L'impact du confinement sur le streaming musical
par Pentacle (03/04/2020)
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Que faire pendant cette période de confinement ? Les personnes qui ne travaillent pas ou n’ont pas de famille à s’occuper ont désormais plus de temps libre. Alors on se dit qu’on va enfin entamer cette pile de lecture qui s’accumule au pied du lit, finir Netflix deux fois, pecho sur Tinder (ou pas), regarder l’intégralité de la filmographie de réalisateurs chiants comme la pluie comme David Lynch ou Andreï Tarkovski, mais surtout et aussi en définitive, pas mal glander. Et notre rapport à la musique, qu’en est-il ? Va t’on passer plus de temps à écouter de la musique chez nous, à laisser tourner Spotify ou Youtube en boucle ou bien dépoussiérer sa collection de disques et vinyles ?
Logiquement, si on passe plus de temps chez nous, on pourrait se dire qu’on va aussi passer plus de temps à écouter de la musique. Pas si sûr, si on prend la question dans son ensemble. C’est du moins ce que révèle la plateforme de streaming Spotify dans un article publié chez Quartz. En effet, l’article précise qu’en Italie, sur une période de quinze jours de confinement allant du 3 au 17 mars, les 200 morceaux les plus streamés en 2019 et qui cumulaient 18,3 millions d’écoutes par jour, sont passés à 14,4 millions d’écoutes depuis le début de la quarantaine. Une baisse de 23 % du volume d’écoute donc. La situation est globale et similaire dans d’autres pays ou les gens sont placés en confinement comme l’Espagne, le Royaume Uni, la France ou les Etats-Unis. Pour l’Espagne la baisse est de 12,7 %, sur le volume global d’écoutes. Pour les Etats-Unis la baisse est de 7,6 % et pour la France qui n’était pas encore en confinement à cette période là, la baisse est de 2,4 %.
Photo de Simon Grumal
Depuis mi-mars les ventes physiques d’albums ont baissé de 27,6 % et les ventes d’albums numériques de 12,4 %. On comprend plus facilement que les gens confinés achètent moins de disques physiques en cette période trouble, surtout avec des disquaires fermés, des méthodes de livraison moins adaptées et la crainte de recevoir des colis contaminés par le virus... Quant à la baisse des ventes numériques, et de manière globale, là aussi elle s’explique par le fait que les gens, avec la crainte de l’avenir, notamment professionnel, mais aussi pour des questions de budget, revoient leurs priorités d’achat en se focalisant d’avantage sur la santé et l’alimentaire (des pâtes et des rouleaux de PQ...), plutôt que dans les loisirs et donc la musique. Par contre, chez les services de streaming vidéo, l’augmentation est notable depuis les périodes de confinement. Netflix, Amazon Prime ou Youtube ont par exemple réduit leur bande passante pour faire face à la demande. Ainsi, on s’aperçoit que les pratiques de loisir sont en train de changer pendant cette période de confinement, mais reste à comprendre pourquoi les gens écoutent moins de musique streamée alors que beaucoup sont chez eux.
Pour expliquer cette baisse générale dans le monde du streaming musical, il faut comprendre les pratiques d’écoute des gens de manière globale. Beaucoup de monde écoute de la musique sur son téléphone avant d’aller au travail, dans les transports, mais aussi pour en revenir, ainsi, les écoutes au plus gros volume se font principalement le matin et le soir. Les plateformes enregistrent des pics autour de 7h du matin et pendant l’heure de pointe dans les transports, en fin d’après midi également, ainsi que parfois un peu plus tard pour les activités sportives en solitaire. Les weekends sont, au contraire, beaucoup plus calmes car on s’occupe à d’autres activités : les courses / shopping, s’occuper des enfants, jardiner, faire des soirées entre ami.e.s, les sorties culturelles, etc. Seule la journée du vendredi est plus dense que les autres, car c’est le jour des sorties de nouveautés. Sauf qu’avec le confinement, les journées ne ressemblent plus du tout à celles qu’on connaissait habituellement en semaine, mais ont plutôt tendance à ressembler à celles d’un weekend prolongé sans sortir. L’écoute s’homogénéise donc dans la journée. On ne se déplace presque plus et on ne fait presque plus de sport. Et pour beaucoup de monde, la musique a la particularité d’accompagner une autre activité à l’inverse de la télévision ou des jeux vidéo. On comprend ainsi que les services de streaming vidéo aient augmenté en volume ces dernières semaines.
Photo de Simon Grumal
Par ailleurs, le temps alloué chez soi est différent en cette période de confinement. Pour certain.e.s, il faut s’occuper des enfants ou télé-travailler. Difficile de trouver des moments d’écoute dans ces conditions, surtout que si l'on n‘est pas seul dans le même logement, car il n’est pas forcément évident d’écouter le dernier Sunn O))) volume à 11 ou du Thergothon pour mettre l’ambiance. Toujours est-il que le temps alloué pour écouter de la musique a fondu ces derniers temps, du moins pour pas mal de monde. Louis-Alexis de Gemini, directeur général de Deezer le confirme « Le confinement a eu un impact négatif sur le volume d’écoute. ». Mais peut-être avons-nous aussi simplement besoin d’un peu de silence avec ces informations dans tous les sens, souvent anxiogènes. Néanmoins, le flux des radio sur Deezer a augmenté (+ 16 % depuis le confinement) et plus précisément les chaînes d’informations, ce qui s’explique par le besoin chez beaucoup de monde d’essayer de comprendre ce qui nous arrive.
