plus intéressantes actuellement.



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Pentacle (Avril 2021)

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Sources :
- Terrorizer
- Grapevine

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