Anders "Blakkheim" Nyström (Katatonia, Bloodbath) Le Divan du Monde, Paris, le 15 mai 2014

Katatonia n'a jamais été particulièrement stable au niveau de son line-up, mais récemment le groupe a dû faire face à deux départs coup sur coup, ce qui ne les a nullement empêché de mettre sur pied cette tournée acoustique, une première pour les Suèdois. Quelques poignées de minutes avant leur passage sur la scène du Divan du Monde, nous avons pu aborder ces sujets parmi d'autres avec Anders "Blakkheim" Nyström, guitariste, compositeur et membre fondateur du groupe.

Vous avez débuté la semaine dernière votre tournée "Unplugged and Reworked", quel a été la réaction du public jusqu’à présent ?

C’est au-delà de nos espérances ! Nous étions tous nerveux à l’idée d’entamer cette tournée, de jouer assis, entièrement en acoustique, sans batterie, sans distorsion, sans tout ce à quoi nous étions habitués. Mais ça fonctionne super bien et la réponse du public est formidable à chaque concert, d’autant plus que les spectateurs n’ont jamais l’air d’en avoir eu assez et réclament des rappels à chaque fois : c’est le plus beau compliment qu’on puisse nous faire ! Car des fois la réaction peut être contraire, du genre "c’est bon, j’en ai eu assez" ou "ok c’était bien, mais faut que j’y aille" (rires).

Il y a eu plusieurs départs au sein du groupe récemment, Per Erikson en février et Daniel Lilkjevist en avril. Avez-vous pensé à un moment à annuler ou à repousser cette tournée "Unplugged and Reworked" ?

C’est vrai que ces deux départs sont arrivés très rapidement, et nous ne pouvions rien y faire. Mais nous ne nous sommes pas laissés affecter par ces évènements, car cette tournée avait été décidée depuis longtemps et il fallait qu’on mène ce projet à son terme. Avec l’aide de nos amis, cela a été possible. Nous avons Bruce Soord de The Pineapple Thief qui nous a rejoint à la guitare, c’est un très bon ami de Jonas, ils ont un groupe ensemble, Wisdow Of Crowds, et nous avons aussi JP Asplund aux percussions. C’est lui qui a enregistré les percussions sur Dethroned and Uncrowned, donc c’était vraiment évident qu’il avait entièrement sa place sur la tournée, alors que notre batteur n’avait rien fait sur l’album (rires). Ils nous ont sauvé les miches !

Avec tous ces problèmes de dernière minute, avoir pu mettre sur pied et réussi à assurer cette tournée doit être une sacrée satisfaction ?

Oui complètement ! Au départ, nous ne savions pas si nous serions capables de réaliser un tel projet, et là nous avons prouvé que c’était possible. Je pense que cette satisfaction se voit sur scène, chaque soir (rires).

Comment avez-vous trouvé le temps nécessaire pour préparer et répéter cette tournée acoustique, et en même temps composer et enregistrer le nouvel album de Bloodbath ?

En fait, on n’a pas trouvé le temps, on a seulement cherché à ce que ça fonctionne sur les deux plans. Tu rentres chez toi, tu te couches, tu te lèves le matin et tu t’y remets, pas de coupures, pas de repos, beaucoup de travail… Mais si tu as la détermination, la volonté et surtout de bonnes idées, ça marche !

C’est la première fois que vous jouez entièrement en acoustique, est-ce que cette idée vous est venue juste après avoir eu l’idée de l’album Dethroned and Uncrowned ?


On ne pensait vraiment pas faire une tournée complètement acoustique au départ, on ne pensait même pas faire une tournée du tout, mais il y a eu une demande grandissante du public, et forcément il nous fallait y répondre (rires). Notre management s’est penché sur la question, pour savoir s’il y avait des tourneurs et promoteurs intéressés par un tel projet, et d’un seul coup, nous avons reçu plusieurs offres de tous les côtés ! Et pour certaines, on ne nous proposait pas seulement de jouer dans des salles de concert, mais carrément dans des églises (NB : le groupe a joué dans 2 églises en Allemagne (Bochum et Berlin), et à l’Union Chapel de Londres le lendemain du concert parisien). Ça sortait de l’ordinaire et du coup nous sentions que ça valait vraiment le coup de s’investir à fond pour que ça se réalise. Car en temps normal, une église n’accueillerait jamais un groupe de metal (rires). La formation acoustique était parfaite pour ce type de configuration, et on a vraiment pris beaucoup de plaisir à y jouer ! Ça fait de beaux souvenirs.

Vous ne jouez pas uniquement des chansons issues de Dethroned and Uncrowned, comment avez vous choisi les autres chansons de la setlist ?

