Isaac Holman et Laurie Vincent (Slaves) le Trabendo, Paris, le 2 novembre 2016

The Exploited sortait Punks Not Dead en 1981 et vingt-cinq ans après, c'est toujours le cas. Mais c'est avant tout d'un état d'esprit dont il est question avec Slaves, car leur musique emprunte l'énergie mais pas forcément tous les codes du genre. Lors de leur passage au Trabendo le 2 novembre 2016, nous avons pu rencontre le groupe au grand complet, ils sont deux, Laurie (guitare, basse, chant, clavier) et Isaac (batterie, chant) et parler avec eux de leur ascension fulgurante.
NB : certaines questions ont été préparées par mes élèves de 3e (NDLR : je suis prof d'anglais) à qui j'ai fait découvrir des chansons de Slaves en cours. Elles sont précédées d'un *.



*
Pourquoi vous appelez-vous Slaves ?

Isaac : On cherchait un nom, c'est une des choses les plus difficiles quand tu formes un groupes, trouver un nom ! Et Laurie est arrivé un jour chez moi en me disant "The Slaves". j'ai trouvé ça bien, même si on a fini par enlever le "the", on a gardé Slaves car on est tous les esclaves de quelque chose.
Laurie : Ça résume ce que l'on ne veut pas être, les esclaves d'une routine. Ça sonnait bien pour un groupe de punk.
 
Vous n'êtes que deux et pourtant vous dégagez une énergie digne de groupes composés de quatre ou cinq membres. D'où vient-elle ?

Isaac
: De l'intérieur. Du plus profond de nos entrailles.
Laurie : C'est difficile à dire. On aime jouer notre musique, et l'énergie vient de là finalement.

Est-ce un choix, le fait d'être deux ? Comment vous organisez-vous lorsqu'il y a des désaccords ou des choix à faire ?

Isaac : Nous avons de la chance, nous sommes généralement d'accord !
Laurie : Si l'un de nous deux ne veut pas faire quelque chose, on ne le fait pas, point barre ! En conséquence, il doit y avoir des centaines de riffs différents qu' on n'a jamais utilisés ! Mais c'est pas grave, c'est même plutôt cool en fait, d'avoir seulement une seule personne à satisfaire, plutôt que quatre. Et on aime tous les deux ce que l'on fait.

Vous étiez amis avant de former votre duo donc ?

Les deux
: Oui !

Et sur scène, est-ce que c'est difficile de recréer le son que vous avez sur album ? Ou est-ce que c'est une bonne chose, au contraire ?

Laurie : Oui, cela nous force à être plus créatifs, absolument et c'est une bonne chose. Au fur et à mesure, on s'efforce de mieux faire sonner nos morceaux en live, avec de nouveaux équipements, du matos de meilleur qualité. On ajoute de nouveaux beats, de la batterie électronique, des triggers à la batterie d'Isaac.

Donc au moment d'enregistrer, vous ne vous limitez pas en pensant que cela sera peut-être difficile à faire sonner en live ?

Isaac : Non, je pense que c'est plutôt l'inverse. On essaie plutôt de faire en sorte que l'album studio sonne comme ce qu'on essaie de faire sur scène. C'est un vrai challenge parfois, mais je crois qu'on commence à y arriver .
Laurie : Et on a commencé à ajouter de nouveaux instruments et de changer certaines choses pour que ce soit plus intéressant et dynamique.

Vous êtes passés sur Canal + car Take Control a été choisi comme "album de la semaine". Pouvez-vous décrire cette expérience ?

Isaac : C'était cool.
Laurie : C'était surréaliste. On venait de passer chez Jools Holland en Angleterre, donc ça faisait deux grosses émissions télé. Passer à la télé chez nous c'était déjà un rêve, mais passer en France, on n'aurait jamais imaginé ça ! C'était dingue.

C'était comment de travailler avec Mike D sur cet album ?

Laurie : Encore un rêve devenu réalité ! Complètement fou.
Isaac : C'est un mec super !
Laurie : Et un bon pote maintenant.

* Où trouvez-vous l'inspiration pour vos chansons ?

Isaac : Dans la vie de tous les jours, tout ce que l’on voit, dont on est témoin, tout ce qui se passe partout dans le monde.
Laurie : Quand je marche dans la rue et que quelque chose m’arrive, je le note quelque part pour ne pas l’oublier, quand je vois un truc qui me penser à un jeu de mots, je le note également dans mon calepin.

Certains morceaux de Take Control m'ont particulièrement plus. People That You Meet : Pour moi, cette chanson parle des différentes personnalités que l'on peut rencontrer dans les rues des grandes villes, mais je me demandais si ce rythme très lent avait été choisi pour faire penser que ces gens ressemblaient plus à des zombies qu'à des personnes finalement ?

