"Ouais mais le son était horrible..." Dossier sur la sonorisation en concert.

Combien de fois avez-vous entendu cette phrase après un concert ? Que ce soit en salle ou en festival, la qualité de la sonorisation est un facteur important pour profiter d'un concert. La clarté du son signifie que la musique de l'artiste est diffusée dans des conditions intelligibles pour l'auditeur, qui peut ainsi l'apprécier en connaissance de cause. A contrario, il est difficile de se faire un avis positif sur un groupe qui se produit sur scène avec une bouillie sonore incompréhensible, parfois assourdissante, qui sort des enceintes. Les prix des concerts et festivals augmentent chaque année, et pourtant, on observe toujours un nombre important de performances qui sont gâchées par une mise en son approximative. La sonorisation d'un concert est un art complexe, avec une multitude de facteurs qui entrent en jeu. Pour décrypter ce sujet épineux, Metalorgie a interrogé les personnes du métier, trop souvent dans l'ombre : les ingénieurs du son. Quatre « sondiers » de concert expérimentés ont répondu à nos questions. Ce qu'ils ont à dire devrait permettre d'y voir et (surtout) d’y entendre plus clair !

Retrouvez les interviews intégrales des ingénieurs du son qui ont participé au dossier. On vous conseille vivement d'y jeter un oeil :

Brett Caldas-Lima
(ingé-son pour Cynic, Devin Townsend, Sacred Reich…)
Angie Kareno (ingé-son pour Dopethrone, Stoned Gatherings...)
Chris Edrich (ingé-son pour Leprous, Shining, The Ocean, Klone...)
David Thiers (inge-son pour Gorod)



Quels devraient être les réflexes à avoir pour un spectateur qui veut avoir le plus de chances d'avoir un bon son en concert/festival ?

Le verdict est unanime : il faut se déplacer. Que ce soit dans une salle ou sur l'étendue herbeuse d'un festival, vous devez ajuster votre emplacement pour le concert à venir, quitte à changer de place pendant la performance si le premier essai n'est pas concluant.

Angie nous le dit : « L’acoustique, c’est très compliqué, le moindre coin de mur peut faire changer le son. Il peut varier pour pleins de raisons : les matériaux, le nombre de personnes, la température, le vent pour les concerts en plein air. Si vous êtes curieux faites le test, placez-vous devant la scène, vous n’entendrez certainement pas la même chose cinq mètres plus loin. »

Chris : « Le meilleur réflexe serait, si possible, de se balader pour trouver les bons spots. Et ça permet d'avoir différentes perceptions du même concert, ça enrichit l'expérience! “

David et Brett nous rappelle également l'importance de se protéger les oreilles :

Brett : « Mettre des bouchons dans ses oreilles pour protéger son audition et ainsi ne pas devenir sourd pour les prochains concerts et festivals. »

David : « Il faut se munir de protections auditives faites sur mesures si c'est trop fort. »

Il faut également savoir que l'emplacement que vous avez à un instant T ne sera pas forcément le meilleur pour le groupe qui jouera après. Tous les intervenants ont tendance à dire qu'être au centre est souvent le meilleur emplacement, mais ce n'est pas une règle qui se vérifie toujours.

Angie : « Je pense que la meilleure place restera quand même celle “du milieu”, ni trop à gauche, ni trop à droite, pas trop près et pas trop loin. Maintenant battez-vous ! »

David : « Personnellement, j'aime bien me placer devant la table de mixage (2 à 5m devant) et j'évite les côtés ou de me coller à la barrière. »

On m’a un jour dit que se placer au niveau de la table de mixage était à peu près toujours la meilleure solution pour avoir le meilleur son à un concert. Es-tu d’accord ?

On pourrait se dire que c’est la place idéale, puisque c’est de ce point que l’ingé-son fait les réglages pour le concert. Mauvaise pioche.

David : «  Non, pas forcément, et ça dépend de tellement de choses : de la taille de la jauge, si c'est en plein air, en salle, de la qualité acoustique du lieu, etc... »

Chris : «  Malheureusement, les salles de concert et les clubs ne sont pas toujours parfaits, et il arrive que la table de mixage soit très mal placée. Souvent, c’est soit pour augmenter la capacité d'accueil de la salle, soit parce que les personnes qui ont décidé du placement de la régie n'ont pas beaucoup réfléchi...”

