Dossier de Metalorgie #25 Décembre 2019 : Top de la Décennie
par Metalorgie Team (31/12/2019)

Nous sommes déjà fin 2019 et les classements / Top de l'année commencent à voir le jour un peu partout. En attendant celui de l'équipe pour 2019, nous vous proposons une synthèse de la décennie pour une partie de l'équipe, avec quelques disques incontournables d'après nous.
Le Top Décennie de...
...Euka (ses chroniques) :
Difficile de faire un Top3 (il y en a 5, mais chut) de la décennie sans regretter à chaque fois de ne pas modifier la liste. Certains disques ne s’y trouvent pas parce même s’ils devraient l’être (coucou Masakari, Alpinist, Baton Rouge ou Raein), et il est difficile de faire un choix. Les choix seront discutables (est-ce qu’un album de la décennie doit être forcément quelque chose de révolutionnaire ?), pas de disque de Screamo (je reste sur la décennie précédente, désormais) et des trucs qui vont sûrement revenir chez les autres aussi. Donc le top, sans ordre particulier.Birds In Row - We Already Lost The World
J'ai déjà écrit énormément de choses sur ce disque, et pourtant il continue de se dévoiler un peu plus à chaque fois. On passe, à mon sens, un cran au-dessus du LP précédent mais surtout, je n'arrive plus à identifier de faille sur cet album. Plus les écoutes s'enchaînent, plus les subtilités continuent de se dévoiler et Birds In Row confirme qu'il devient l'un des groupes incontournables de la scène Hardcore.Saetia - Collected
J'avoue, les titres ne sont pas de la décennie mais la réédition de la discographie est tellement chouette que le disque mérite sa place (je vous conseille également de choper celle d'Amanda Woodward rééditée cette année). Incontournable de la scène Screamo US, Saetia fait partie des intemporels. Eprouvant, débordant d'émotions, d'une aura qui rayonne encore sur certains groupes actuellement, ce disque me fait frémir à chaque fois. Du magique "Nos Langues Nous Trompent" au délicat "Venus and Bacchus", Saetia est une montagne de rage bouillonnante, de cris aux bords du gouffre, ... Un vrai incontournable pour ceux qui n'ont jamais pris la peine d'écouter du Screamo, et pour les autres !Cult Of Luna&Julie Christmas - Mariner
Mariner est sans doute le disque qui m’aura donné envie de replonger dans Cult Of Luna, et surtout Battle Of Mice. Le côté lourd des Suédois et la folie viscérale de l’Américaine, le mix parfait qui prend aux tripes et donne des envies de chialer.
J’ai hésité avec Vertikal, mais le chant de Julie Christmas apporte une vraie dimension supplémentaire à l’ensemble, via « The Wreck Of SS Needle » ou « Cygnus ». Une gigantesque baffe monumentale.PUP - The Dream Is Over
J’ai déjà parlé de ce disque, de ce groupe, soulé tout le monde avec, profité des deux premières dates en France pour les voir … Bon, vous aurez compris, avec ce disque, je ne suis pas du tout objectif, mais si les retours critiques semblent me conforter dans l’idée que PUP est plus qu’un simple phénomène de mode. Du Punk Rock idéal, un brin nostalgique, parfois un peu bruyant, mais toujours de très bon goût. The Dream Is Over ne semble pas fait pour vieillir (je sais, on en reparle dans 10 ans), mais il reste le disque central de la, pour le moment, courte discographie du groupe.Ulver - The Assassination Of Julius Caesar
Le disque qui m’aura fait (re)découvrir Ulver. C’est très bête, mais il se dégage de cet album une vraie sensualité, une envie de se laisser porter et bercer. Les 50 minutes passent sans encombre, et ce depuis sa sortie alors même que j’émettais quelques réserves à cette période.
