Close up Roadburn 2023
par Pentacle (20/04/2023)
Nous avions déjà parlé l’an dernier du Roadburn (comme les
années précédentes), mais en évoquant les spécificités et la nouvelle direction
artistique prise par le festival notamment depuis sa mise à l’arrêt à cause de
l’épidémie mondiale de covid. Cette année, le Roadburn poursuit son exploration
des musiques métalliques, mais surtout d’autres styles quittent à embrasser
encore d’avantages les musiques expérimentales et s’éloigner des groupes
purement Metal qu’on retrouve sur un peu près toutes les affiches de festival
plus ou moins dédiées à ces musiques. Une vision artistique qu’on ne peut que
saluer notamment pour une partie de l’équipe de Metalorgie, qui brouille les
frontières, inspecte différents courant musicaux, mais n’oublie pas
l’essentiel : aborder les musiques sombres et expérimentales dans leur
multiplicité, tout en gardant une cohérence bienvenue. Cet article décortique
une partie de sa programmation et une playlist concoctée par nos soins se
retrouve à la fin de celui-ci.
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Cette année il n’y aura pourtant pas de curateur ou curatrice comme c’était le cas auparavant (c’était Thomas et Milena de Gggolddd en 2022) qui se charge de programmer plusieurs artistes et groupes qui lui plaisent. C’est donc une première pour l’organisation du Roadburn qui, on imagine, a dû faire face à la crise économique et la guerre en Ukraine (avec par exemple White Ward qui ne peut malheureusement pas sortir du territoire et annule sa tournée Européenne). Cependant, l'une des spécificités du Roadburn c’est de programmer des groupes qui jouent en intégralité leur album.
Ça peut être un ancien disque comme Deafheaven qui célébrera les dix ans de son désormais culte Sunbather et dont on vous louait déjà les mérites à l’époque, ainsi qu’un set axé sur leur dernier disque beaucoup plus Shoegaze : Infinite Granite. Plusieurs formations ont prévues de jouer en intégralité leur sortie récente. C’est notamment le cas du fabuleux Heavy Pendulum de Cave In, Holy Sacred d’Esben And The Witch, les retournements de cerveaux que sont Imperative Imperceptible Impulse et Spirit Of Ecstasy de respectivement Ad Nauseam et Imperial Triumphant tout comme le dernier et très chouette album de Big Brave, Nature Morte. Et si vous aimez la Darkwave / Indus, The Soft Moon prévoit de jouer Exister sorti en 2022 et pour un set bagarre Hardcore avec de la Noise dedans, c'est vers Candy qu'il faudra se tourner avec son Heaven Is Here exécuté en entier.
Les sets spéciaux pour le Roadburn sont également une
spécificité du festival et cette année, le festival régale à tous les étages avec
par exemple la présence de Wolves In The Throne Room pour la quatrième fois
depuis la création du festival et qui jouera un set nommé Shadow Moon Kingdom,
avec des créations uniques pour l'évènement et un film intitulé Cascadian Wilderness dont les morceaux feront échos à la projection. On y verra également John Cxnnor dans lequel on retrouve les frères Rasmus G. et Ketil Sejersen,
moitié de Llnn pour un set qui se nomme All My Future’s Past et qu'on imagine
très Indus / Electro en version apocalyptique ! Wayfarer quant à eux
présenteront A High Plains Eulogy, une rétrospective de leurs anciens travaux,
mais aussi du nouvelles pistes exclusives dévoilées pour l’occasion et tout
comme Elizabeth Colour Wheel qui prévoit un set commissionné par le Roadburn
avec Ethan McCarthy de Primitive Man.
On s'attend donc à quelque chose de très lourd, sale et bruitiste forcément. Backxwash, le rappeur américain qui fait sensation depuis trois/quatre ans nous concocte deux sets spéciaux et on s'imagine bien le voir partir, au vu de ses influences, dans des contrées Indus / Metal et Horrorcore alors que les japonais de Bo Ningen promettent une exploration psychédélique de leur musique à travers le set Far East Electric Psychedelic. C’est tout ce que l’on aime chez le Roadburn, passer d’un concert d’Indus Death Metal à un autre Noise Rock, en passant par un groupe de Black Metal et un autre Darkwave ou Electro.
En parlant de sets commissionnés, Jerusalem In My Heart avec ses sonorités orientales et son travail sur les claviers, les fields recordings et la musique électronique, promet une belle surprise psychédélique tout comme la collaboration (elle aussi commissionnée par le festival) entre Duma que l'on avait pu voir l'année dernière à Tilburg et qui était une belle claque et Deafkids que l'on a aussi pu voir en première partie d'Oranssi Pazuzu en France au printemps dernier. Un mélange entre le Cybergrind / Indus / Hip-Hop des premiers et celui plus Rock tribal, Psyché / Noise répétitif des seconds ? On prend carrément !