Il serait également intéressant de savoir si, en restant dans notre foyer, nous écoutons de la musique différemment que sur les plateformes de streaming. Si on prend la question dans sa globalité encore une fois, la pratique d’écoute de la musique sur support physique (CD, vinyle…) ne concerne que seulement entre 10 et 20 % de la population âgée d’entre 15 et 40 ans et un peu plus en vieillissant. Après, ce sont des statistiques qui concernent la musique dans son ensemble, mais il serait pertinent d’avoir d’autres chiffres sur des musiques plus spécialisées et notamment celles dont on parle le plus souvent sur le site, à savoir les musiques Rock / Metal / Punk et affinités. A titre personnel, j’écoute autant de vinyles qu’avant le confinement, par contre je passe plus de temps sur les plateformes de streaming à faire des découvertes ou réécouter des albums sur lesquels je suis passé un peu trop vite. En sollicitant mon entourage, certain.e.s ami.e.s me disent écouter de la musique un peu comme avant, parfois un peu plus, mais sans nécessairement aller d’avantage piocher dans sa collection de disques ou passer plus de temps sur les plateformes de streaming. Et bien sûr, encore une fois, cela dépend si on est confiné seul, avec des enfants, un.e conjoint.e etc.
Photo de Simon Grumal
Les gens écoutent aussi de la musique différemment. Selon Alpha Data, les styles Pop, Hip-Hop, R&B sont un peu délaissés alors que d’autres styles musicaux sont en hausse en volume d’écoute : la musique classique (+ 1,5 %), la Folk (+ 2,9 %) et la musique pour enfants (+ 3,8 %) sont privilégiées. A titre personnel, j’écoute moins de de musique extrême, mais me focalise d’avantage sur l’Ambient, le Néo-Classique, le Drone, Le Post-Rock ou l’Electro posé. L’écoute « au morceau » dont on parlait précédemment, est moins présente, mais de nouveaux besoins sont apparus avec notamment cette tendance à la playlist ce que confirment les services comme Deezer ou Qobuz avec des titres de playlist intitulés « Légèreté », « Voyage virtuel » pour donner envie aux gens de s’évader un peu ou encore « Travail au calme », « Cuisine en famille » ou Sport motivation » pour accompagner les personnes dans leur nouveau quotidien. Et bien évidemment le mot confinement est banni de ces playlists pour éviter de rappeler sans cesse la situation dans laquelle nous sommes. Les plateformes de streaming en profitent aussi pour mettre en avant,ce qu’ils n’ont pas le temps de faire en temps normal. Si le volume d’écoute à baissé ces derniers temps, les abonnements à ces plateformes de streaming ont eux, augmenté. C’est ce qu’affirme le site Les Jours et selon ses sources, il y a eu une augmentation d’abonnements entre 5 et 15 % depuis le 16 mars. A cela, il faut tout de même préciser que le streaming est un marché de l’abonnement, donc pour les plateformes que sont Deezer ou Spotify, que les gens écoutent trois morceaux par jour ou 300, ça n’est pas important pour eux. Pour continuer d’être attractif, Deezer propose par exemple trois mois d’abonnement gratuit jusqu’au 30 avril.
On peut aussi se poser la question des conséquences du confinement sur la musique dans le futur ? Évidemment c’est un problème pour le spectacle vivant avec tous ces concerts ou festivals annulés / reportés. Ce qui implique un manque à gagner important pour les structures organisatrices, les bars / concerts et bien évidemment pour les artistes. Quant aux ventes d’albums, on a vu précédemment qu’elles étaient grandement en baisse, donc là encore une perte de revenus importants pour les groupes et les labels, cependant, à l'heure actuelle, peu de sorties d’albums sont repoussées à part quelques artistes Pop comme Lady Gaga.Quelques sorties d’albums Rock / Metal sont concernées pour d’éventuels reports comme le prochain album d'Hatebreed suite à la fermeture d’usines de pressage ou le nouvel album d'Enslaved, Utgrad, attendu pour le mois de mai chez Nuclear Blast Records et finalement repoussé à cet automne. Pour finir, il serait aussi intéressant de vous demander, vous lecteurs et lectrices de Metalorgie, passionné.e.s de musique si vous écoutez plus de musique en streaming qu’avant le confinement ? Vous tournez vous plus facilement vers votre collection de disques et de vinyles de votre collection ? Faites vous plus de découvertes musicales en cette période de confinement ? On attend vos réponses en commentaires.
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