On a commencé par choisir les plus simples (rires). On a d’abord regardé du côté des ballades, car forcément sur une tournée acoustique c’est le genre de titres que le public attend. Puis on s’est penché sur les chansons qu’on jouait rarement en live, c’est comme ça qu’Unfurl s’est retrouvé dans la liste, et puis aussi la première chanson avec du chant clair qu’on ait faite, Day, tirée de l’album Brave Murder Day, qu’on n’avait jamais jouée en live ! On a essayé aussi de faire la balance pour que chaque album de notre discographie soit représenté, pour couvrir toute l’histoire du groupe. Et on a fini avec dix-sept chansons.

Vous aller filmer votre concert de demain à Londres, est-ce que vous avez prévu quelque chose de spécial pour ce concert là ?

Ce concert sera identique aux autres concerts de la tournée, à l’exception que nous aurons une guest…

Son identité est secrète ?

Demain soir, elle ne le sera plus ! (rires) (NB : il s’agissait de Silje Wergeland, la chanteuse de The Gathering)
 
Lors des festivals d’été, vous n’avez pas prévu de jouer en acoustique, pourquoi ?

En fait on n’avait pas vraiment réfléchi à la question. En fait, ces concerts là sont bookés tellement longtemps à l’avance. A l’époque forcément la tournée acoustique n’était pas encore sur pied, donc nous avons signé pour assurer des concerts "traditionnels", avec guitares électriques, batterie… Mais c’est vrai que maintenant que les organisateurs ont la possibilité de voir de quoi nous sommes capables en acoustique, ils pourraient changer d’avis. Mais je ne suis pas sûr que des festivals soient le meilleur lieu pour un show acoustique de ce type, ça pourrait sonner bizarre... Et en même temps ça pourrait être sacrément intéressant de tester ça, d’aller à contre-courant des autres groupes justement. Surtout si nous avions la possibilité de jouer de nuit, avec les lights et les bougies, ça serait parfait ! Merci pour cette idée en tout cas, ça me plaît et je vais la garder en tête. De toute façon, je pense qu’il y aura une suite à cette tournée acoustique.

Concernant votre dernier album, Dethroned&Uncrowned, comment vous est venue l’idée de cette réinterprétation de Dead End Kings ?

En fait, nous y avons pensé alors même que nous étions en train d’enregistrer Dead End Kings, nous travaillons souvent piste par piste pour les morceaux et souvent nous nous disions "whoa, ça sonne pas mal du tout, tout seul !". Plusieurs passages paraissaient plus jolis en enlevant le côté heavy et aggressif. Nous n’y avons donc pas pensé tout de suite mais c’est venu progressivement, à force d’écouter et réécouter les pistes et d’avoir tout le temps ce même sentiment. Nous nous sommes dit qu’il fallait peut-être creuser plus dans cette direction… Mais nous avons avant tout décidé de finir l’album d’abord, de la façon dont nous l’avions imaginé au départ, c'est-à-dire énervé, à la Katatonia. Et nous nous sommes dit que ça serait la meilleure façon de réussir à convaincre notre label de nous donner une chance avec cette idée d’album version douce, alors même que nous ne savions pas vraiment la direction que nous allions prendre. Une fois que nous avons eu notre premier titre à leur faire écouter, nous sommes allés les voir en leur disant "voila ce dont on est également capable de faire à partir de la même chanson !" et ils ont été agréablement surpris, et nous ont donné leur feu vert pour la suite !

Est-ce qu’il a été difficile de réarranger ces chansons pour en faire des titres calmes ?

Nous n’avons pas rencontré de difficultés à proprement parler. La partie la plus simple a été de retirer des chansons toutes les pistes qui tapaient de trop, il n’y avait qu’à effacer, rien de sorcier et c’était plutôt marrant en fait ! A côté de ça, il y avait des chansons qui avaient des progressions très particulières avec certains passages lourds ou énervés, et qui ne passaient pas du tout bien en acoustique, donc il fallait réarranger ça et ça a constitué un vrai challenge pour certaines, mais rien d’insurmontable.

Vous n’avez pas tout réenregistré pour Dethroned&Uncrowned ? Qu’avez-vous conservé des pistes de Dead End King ?


On n’a gardé que les claviers, pour servir de nouvelle base, et par-dessus, nous avons réenregistré tous les autres instruments.

Sans la campagne de crowdfunding sur Pledge Music, auriez-vous pu sortir Dethroned & Uncrowned ?

Je pense que non ! Nous avons mis en place cette campagne pour se donner les moyens de mener le projet à terme, car au début le label n’avait pas vraiment compris ce qu’on souhaitait faire avec cet album. Mais une fois qu’ils ont eu l’album entier entre les mains, ils ont bien évidemment validé. Cette campagne nous a donc permis de financer l’album sans avoir à leur demander une avance.