Angie confirme : « Il arrive souvent qu’un ingé-son doivent régulièrement quitter la régie pour intégrer la foule et entendre vraiment ce qui se passe dans ce fameux "milieu". En festival, la console peut être placée vraiment loin de la scène. En salle de concert, tu retrouves toutes les fantaisies possibles : de la console parfaitement bien placée (ça, c’est le top) à celle en mezzanine ou pire, sur le côté de scène au même endroit qu’une console retour ! »

La règle serait-elle donc de ne rien prendre pour acquis sur le son en concert, et de ne pas hésiter à bouger dans la salle pour essayer différents spots ?

Encore une fois, les techniciens s'accordent tous pour dire qu'il n'y a pas de règle en sonorisation. Il faut bouger quand vous trouvez le son vraiment mauvais. Il sera peut être meilleur à quelques mètres.

David est pragmatique : « Exactement, faites juste confiance à vos oreilles. »

Brett confirme : « Quand c’est possible oui, si tu es à un endroit et que tu trouves que le son est vraiment insupportable (c’est souvent à cause des basses), il suffit parfois de se déplacer de quelques mètres / dizaines de mètres pour que ça change du tout au tout. »

Chris
est encore plus franc : « La règle, c'est qu'il n'y a pas de règle ! C'est de la musique, donc ne rien prendre pour acquis, c'est un bon départ ! Et se bouger pour trouver le bon spot qui te convient c'est cool. C'est quelque chose de subjectif, donc chacun trouve son coin et on se prend pas la tête ! ».

Angie n’oublie pas une triste réalité : « Après il ne faut pas oublier que si le son global est vraiment mauvais, tu auras beau te déplacer, ça ne changera pas grand chose (rires). »

Pourquoi le volume est-il systématiquement (sauf exception) très fort alors qu'on sent qu'il pourrait souvent être baissé, sans pour autant nuire à l'immersion dans le concert ?

Ici bien que l’avis général soit le même, chacun apporte sa petite nuance.

Brett résume bien la situation : « Alors là, c’est compliqué. Dans une petite salle, à moins de ne vouloir entendre que la batterie et notamment les cymbales (qui émettent naturellement beaucoup de volume), l’ingé son est obligé au minimum de passer dessus pour qu’on entende les guitares, le chant, etc... Il va donc falloir monter le son assez fort (oui car vraiment, c’est fort des cymbales)… Après en festival, je ne comprends pas moi même le fait que certains groupes soient si forts au point d’en être insupportables. Ok, il faut un peu de volume pour bouger l’air, pour qu’on sente la puissance physique du truc, mais il y a des limites quand même… »

Angie nous rappelle que nos oreilles peuvent nous jouer des tours, et qu’il ne faut pas oublier de les protéger (encore une fois) :
« Attention, l’oreille humaine est traître; parfois tu as l’impression que c’est super fort alors que ce sont certaines fréquences très agressives qui provoquent cet effet désagréable. Les aigus agressent plus que les graves. A l’inverse, un son très fort mais dont les fréquences basses sont dominantes fera moins mal aux oreilles ! En tout cas, inutile de réfléchir à deux fois avant de mettre des protections auditives, on ne le répètera jamais assez. »

Ces mêmes oreilles auraient tendance à nous faire penser que plus c’est fort, mieux ça sonne.

