Interview Mayhem le 15/12/07 - Rennes (ubu)

Quelques temps après le concert, nous eûmes accès aux cuisines de l'ubu, où se restaurait un Attila littéralement éreinté par sa récente prestation, couplée à  manque de sommeil flagrant. Malgré tout, le bonhomme s'est montré particulièrement aimable et détendu, aidé en cela par quelques « cigarettes qui font rire ».


Joff : Alors ce concert ?

Attila : Bien, très bien, étant donné que l'on a faillit annuler, je suis plutôt content. J'ai trouvé le public assez réceptif, et pour un premier concert de tournée, ça s'est mieux passé que je ne l'aurais pensé.

Joff : Le concert a faillit être annulé ?

Attila : Oui, comme tu as dû le constater, j'ai raté un bus... (l'interview était initialement prévue en fin d'après midi). J'étais coincé comme un idiot à Orly, arrivé de Hongrie, tandis que Blasphemer partait de Charles de Gaule, arrivé du Portugal... A six heures du soir j'étais encore dans la capitale, tandis que nous devions jouer 3h plus tard à Rennes... Fort heureusement j'ai réussi à trouver un train dans l'urgence, et nous avons pû jouer, avec du retard certes...

Joff : Et Necrobutcher et Hellhammer (respectivement bassiste et batteur) ?

Attila: Ils étaient là depuis longtemps à nous attendre, ils sont venu en bus de Hollande... Tout ça pour dire que j'étais plutôt contrarié aujourd'hui... pour parler pudiquement (soupir)

Joff : Et bien... en tous cas bravo pour le concert, ça a dû être dur avec toute la fatigue et le stress accumulés

Attila : Merci... pour tout vous dire, j'ai approché mes limites de nombreuses fois ce soir... (il a en effet la voix complètement cassée) et à vrai dire... j'adore ressentir cela... (petit moment d'absence) nous ne répétons jamais dans Mayhem, ce qui m'oblige à travailler beaucoup de mon côté, seul, afin de préparer ma voix pour les tournées... Blasphemer compose la totalité des morceaux, nous nous occupons d'être opérationnels de notre côté.

Joff : Ni toi, ni les autres membres n'ont pris part à la composition pour ce nouvel album ?

Attila : Non... Blasphemer est la tête pensante du groupe, Necrobutcher et Hellhammer sont là du fait de leur qualité en tant que musiciens, mais également pour préserver l'identité de Mayhem, du fait de leur ancienneté au sein du groupe... Quant à moi, j'ai écrit l'intégralité des paroles d'Ordo Ad Chao.

Joff : Et de quoi traitent-elles ?

Attila : C'est assez complexe... Dans les grandes lignes, l'album a pour thème central les éléments logiques qui relient l'ordre au chaos dans notre monde, dans notre quotidien. Pour illustrer cela, je fais référence dans ces textes à de nombreux grands textes et mythes de l'histoire, plus précisément, à la représentation que l'homme se fait du chaos depuis l'antiquité. (le vocaliste part alors dans une explication particulièrement longue et riche, en évoquant les tablettes sumériennes, la ceinture d'Orion, nombre de mythes chrétiens, les pyramides de Guizeh...).
Tous ces mythes, tous ces éléments historiques ont été réinterprétés de toutes les façons possibles par les religieux du monde entier, qui refusaient toute autre explication de l'existence des hommes sur cette terre que leur création par un Dieu unique. Au travers de ces textes, j'ai tenté d'amener une réflexion sur ce refus... Mais je suis bien conscient que cela ne reflète pas le point de vue de tous les croyants, je n'ai aucun problème avec le fait que tu sois juif, chrétien ou musulman...j'ai simplement voulu proposer ma vision des choses par rapport aux positions des différentes institutions religieuses sur la vie, l'ordre et le chaos et ce tout au long de l'histoire...

Joff : Mais dès lors, pourquoi uses-tu d'artifices comme un crucifix inversé sur scène ?

Attila : Parce que cela renvoie à une idée de contestation de cette institution religieuse, il ne faut pas forcément prendre ce que je fais sur scène au pied de la lettre.

Joff : Mais ne regrette tu pas qu'une partie du public ne vois alors pas plus de ta part qu'une simple reproduction de tous les clichés satanistes utilisés dans le mouvement Black Metal depuis sa création ?