De plus en plus de groupes ont recours au crownfunding, que penses-tu de cette nouvelle façon de financer des projets artistiques ?


Je trouve ça très intéressant, et c’est également une bonne chose à partir du moment où tu as de vraies idées à concrétiser, et que tu souhaites cependant rester indépendant ! Si tu ne veux pas que tout repose sur les épaules de ton label, c’est vraiment une option valable. Mais après, il y a également des côtés négatifs. Notamment pour moi, ce qui me gênait vraiment c’était de déterminer jusqu’où nous pouvions aller dans la contrepartie à offrir en échange des participations. J’ai vu des groupes offrir des primes tellement bizarres…Que ça finit par ressembler plus à un cirque qu’à autre chose !

Oui, du genre "venez manger une pizza avec nous !"

(Rires) Totalement !!! Et qu’est ce que tu peux proposer après ça ? (rires) Dans ce domaine, le plus important est de conserver son intégrité.

À quoi pourrait-on s’attendre de la part de Katatonia pour les années à venir ? Après avoir testé différents styles, du metal au rock en passant donc pas l’acoustique récemment, seriez vous éventuellement intéressés par la musique symphonique, ou carrément la musique électronique ?

Comme tu le sais, nous sommes très ouverts ! C’est sûr qu’il y a quelques années, nous ne pouvions pas imaginer à quel point le groupe évoluerait, donc pour le futur, on ne peut rien exclure (rires). On pourrait effectivement expérimenter avec une dose de musique électro ou symphonique, ou carrément revenir à nos racines et se remettre à jouer de la musique bien heavy, sans clavier ! Tout est là, il s’agira pour nous de faire au moment donné la musique qui nous paraîtra représenter le mieux Katatonia.

Quelles sont vos principales sources d’inspiration dans le groupe ?

Ce sont les mêmes que lorsque nous avons débuté. Ce genre d’influences t’accompagnent toute ta vie, et grandissent avec toi. C’est quelque chose d’intemporel en quelque sorte, comme tout ce mouvement heavy-metal, pris dans son ensemble, ça fait partie de moi quelque part. Mais en vieillissant je me rends compte que je deviens de moins en moins ouvert d’esprit, alors j’ai toujours cherché à contrebalancer ces influences avec de plus récentes, qui peuvent venir de partout, tous les jours, rien qu’avec les groupes qui jouent en première partie pour nous ! Il y a eu plusieurs fois des groupes qu’on ne connaissait pas du tout qui nous ont mis des baffes. Il faut faire l’éponge, et absorber tout ce qui passe à sa portée ! C’est le secret de tout musicien accompli.

Quels groupes écoutes-tu en ce moment ?

Ah, là il faudrait que je regarde dans mon iPod ! (rires) C’est très varié. Il y a du Behemoth par exemple et également des tas de choses par des compositeurs traditionnels comme la chanteuse norvégienne Ane Brun par exemple. Tu vois, c’est un peu deux mondes différents si tu les compares (rires), mais c’est comme pour la nourriture, ce n’est pas agréable de manger tous les jours le même menu ! (rires)

Que peut-on attendre du nouvel album de Bloodbath ?

Attendez vous au truc le plus sale, le plus brutal, le plus anti-commercial possible, ce sera une œuvre musicale totalement corrompue ! (rires) À la fin de cette tournée, on va se remettre à travailler dessus, et j’ai vraiment hâte qu’il sorte !

Quand sera révélée l’identité du nouveau chanteur ?

C’est une très bonne question ! Nous avons surtout à nous dépatouiller de quelques questions pratiques vis-à-vis de labels, pour être en règle. Et aussi, on ne veut pas simplement poster un message sur Facebook "voici notre nouveau chanteur", au contraire, on veut que ça tape, et le meilleur moyen, ça serait que tout vienne ensemble, c'est-à-dire la sortie de l’album, ou au moins d’un teaser de l’album et la révélation du nom du chanteur, que les gens puissent se faire une idée directement, plutôt que de parler dans le vide et se baser uniquement sur le background du chanteur pour critiquer, ça serait le pire qui pourrait arriver ! Car ce qui importe, ce n’est pas ce qu’il est, ou ce qu’il a fait avant, mais ce qu’il fera avec Bloodbath.

Grum (Juillet 2014)


Merci à Anders pour sa disponibilité et sa bonne humeur.
Merci à Roger et Replica Promotion pour nous avons organisé cette entretien.
Et merci au Divan du Monde pour l'accueil.

Partager :
Kindle
A voir sur Metalorgie

Laisser un commentaire

Pour déposer un commentaire vous devez être connecté. Vous pouvez vous connecter ou créer un compte.

Commentaires

Pas de commentaire pour le moment