David : « Même si j'aime bien "rentrer dans les systèmes" et bien exciter les haut-parleurs, je me suis bien rendu compte que c'est la qualité de ton mix qui va donner cette impression de puissance. Il est donc possible de faire un son puissant sans que ce soit un calvaire pour les tympans. […] Il y a un facteur important qui vaut pour le live comme pour le studio : pour beaucoup d'auditeurs, plus c'est fort, et plus on a l'impression que c'est mieux. Or c'est juste plus fort, mais pas forcément mieux. »

Chris
confirme ces deux points : « Monter le volume n'a de résultat que pour les gros beaufs qui pensent que ça sonne mieux parce que ça sonne plus fort. Fumer les oreilles du public et détruire la musique de ton groupe c'est nul, je préfère mixer bien que mixer fort à tout prix  ! […] Après il y a aussi une nuance à apporter : dans le cas de certaines salles trop petites et/ou qui ont une mauvaise acoustique, le son de scène (ce qui vient des amplis, de la batterie, etc) c'est au moins 50% de ce que le public entendra avant même que l'ingé son n'ait fait quoi que ce soit. »

Pendant un concert, est-ce qu'il est plausible que que le son puisse être « objectivement » bon à un endroit (c’est à dire sans prendre en compte les différences de perception de chacun) et qu’à trois mètres de cet endroit, le son soit complètement différent et/ou mauvais ?

Encore une fois, les ingés persistent et signent.

Angie : « Et oui ! Le son n’est le même nulle part. Les plus grosses salles et festivals remédient au maximum à ce problème avec différentes solutions acoustiques perfectionnées, la salle “underground” de ta ville n’aura pas forcément les mêmes moyens. »

Brett : « C’est lié à l’acoustique de la salle et au fait que les ondes sonores se reflètent contre les murs, le sol (surtout si y a personne), le plafond et s’accumulent en certains points, et s’annulent à d’autres (comme le feraient des ondulations / vagues dans un récipient). C’est facile de faire l’expérience chez soi, il suffit de mettre la musique un peu fort et de se déplacer dans la pièce pour entendre les différences. »

Chris
de son côté, rappelle la situation idéale : « C'est normal que le son soit différent à différents endroits, mais dans les lieux bien conçus et avec du matériel bien calibré, le son est censé rester assez constant quelle que soit la place qu'on occupe. »



J'ai constaté que les concerts avec un mauvais son avaient souvent trop de basse (que ce soit la guitare basse ou la batterie) et pas assez de guitare. Comment expliquer cela ?

Celle-là, tout le monde se l’est déjà posée. Même les ingés-son se la posent !

David le premier : « […] Je ne sais pas pourquoi. Ça ne m'est jamais arrivé de mixer avec des subs ou des basses prédominantes. Je déteste les mixs saturés en basses ou avec un bas très moche. »

Angie
explique le phénomène :  « Les basses prennent beaucoup de place dans l’espace sonore, aiment s’étaler et manger tout ce qui se trouve sur leur passage ! S’il y en a trop, ça signifie que les basses fréquences de chaque instruments s’empilent les unes sur les autres, ça crée un bloc de son et on ne distingue plus rien correctement. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, un gros son ne signifie pas un son rempli de basses. »

On retrouve aussi des remarques déjà entendues sur le volume, cette fois par Brett :
« Il y a aussi parfois une tendance débile des ingénieurs du son qui me saoule : ils considèrent que la puissance vient des subs, du très grave, justement ce qui fait vibrer la cage thoracique, et qui du coup privilégient cette puissance-là à la clarté. Résultat, tu entends que le kick et un vrombissement continu. Insupportable. J’ai rien contre les batteurs hein, mais c’est quand même pas super musical une grosse caisse. On aimerait mieux entendre des notes, des harmonies, des paroles… »

Chris n’hésite pas à torpiller ses confrères à ce sujet : « Je pense que c’est lié à l'inexpérience et/ou le manque d'envie de se donner du mal pour que ça sonne bien... Encore une fois, c’est le réflexe un peu beauf c'est de se dire "s'il y a plein de graves c'est que le son est gros" donc on mixe grosse caisse et voix devant et on néglige le reste... »

A quel point la configuration d’une salle, que se soit la sono, la table de mixage (et la connaissance qu'a l'ingé-son de ce matériel en particulier) et l’acoustique peuvent affecter le son d'un concert ?

Ici, ils sont tous d’accord, mais le disent différemment.

