Motocultor 2016 - Jour 1 Saint Nolff - 19/08/2016

Le Motocultor Festival s’est déroulé les 19, 20 et 21 août derniers à Saint Nolff, près de Vannes. Connu à la fois pour sa programmation riche et variée - cette année : Children Of Bodom, Mayhem, Neurosis, Carpenter Brut, Soulfly, Ministry par exemple - mais aussi pour ses quelques désagréments (attentes à l’entrée lors de l’ouverture ou au très critiqué stand restauration), nous étions donc à la fois enthousiastes et sur nos gardes pour ce cru 2016. 

Cette année le festival a modifié son implantation : le parking, désormais à l’extérieur de l’enceinte, est un peu plus éloigné mais le camping et le site lui-même sont agrandis. De plus, les grandes scènes Dave Mustage et Massey Ferguscène sont abritées sous des chapiteaux tandis que la Supositor Stage, bien qu’en plein air, est située en contrebas d’une pente entourée d’arbres et offre ainsi au public une bonne vue.

La veille des festivités, les organisateurs annoncent qu’il n’y aura pas de running order distribué suite à un problème de prestataire... dommage pour ceux qui ne l’auront pas imprimé. L’organisation disait pourtant avoir fait le nécessaire en l’imprimant en grand format dans l’enceinte du festival, mais en dehors de trois feuilles gribouillées format A4 à la sortie du parking et au stand de boules Quies, c’était quand même un peu léger. Par ailleurs, les premiers campeurs auront entendu la pluie s’abattre une bonne partie de la nuit sur la toile de leur tente. Elle continuera toute la matinée et la première partie de l’après-midi, l’occasion de sortir les ponchos et d’être beaux en bottes. 
Si l’attente pour la pose des bracelets est assez courte, celle pour entrer sur le site est malheureusement sensiblement équivalente à l’année dernière. Avec seulement deux files pour contrôler plusieurs centaines de festivaliers et leurs sacs, certaines personnes devront patienter près d’une heure sous la pluie. Ce problème, déjà soulevé l’an dernier, est hélas toujours présent mais s’améliorera nettement les deux jours suivants. En outre, une nouvelle surprise du chef nous attend au moment de la fouille. Alors que l’orga n’avait pas communiqué à ce sujet, on apprend qu’aucune nourriture n’est autorisée dans l’enceinte du festival. Aux portiques de contrôle, les festivaliers doivent donc manger ou jeter leur bouffe. Si l’intérêt commercial des organisateurs peut se comprendre, la pilule reste difficile à avaler car à notre connaissance c’est la première fois que nous voyons une telle pratique sur un festival. Ainsi, certains n’hésiteront pas à se rendre au camping ou au parking pour se ravitailler, quitte à manquer un groupe sur l’affiche le temps de faire les allers-retours et d’autres réussiront évidemment à faire passer nourriture et boisson en douce. 

Mais le principal justifiant notre déplacement étant bien entendu la musique, nous rentrons dans le vif du sujet et commençons notre journée par Witchthroat Serpent. Le Stoner / Doom des Toulousains est toujours aussi classique, on l’a déjà entendu très souvent (notamment au Crumble Fest de Montaigu en juin dernier), mais il demeure efficace et puissant sur scène malgré un dernier album un peu poussif. Ce premier concert sera aussi l’occasion de constater un rendu sonore impressionnant sous la Massey Ferguscène, en particulier sur la batterie et les guitares. C’est gras et ça claque comme il faut, tout ce qu’on attendait pour une entrée en matière idéale.




Barabbas avaient fait sensation au Fall of Summer 2015, et après avoir transformé l’essai dans les salles franciliennes aux côtés (entre autres) d’Hypno5e et Lord Vicar, on ne pouvait qu’accueillir avec joie leur retour sur une grande scène comme la Massey Ferguscène. Voilà un groupe avec un concept implacable : des riffs lourds et massifs, associés à une mise en scène et des paroles à la fois occultes et kitsch, avec une justesse qui frise le génie. Ou l’improbable compromis entre le sludge NOLA à la Down / Crowbar et l’esthétique de films de sorcières de série B avec, on le devine, une grosse louche d’humour. On laissera le lecteur juge avec ces quelques titres : "Horizon Golgotha", "Judas est une femme", "Moi, le Mâle Omega ». Mais attention, il ne faut pas croire que Barabbas sombre dans la parodie !