...V.N.A. (ses chroniques) :
C'est déjà souvent compliqué de ne sélectionner que dix albums pour un top annuel, alors dix pour toute une décennie ? Aïe aïe aïe... Pour ma part, le numéro 1 était une évidence. Les quelques suivants également, même si ce n'était pas forcément le cas de l'ordre à leur donner (si je refais cette liste dans un mois, pas sûr qu'il n'aura pas changé). Puis on tape dans un groupe un peu plus vaste de disques que j'adore et auxquels j'aurais aussi envie de donner une place. Mais il a fallu trancher. Arrivé là, la fréquence d'écoutes (approximative, hein, je n'ai pas vraiment compté) m'a paru le critère le plus concret, bien que pas forcément exempt de défauts. Cette méthode a par exemple éliminé le Beloved Antichrist de Therion, qui se trouvait pourtant en tête de mon top 2018 : j'ai beau avoir énormément d'admiration pour lui, je n'écoute pas un opéra Metal de 3h tous les jours. Ni toutes les semaines. Cela a aussi éliminé des sorties de 2019, pour lesquelles je n'ai pas suffisamment de recul : à l'heure où j'écris ces lignes, je suis de plus en plus accro à l'album orchestral de Blind Guardian... qui est sorti depuis moins de deux mois, alors comment le comparer à des disques qui m'accompagnent depuis des années ? (Et puis bon, au risque de spoiler mon classement, le groupe monopolise déjà les deux premières places, il peut bien en laisser un peu pour les autres.) De même pour le dernier Disillusion, qui sera à l'honneur dans mon top annuel, comment être sûr qu'il ne commencera pas à prendre la poussière dans un avenir plus ou moins proche ?
Enfin voilà. Je ne vais pas citer tous les albums que j'aurais voulu placer, ce n'est pas l'envie qui manque mais je crois que ça fait déjà trop de blabla introductif. Voici donc le classement, garanti 100% subjectif.
10. Torture Killer - Phobia (2013)
Torture Killer, c'est le petit groupe sans prétention qui ne devrait rien avoir à faire dans un top annuel, et encore moins dans un top de la décennie. D'ailleurs, à ma connaissance il ne croule pas sous les louanges. Certes, il a eu son quart d'heure sous les projecteurs en 2006 quand Chris Barnes lui-même s'est invité à la fête, juste le temps d'un album (bien que les liens ne se soient pas complètement rompus, cela dit je ne vais pas faire tout l'historique ici), mais certainement pas de quoi le propulser durablement sur le devant de la scène.
Du Death, du genre plutôt simpliste, qui mise beaucoup sur son groove, efficace et sans fioritures. Objectivement, je n'aurais même pas de vrais arguments à donner pour conseiller ce groupe plutôt qu'un autre, et ce n'est pas ça qui manque (des groupes, pas des arguments). Mais bizarrement, celui-là je ne m'en lasse pas. Même plusieurs années après, et tout comme son grand frère Sewers (pour lequel j'ai une petite préférence, mais qui date de 2009), Phobia est toujours dans les premiers à me venir à l'esprit quand j'ai une envie de Death.
En écoute sur Youtube.9. Xanthochroid - Of Erthe And Axen Act I / Act II (2017)
[Note : Là, je triche un peu puisque je regroupe deux albums. Mais même s'ils sont sortis à quelques mois d'écart, je les ai découverts en même temps et je les considère plutôt comme un seul double ; d'ailleurs, je ne crois pas les avoir déjà écoutés séparément.]
Si vous cherchez Xanthochroid chez Metal Archives, déjà faites gaffe à ne pas oublier un h, et ensuite vous pourrez lire "Epic/Melodic Black Metal" dans la case genre. Alors oui, c'est plutôt vrai. Sauf que quand j'ai voulu me faire une idée sur cette seule indication avant d'aller écouter, eh bien j'étais complètement à côté de la plaque. Du coup, comment décrire ça ? Pour taper dans des références assez parlantes, prenons par exemple une base Black pas trop extrême et à tendance Symphonique, disons Dimmu Borgir. Ajoutons-lui le côté plus théâtral d'un Carach Angren, les éléments Prog d'Enslaved (ou disons plutôt Opeth, même si ça nous éloigne du Black) et l'aspect très épique d'un Wintersun (pas tout à fait Black non plus, mais ça devrait être assez évocateur). Vous voyez l'image ? Maintenant délayez tout ça dans une sauce comédie musicale (mais avec seulement trois voix différentes), voire carrément Disney Metal si on veut caricaturer, et vous aurez une meilleure idée de ce à quoi vous attendre. Le plus fou là-dedans ? C'est que ça marche complètement.