David résume bien la situation : « Pour faire un parallèle c'est un peu comme en cuisine : tout élément dans la chaîne a son importance dans le rendu final. »

Chris utilise une autre image : « C'est comme demander à un pilote de course automobile "A quel point la voiture et le circuit affectent vos performances?" Héhé ! »

Angie entérine « Tous les éléments que tu as cité sont des facteurs de variation de qualité du son. En live, rien ne peut être négligé, car tu n’as pas de temps. Si la sono et la table de mixage sont de qualité médiocre, le son sera forcément différent qu’avec du matériel haut de gamme. Le plus petit câble de mauvaise qualité peut te détruire un concert ! »

Brett rappelle que certaines salles n’ont pas été faites pour accueillir des musiques Metal, et ajoute un point d’importance, l’impact du musicien sur le son : « N’importe qui peut bien comprendre que par exemple, il sera impossible de bien faire sonner du Metal chargé dans une cathédrale. En revanche, ça peut bien passer pour des groupes ou artistes à la musique plus “aérée”. […] Mais outre l’ingénieur du son, le matériel et la salle, l’élément le plus important c’est complètement le musicien et le groupe en lui même. C’est la source. Tout le reste ne sert qu’à transmettre cette information au public. »

Ce qui nous amène à la question fatidique, souvent occultée : est-ce que le mauvais son n'est pas aussi parfois de la responsabilité des groupes, notamment dans leur manière d'utiliser leur matos quand ils jouent ?

Et le verdict tombe, sans appel.

Angie
: « OH QUE SI (rires) ! Un ingé son, le meilleur qu’il soit, n’est hélas pas un magicien (on vous aurait menti ?). Le but de la sonorisation dans son sens premier est d’amplifier ce qui se passe sur scène, dans sa neutralité la plus totale. Tel un artiste, l’ingé son va ensuite pouvoir intégrer sa patte sonore dans le mix, en fonction de ses goûts esthétiques, de ses habitudes, de choix décidés en amont avec le groupe et de ses compétences techniques bien sûr. Il va pouvoir l’embellir pour atteindre son objectif. […] Mais construire une maison sur des fondations moisies… Tu vois ce que je veux dire ! »

Brett
rappelle que ce n’est pas que le matos qui est en jeu : « C’est surtout leur talent de musicien qui compte. Si les mecs jouent super bien, avec feeling (oui même dans le death metal y a du feeling), ont une cohésion de groupe, de bons arrangements et jouent sur du bon matériel bien réglé, alors il sera infiniment plus facile de les sonoriser qu’un groupe moyen qui, au mieux, sonnera moyen. »

Chris nous initie au jargon de l’ingé-son, avec le fameux « shit in, shit out » :
« La première règle en son (à part qu'il n'y a pas de règle...), c'est "shit in, shit out"! Mais c'est aussi au technicien son de savoir communiquer avec les musiciens pour améliorer leur son à la source et s'assurer d'avoir de la meilleure matière première à travailler. Par contre si ça joue mal, c'est une autre histoire... »

David en profite pour réhabiliter Metallica :  « Comme on dit : "shit in, shit out". Et avant d'avoir des instruments bien réglés, je dirais qu'il faut savoir bien jouer de son instrument pour le faire sonner. Vient ensuite le réglage de son instrument. Si tu as ça, tu pars sur de bonnes bases. Si tu as du super matos mais que les musiciens ne savent pas jouer, bah ça ne sonnera pas. Souvent, le public se fout de la gueule de Metallica, on dit ça ne joue pas en live, etc... Mais pour avoir le son qu'ils ont en concert (le top du top à mes oreilles), il faut déjà que les mecs jouent bien, voire très bien. Donc oui il y a des pains, oui Ulrich ne joue pas comme sur le disque, mais le son magnifique qu'ils ont, il vient d'abord de leur mains et de l'alchimie qu'il y a entre eux. »

                             

Un peu d’autocritique  maintenant. Avez vous déjà «foiré» le son d’un concert parce que vous n'étiez pas familier avec la table de mixage ou une configuration particulière de la salle ?

On passe aux confessions intimes des sondiers.