Le groove et la puissance déployés par le groupe sont impressionnants, notamment grâce sa paire de guitaristes qui a un son de tueur, tout en distillant des riffs qui font honneur à l’héritage de Tony Iommi. Leur chanteur a une voix rauque  et profonde qui se marie parfaitement au style, et le bougre se met rapidement le public dans la poche avec un jeu de scène dynamique, notamment par le fameux sacrement de la « bière-nédiction » de l’Eglise du Saint Riff Rédempteur (NDLR : selon le vocable du groupe). Bref, Barabbas, ça tabasse, et si vous aimez le Doom qui sent bon le bayou, c’est une valeur sûre de notre belle scène française.

En fin d’après-midi Holy Moses est sur la Supositor Stage. Les Allemands envoient avec conviction un Thrash somme toute classique mais se démarquent principalement grâce à sa frontwoman Sabina Classen. La quinquagénaire à la voix éraillée de camionneur n’a rien à envier à ses collègues et pourrait même donner des leçons à quelques uns. Elle alterne aisément le chant clair et le growl et ne lâche rien de tout le set. Le groupe pioche dans ses premiers albums sortis fin 80, début 90 et un tout petit peu dans Redefined Mayhem de 2014. Le public répond présent, ne se montre pas timide pour slammer et n’hésite pas à monter en masse sur scène à l’invitation de Sabina pour la reprise des Dead Kennedys, "Too Drunk To Fuck", ultime morceau joué.

Les belges d’Atmospheres me sont totalement inconnus. Pas de label, a priori deux albums référencés depuis leur création en 2012 et néanmoins pas mal de gens qui se sont déplacés pour les voir ou les découvrir. C’est donc quatre jeunes gens en formation guitare / basse / batterie / claviers + chant qui nous accueillent pour une musique à la croisée du Post-Rock et du Metal-Progressif. Les riffs et rythmiques syncopés sont liés à des passages plus ambiants et posés, parfois aidé d’un chant très atmosphérique, plus proche dans le rendu d’une sorte de fondu dilué que de véritables paroles. Comme si Pelican et Uneven Structure avaient fusionné.



 Mais l’important c’est que les gars en veulent, surtout l'énergique bassiste fort motivé et souriant, et que Atmospheres arrive à nous emporter à travers 40 minutes de secouage de nuque et de passages qui nous font quitter la terre ferme. Il manque peut-être un petit quelque chose qui les fasse passer au stade supérieur, notamment sur l’écriture qui demanderaient à être encore poussée, mais en l’état c’est déjà fort satisfaisant et une belle découverte.

En début de soirée Grave prend possession de la Dave Mustage. 
Ce SON putain. Je ne sais pas qui a sonorisé les patrons du Death Metal suédois, mais très certainement le mec doit être sourd, tellement c’était FORT. Nul doute possible, Grave a bénéficié de la sonorisation la plus forte du festival et même avec des boules Quies on en reprenait pour son grade. La prestation des Suédois est clairement à la hauteur de ce qu’on pouvait attendre du groupe.



C’est gras, sec, sans compromis et les mecs ne s’emmerdent même pas à te caler un riff un peu groovy ou un break qui détonne. Quand à des mélodies… soyons sérieux. En bref, ça tabasse de partout et file à toute vitesse, peu importe les titres dont il faut sans doute être un grand fan du groupe pour capter l’intégralité de la setlist. Le groupe joue quand même pas mal (de ce que je reconnais) de morceaux des deux premiers opus : Into The Grave et You’ll Never See… 50 mn de growl caverneux, de riffs sales et de pounta pounta débilisants. C’était vraiment bien.


C'est à Rotting Christ que revient la charge de suivre après Grave
On m’avait prévenu. Premier live des black-metalleux grecs pour ma pomme, et première mandale aller-retour sous la Dave Mustage, à la puissance sonore équivalente à sa voisine. Scénographie superbe à base de symboles du malin, charisme dément des quatre protagonistes en grande forme.



 Les morceaux du dernier album Rituals - pourtant en demi-teinte - sont transfigurés et cassent la bouche à l’ensemble d’un public ultra réceptif et enflammé, venu en nombre. L’ambiance est mystique à souhait et les mines ébahies à la fin du concert finiront de satisfaire un groupe manifestement ravi d’être là.