Attila : A vrai dire cela m'importe peu... j'ai mes idées, et je ne suis pas sur scène pour faire de la propagande. Pour ce qui est du satanisme en soi, ma vision de la chose est assez simple: si Dieu existe, alors que quelqu'un me le prouve, en attendant, je demande simplement:  « Si Dieu existe, alors pourquoi pas Satan ? »

Joff : Est-il vrai que pour te perfectionner, tu as eu récemment recours à des cours de chant avec une ancienne chanteuse d'opéra ?

Attila : C'est exact. Le fait que des chanteurs d'opéra parvenaient à se faire entendre dans de gigantesques salles sans avoir recours à des méthodes d'amplification m'a toujours interpellé. Je suis donc allé voir cette vieille dame, sans lui spécifier d'où je venais, pour lui demander de m'enseigner des techniques sur la respiration, l'utilisation de la gorge, du ventre, ce genre  de choses...

Joff : Tu travailles toujours ces techniques ?

Attila : Oui, cela fait plusieurs années maintenant.

Joff : Par exemple, à la fin de « Anti », sur le dernier album (à 3:06 précises pour être exact), lorsque tu es seul avec Necrobutcher, comment produit tu ce son si grave ?

Attila : Un des musiciens d'Aborym (l'une de ses anciennes formations) qui jouait dans des groupes de Death Metal par le passé, m'a parlé de cette technique de chant qui consiste à produire un son grave en inspirant (Attila nous gratifie d'une petite démonstration pour le moins impressionnante).
Il suffit d'inspirer, en serrant sa gorge au maximum.

Joff : Sur scène, le rendu était franchement impressionnant...

Attila : Merci. Comment avez vous trouvé le costume (Attila avait revêtu ce soir un costume de bourreau intégral, cagoule comprise) ?

Polo : Très bien, ça collait bien avec l'ambiance, et puis le fait de te voir te tordre dans tous les sens, sans que l'on ne puisse voir ton visage avait un effet assez saisissant à vrai dire...

Attila : Tant mieux, le seul problème était que je ne pouvais pas voir grand chose derrière cette cagoule...

Polo : Tu n'as pas vu le mec qui est monté sur scène et qui a dansé de la Tecktonik à côté de toi avant de slammer sur le dernier morceau ?

Attila : Il dansait quoi ? (intrigué)

Polo : Oublie ça... (rires)

Attila : Je me souviens maintenant que tu m'en parle, je n'ai pas très bien compris ce qu'il faisait... ça me rappelle certaines soirées goth que j'ai passé à Londres, avec tous ces gens défoncés qui dansent bizarrement... c'est amusant quand tu es dans l'ambiance !

Joff : Et toi, as tu déjà pensé à apporter des élements indus ou électro à la musique de Mayhem ?

Attila : Non. Mayhem doit rester pur. Une formation rock de base, rien de plus.

Joff : Pour ce qui es de tes activités extérieures à Mayhem, tu chantes toujours dans Sunno))) ?

Attila : Tout à fait, nous avons donné un concert la semaine dernière à Paris... j'aime jouer avec ces gars, la majorité du temps, rien de ce que nous faisons n'est calculé, il y a une énore part d'improvisation, et chacun peut laisser libre cours à ses délires. Il ne s'agit pas de musique dans sa forme basique, mais d'énergie, d'atmosphères... et c'est un plaisir immense sur scène, vraiment j'adore ça.

Joff : Pourrais tu revenir sur ton intégration dans Sunno))) ?

Attila : C'était en 1995, alors que je ne donnais quasiment pas d'interview, Stephen O Malley ( guitariste de Sunno))) ) m'a interviewé, il travaillait pour un fanzine à l'époque. Il m'a alors donné une maquette en me demandant de le rappeler si j'étais intéressé pour poser des lignes de chant sur un morceau en tant qu'invité. J'ai trouvé l'idée intéressante, puis nous avons enregistré cette chanson de 20 minutes, « Symptoms Of Kali Yuga » sur l'album White2. Nous sommes toujours resté en contact depuis.

(Un roadie arrive alors pour demander à Attila de rejoindre le reste du groupe dans le bus d'ici peu)

Attila : On a encore un peu de temps, d'autres questions ?

Joff : Si tu devais établir une comparaison entre ta situation au sein de Mayhem à l'époque de De Mysteriis Dom Sathanas et actuelle ?

