Devin Townsend et compagnie à Paris Bataclan (31/01/2017)

L'annonce d'une tournée avec Devin Townsend, Between The Buried and Me et Leprous sur la même affiche avait de quoi en attirer plus d'un, exprimant trois facettes différentes du genre protéiforme qu'est le metal progressif. La question était de savoir si faire jouer trois groupes avec un statut de tête d'affiche fonctionnerait.



Leprous

Même si on pourrait argumenter que Leprous est devenu un nom au moins aussi important que Between The Buried and Me dans la scène progressive, il semblait logique de les voir ouvrir la danse. En effet, les Norvégiens évoluent et tournent régulièrement depuis moins longtemps que le combo américain. De toute façon, la différence entre le premier et le deuxième créneau revenait à cinq minutes de set en plus, soit pas grand chose. Leprous commencent leur concert sur "Foe", un choix étonnant étant donné que c'est tout sauf leur titre le plus accrocheur. En tout cas, on peut déjà entendre que le son est excellent. Chaque musicien est clairement audible, permettant de réaliser à quel point ce groupe est devenu une machine de guerre aujourd'hui.



Les cinq musiciens contribuent chacun de leur manière à cette puissance, mais c'est particulièrement vrai grâce au jeu hallucinant de virtuosité de Baard Kolstad. Le chemin parcouru par ce jeune gringalet d'à peine vingt cinq ans est impressionnant, et son approche de la batterie a littéralement métamorphosé depuis sa première tournée avec Leprous fin 2013. La chrysalide a éclos, donnant naissance à un des meilleurs batteurs de metal actuel, tous styles confondus. Chaque plan est pour lui l'occasion d'exprimer sa créativité , mais on retiendra particulièrement le couplet de "The Price", avec une attaque caisse claire / charleston qui laisse pantois.



Pour le reste, Leprous est dans une forme rarement observée depuis que le groupe tourne, et c'est surtout valable pour Einar Solberg, dont le chant est puissant et sans failles ce soir. La setlist est focalisée sur The Congregation, donc pas de "Passing" ou de "Forced Entry" en final ce soir, au profit de la désespérée "Slave". Evidemment ces 40 minutes sont passées bien vite, et il va être difficile pour les deux autres d'égaler ce niveau d'intensité.






Between The Buried and Me

Les américains commencent judicieusement leur set sur "White Walls", qui est sans aucun doute leur plus connu, en plus de comporter quelques segments admirablement bien écrits. Ce titre est le modèle type d'une chanson de Between The Buried and Me, avec beaucoup de changements rythmiques et une usine à riffs qui allie des passages mélodiques à des explosions de pure agression. Une partie de leur renommée s'est construite là-dessus, la performance du combo est comme d'habitude à couper le souffle. La mise en place est proche de la perfection, y compris dans les moments les plus exigeants d'un point de vue technique. Rares sont les groupes à atteindre ce niveau d'exécution sur scène, avec une musique aussi complexe.



Mais, le son demeure moins précis que pour Leprous, particulièrement au niveaux des guitares, et la voix de Tommy Rogers aurait pu être plus en avant dans le mix, d'autant plus que le chanteur est plutôt bien en voix ce soir. D'ailleurs, on peut noter un effort de sa part pour ne pas rester immobile sur scène et bouger plus qu'à l'accoutumée. Mais la performance reste très statique, et Tommy a du mal à la porter seul scéniquement. Cela vaut aussi au niveau vocal : les autres musiciens sont trop concentrés pour s'occuper des harmonies, faisant que le chant n'a pas la même intensité que sur disque. Par dessus le marché, il est difficile pour un groupe avec une telle musique de passer après Leprous, qui est plus accessible, accrocheur et actif sur scène.



Mais le combo a plus d'un tour dans son sac, les titres de Coma Ecliptic ont le mérite d'être moins surchargés que le reste de leur répertoire, avec quelques parties très efficaces. D'ailleurs on peut remarquer que le public se réveille un peu, après avoir été jusqu'à présent nettement moins agité que pour le premier concert, alors que la salle s'est considérablement remplie.