En écoute sur Bandcamp : Act I / Act II8. Insomnium - Winter's Gate (2016)
Un disque constitué d'un unique morceau, long de quarante minutes (ce qui n'est pas un exploit en soi, certes, mais tout de même peu commun dans le registre Death Mélodique). La mise en musique d'une histoire écrite par le chanteur / bassiste du groupe, qui parvient à nous emporter par sa dimension épique, par sa construction suffisamment riche pour captiver de bout en bout, donner envie d'y revenir encore et encore, et suffisamment solide pour éviter tout égarement. Même s'il s'agit d'un album à part dans la discographie des Finlandais, c'est pour moi là qu'Insomnium est à son meilleur.
En écoute sur Youtube.7. Paradise Lost - Tragic Idol (2012)
Paradise Lost figure parmi les premiers groupes de Metal que j'ai écoutés, alors que j'en étais encore à découvrir le genre (quoique, je veux croire que cette découverte n'est toujours pas finie), piochant Draconian Times dans les rayonnages de la médiathèque municipale. J'ai aimé cet album. Et pourtant, pendant longtemps je n'ai pas suivi les sorties de la formation, ou alors de très loin. Et pour cause : les deux autres opus disponibles à la médiathèque étaient One Second et Host ; du premier, je n'ai à peu près retenu que le morceau-titre, et du second, absolument rien. Quand j'ai eu l'occasion d'entendre les disques plus anciens, ça ne m'a pas davantage convaincu, aussi je suis plus ou moins resté sur l'idée du groupe d'un seul album. Il a fallu attendre Tragic Idol pour qu'enfin cette pensée vole en éclats. Oui, j'avais vaguement entendu que les Anglais avaient repris du poil de la bête depuis Symbol Of Life, mais là, c'était vraiment autre chose. Je m'y suis penché depuis, et j'apprécie In Requiem ou Faith Divides Us - Death Unites Us, mais le crû 2012 me paraît vraiment le parfait aboutissement de tout ce qui a été fait au cours des dix années précédentes, au point que l'idée d'une continuité semblait presque inepte ; en ce sens, la rupture stylistique opérée avec The Plague Within était le choix le plus judicieux. N'empêche, Tragic Idol est maintenant une de mes deux références concernant Paradise Lost.
6. Oomph! - XXV (2015)
Je ne sais pas trop pourquoi, ce douzième opus des Allemands semble généralement mal-aimé. Certes, il rompt avec l'ère tubesque du sacro-saint Warheit Oder Pflicht, d'autant plus surprenant après le très déjanté Des Wahnsinns Fette Beute qui laissait présager une évolution vers des sphères plus variées et moins énervées. Certes, il ne renoue pas non plus avec l'époque plus sombre d'Unrein. Pourtant, on se situe quelque part entre les différentes périodes du groupe, qui pour ses vingt-cinq ans d'existence semble entamer une nouvelle mue en se dépouillant de ses artifices. Moins facile d'accès, avec des titres qui révèlent toute leur efficacité au fil des écoutes et qui la conservent ainsi plus durablement, en ce qui me concerne il est assurément devenu l'album d'Oomph! que j'ai le plus écouté. Et si ça ne suffit pas, il est aussi adoubé par ma maman. Que demander de plus ?
En écoute sur Youtube.5. Alkaloid - Liquid Anatomy (2018)
Au début, celui-là, je l'ai un peu pris à la blague. Découvert plus ou moins au pif au travers du fameux Kernel Panic, sans encore avoir conscience du statut de "supergroupe" de Death Prog, passer sans prévenir d'une musique légère, sautillante, à du gros Death qui tache me semblait plutôt prêter à sourire. Pourtant, ce seul titre a réussi à m'accrocher et à me donner envie d'en entendre un peu plus. Juste pour voir à quoi ça ressemble sur tout un album. Sauf que là, je me suis mis à l'écouter un peu plus sérieusement. Son emprise s'est lentement resserrée, et il ne m'a plus lâché, de son début aux aspects incongrus jusqu'à son final monstrueux. D'ailleurs, aujourd'hui encore je me réveille au milieu de la nuit en hurlant « Cephalopods! Cephalopods! ». (Bon, j'exagère sur ce dernier point. Un tout petit peu.)