Le Roadburn accueille par ailleurs deux artistes en
résidence cette année : nos fiertés nationales Oiseaux-Tempête qui
retracera leurs dix ans de carrières avec trois concerts étalés le long du
weekend et plusieurs hommages à leurs album joués en entiers tels que Ütopiya?, Al-'An ! الآن (And Your Night Is Your Shadow - A Fairy-Tale Piece Of Land To Make Our Dreams) ainsi que le dernier What On Earth (Que Diable) paru en 2022. Un énorme projet
pour la formation, mais quelle consécration pour Oiseaux-Tempête de pouvoir
réaliser ce type de création artistique, d'autant plus que des invité.e.s sont
attendu.e.s sur leurs différentes sets. Il faudra également parler de Sangre De Muerdago qui était déjà venu en 2018 et qui avait réalisé un set intimiste et
exceptionnel sous la Patronaat (la salle de l’église).
En plus de jouer leur dernier album, O Vento Que Lambe As Miñas Feridas, ils prévoient de réaliser un set collaboratif avec d'autres musicien.ne.s avec Judasz et Nahimana pour un set d'avantage porté sur les expérimentations Drone, Ambient, Folk tribales et bruitistes ce qui peut être super intéressant tout comme leur troisième performance prévue avec ces deux musicien.ne.s avec As Voces Da Pedra prévu pour des explorations pesantes et soniques de la musique Folk qui les fera également quitter leur zone de confort. On le répète mais, c’est ça qui est si grisant avec le Roadburn, c’est de découvrir des artistes à travers leur panel large artistiquement et de qui a de plus complet, tout en se permettant d’oser, d’être originaux quitte à en laisser plusieurs sur le bord de la route. Mais quel festival peut se permettre de proposer cela d'autant plus dans des scènes de niche ? Pas grand monde.
Le site ne changera pas de l’année passée avec sa scène
principale et secondaire sur l’013 Poppodium et sa Koepelhal située un peu plus
loin et divisée en trois scènes aménagées pour l’occasion. Comme l’année
passée, une tribune sera consacrée aux personnes queer qui parleront de leurs
parcours individuel en tant que personne queer dans les musique extrêmes. The
Queer Side Of Heaviness II, sera animé par Tom Dare (Hell Bent For Metal) et
il recevra les musicien.ne.s suivant : Ashanti Mutina (Backxwash), Kate Davies
(Pupil Slicer), Willow Ryan (Body Void) et Stefania Pedretti (Ovo) et ça promet
d’être tout aussi intéressant que l’an passé. En plus de parler de ce sujet
important et éminemment politique, on voit aussi la programmation du Roadburn
offrir d’avantage de mixité sur scène avec des musiciennes présentes dans groupes tels que Brutus, Alkahest, Big Brave, Boy Harsher, Elizabeth Colour Wheel, Pupil Slicer, Decline
Of The I... quand elles ne jouent pas en solo avec leurs projets respectifs
que sont Julie Christmas, Circuit Des Yeux, Alison Cotton, Mütterlein, Zola
Jesus etc. Bref c’est plutôt cool et ça change des festivals type Hellfest
& co et ça évite le copinage et cet entre mecs constant et usant.
Le festival héberge également des expositions avec
notamment celle du photographe français David Fitt (qui a réalisé des clips
pour Aosoth, Grave Pleasures…), mais aussi Lucile Lejoly qui est tatoueuse, illustratrice
et photographe ou bien Nina Van de Ven pour son travail très étonnant et
original de création de « battle jackets » bien particulières. Avec la
présence en particulier d'Osi And The Jupiter, David Euege Edwards de Wovenhand et Sangre De Muerdago qui défendent chacun un type de musique Folk qui leur est
propre, le Roadburn propose ainsi une discussion avec Christopher Juul de Heilung,
Micaela Tobin - White Boy Scream et Simon Barr de Dawn Ray’d afin d'aborder
différents thèmes allant des traditions spirituelles nordiques au traumatisme
ancestral philippin et à l'histoire de la classe ouvrière britannique. Ça
promet d'être passionnant et témoigne une fois de plus que cet évènement ce n’est
pas uniquement construit pour enchainer les concerts en buvant des bières, mais va au-delà de la musique et ça
montre une vrai direction artistique sous toutes ses formes. De même avec l’invitation
d’Andreas Kohl qui travaille dans l'industrie de la fabrication de vinyls (Vinyl
Guru / Keyproduction Ltd.) et qui a acquis de nombreuses connaissances sur le
fonctionnement de l'industrie. Ca parlera des nouveaux défis qui occupent le pressage
vinyl avec la montée des prix des disques tout comme des matières premières qui
augmentent énormément. Une discussion sera ouverte avec ces nouveaux enjeux
pour tout.e.s les passionné.e.s de musique et accros à ce format.