Bref, Between The Buried and Me se sont ce soir une fois de plus confirmés comme un grand groupe à écouter. Mais il est difficile de se démarquer sur une affiche face à des musiciens étant aussi rompus à l'exercice d'électriser une foule.




Devin Townsend


Devin Townsend, l'homme de tous les superlatifs, bipolaire autant dans sa personnalité même que dans sa musique. Si Transcendance n'est pas un chef d'oeuvre, il contient malgré tout quelques pépites qui pouvaient rendre son concert vraiment mémorables.



Et ça part plutôt bien avec "Rejoice", et ses riffs pachydermiques lourds au possible. Sur un tempo lent, le son est correct, et Devin est pareil à lui même, jouant tout en faisant des grimaces ou faisant un signe à une personne dans le public. Le groupe enchaîne sur une chanson d'Ocean Machine, témoin de la créativité déjà débridée de Devin à l'époque, surtout si on prend en compte que cet album est sorti la même année que City [!]. On peut d'ailleurs remarquer qu'elle est chantée plus grave que sur album, ce qui est de bonne guerre en tournée.



Malheureusement le niveau d'intensité ne va pas rester aussi haut toute la soirée. La faute à la setlist qui va dériver vers des titres moins marquants, en plus d'avoir un son approximatif dès que le groupe joue des parties plus complexes. C'est criant avec un titre comme "Planet of The Apes" où les guitares sont happées par la batterie dans le mix. C'est tout de même un comble que Devin ait le son le plus baveux de la soirée, alors que c'est probablement lui qui a la musique la plus facile à sonoriser par rapport aux deux autres groupes.



Mais le chauve canadien sauve le concert du plantage avec son charisme, et surtout, sa voix. Devin Townsend reste clairement un des meilleurs chanteurs de l'histoire de la scène metal, en scream comme en chant clair d'ailleurs.   Etonnamment, c'est dans les passages sans distorsion qu'il se fait remarquer ce soir. On peut aussi saluer sa décision de faire appel à un claviériste plutôt qu'à une énième couche de sample, qu'il utilise toujours pour le chant néanmoins. Eh oui, il est difficile de d'incorporer des choeurs quand on est le seul à chanter dans son groupe !



Le concert repart tout de même sur de bons rails en fin de set, avec le son qui redevient intelligible et des chansons plus accrocheuses comme "Suicide" et le désormais classique "Kingdom". On touche la fin du concert, mais Devin nous rassure " Ne vous inquiétez pas, j'ai dit que c'était la dernière chanson,  mais je vais revenir dans deux minutes après m'être essoré un peu."



En parlant de sudation, on peut dire que l'humanité profonde de cet artiste transpire particulièrement  lorsqu'il revient pour jouer "Ih Ah" en acoustique. Seul sur scène, il s'arrête parfois pour faire des blagues ou réagir aux invectives du public. Qu'on le veuille ou non, rares sont les musiciens qui se mettent autant à nu sur scène. Mais pitié, qu'il reprenne un bon ingé-son.

Neredude (Février 2017)

Photos : Arnaud Dionisio / © 2017 Deviantart
Toute reproduction interdite sans autorisation écrite du photographe.

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Commentaires

letatarLe Jeudi 16 février 2017 à 00H17

Même bilan à Bordeaux le lendemain:

Leprous excellent mais prestation beaucoup trop courte.

Between The Buried And Me accueilli froidement par rapport aux 2 autres groupes. Triste pour eux car leur prestation n'est absolument pas en cause. Pour une même qualité sur scène, le retour du public était 100 fois meilleur l'année dernière pour leur tournée en tête d'affiche.

Cela faisait longtemps que je n'avais pas oublié mes bouchons anti-bruit pour un concert. Sale coïncidence, le son était mal équilibré et surtout beaucoup trop fort pour Devin Townsend Project. J'en ai voulu à l'ingé-son pour mes acouphènes pendant 3 jours. Au-delà du confort d'écoute, j'ai trouvé que cela modifiait désagréablement le timbre de Devin sur certains passages en chant clair. Heureusement ce gars est impressionnant de maîtrise vocale, de puissance et de charisme ! Si bien que malgré un son dégueulasse et sans apprécier plus que ça sa musique, j'ai passé un super moment.