En écoute sur Bandcamp4. Dimmu Borgir - Abrahadabra (2010)
J'ai découvert Dimmu Borgir il y a une quinzaine d'années avec Death Cult Armageddon, et j'ai aussitôt eu le coup de foudre. Par la suite, je me suis penché sur les albums plus anciens, que j'ai aimés aussi (un peu moins les tout premiers), mais ma préférence allait clairement au côté grandiloquent qu'on retrouvait sur un titre comme Progenies Of The Great Apocalypse, aussi mes espoirs se tournaient plutôt vers l'avenir. Sauf que Stormblåst MMV n'était pas un vrai nouvel album, et In Sorte Diaboli était correct mais tombait un peu à plat. Trois ans et quelques soucis de line-up plus tard arrive Abrahadabra, que j'attendais, mais plus aussi impatiemment. Et pourtant, c'était celui-là que j'avais espéré tout ce temps. Entièrement enregistré avec un orchestre, l'aspect grandiloquent qui me plaisait tant était poussé à son paroxysme, accompagnant parfaitement la dimension Black Metal (d'accord, on ne parle évidemment pas de Trve Black) sans prendre le pas dessus, et les craintes que je pouvais entretenir du fait de l'absence d'I.C.S. Vortex et sa voix claire s'avéraient infondées, les quelques invités collant d'autant mieux aux ambiances développées. Une grande réussite, à mon avis loin, très loin au-dessus du piètre Eonian qui se fera pourtant attendre huit ans.
En écoute sur Youtube3. Ayreon - The Theory Of Everything (2013)
C'est juste un autre album d'Ayreon. Sauf que juste un autre album d'Ayreon, c'est tout un événement à chaque fois, et ce bien qu'Arjen Lucassen ne soit pas avare de sorties entre son projet principal et les autres. Double, conceptuel, une multitude d'invités, la formule a déjà fait ses preuves. Cela dit, The Theory Of Everything se place un peu à part, tant par son histoire hors "Ayreon-verse" que par son casting plus modeste (ou qui donne moins dans la surenchère, au choix) : seulement sept vocalistes, contre dix-sept (!) pour 01011001 et douze pour The Source, respectivement ses prédécesseur et successeur... avec pour effet que le rôle attribué à chacun s'en trouve plus mémorable. J'aime les deux opus estampillés Ayreon sortis cette décennie, mais ma préférence va clairement à celui-ci.2. Blind Guardian - Beyond The Red Mirror (2015)
Avec Beyond The Red Mirror, la formation évolue sur une voie plus symphonique, tentant par la même occasion le coup de conceptualiser le disque en une sorte de suite au génial Imaginations From The Other Side sorti vingt ans plus tôt. Il en résulte un album fouillé, moins efficace au premier abord que son prédécesseur At The Edge Of Time (dont on reparle juste après) mais bougrement prenant une fois qu'on apprend à le connaître. Pour faire simple, le Gardien Aveugle a réussi à me convaincre. Une fois de plus.1. Blind Guardian - At The Edge Of Time (2010)
J'adore Blind Guardian (je précise, au cas où ce ne serait pas suffisamment clair au vu des numéros 1 et 2 du présent classement), et At The Edge Of Time est le premier album que j'en aie attendu. Je m'étais véritablement mis au groupe avec A Twist In The Myth quelques années plus tôt, entre deux j'avais eu le temps de me familiariser avec, et même de tomber amoureux d'Imaginations From The Other Side, de Nightfall In Middle-Earth, et d'à peu près toute la discographie des Allemands, en clair j'avais été suffisamment occupé pour ne pas trop ressentir l'attente d'une nouvelle sortie. Pourtant l'impatience était bien présente. Je crois qu'au point où j'en étais, même une resucée de ce qu'ils avaient déjà fait m'aurait satisfait (idée pas tout à fait infondée, après l'opus 2006 très bon mais faisant un peu office de marche arrière vis-à-vis du précédent). Et là où, en mode boulimique, je voulais juste du Blind Guardian, n'importe lequel, je me suis mangé un nouveau chef-d’œuvre. À la fois riche et digeste (bien que repartant de l'avant, le groupe évite adroitement de retomber dans la complexité peut-être un chouïa trop grande d'A Night At The Opera), tantôt véloce et ultra efficace, tantôt grandiose (comment ne pas évoquer la génialissime Wheel Of Time, qui illustre avec brio les nouvelles aspirations symphoniques du combo ?), At The Edge Of Time est parfait de bout en bout (ou quasi-parfait, parce que j'aime chipoter). Non seulement numéro 1 incontestable de la décennie en ce qui me concerne, mais aussi parmi mes trois albums favoris tout court, en compagnie des susmentionnés Nightfall In Middle-Earth et surtout Imaginations From The Other Side... j'ai déjà dit que j'aimais Blind Guardian ?