Brett ironise : « Non, je n’ai jamais foiré le son d’un concert, ça sonne toujours fabuleusement bien ! Bon, ok, pas crédible… Evidemment que ça m’est arrivé. »

Angie rappelle que le son est une matière qui peut jouer des tours : « Sans aller jusqu’au totalement " foiré ", il arrive parfois que l’on ait de grosses surprises, notamment entre le temps des balances et celui du concert. Encore une fois, le son vit et de multiples facteurs font qu’il peut évoluer en seulement quelques heures. L’exemple que j’observe le plus fréquemment est celui de la voix qui se met à être beaucoup plus forte ou inversement, quasi-inexistante, au démarrage du concert.  En fait, le simple fait que la salle se soit remplie joue sur certaines fréquences. Bien sûr, on ne parle pas du chanteur qui va chanter plus fort ou du batteur qui va frapper bien plus brutalement que pendant les balances, entraînés alors par l’euphorie du moment. Pour anticiper ce genre d’imprévu, on a l’habitude de ne pas pousser les réglages à leur maximum pendant les balances, ça permet ainsi de garder une marge de manoeuvre au moment du concert. »

David nous raconte une sale expérience : « C'était avec Gorod en Suisse dans un gros festival de metal extrême. Nous avions roulé toute la journée, étions arrivés vers 22h à la salle (juste avant de jouer), on était tous fatigués. Je ne connaissais pas trop la console sur laquelle j'allais mixer, il n'y avait pas de balances mais juste un line-check de 10 minutes, la salle était vraiment pourrie (un immense hangar), et je n'ai pas pu placer moi-même les micros, je n'aime pas trop ça. J'ai eu honte de proposer ça aux spectateurs, une vraie bouillie sonore... Et impossible de rectifier le tir en plus de ça. Pour me dédouaner, tous les groupes ce soir-là avaient un mauvais son de toute manière. »

Chris
acquiesce, tout en relativisant : « Une acoustique de salle non-adaptée au style de musique qui y est programmé, c'est un truc contre lequel on ne peut pas toujours lutter... Donc oui, ça arrive que malgré tous les efforts que je puisse faire, ça ne sonne pas terrible, mais ça ne fait pas forcément un mauvais show. Même si ça fait partie du succès d'un concert, les gens ne viennent pas analyser le son et voir un ingé son, ils viennent voir des artistes et si eux sont bons, le concert sera bon, quoi qu'il arrive ! »

Sans vouloir vous demander de tirer sur vos collègues, vous-êtes vous déjà trouvé dans une situation du genre « Ce concert a un son qui pourrait sans doute être amélioré en faisant ça ou ça. » ?

Encore une fois, les réponses sont assez nuancées, même si le propos global est le même. D’ailleurs, tous sont par ailleurs ouverts aux expérimentations et méthodes des mêmes confrères quand elles ont fait leurs preuves

Angie résume la situation avec brio : « Oui bien sûr, ça s’appelle la déformation professionnelle ! C’est super difficile de faire des concerts en tant que "public" sans écouter d’une oreille plus attentive, même s’il est tellement agréable de se laisser simplement porter par ce qu’on entend et juste apprécier, parfois ! Mais oui, ça m’arrive régulièrement, comme il m’arrive aussi de me dire " Wouah, ce son est dingue ! ". »

Brett plaide coupable : « Ca m’arrive, quasiment à chaque fois. Mais c’est tellement subjectif tout ça. Il y a deux semaines je suis allé voir Devin Townsend à Marseille. J’ai passé tout le concert à maudire intérieurement l’ingénieur du son : "putain mais mec, baisse les samples bordel, et monte les guitares et la voix, on les entend à peine". »

Chris nous parle de ses bonnes surprises : « Je pense que c'est inévitable, mais des fois le son est super et on se dit "j'aurais fait différemment mais ça marche aussi très bien comme ça", et on ferme sa gueule... Et aussi des fois on prend un rouste et on se dit "ça défonce! l'enfoiré(e), comment il (elle) a fait ça!". »

David
est plus prudent : « Ça peut m'arriver mais c'est surtout quand il y a de gros défauts dans le mix, mais la majeure partie du temps, je prends juste plaisir à écouter les groupes sans faire le "monsieur je sais tout".»

