Solitone 2017, Bordeaux

Le groupe de Screamo / Post-Hardcore bordelais Solitone, a sorti un premier deux titres fin 2016. Metalorgie revient sur la genèse du projet, ses influences et sa première oeuvre que l'on peut écouter sur bandcamp.

Que signifie Solitone ?

Hugo : Ca vient du mot "soliton" qui est le nom scientifique d'un certains type d'ondes, qui ont une fréquence infinie tant qu'elles ne rencontrent pas d'obstacles, les tsunamis ou les ondes satellites sont des "solitons". On a rajouté un "e" pour adoucir un peu le mot enfin c'est comme ça que je le vois.
 
JP: J'avais découvert ce que c'était dans un manga (Gunnm) où les combats faisaient intervenir tout un tas de phénomènes physiques complexes. Je suis pas sûr d'avoir bien tout pigé, mais l'idée d'un mouvement qui ne faiblissait pas me plaisait. Ca peut aussi renvoyer aux mots "solitaire" et "tone" en anglais. Trouver le nom fut un sacré parcours du combattant et quand on a trouvé celui-là, on était tous soulagés et satisfaits.

Le fait que votre première sortie s’intitule Première Vague n’est pas innocent à mes yeux. S’il symbolise la "première pierre" ou la première marche gravie, on peut également établir un parallèle entre la montée progressive d’une vague et l’intensité croissante d’un morceau comme Nous Sommes Les Invisibles. On retrouve alors l’idée d’une cohérence, d’une harmonie entre le fond et la forme d’une certaine façon, qu’en pensez-vous ?

Hugo : moi je vois vraiment dans le nom du disque une cohérence avec le nom du groupe (le tsunami) et le fait que ça soit notre première réalisation. Quant à la monté du morceau je sais pas trop car on l'avait fini alors qu'on avait pas encore trouvé de nom pour le groupe. Peut être un coup de chance que tout s'imbrique ou alors qu'on a juste trouvé là où on voulait aller pour l'instant. 

Yannick : Comme dit Hugo, on a lutté pas mal sur le nom du groupe, et une fois trouvé ça, on trouvait ça assez cool d’avoir un univers cohérent pour le groupe. La montée sur le morceau Nous Sommes Les Invisibles ça vient plutôt de l’amour d’Hugo pour le Post-Rock, il en fout partout ! (rires)

Même constat pour votre logo réalisé par Léa Julie. On y retrouve la métaphore de la vague, mais contenue dans un cercle qui évoque l’Enso de la calligraphie japonaise. Outre la beauté purement esthétique du logo, il y a également une cohérence avec la partie musicale. Sur la forme tout d’abord avec le parti pris esthétique pris sobre et épuré par le biais d’une patte graphique évoquant l’art Japonais. Un choix spontané de l’artiste ?

Hugo : Alors pour le coup tu vas vachement loin dans ton analyse haha c'est juste un gros coup de bol ! Léa (ma compagne) s’essayait à la linogravure un après-midi et a réalisé ce dessin parmi plein d'autre trucs et en le voyant j'ai dis "mais c'est exactement le logo qu'il nous faut pour le groupe". Je l'ai montré aux garçons et ils ont dit oui tout de suite. C'est pas plus compliqué !

JP: Après je pense que c'est pas si anodin que ça. On a quand même un attrait particulier pour la culture japonaise et notamment la musique. C'est pas étonnant qu'on ai accroché tout de suite à cette esthétique. Et le coté sobre et épuré colle bien avec ce que l'on fait finalement (une seule guitare, assez peu d'effets...). C'est assez naturel comme approche.

J’y vois aussi une cohérence avec les textes : la vague enfermée dans un cercle qui peut représenter la révolte contenue à l’échelle individuelle, isolée au milieu d’un espace vide. D'où la curiosité de savoir si l’artiste a eu accès aux textes avant de vous proposer ce logo.

