Live report - I Love UFO/We Insist! Point Éphémère

Me voici donc au Point Éphémère pour une soirée sous le signe du rock bruitiste et du post hardcore qui tâche façon Krautrock à la bière. En guise de propulseur de watts nous avions donc deux groupes parisiens : I Love UFO de retour après une pause et les rois du Noise Rock français, We Insist!

C'est dans une salle particulièrement remplie (et qui le restera jusqu'à la fin) qu'I Love UFO fait son entrée sur scène. Inconnu au bataillon avant ce concert, je découvre donc la musique du trio sur les planches embrumées du Point Éphémère. Et quelle jolie surprise! Le groupe nous offre en guise d'introduction un bon gros larsen des familles, annonciateur de la déflagration noisy à suivre. Les deux premiers morceaux, assez Post-Punk dans la forme, font lentement entrer la foule compacte dans la douce folie qui la guette. C'est à partir du troisième morceau, d'une rythmique particulièrement enlevée, que le set décolle. Tandis que les fumigènes absorbent peu à peu les trois artistes, le bruit ressort et perce tous azimuts l'opacité. Le groupe continuera en ce sens, balayant d'assauts bruitistes leur Post-Hardcore à tendance métallique. 

Ce qui marque à la vue de la prestation d'I Love UFO, c'est cette tendance à lorgner vers une transe qui rappelle le Krautrock, notamment avec la communication entre la basse et la batterie, parfois à la limite du Jam. Une transe particulièrement efficace, bien souvent basée sur une rythmique implacable à partir de basses bouclées. Comme si Fugazi avait fait un petit avec Faust en somme. Sur un niveau plus technique, le son est vraiment bon, d'une belle chaleur laissant parler la puissance des morceaux. Le clavier multitâche (basse, éléments électroniques, parfois guitare) ne jure pas dans le set, donnant à entendre des sons bien distincts à s'y méprendre.

Mention spéciale au chanteur, particulièrement remuant et au chant toujours impeccable dans tous les domaines abordés : chuchotement, chant clair, hurlement etc. On peut dire qu'il vit sa musique, tant il se donne du début à la fin, possédé qu'il est par la musique du trio.  Le set se termine avec un dernier morceau à l'image du set : riff mélodique très efficace agrémenté d'un solo déstructuré noisy qui conclu le show comme il l'a commencé : dans le bruit.
Une très belle découverte donc, j'attends la suite des événements avec impatience. 


©cri photographie

C'est maintenant au tour de We Insist! de fouler la scène du Point Éphémère. Groupe phare de la scène Noise Rock/Post-Hardcore française, We Insist! est de retour en 2014 avec un (excellent) nouvel album éponyme et une série de concerts. Maintenant devenu un trio après s'être séparé de deux de ses membres, me voilà face aux trois parisiens pour la première fois. C'est dans une salle pleine à craquer que les trois membres font leur entrée. Le groupe est attendu et cela se ressent. Après des années à bourlinguer, jusqu'à jouer dans un kebab (!), les ondes positives dégagées par cette foule compacte a certainement dû émouvoir le trio.

La musique de We Insist! est particulièrement difficile à catégoriser, ce qui est loin d'être une mauvaise chose. Empruntant parfois des lignes de chants à la Tool, de l'énergie de Fugazi, de la déstructuration à la Faraquet ou Medications, toujours dans un esprit Rock N' Roll "in your face" et avec un côté Noise accentué. Les genres et sous genres s'enchaînent, parfois dans le même morceau, pour le plus grand plaisir de la salle qui a pourtant bien du mal à remuer face aux assauts du trio. Même constat d'ailleurs pour I Love UFO, qui eux aussi donnaient pourtant dans l'efficace et le sautillant. Le groupe enchaîne beaucoup de morceaux de leur très bon (oui j'insiste) dernier opus, et messieurs dames que ça tape fort! Le son est absolument dantesque et le groupe distille les claques dans la tronche sans commune mesure. My Fiend's Lonely Mate et sa partie instrumentale jouissive ou encore Grinding Down The Pole ont été de parfaits exemples de l'efficacité des dernières compositions du groupe.


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Autre particularité du groupe, le batteur tient également le rôle de chanteur. Même s'il m'est arrivé à plusieurs reprises de voir cette configuration, mon admiration est sans limite pour ces drôles de personnages, surtout lorsque c'est si bien exécuté. La musique de We Insist! prônant l'inventivité rythmique et les ruptures brusques de tempos, parvenir à tenir les lignes de chants (assez variées) du groupe en même temps que de battre la mesure relève du miracle. Défi relevé brillamment par Étienne Gaillochet, qui s'est révélé être aussi un excellent frontman lorsqu'à deux reprises il a quitté ses fûts pour entonner d'anciens morceaux.

C'est d'ailleurs sans doute mon seul regret, tant l'énergie déployée par le Freddie Mercury du rock bruitiste fait plaisir à voir lorsqu'il est devant la scène. Du haut de sa magnifique moustache, véritablement possédé par sa musique, il entraîne avec facilité la foule. De retour dans leur format habituel, le groupe dégage moins d'énergie scénique. Les deux autres musiciens, bien qu'excellents, ne semblent pas aussi à l'aise que le charismatique batteur/chanteur. Le groupe conclu le set par un morceau assez progressif, avec un début en douceur qui évolue rapidement vers une basse répétitive planante, ponctué d'un solo de guitare dantesque.
À l'image de cette très belle soirée passée au Point Éphémère, avec deux groupes novateurs tout en restant d'une efficacité redoutable. Le rock alambiqué français se porte très bien, et messieurs vous n'y êtes pas pour rien. Bravo.


Un grand merci à Guillaume de Vicious Circle et Étienne de We Insist!
Merci également à Christel pour ses belles photos, d'autres sont disponibles sur son Tumblr