Pour revenir sur la programmation des groupes, on trouve encore cette année pas mal d’artistes français (en plus de Oiseaux-Tempête dont on parlait plus tôt) avec tout bonnement France (il n’y a pas de blague) en trio Drone ritualiste avec de la vielle à roue extrêmement répétitif, mais très captivant si on accroche au délire. Decline Of The I sera là pour défendre le Black Metal français avec son dernier effort Johannes (2021) et Mütterlein sera seule sur scène pour expulser avec colère son Bring Down The Flags (2021) avec son mélange atypique de Doom, Indus, Electro / Darkwave. Difficile de vraiment définir sa musique, mais en tout cas c'est très sombre, ritualiste et pesant. Côté musique électronique, Sierra sera présente avec sa Synthwave obscure certainement dansante, mais ambiancée que peut l’être un Perturbator par exemple.
L’an dernier, le label Pelagic Records était à l’honneur et cette fois-ci, c’est Rocket Recordings qui est sous les projecteurs et qui fêtera ses 25 ans avec Alison Cotton pour sa musique crépusculaire entre Ambient, musique classique et Drone (également en duo pour l'occasion avec Dawn Terry pour une performance unique), tout comme Teeth Of The Sea, un groupe bien foufou qui mélange Post-Rock, Rock Psychédélique, Drone, Ambient de façon expérimentale et en se dirigeant vers de multiples directions. On trouvera également Holy Scum en chouette révélation Noise Rock / Psyché, J. Zunz qui vient de Mexico pour dévoiler une sorte de musique électronique hantée et étrange tout comme Marlene Ribeiro qui joue également dans Gnod et présente une autre facette des musique psychédéliques en croisant Ambient, Pop et Jazz dans un résultat vaporeux et rassurant et onirique.
A titre personnel et pour conclure ce dossier sur l’édition 2023 du Roadburn, on peut vous conseiller quelques groupes à voir, mais aussi à écouter, même si vous n’y allez pas, ça peut vous permettre de faire quelques découvertes 'en plus des formations citées au dessus). En premier lieu, les très attendus Chat Pile qui ont tout raflé l’année dernière avec le fantastique God’s Country et son mélange personnel de Sludge, Noise, Hardcore et Indus. En parlant de Sludge, Body Void est sans doute ce qui se fait de mieux dans le genre ces derniers temps avec ce côté abrasif et écorché qui donne envie de tout brûler, de même pour Portrayal Of Guilt mais en version Screamo / Black Metal et qui nous avait bien retourné la gueule en 2021 avec le corrosif We Are Always Alone. On évoquera également Yrre, projet suisse de Post Metal (donc forcément de grande qualité vu le style et le pays) inspiré par le film The Witch de Robert Eggers et qui était sorti en 2015. C’est occulte, épais et noirâtre au possible.
Pour rester dans l’univers visuel, on pourrait décrire Mamaleek comme la rencontre entre Twin Peaks de David Lynch, Oranssi Pazuzu et Oxbow donc un mélange de Noise Rock, Black Metal et ambiance de film noir des années 50 avec ce truc un peu jazzy enfumé de fond de bar miteux. David Eugene Edwards (Wovenhand / 16 Horsepower) nous fera honneur de sa présence et on imagine un set Folk intimiste et religieux alors que pour Osi And The Jupiter on entrevoit d’avantage de la Néo Folk aux ambiances très païennes et mystiques. Circuit Des Yeux a sorti en 2021 l’album Io entre musique Néoclassique, Darkwave et Pop baroque des plus intéressants, donc il nous tarde de la découvrir sur scène tout comme le nouvel album de Big Brave, Nature Morte, qui est un régal de Doom, Drone et d’Ambient avec un aspect très naturel et « folklorique ». Enfin et histoire de s’ambiance un peu, on aimera se déhancher sur les sons Synthwave / EBM de Boy Harsher terriblement accrocheurs. Bref, encore une fois il y a largement de quoi faire, dans des styles vraiment différents et on espère que, même si vous ne vous rendez pas au Roadburn, vous ferez quelques belles découvertes dans les groupes cités dans ce dossier.
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