Persefone, Poem, et Daturha La Boule Noire (Paris), le 14/04/2017

Persefone est tellement rare sur les scènes françaises que votre serviteur à fait le déplacement de Toulouse à Paris pour les voir (et quitte à faire le déplacement, Metalorgie a aussi réalisé une interview-fleuve à l'occasion, à lire ici). C'est donc toute une odyssée logistique qui de met en place, la découverte de nouvelles têtes, d'une nouvelle salle, qui donne une dimension encore plus unique à ce concert.

Les parisiens de Daturha (rien à voir avec Daturah, attention) ont la lourde charge d'ouvrir pour Poem et Persefone. C'est la seule date de la tournée pour eux, les autres concerts de faisant à deux groupes seulement. Le quatuor commence à dix-neuf heures pétantes pour asséner d'entrée de jeu un Death Prog bourrin, peu subtil mais relativement efficace, au chant tantôt en clair (d'une justesse suffisante mais qu'on aimerait plus confiant, affirmé), tantôt en growl (d'une hargne suffisante mais qu'on aimerait plus vénère encore). Même si les compos du groupe font le taff, elles ne sont pas particulièrement brillantes d'originalité et la sonorisation et un poil brouillon (on entendra à peine la basse, en tendant bien l'oreille. Dommage, car le jeu du bassiste, sur fretless cinq cordes, semble clairement intéressant). Le frontman à la fâcheuse tendance d'exploiter CHAQUE accalmie pour demander si ça va, si on est là, si on est chaud, ou si on peut faire du bruit. Même si sur le coup ça lasse, avec le recul on l'excuse : les jeunots sont heureux et fiers d'être là, ça se voit sur eux, et on sent que c'est cet engouement et cet accomplissement que le guitariste-chanteur essaye de nous faire percevoir. Et cette fougue compense tous les légers défauts de Daturha. Une première partie sympa, en somme, qui ouvre peut-être des portes à ce jeune groupe, à la fois plein de potentiel et d'axes d'amélioration.

Les Grecs de Poem prennent ensuite possession des lieux. Autant le dire d'emblée : leur album Skein Syndrome m'avait laissé perplexe. Sans être à jeter, le disque m'avait semblé un peu fade, et la production me paraissait décevante. En live par contre... Dès les premiers instants, Poem suinte le professionnalisme. Tout est carré, la sonorisation est impeccable, le jeu de scène est minimaliste mais prenant.
Le quatuor ouvre sur Passive Observer, le single et morceau d'ouverture de leur dernier effort. Rappelant un peu Pain Of Salvation par leur côté Metal mais pas trop, Poem propose un Prog simple mais puissant, cherchant dans l'émotion plus que dans la technique, et comme les Suédois, sur-utilise les incroyables capacités vocales de leur guitariste-chanteur. Officiant principalement en voix claire pleine de feeling, Georges Prokopiou sait aussi s'aventurer sur un terrain plus costaud en semi-saturant son chant, voire en utilisant quelques screams. Véritable moteur de la dynamique du groupe, les vocales s'adaptent à chaque ambiance : tantôt humain et intime dans l'intro de Giant (seul titre issu du premier album, les six autres sortent donc du récent Skein Syndrome), tantôt rapide et imagé (couplets de Fragments), parfois brûlant de passion ou de rage. Et pour mieux laisser cette fougue s'emparer de la Boule Noire, le frontman délaissera sa guitare sur Remission Of Breath, se focalisant sur le micro et le headbang, pour un final envolé, habité, pendant que guitariste et bassiste concluent à l'unisson sur un riff en tapping qui, bien que groovy, transpire avant tout l'urgence et la sincérité. Véritablement scotchant.

Le changement de plateau est cette fois un peu plus long. Peut-être est-ce voulu, pour laisser le temps d'encaisser l'inattendu coup de cœur asséné par les quatre Grecs. Ou pour me laisser le temps de faire du social avec des indigènes locaux. Du coup, j'ai fait les deux, et j'étais finalement prêt pour Persefone.

Sans surprise, la tête d'affiche ouvre son set sur le titre d'ouverture de son dernier album. Le sample de voix de Paul Masvidal fait son effet, et quand les musiciens entrent en lumière, la foule est compacte (bien plus que lors des deux premières parties) et déjà convaincue. Apres l'intro One Of Many, les Andorrans enchaînent sans temps mort sur le titre qui fut le premier extrait d'Aathma, Prison Skin. Toujours instrumental jusqu'alors, le concert prend une autre dimension avec l'arrivée sur scène de Marc Martins. Arpentant le devant de la scène de droite gauche, de gauche à droite, d'un pas rapide, le regard vénère au possible, le vocaliste a l'air d'un fauve en cage. Bien qu'on n'entende absolument pas son chant pendant les premiers instants, le micro est vite réglé et le son redevient parfait. Le frontman peut alors montrer l'étendue de ses talents de crieur, tant dans les hurlements aigus typés Black que dans les growls bien caverneux et les plus Death possible.
Persefone poursuit avec un titre de Shin-Ken (Kusanagi) puis un de Spiritual Migration (The Great Reality). Aucun extrait des deux premiers ne sera joué, mais les trois derniers disques seront équitablement représentés pendant cette démonstration de force d'une heure et demi. La set-list est bien choisie, pensée pour confronter les facettes agressives, calmes, et progressives de la musique du sextet. Les Andorrans nous laissent le temps de respirer grâce à des interludes aériens au piano ou à la guitare clean (jamais samplés !), on reconnaîtra plusieurs Books et le récent Cosmic Walkers. Mais pendant les moments forts, le groupe est métamorphosé, Marc Martins est une bagarre à lui tout seul, et le furieux sautera d'ailleurs de scène à plusieurs reprises pour venir se confronter aux mosh-pits parisiens. Tout en dichotomie, le show vit une accalmie pendant Purity, chanté intégralement par Moe Espinosa dont le chant clair est impeccable pendant tout le set. À cinq sur scène, sans ce chanteur quasi-animal pour capter l'attention, toute la puissance, le feeling, et la précision du jeu des musiciens se révèle, Carlos Lozano en tête. Ses leads de guitares sont propres, virtuoses, débordants de groove, mais l'aisance des nouveaux membres (Bobby Verdeguer à la batterie et Filipe Baldaia à la guitare) n'est pas en reste même s'ils sont moins démonstratifs.
Marc Martins revient sur scène torse nu, prêt à en découdre. Toute la hargne qu'il ne donne pas au micro, il l'évacue dans sa gestuelle. Une vraie boule de nerfs, qui annonce au public conquis, quelques pistes plus tard, un dernier titre : Fall To Rise. Un prétexte pour se jeter dans la fosse à nouveau, pour finir sur un circle pit digne de ce nom, dans lequel le chanteur attire sans ménagement le plus de monde possible (tout en étant le premier à s'arrêter pour relever les quelques personnes qui chutent).
Persefone a à peine le temps de sortir de scène que la foule scande déjà leur nom. Ils ne seront pas longs à revenir pour jouer Flying Sea Dragons et Mind As Universe avant de définitivement quitter les planches, non sans avoir serré autant de mains que possible. On retrouvera les gars dans la salle quelques instants après, remerciant les gens d'être venus, signant des disques, tout sourires : non contents de nous faire passer un excellent moment musical, Persefone nous propose aussi un rapprochement humain, à l'image des thèmes philosophiques de leurs dernières parutions.

Zbrlah (Avril 2017)

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