Malgré un net changement dans sa programmation ces deux dernières années, la présence de groupes comme le Naheulband à cette édition 2016 prouve que le Motocultor ne renie pas son affection pour la déconne. Pour rappel, le Naheulband n’est autre qu’une émanation de la saga audio humoristique Donjon de Naheulbeuk, créée par John « POC » Lang aux débuts de l’internet haut débit en France. De cette longue aventure parodiant l’univers des jeux de rôle médiévaux sont nées des chansons, devenues cultes les fans, et voir le Naheulband sur scène est l’occasion de les entendre.
Et déjà, le concert commence sur une petite déception : visiblement, POC n’a pas pu se libérer pour l’occasion et c’est dommage. Voir le Naheulband sans lui, c’est un peu comme voir Death sans Chuck Schuldiner (sans mauvais esprit) ! En tout cas, jouer la musique du générique de Game of Thrones en introduction aura vite fait oublier cela et, il est vrai, mis le feu d’entrée de jeu. Le mérite de ce groupe, outre le fait de faire vibrer la corde nostalgique du festivalier, c’est de ne se pas se prendre au sérieux, le chanteur avouant en riant qu’ils sont « l’erreur de casting du festival ». Erreur ou pas, si on écoute comme les chansons sont entonnées par le public, l’ambiance est au rendez-vous. Toutes les plus connues sont de la partie, comme "La Marche Barbare", mais aussi d’autres curiosités comme une reprise humoristique de "La Laine des Moutons" ou de "The Final Countdown" avec même un clin d’œil à "A Tout Le Monde" de Megadeth.
Le Naheulband n’oublie également pas de faire un détour par du power metal kitsch, servi par le guitariste de Qantice. Que ça soit à la six cordes ou au banjo, sa technique est irréprochable. Evidemment, le concert doit avoir nettement moins d’intérêt pour les non-initiés au Donjon de Nauheulbeuk, mais gageons qu’ils seront allés headbanguer avec Entombed AD, qui jouaient en même temps sur la Supositor Stage. Après avoir commandé un « wall of calin », la réaction au wall of death, le Naheulband tire sa révérence avec sa chanson la plus connue "Mon Ancêtre Gurdil", dernière occasion pour l’audience de s’époumoner, marquant la fin de cette pause sans prétention avant la reprise des blast beats.

Pendant ce temps, après la déflagration Black Metal vivifiante de Rotting Christ il fallait bien un petit Entombed AD en extérieur pour faire retomber les ondes négatives, mais c’est plutôt le son qui tombait régulièrement et se relevait par à-coups (merci le vent). Malgré cette gêne récurrente, la prestation des Suédois n’est malheureusement pas plus convaincante que lors de leur passage au Hellfest. On sent toujours bien l’expérience des gaziers, c’est carré, puissant (enfin on l’imagine du fond de la Supositor), mais l’implication fait défaut, des Suédois en mode “pilote automatique”. Dur aussi de passer après les Grecs, qui ont simplement cassé le game du vendredi.



Pour nous Fleshgod Apocalypse sera la purge en attendant Shining. Le Brutal Death très technique difficilement supportable des Italiens atteint son summum de perforation tympanique quand ils osent ajouter du chant lyrique sur leur mixture déjà pas bien engageante. On a mal, mais on prend notre mal en patience pour la suite.



C’était une belle surprise de plus que de voir les norvégiens de Shining aussi haut sur l’affiche. Il faut dire que depuis le concert de clôture de la Temple au Hellfest 2015 , ils avaient eu le temps de prouver qu’ils étaient un groupe on ne peut plus performant sur scène. Et bim, ils montent sur scène avec "I Won’t Forget", un titre qui résume bien leur performance. C’est puissant, très efficace et complètement maîtrisé. Le son est d’une précision impressionnante, tout en étant très puissant, ce qui rend le tranchant de leurs riffs indus encore plus jouissif. Jorgen s’en sort plutôt bien à la voix, et impressionne toujours autant dès qu’il pose la SG pour empoigner son saxophone, histoire d’ajouter un peu de folie improvisée à ce qui ressemble de plus à plus à du Nine Inch Nails version norvégienne (plus débridée donc).



Si le dernier album avait pu en décevoir certains, on constate que les nouveaux morceaux sont taillés pour les concerts, notamment le rythme pachydermique de "1000 Eyes" ou la furie de "Burn It All". En final, pas de reprise de "21st Century Schizoid Man", mais la désormais classique "The Madness and The Damage Done", qui encore une fois concentre bien ce qui se passe à la fois sur scène et dans la fosse. Avec cette dernière avalanche de slams, les Norvégiens ont montré une nouvelle fois qu’ils ne sont pas là pour faire de la figuration !

Metalorgie Team (Octobre 2016)

Photos : Florian Denis

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