Hugo
: Pas du tout, et Léa n'est pas du genre à s'inspirer de textes ou autre, elle fait plus appel aux images qui l'inspirent autour d'elle et sa sensibilité. Donc maintenant oui on peut essayer de faire une lecture de la sémantique du logo en transparence des textes mais c'est pas comme ça que ça c'est fait. Tu vas plus loin que nous! (rires)
 
Yannick : La vague, c’est une idée qu’on avait quand on cherchait un visuel pour coller au nom du groupe, mais sans vraiment savoir comment mettre ça en place. On est tellement des billes en graphisme, que les seules fois où on a fait des sessions de brainstorming, on s’est retrouvé avec des horreurs ! Du coup, quand on a vu ce logo, ça a été le coup de foudre direct, mais on a pas réfléchi aussi loin pour la symbolique.

Le texte vindicatif de Nous Sommes Les Invisibles semble scindé en deux parties. La première épouse le point de vue de l’auteur, la seconde partie celui de l’interlocuteur. Il y a cette idée d’une opposition affirmée là encore tant dans le fond que dans la forme. Cela sied assez bien au morceau en lieu même scindé en temps partie : on part du Punk / Hardcore pour arriver au Post-Rock. Comment percevez-vous ce recours aux contrastes et au mariage des contraires dans tous les aspects du groupe ?

Hugo : En fait au début j'avais composé un morceau avec pleins de pattern et de changement de tempo qu'on a finalement pas vraiment gardé et je trouve que le contraste se construit plus comme un dégradé que comme une coupure franche. Yannick sera plus inspiré que moi pour répondre.

Yannick : Le texte a pas mal évolué avec le temps, ça part souvent d’un premier jet (la première partie date de ce moment là), et la suite reprenait les passages scandés du début mais en essayant de s’en détacher. Ca me semblait trop redondant et j’ai préféré développer ce côté "à la marge", des gens qui essaient de sortir un peu des carcans de ce qu’on peut leur éduquer, leur montrer dans la vie de tous les jours, pour essayer de proposer quelque chose de différent et plus en accord avec eux mêmes. Je t’avoue que j’avais pas du tout fait exprès qu’il y ait cette dualité, je pense que c’est le fait d’y être revenu après coup qui donne ça (le morceau est le deuxième qu’on ait composé, donc ça fait presque deux ans qu’on a la structure, les premières paroles datent de là, alors que les modifications datent d’il y a un an).



Même constat pour le texte d'Un Verre De Lait composé essentiellement de rimes embrassées. A cette nuance près qu’on est davantage ici dans le récit d’une histoire. Quel a été la source d’inspiration de ce texte ? 

Hugo : Un livre, non ?

Yannick : Effectivement, ça vient du livre Un Verre De Lait, S'il Vous Plait de Herbjørg Wassmo. Le livre est hyper marquant, dérangeant et pesant, j’ai tendance à pas mal m’identifier en plus dans ces cas là, du coup c’était quelque chose qui me tenait à cœur, j’avais besoin de sortir ça. Là aussi le texte a pas mal changé, au départ c’était à la première personne, mais ça marchait moins bien. 

Plus globalement, pourriez-vous nous faire part de certaines références musicales et extra-musicales qui aient compté pour vous ?

Hugo : C'est assez varié. Pour moi je dirais : Daïtro, Envy, Sport, Baton Rouge, beaucoup de groupes Emo français. Sur les cotés Post-Rock et guitare à déelay on est plus sur Explosion In The Sky, Foals, Toundra. Y en a plein je m'arrête là. Mais en vrai je suis un fan hardcore de Metallica.

Yannick : Niveau musique j’écoute pas mal de groupes de la scène Screamo de la belle époque, Daïtro, Amanda Woodward, Mihai Edrisch… Tout ce qui colle aux différentes vagues Emo, que ce soit ancien ou plus récent, en général ça me parle bien, pas mal de Post-Rock, de Math-Rock, du Punk et du Hardcore. En ce moment je suis plus sur du Néo Classique, j’ai une addiction à Olafur Arnalds et Max Richter. Et ya encore tellement de trucs que ça serait sans fin, j’aime pas trop me cantonner à un seul style sinon je m’ennuie. 
Hors musique j’essaie de lire au maximum, que ça soit des romans ou des essais, pas mal de comics aussi, je vais beaucoup au cinéma et je m’enquille des séries aussi quand je peux. J’aime bien jouer, je suis un grand fan des derniers jeux de Naughty Dog : Uncharted et The Last Of Us, c’est à la fois une claque visuelle tout en ayant un scénario hyper prenant, ils sont pas tombés dans le piège du monde ouvert et ça me plait.