Isaac
: En fait, cela parle des véritables personnes que nous avons pu rencontrer aux États-Unis, lors de notre tournée. C'est du vécu.
Laurie : On voulait qu'elle sonne comme une comptine pour enfants. Au début, ce n'était qu'un "skit" (NB : un intermède entre deux morceaux, souvent constitué de dialogues , comme on entend parfois dans l'album). C'était un peu jovial, comme une petite blague. Et puis, on a continué à écrire et finalement c'est devenu une chanson.

Sur Fuck The Hi-Hat, vous avez utilisé du matériel spécial pour que ça sonne Punk 70s ?


Laurie : On a simplement tout enregistré live, même les voix, et on n'a rien mixé. On a aimé le son que ça donnait, donc on a laissé comme ça.

Steer Clear sonne plus pop que les autres morceaux, surtout avec Baxter Dury au chant. Comment c'était de travailler avec lui ?

Isaac : C'était super cool. Il est très drôle.

Vous le connaissiez avant ?

Laurie
: Un peu, mais c'était la première fois qu'on se retrouvait autour d'une table pour discuter vraiment. On l'avait rencontré à un de ces concerts, on est tous les deux très fans. On écoutait son album tout le temps quand on faisait notre premier EP. C'est pourquoi ce projet avec lui, c'était vraiment un moment « Pince-moi, je rêve ! » Et on s'est bien marré.

La vidéo de Spit it Out est excellente : est-ce que c'est un montage de différentes vidéos personnelles ?

Laurie : Oui. Nous avons travaillé avec ce gars, Josh, rencontré dans un skate park, qui nous disait faire des vidéos. Il nous a suivis pendant quelques jours, et nous a filmés en live aussi, mais avec un effet VHS. On adore tourner nos clips nous-mêmes, mais on aimerait bien maintenant qu'ils soient peut-être un peu mieux produits, un peu moins DIY.

* Où avez-vous tourné le clip de Cheer Up London ?

Laurie
: Dans un très joli parc du sud-est de Londres.

Ce clip est un plan séquence de trois minutes, mais l'avez-vous tourné en une seule prise ?

Laurie
: Non, mais on dirait n'est-ce pas ? C'est simplement des effets de caméra.

Votre performance à Rock En Seine m'a renversée. Vous avez vécu ça comment ? Vous qui êtes habitués à jouer devant des dizaines de milliers de spectateurs chez vous.

Isaac
: Il y avait quand même des milliers de personnes à Rock En Seine !
Laurie : En Europe, on ne s'attend pas à avoir tant de monde à nos concerts, car il faut recommencer de zéro, les gens ne nous connaissent pas aussi bien. J'ai vu des gens jouer sur cette petite scène devant moins de spectateurs que nous. J'ai vu notre public s'agrandir au fur et à mesure du set. C'était incroyable. On a une chaîne Youtube, qui s'appelle Slaves TV. On y trouve plein de vidéos de Rock en Seine, ça nous étonne tellement ! On ne s'y attendait pas, c'était vraiment une très bonne surprise.

Pendant le concert, Isaac, tu as scandé "Fuck Brexit !". Est-ce que le Brexit vous donnerait envie d'enregistrer une version énervée de Are You Satisfied par exemple, dédiée à tous ceux qui ont voté pour ?

Isaac : On était juste super en colère à cause de ce Brexit.
Laurie : Je crois qu'à la fin des années 70, début des années 80, au moment où le punk était en plein essor, la scène politique et les problèmes sociaux n'étaient pas très éloignés de ce que l'on vit actuellement. C'est pourquoi des groupes comme le nôtre existent. Nous sommes des gamins en colère, pour qui le Brexit est une catastrophe, surtout que la plupart des gens de notre âge ont voté pour rester dans l'UE ! Ce sont probablement les gens qui vont mourir dans pas longtemps qui ont voté pour le Brexit !

On se sent comment quand on est punk dans un monde et à une époque où les gens sont trop endormis, ou trop résignés pour se révolter ?

Laurie : C'est frustrant. On a des hauts et des bas car on se donne à fond pour faire de la musique qui ne soit pas que de la pop et quand on voit à quel point il est difficile d'arriver à faire réfléchir les gens, c'est assez frustrant oui. Mais on se rend compte qu'on est quand même heureux parce qu'on aime ce que l'on fait et on s'amuse. Donc on reste positifs !

Cadjoleene (Novembre 2016)


Merci à Olivier et à Replica Promotion de nous avoir organisé cet entretien (et pour la photo du groupe !).

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