...Neredude (ses chroniques) :Ihsahn - After
Avec After, Vegard « Ihsahn » Tveitan termine sa trilogie d'albums commençant par un « A », montrant une belle marge de progression depuis The Adversary et angL. Mais surtout, After débute une trilogie de chefs d'oeuvre avec Eremita puis Das Seelenbrechen. C'est un disque qui amène Ihsahn a pousser ses compositions progressives dans ses derniers retranchements, avec des harmonies vocales, des riffs et des arragements très fins et inventifs. After est dense, touffu et va jusqu'à tester la résistance de l'auditeur aux expérimentations, avec la réalisation d'un souhait de longue date pour le norvégien : travailler avec des cuivres. En effet, sur plusieurs chansons, Ihsahn collabore avec l'excentrique et talentueux Jørgen Munkeby (Shining) et leurs deux univers musicaux fusionnent avec une aisance déconcertante, à tel point que Munkeby lui-même reconnaîtra avoir rarement travaillé avec quelqu'un arrivant à incorporer son saxophone si naturellement à des chansons. Si Ihsahn avait déjà montré un talent inné pour le riffing avec Emperor, il est sur After plus confirmé que jamais, avec un travail de composition qui s'est amélioré avec l'expérience. Du minimalisme d'Austere au déluge de notes chaotique de A Grave Inversed, il n'y a pas une seconde de musique superflue ou ratée sur ce disque. Il faut également noter qu'à la même époque, Ihsahn commence à travailler avec Leprous, dont il produira le désormais culte Bilateral, qui figure également parmi les meilleurs albums de la décennie.
Textures – Dualism
La scène Metal est décidement bien plus triste depuis que ce groupe batave s'est séparé en 2017. Alors que des formations comme Periphery et autres Monuments ont foncé à toute berzingue sur des routes musicales que Textures a contribué à défricher et construire, ces derniers n'ont malheureusement pas connu le même succès. Et avant d'enregistrer Dualism, le groupe était tout sauf dans une situation facile puisque début 2010, leur versatile chanteur Eric Kalsbeek les quittait. Le combo devait donc trouver un chanteur du même calibre en voix claire et hurlée, en plus d'écrire et enregistrer un album qui soit aussi bon que les précédents, tout en apportant son lot de nouveautés au son de Textures. Sur ces deux plans, et le recul des années le confirme : Dualism est une pure réussite. Le nouveau frontman Daniel de Jongh a des capacités impressionantes, à tel point que certains fans ont même cru que c'était toujours l'excellent Kalsbeek au micro. Sur cet album, Textures montre un talent de composition qui s'est encore développé, toujours avec ce mélange d'influences convergeant autour de groupes comme Meshuggah, mais avec un accent fort sur les mélodies. Ces onze morceaux donnent autant d'importance aux entrelacs de guitares qu'à la section rythmique, légendaire notamment grâce à Stef Broks, qui reste à ce jour l'un des meilleurs batteurs de Metal européens (NdR : et même dans des terrains plus jazz avec Exivious). C'est simple, il n'y a pas un titre faible sur cet album, du single Reaching Home à des classiques comme Singularity, sans oublier le superbe climax final Foreclosure / Sketches From a Motionless Statue, qui n'auront malheureusement jamais été joués sur scène. Une interrogation persiste : où sont les claviers ? S'ils avaient une importance certaine sur les premiers albums de Textures, ils sont vraiment en retrait sur Dualism, ayant pour le coup un simple rôle de « texture » sonore, mis à part sur le bel instrumental Burning The Midnight Oil. Ceci dit, s'ils étaient retirés de l'album, une pièce du puzzle serait sans doute manquante. Bref, l'histoire de ce groupe, c'est celle d'un considérable gâchis de talent, qui avait d'ailleurs été repéré par un label français : Listenable Records. Nous en discutions en interview avec Laurent Merle, fondateur du label.