On constate que le son est souvent moins bon en festival, que ce soit des groupes de mainstage ou plus extrêmes. Est-il possible d'avoir un bon son en festival quand on n'a une demi-heure de changement de plateau ? (Typique du Hellfest par exemple)


Brett nous donne les clés pour comprendre : « Oui c’est possible (mais pas dans les toutes premières minutes) avec les conditions dont j'ai déjà parlé. Un bon groupe, du bon matos, des bonnes compos (car mine de rien, si la musique est bonne, le son parait meilleur), une bonne équipe… On le voit régulièrement, et c’est d’ailleurs souvent pour ça que c’est en live qu’on peut juger de la qualité d’un groupe. »

Chris détaille les différents paramètres. Encore une fois, il y en a beaucoup :
« C'est ultra faisable! […] C'est possible que le son ne soit pas magique dès la première seconde parce que c'est le premier moment où tout le groupe joue ensemble. L'ingé son doit ajuster et ça peut prendre un certain temps suivant les groupes et le nombre d'instruments à traiter, la densité/complexité de la musique, etc. ».

Angie nous rappelle qu’un ingé-son qui travaille avec un groupe depuis longtemps gagne en efficacité, et que la météo joue beaucoup sur le son :
« Quand tu bosses avec un groupe, c’est une vraie relation de confiance qui s’instaure, tu finis par connaître leurs préférences et habitudes par cœur. Dans ces conditions, trente minutes peuvent suffire. Seuls des soucis techniques de dernière minute peuvent alors interférer, du type "ma tête basse ne veut plus s’allumer". Mais ça, ce sont les aléas du live ! Pour moi,  le vrai nuisible du bon son en festival, ce sont les conditions météo ! Ca peut paraître étrange, mais le vent, la pluie, les changements de température sont autant de facteurs qui baladent les fréquences et créent des pertes considérables à certains endroits; le son devient alors plus difficile à maîtriser. »

David
illustre tout cela avec une anecdote de terrain :
« J’ai fait un super son au Summer Breeze avec Gorod, et pourtant tout était fait dans le speed. On passait juste après Slayer (sur une scène à côté), on avait 10 minutes de line-check. Slayer avait un son superbe, hyper clair et puissant... Je me suis dit qu'on allait être fade juste après... mais quand j'ai ouvert la façade pour le concert de Gorod, le son était encore plus puissant... Et le groupe a joué avec une rare violence ce soir-là. Donc, nous avons eu un gros son alors que les conditions n'étaient pas optimales. Le lendemain, nous étions au Motocultor, avec de bien meilleures conditions, et le son était bien mais sans plus, à des années lumières de la veille. Comme quoi, parfois ça veut, parfois ça ne veut pas.

Pour finir, quel sont vos meilleurs et pires souvenirs de son en concert et festival, et pourquoi ?

Chris a un souvenir amer d'un concert aux Etats-Unis :
« Pour le pire je dirais un concert avec The Ocean à Los Angeles en 2013, une salle correcte (The Lyric), mais un jeune technicien d'accueil imbuvable qui une fois la salle remplie ne voulait plus me laisser mixer, sous des prétextes à moitié foireux... J'ai beaucoup pris sur moi pour ne pas lui foutre mon poing dans la gueule, j'ai été voir le patron du club pour lui dire de dégager ce type sinon ça ne jouerait pas, et il l'a viré de la régie pour que je puisse faire mon job! Je peux bosser dans toutes sortes de conditions merdiques, mais ça me fout hors de moi qu'on m'empêche de faire mon taf, j'aime trop ça pour laisser faire !