JP: C'est assez varié pour moi aussi : Converge, The Dillinger Escape Plan, Nasum, Rotten Sound, Envy, Orchid, Cult Of Luna, Neurosis, Perturbator, les OST de jeux rétro, un peu de Hip-Hop aussi, etc... 

Pierre
: Très varié mais pour Solitone, tout en essayant de rester le plus instinctif  possible, je dirais le Rock 90's et le Punk / Hardcore. Au niveau plus spécifique de la batterie j’admire certains batteurs "gospel" comme Eric Moore qui jouait avec Suicidal Tendencies et ce qu’a fait Thomas Pridgen dans The Mars Volta.

Pourriez-vous revenir sur le processus de composition ?

Hugo : C'est hyper collaboratif. J'arrive avec une vague (jeu de mot) à la guitare qu'on décortique tous ensemble. JP et Pierre sont indispensables au niveau de la construction rythmique car sans eux je suis perdu et Yannick a carte blanche pour le chant et bien sur même si il ne chante pas au début du processus de composition, son avis compte autant que tous les autres.

Yannick : C’est assez bien résumé, ça part d’une structure d’Hugo et ça évolue en fonction du temps. Moi je sers à rien tant que la structure du morceau n'est pas calée, donc je reste dans un coin et je fais des blagues.

JP 
: On a des inspirations musicales très variées et différentes parmi nous. Quand Hugo arrive avec une ébauche de morceau, on s'empresse de la transformer pour qu'au final il nous dise "Ah ouais,c'est pas du tout comme ça que je l'avais imaginé en le composant mais ça défonce", ce qui explique aussi que ça puisse partir dans tous les sens.

Vous êtes je crois parmi les premiers groupes à enregistrer chez Mathieu Souyris, comment s'est déroulé cet enregistrement ?


Hugo : On est pas vraiment les premiers, il avait fait PastMeüte et Jeff (mon projet folk) et Circles aussi. Donc quand ça a été notre tour il avait déjà une bonne maîtrise de son kit de home studio et du matos en plus. On a fait ça là où on répète car le lieu lui est familier. Son oreille d'arrangeur nous a été très utile.

Yannick : C’était ma première expérience studio, et c’est vrai que là dessus il m’a mis très à l’aise, en me poussant à sortir un peu de ma zone de confort et à tester des trucs, c’était vraiment un super moment. L’enregistrement des chœurs a été assez fun d’ailleurs, j’en garde un très bon souvenir.

JP : On a hâte de recommencer à travailler avec lui. Déjà parce que c'est un ami. Et on aura aussi du meilleur matos, plus de temps et plus d’expérience pour enregistrer.

Pierre : Il s’implique dans le projet, ce qui change pas mal de choses. Il nous a donné des idées, des conseils, que ce soit au niveau technique et même dans la composition qui ont fait l’unanimité dans le groupe !

Vos projets à court, moyen et long terme ?


Hugo : Bah jouer avec Solitone au maximum, sortir le deux titres en vinyle et repartir en studio dans l'été. Ce sont les plans de 2017 on va dire. Sinon pour moi ça serait d'enregistrer un second EP avec mon projet de folk.

Yannick : Il va y avoir une période d’ajustement dans les prochains mois car je vais m’installer à Paris, mais comme je disais plus haut, les répètes de compo je sers à rien donc ça devrait quand même bien se passer. Et comme dit Hugo, on va essayer de se faire des weekends en France, on a vraiment envie de bouger un peu partout, et partir en tournée un peu plus longue peut-être l’an prochain. De mon côté je continue mon label Voice Of The Unheard, pas mal de sorties prévues cette année, j’ai hâte d’avoir ça entre les mains. 
Merci pour l’interview en tout cas, je pensais pas en commençant le groupe qu’on intéresserait des gens qui décortiqueraient nos morceaux à ce point !

Tortue Rouge (Mars 2017)

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