Nevermore – The Obsidian Conspiracy
Le 13 Décembre 2017, Warrel Dane s'éteint, alors en plein travail sur son second album solo, faisant suite à Praises to The War Machine. Alors que le deuxième anniversaire de son décès vient de passer, il est un peu triste de voir à quel point son nom a peu circulé dans les médias ou les communautés Metal. Car Warrel Dane était un chanteur au talent rare, capable d'impressionner dans le registre grave comme aigu, en plus d'être un fin parolier, traitant des sombres histoires de sa vie ou du monde froid comme l'obsidienne dans lequel nous vivons. Dane s'est illustré dans Sanctuary mais c'est clairement dans Nevermore que son talent s'est le plus exprimé, un groupe unique qui s'est séparé, entre autres, suite à de fâcheuses querelles pécuniaires en 2011. Huit ans plus tard, le leg de la formation est patent : sept albums dont au moins six sont remarquables, voire essentiels. Leur dernier disque, The Obsidian Conspiracy, a été assez froidement reçu à sa sortie, sans doute desservi par le fait qu'il avait été précédé par ce que beaucoup considèrent comme le chef d'oeuvre de Nevermore : This Godless Endeavor en 2005 (NdR : et on aurait dû mal à leur donner tort sur ce point). De plus, il aura fallu cinq ans au groupe pour sortir ce LP, une longue période qui a fatalement créé une énorme attente des fans, attisée par la réussite des albums solo de Warrel Dane et Jeff Loomis parus entretemps. Pourtant, The Obsidian Conspiracy est bourrés de qualités et réalise une brillante synthèse de tous les éléments qui ont fait le charme de la musique de Nevermore. Il y a d'abord les riffs dantesques signés Jeff Loomis, qui arrive encore à nous surprendre en sortant des plans parés d'un groove infernal, avec parfois une complexité déroutante et ce, dès l'intro de The Termination Proclamation. Il y a bien sûr la belle performance vocale de Warrel Dane, avec ce timbre et ces harmonies si particulières, qui sont une de ses signatures. Parfois prophète, parfois poète, il est épique et délicat sur Emptiness Unobstructed, possédé sur Your Poison Throne et tout cela à la fois sur un bon nombre d'autres morceaux, notamment She Comes in Colors. Evidemment, la section rythmique tient une place capitale, à commencer par la batterie de Van Williams. Avec son jeu véloce tout en puissance, il prouve une fois de plus qu'il est presque aussi essentiel au son de Nevermore que Jeff Loomis et Warrel Dane. C'est un disque plus accrocheur, direct et moins complexe que This Godless Endeavor, grâce au travail du producteur Peter Wichers sur les arrangements. Même s'il est difficile de ne pas rêver en imaginant ce qu'aurait été l'album sans que les compositions de Jeff Loomis ne soient "simplifiées" ainsi, The Obsidian Conspiracy est excellent tel qu'il est et parvient grâce à cela à avoir une place unique dans la discographie de Nevermore.
PS : Si vous êtes fans de Nevermore, nous vous conseillons vivement d'écouter l'album posthume de Warrel Dane, Shadow Work.
