Chronique live de The Mars Volta le 15/03/05 - Paris (Elysée Montmartre)

  Le grand soir est arrivé et le public ne s'y est pas trompé. C'est un Elysée Montmartre complet depuis près de deux mois et demi qui s'apprête à recevoir un des groupes les plus excitants de ces dernières années. Il en va de même pour la plupart des dates de leur tournée et c'est donc à prix d'or que s'arrachent les derniers sésames, aussi bien devant la salle que sur internet.  Les minutes s'écoulent tant bien que mal, alors que personne ne semble prêter attention aux titres latinos que diffuse Dj Nobody, l'énigmatique première partie de ce soir. La chaleur monte peu à peu dans la fosse, instaurant ainsi un climat proche de celui d'El Paso, ville d'adoption de nos hôtes du jour. Les lumières s'éteignent après plusieurs sollicitations du public, mais la transe est en passe de débuter lorsqu'une musique digne des films de Sergio Leone résonne dans la salle. Les protagonistes entrent alors en scène dans l'ombre sur cette épique musique : attachez vos ceintures...décollage imminent.
 
  "Drunkship Of Lanterns" est le premier titre choisi par les texans et nous rassure sur le fait que les compositions bénéficieront d'une richesse comparable à celle des albums. Outre les membres habituels, on retrouve aux percussions/samples le jeune frère d'Omar Rodriguez, qui arbore une volumineuse chevelure similaire aux deux initiateurs de The Mars Volta. Mais le line-up de ce soir sera également complété par un musicien pluridisciplinaire (flûte traversière, saxo alto/classique, maracas), garant de la touche latine des compositions. Cet entame se révèlera à l'image des deux heures de concert qui suivront, alliant brillamment psychédélisme, énergie et talent technique. Puis le "Tremulant Ep"  sera mis à l'honneur avec la chanson "Concertina", brillante composition flirtant avec les dernières réminiscences de l'époque At The Drive In. Le spectacle est visuellement au rendez-vous de par le charisme propagé par la plupart des membres de The Mars Volta. Cedric Bixler est tout simplement électrisant : danse frénétique, jet de micro à en faire pâlir Roger Daltrey de The Who, et surtout cette voix d'une justesse rassurante. Les autres membres du groupe ne sont pas en reste, puisque Isaiah Ikey Owens se pose en véritable Ray Charles sous acides devant ses synthés. Que dire d'une des pièces majeures du combo en la personne de Jon Theodore derrière les fûts, impressionnant métronome arborant sur sa grosse caisse ce qui pourrait résumer la démarche des Volta : "La Liberté Ou La Mort". Omar Rodriguez, quant à lui, nous expose sa fusion avec le manche de sa Gibson, maltraitant ses gammes au gré des ambiances tantôt survitaminées, tantôt expérimentales.
 
  Les morceaux qui suivront ne feront que confirmer leur statut. En effet, nous sommes ce soir au beau milieu d'un carrefour dans lequel s'entremêlent rock, psychédélisme 70's, jazz, soul, funk, blues, punk, progressif et musique sud-américaine. C'est donc ici que se fera la démarcation au sein de l'assistance, dans le sens où The Mars Volta procèdera à de longs et remarquables intermèdes d'improvisation. Certains regretteront l'abordable efficacité des titres de "De-Loused In The Comatorium" (le rouleau compresseur "Roulette Dares", ou la tornade "Take The Veil Cerpin Taxt"), et d'autres se laisseront porter par ces passages hypnotiques et floydiens. Une seule question est de mise : comment ne pas s'attendre à de tels passages à l'écoute préalable de "Frances The Mute" ? Il est évident que Bixler et ses comparses allaient procéder de cette manière, pour peu que l'on connaisse leur démarche créatrice en perpétuelle mutation, qu'on la comprenne, que l'on y adhère, ou les trois réunis.
 
  C'est ce qui se produira sur "Cygnus Vismund Cygnus", dans lequel le talent de chaque musicien, sans exception, est mis en exergue (cf. le break dément de Juan Alderete à la basse) pour un résultat transcendant d'homogénéité. Le titre se terminera par ce cosmique et puissant passage électro, assez anecdotique sur l'album  mais qui fait son petit effet sur l'Elysée Montmartre. On revient ensuite sur terre avec le blues désertique du single "The Widow". Cela reste probablement le morceau plus conventionnel de ce soir, mais il apporte néanmoins un côté poignant au concert grâce à la touchante interprétation de Bixler, aidé par un saxo des plus plaintif. La grande question de ce 15 mars allait, sans plus tarder, connaître sa réponse. Allaient-ils la jouer ? Eh bien oui, The Mars Volta débute les premiers spasmes de "Cassandra Gemini", morceau totalisant au compteur près de 35 minutes à lui seul. Il semblerait que beaucoup ce soir n'ait pas écouté ce morceau au vue du calme qui s'empare de la fosse, probablement effrayée par sa structure bien que celle-ci ne soit pourtant pas avare en intensité (tant rock que psyché). La prestation des deux leaders chevelus est à son paroxysme, Omar Rodriguez installant cette contradictoire sensation de maîtrise qui ne tient qu'à un fil, ainsi qu'une parfaite communion à l'égard de ses pairs. Cedric Bixler de son côté tient son micro loin de lui, mais sa puissance vocale parvient tout de même à nos oreilles : juste impressionnant. Après un dernier refrain parachevant une inexorable et psychotropique montée, les lumières se rallument brutalement pour nos petites consciences éloignées. Les acclamations sont fournies, mais aucun rappel ne s'effectuera après ce tempus fugit de deux heures.
 
  Un concert de The Mars Volta est donc une expérience unique. Le groupe sublime la musique progressive des années 70 tout en restant tourné vers l'avenir, et dispose de surcroît d'une impressionnante présence scénique. On peut noter l'absence de certains hits tels "Televators", "Eriatarka", ou "Inertiatic ESP", mais ce n'est que pure gourmandise d'enfant gâté. On peut regretter aussi le manque de communication entre le groupe et son public si l'on se place dans la situation d'un concert lambda. Mais c'est indubitablement à un autre niveau que cela se passe, loin du sol et directement d'un subconscient à l'autre. Revenez vite.

Jokito (Mars 2005)

Partager :
Kindle
A voir sur Metalorgie

Laisser un commentaire

Pour déposer un commentaire vous devez être connecté. Vous pouvez vous connecter ou créer un compte.

Commentaires

Pas de commentaire pour le moment