Brett
a un souvenir ému d’un concert de Cynic au Québec : « Pour ce qui est des meilleurs souvenirs, globalement c’est quand après un concert quelqu'un vient me remercier ou me féliciter pour le son. Je me souviens d’un mec à Montréal qui est venu me voir à la fin de Cynic en me disant avec son accent québécois "Putain mec c’est le meilleur son de drum que j’ai entendu de toute ma vie !". C’est le genre de truc qui fait extrêmement plaisir. »

Angie s’est fâchée avec El Diablo à Lille, salle qui a d’ailleurs fermé depuis peu… (RIP, ou pas ?) :
« Je crois que ma pire expérience a été l’an dernier avec Dopethrone quand ils ont joué au El Diablo de Lille. Mis à part la qualité rudimentaire du matos sur place, la console était placée dans un petit renfoncement, je suis restée dans cet endroit rempli de basses pendant une heure, c’était juste l’enfer pour mixer et intenable pour les oreilles. Ca m’a donné mal à la tête pour le reste de la soirée. »

David aime beaucoup Metallica, Mastodon beaucoup moins :
« Côté spectateur: mon meilleur souvenir c'est Metallica à Bercy en 2003 et au Rock Am Ring en 2006... un son d'une puissance et d'une clarté, pas agressif... LA claque pour moi. Pire souvenir: tous les concerts de Mastodon. »

Côté sondier : 2 meilleurs souvenirs – avec Gorod à Toulouse en première partie de Mass Hysteria... tout simplement parfait, niveau son y'avait rien à redire. Et avec le groupe Soundcrawler, un groupe de Stoner de Périgueux, au festival le Grand Souk... là aussi le son était sublime et la prestation du groupe parfaite. Dans ces cas là, je deviens presque spectateur. »

Un dernier mot ?

David
a une anecdote sur le meilleur groupe de Rock occulte depuis Coven. [sic] :

« On me demande souvent si les groupes de première partie sont bridés par rapport aux têtes d'affiches. Au niveau son, on va dire que non, d'expérience, et d'après les ingés son avec qui j'en discuté. Même si on a pas les mêmes conditions que les têtes d'affiche, ni le même matos parfois, il est rare qu'on bride la première partie. Mais c'est arrivé une fois dans ma petite carrière, en première partie de Blues Pills avec le groupe Datcha Mandala de Bordeaux... Leur manager m'a demandé de ne pas dépasser les 100 dB. »

Angie dit que la quête de la perfection est une cause perdue :
« […] Belle initiative que celle de penser aux “acteurs de l’ombre” de la scène.
Continuez à bouger aux concerts, à soutenir les artistes, à vous éclater en partageant votre passion ailleurs que sur votre écran d’ordinateur et surtout, ne cherchez pas le son “parfait” tout lisse et sans brèche à tout prix; un live, c’est quand même bien mieux quand ça reste vivant ! »

Chris conclut sur une touche bienveillante :
« Merci aux courageux de s'intéresser de plus près au vaste sujet qu'est le son en concert, continuez d'aller voir des groupes et allez y même encore plus! C'est pas toujours parfait mais c'est comme un resto entre potes, la bouffe ou le cadre sont pas forcément magiques mais c'est pas toujours de la faute du cuistot et au final ce qui compte c'est qu'on a passé un bon moment, non...? »

Et Brett a oublié de répondre à la question. Pas la peine de lui en vouloir, il devait avoir un mastering d’album à finir !

Neredude (Avril 2017)

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Merci aux techniciens qui ont répondu à nos questions et qui ont rendu ce dossier possible. Dossier inspiré par VS. (RIP)

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Commentaires

ZbrlahLe Lundi 03 avril 2017 à 01H18

Haha Letatar tu parles du concert de Slayer au Phare avec Gojira en première partie en 2012 ? Je me rappelle aussi de combien le son était crade sur le début de Slayer, alors que Gojira avait un son vraiment parfait...

letatarLe Dimanche 02 avril 2017 à 00H35

Dossier très intéressant. Bonne initiative de donner la parole à ces ingénieurs du son qui ont parfois un rôle ingrat. Quand le groupe et le son sont excellents on ne pense pas forcément à saluer la personne derrière la console. Tandis que quand ça foire, le public peut vite s'énerver (souvenir de quelques fans de Slayer très remontés suite aux premiers morceaux ruinés à Toulouse...). Donc bravo à ceux qui font du bon boulot ! Et je pense que c'est le cas des 4 interrogés dans ce dossier, si j'en crois la liste des groupes pour lesquels ils ont travaillé et que j'ai vus en concert (Cynic, Leprous, Klone, The Ocean, Gorod...).