Attila : A l'époque de De Mysteriis... j'avais subis beaucoup de pression pour enregistrer mes voix, du fait de la longue listes de candidats qui s'étaient proposés avant moi ainsi que des attentes du public, du fait que je remplaçais le précédent chanteur qui s'était suicidé. Cela remonte à 1993... et je me souviens que l'enregistrement s'est passé pour ma part de façon très instinctive, naturelle... quasiment toutes les lignes de chant que tu peux entendre sur l'album sont issues de premières prises. Pour le nouvel album, j'ai enregistré la totalité des mes lignes de chant en 3 jours, sans répétitions préalables... je connaissais les morceaux bien sûr, mais tout s'est passé de manière très instinctive une nouvelle fois. (Arrive alors un membre de l'organisation qui nous propose de continuer l'interview avec Blasphemer dans le bus).

Joff : Juste avant de partir, nous voudrions te faire part du fait que le chanteur d'un groupe de Death Metal français nommé Trepalium était dans la salle ce soir, il était venu fêter son anniversaire en voyant Mayhem pour la première fois...

Attila : Vraiment ? C'est excellent ! (grand sourire) J'espère qu'il a apprécié le concert !

(Le temps pour Attila de s’habiller pour sortir, Polo en vient à parler musique avec ce dernier, et alors qu’ils évoquent le phénomène Slipknot en abordant le sujet des groupes intègres ou non, Attila lui confie alors qu’il est fan de Slipknot, qu’il est très ami avec Joey Jordison et qu’il était présent le jour où Korn a recruté ce dernier comme batteur pour la dernière tournée… chose qui nous prouve l’ouverture d’esprit du vocaliste, on est en effet bien loin de certains discours d’actualité qui tendent à dire que Darkthrone serait devenu mainstream !)

(Nous arrivons ensuite dans le bus, dans lequel Blasphemer a bien voulu répondre rapidement à quelques questions)

Joff : J'ai remarqué ton T Shirt My Dying Bride sur scène ce soir, et justement je voulais te demander de nous faire part des influences Doom qui sont par moment flagrantes sur ce nouvel album, comme par exemple durant le final du morceau « Illuminate Eliminate ».

Blasphemer : J'ai toujours aimé le Doom, Electric Wizard, My Dying Bride entre autres sont de réelles influences pour moi, mais de telles sonorités sont déjà décelables sur Grand Decleration Of War (2000) ou encore Chimera (2004), peut être sont elles plus évidentes sur ce nouvel album, mais cela n'a en tous cas rien de nouveau.

Joff : Justement, il est clair que ton intégration au sein du groupe il y a maintenant plusieurs années de cela a considérablement contribué à faire évoluer la musique du groupe, ce qui n'a pas toujours été, tu le sais mieux que nous, du goût de tout le monde...

Blasphemer (agacé) : Nous y revoilà... Je n'ai rien à prouver à qui que ce soi encore une fois... Et cet éternel débat à propos d'intégrité, de ce qui est True et de ce qui ne l'est pas ne sera jamais qu'un support de masturbation intellectuelle pour des personnes complètement obtues et bien souvent complètement extérieures à l'environnement du groupe, que ce soit des ados attardés cachés derrière un pseudonyme sur un forum ou n'importe quel donneur de leçon qui la plupart du temps n'est même pas musicien lui même ou n'a jamais rien accompli en tant que tel... J'en ai plus qu'assez que l'on me rabâche à longueur de temps comment devrait sonner Mayhem, nous sommes un groupe qui n'a pas peur du changement et ceux qui ne peuvent comprendre cela n'ont qu'à aller se faire foutre... Vous avez aimé le concert ? Cela vous a touché, choqué ou ému, alors c'est là le seul critère à prendre en compte, tout le reste n'a pour moi aucune espèce d'importance... (il se lève, visiblement très fatigué) Maintenant si vous voulez bien m'excuser...


(Fort heureusement pour nous, nous avons pu retrouver juste après un Attila toujours d'excellente humeur, et c'est après quelques verres que nous avons quitté le vocaliste, qui s'en allait avec le reste du groupe pour Bordeaux, pour un concert durant lequel ce dernier était déguisé en lapin, confirmant ainsi le  côté très second degré du personnage, qui par son attitude et sa présence dans le quartet norvégien a su contribué à offrir un nouveau visage à Mayhem, accentuant ainsi l'aspect si controversé du groupe légendaire).



 

Tortue Rouge (Janvier 2008)

Un grand merci à Fred de Garmonbozia et à Marylène sans qui cette interview n'aurait jamais vu le jour.

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