...Rillettes (ses chroniques) :Deafheaven - Sunbather
Pour tous les codes que cet album a brisé avec classe. Du post-black dans toute sa grandeur, qui a inspiré beaucoup d'albums de la seconde moitié de la décennie. Tant dans le fond que la forme, Sunbather aura énervé plus d'un puriste mais le constat est simple : il s'agit d'un album brillamment composé, frais, puissant. Sincère.
Spawn of Possession - Incurso
Car le Tech Death n'avait rien connu de tel depuis Epitaph, en 2004. On y croyait encore, au retour de la légende Necrophagist, en 2012... Et on l'attend toujours, secrètement. Mais on a pu se consoler avec Incurso et ses compositions baroques à rallonge, qui s'acoquinent avec les cordes et les choeurs comme aucun autre album de metal. Désarmant en termes de techniques, l'album ne perd pourtant pas son auditeur une seule seconde, l'entrainant avec lui dans un tourbillon de folie pendant plus de cinquante minutes ! Un exploit.
Behemoth - The Satanist
Si cet album apparaît ici, ce n'est pas pour ses qualités musicales. Bien que The Satanist soit un album assez correct, il ne fait clairement pas le poids face aux dizaines de chefs d'oeuvre du BM sortis durant cette décennie (Ascension, Aosoth, Mgla et j'en passe...) mais tout comme Sunbather, c'est un album qui a secoué la scène. Loin d'être une formation inconnue auparavant, c'est pourtant avec The Satanist que Behemoth a explosé en popularité. Raflant tous les prix de la presse professionnelle et amateur, les Polonais ont commencé à apparaître partout. Sur tous les festivals, dans toutes les salles, impossible d'échapper à la machine Behemoth qui s'est rapidement emballée au niveau marketing. Et Behemoth c'est surtout un homme : Nergal, dont le culte de la personnalité peut s'apparenter à ceux de Lemmy ou de James Hetfield. Musicien mais surtout business man et même "influenceur", que de chemin parcouru par Adam Darski depuis And the Forests Dream Eternally... The Satanist est peut-être le premier album de Black Metal "tous publics", et a certainement été la porte d'entrée au style de cette décennie pour nombre de profanes.
Archspire - Relentless Mutation
Ceux et celles qui ont lu ma chronique rétro sortie ce mois-ci le savent : je place cet album au même niveau que Incurso cité précédemment. Dans un autre style cependant : plus technique et véloce, moins grandiloquent mais tout aussi impressionnant. En gros, il faut compter deux branlées de Death Technique par décennie. Celle de 2010 s'achevant, j'ai plus que hâte de savoir qui nous fournira le prochain brûlot.
Vektor - Outer Isolation
Alors, oui, bon, c'est un peu de la triche car Vektor a sorti son premier album en 2009, mais j'ai choisi le deuxième disque car je le trouve plus abouti, plus mûr, meilleur en tous points. C'était un pari extrêmement difficile que de renouveler le Thrash : le style tournait en rond depuis une bonne quinzaine d'années. Les représentants du Big 4 US et du Big 3 teuton étaient tous en roue libre depuis un moment. Bref : on s'ennuyait un peu. Black Future en 2009 a mis le pied à l'étrier mais c'est en 2011 avec Outer Isolation que le groupe obtient enfin un minimum d'exposition et la reconnaissance qui va avec. En ajoutant du Prog à son Thrash, David DiSanto a redonné un sérieux coup de fouet au genre.
...Skaldmax (ses chroniques) :Deafheaven - Sunbather
On ne peut pas ne pas inclure Sunbather, ou l'album qui a retourné le Black Metal game et a ouvert bon nombre de perspectives pour ses successeurs. Paru il y a déjà quelques années, le disque rose bonbon reste présent dans le paysage Post-, qu'on l'aime ou qu'on le déteste d'ailleurs. Avec ses notes ensoleillées (poussées au max sur leur dernier bébé en date), ses tendances lorgnant vers l'Emo/Screamo, Deafheaven a créé une nouvelle brèche dans une ère de Black dissonant, encapuchonné et puant l'encens. La bande à lunettes et chemises sur-boutonnées a apporté une vague de fraîcheur non-négligeable dans ces années 2010.
Ulver - The Assassination Of Julius Caesar
Possiblement l'album que j'ai le plus saigné sur ces 10 ans, The Assassination Of Julius Caesar est en plein dans l'ère du temps avec ses sonorités 80's. Ulver a possiblement servi avec cette galette ses morceaux les plus accessibles et tubesques. Et comme à l'accoutumée, les Norvégiens montrent une qualité de composition relevée, avec mine de rien un disque collaboratif avec Sunn O))) et des morceaux classiques sur Messe à seulement quelques années d'intervalles.Blood Incantation - Starspawn
Le Death Metal traditionnel revitalisé a vécu de belles heures sous l'égide de Dark Descent Records, 20 Buck Spin et autres Profound Lore, parfois au grand dam de certains puristes ne jurant que par les héros fondateurs mais tant pis pour eux. Et parmi toute cette foule de groupes a surnagé un certain Blood Incantation, pas dénué d'influences (Morbid Angel en tête) mais ayant su apporter sa touche personnelle avec son Death Metal de l'hyperespace. Avec 3 disques parus cette décennie, les Américains n'ont pas déçu les espoirs qu'ils nourrissaient depuis leur premier EP. Starspawn est sans hésitation l'un des disques du genre à écouter, un game changer que l'on n'oubliera pas de sitôt.
... Raikage (ses chroniques)Hangman's Chair - This Is Not Supposed To Be Positive
Choisir le meilleur album de la décennie est une mission vouée à l'échec. Entre le Metal, le Hip Hop, le Rock, le Punk, la musique expérimentale, la musique électronique et j'en passe, impossible de lever la main d'un vainqueur bien haut. Alors, il a fallu choisir celui qui a le plus compté pour moi et c'est le quatrième album des parisiens dépressifs que voilà. Laissons de côté quelques minutes le côté musical (j'espère que ma chronique n'a pas trop vieilli avec le temps) pour se concentrer sur l'important, ces petites émotions qui deviennent grandes. Ce disque m'a longtemps accompagné à travers les bons moments comme les mauvais, il m'a permis de me faire des amis sur qui je peux aujourd'hui encore compter, il m'a rendu de très nombreux services et je suis assez fier aujourd'hui de pouvoir dire qu'il est l'album qui a le plus compté depuis sa sortie et que personne ne lui arrive à la cheville.Thou - Magus
Au sein d'une scène Sludge sclérosée par les clichés, les tendances un peu bas du front, parfois trop à droite pour moi, et trop souvent beauf comme il le faut, Thou est un phare. Il nous rappelle que le travail, le talent et une attitude 100% DIY, antifasciste, anticapitaliste, antifasciste, antisexiste, antihomophobe et bien plus encore est le meilleur moyen d'être apprécié sur le long terme. Je l'avoue, je vous un petit culte à ce groupe, collectionnant ses disques, suivant avec intérêt leurs nombreuses page instagram et si je me suis bougé jusqu'au Roadburn l'année dernière, c'est avant tout pour eux. Un disque d'une lourdeur effroyable, d'une beauté atroce qui dégage des raies de lumières aveuglants depuis la boue et la morosité ambiante. Si la deuxième décennie du XXIème siècle devait être mise en musique, alors ce serait incontestablement Magus qu'il faudrait choisir. Une petite période qui a vu une beauté increvable se nourrir du lisier qui nous enserre de plus en plus prêt pour briller de plus en plus ardemment. Chapeau.Deafheaven - Sunbather
Il semblerait que je ne sois pas le seul à apprécier ce disque et ça n'a rien d'étonnant. Au delà de son aspect historique, Sunbather est avant tout une œuvre complète. L'émotion qui s'en dégage, la rage des musiciens qui cherchent à échapper à leurs conditions terrestres misérables pour s'élever vers la transcendance y est grisante et déchirante. C'est tout autant un cri du cœur qu'un éclair de génie, une œuvre comme on n'en fera plus et c'est tant mieux.
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