Pilori par mail, 2016

Pilori vient de sorti cette année sa première démo quatre titres quelque part entre Hardcore, Crust et Black Metal à découvrir via bandcamp. L'occasion d'évoquer avec son chanteur les textes, l'écriture, mais de parler aussi de littérature, de cinéma... en passant par Gaspard Noé jusqu'à Alain Bashung ou même Alice In Chains...

Pilori : « Signe de justice seigneuriale qui ne sert pas à mettre à mort mais à exhiber quelqu'un ou quelque chose au mépris de tous ». Exhiber autrui ou soi même en l’occurrence ?

Haha, très bonne question, j’en sais rien ! Nous, on ne cherche pas forcément à s’exhiber ni à exhiber autrui, on ne revendique rien. Mais en étant plus terre à terre, parce qu’en fait on est pas du tout des méta-philosophes mais des branleurs, on a choisi ce nom parce qu’il sonnait bien, comme 99 % de groupes. Et puis on ne connaissait pas de groupe qui s’appelait déjà comme ça, même si il y en a peut-être évidemment. Bien sur, la signification du Pilori nous parlait, cet objet de torture moyenâgeux qui ne sert pas à blesser ni à faire mal, mais à humilier. Je trouve personnellement que l’humiliation en place publique est bien plus violente que pas mal de sévices physiques. Et je ne pense pas être le seul, à mon avis pas mal de gens préfèrent se prendre une droite pour une merde qu’ils ont commise plutôt que de voir celle-ci exposée aux yeux de tous. C’est une torture davantage mentale que physique, et c’est un truc qui me parle. C’est plus vicieux, c’est plus punitif. On ne tait pas les erreurs, on ne tait pas les pêchés, on les expose ouvertement à tout le monde. J’aime bien cette idée ! Après la définition que tu cites est celle présente sur nos réseaux sociaux, on l’a trouvé dans un dictionnaire, et je pense que c’est pareil, c’est un truc de branleurs, on savait pas quoi mettre dans l’onglet « biographie » de notre page, on trouvait que cette définition elle aussi sonnait bien, et que des gens essaieraient forcément de théoriser là-dessus à notre place. Et ça marche visiblement, puisque c’est le cas en ce moment durant cette interview !



Le chant en français s’est il imposé dès le début du groupe ?

Oui, dès le début. C’était un réel désir. Dans mon précédent groupe, Toboggan, je voulais déjà chanter en français et puis ça ne s’est pas fait, je ne sais pas trop pourquoi. Peut-être parce que l’on est hyper influencés par le modèle anglo-saxon depuis toujours. Je veux dire, dans nos discographies, dossiers musique, mp3 et autres Ipod, on a tous une énorme majorité de groupes anglo-saxons, ou qui chantent en anglais même lorsqu’ils sont français, allemands, danois ou japonais. Du coup, quand on a monté Pilori, j’avais toujours cette idée en tête et je voulais sauter le pas. On a une langue riche et belle, plus complexe que l’anglais certes, donc moins évidente à utiliser. Je pense que c’est plus facile de chanter en anglais, plus évident, on peut plus aisément se cacher, mais ce n’est que mon avis, je ne dénigre pas ceux qui le font et il y en a beaucoup qui le font très bien. Quand tu chantes en français, tu t’exposes davantage. Une phrase en français peut faire ringarde pour beaucoup alors qu’en anglais ces mêmes personnes vont trouver que ça sonne bien. Et puis quand j’écrivais en anglais, je me suis retrouvé confronté à un problème : je ne savais parfois pas comment dire ça, comment utiliser ou retranscrire cette expression, j’ai fait des fautes. C’est le cas de beaucoup de groupes français qui chantent en anglais, je suis sur qu’un quart ne sont même pas vraiment bilingues, ils font du Google Trad, demandent à des potes qui ont un bon niveau, etc., et se retrouvent avec des paroles bourrées de fautes, qui ne veulent rien dire. Je trouve ça ridicule. Sans parler des accents, car là c’est souvent catastrophique. J’ai un très bon niveau en anglais, mais je ne suis pas non plus bilingue, je ne maîtrise pas cette langue. Au moins, là, j’écris dans ma langue maternelle, c’est plus instinctif, plus naturel. Enfin au départ ça a été un peu difficile, j’ai du apprivoiser le dispositif, mais maintenant je me sens bien à composer mes textes de la sorte, je pense que j’aurais beaucoup de mal à réécrire en anglais. Et puis, il y a aussi une question de mode, car il y a de plus en plus de groupes qui chantent en français aujourd'hui qu’il y a dix ans. Du coup ça a du indirectement me donner plus de confiance pour franchir le pas. Et la maturité doit jouer, je n’ai plus 16 ans.

Tu as recours pour Pilori à une écriture crue, sobre et épurée. Nous avons déjà eu l’occasion d’en parler, tu as été marqué par des auteurs de nouvelles et d’histoires courtes comme Maupassant, Palahniuk ou Bukowski. Dans quelle mesure penses tu que cela a impacté ta manière d’écrire ?

Je rajouterai aussi Houellebecq, Camus ou encore Breat Easton Ellis à mes influences majeures. Je suis un littéraire pur et dur, depuis tout petit. Si j’avais fait S, je serai encore en train d’essayer de passer mon bac pour la 14ième année d’affilée ! J’ai toujours plus ou moins écrit, et surtout beaucoup lu, j’aime vraiment ça, du coup forcément mes auteurs préférés ont un impact, direct ou indirect, conscient ou non, sur mon écriture quand je fais mes textes pour Pilori. C’est indéniable. Donc ouais, nous avons là pas mal d’auteurs qui arborent un style cru et direct, qui n’y vont pas par quatre chemins, qui accouchent de phrases et d’idées froides et brutales la plupart du temps, qui ne font pas d’emphases, pas de manières. Pourtant, ce n’est souvent pas dénué de poésie, de réflexivité et de subtilité, loin de là. Ce sont même eux les plus profonds et les plus sensibles pour moi. Certains ont dit et diront que les quelques auteurs cités là n’ont pas de style par exemple, mais c’est faux, ce « non-style » est un réel style en soi, il est bien moins évident à exploiter je trouve que ceux remplis de fard qui te jettent de la poudre aux yeux à tel point que tu ne vois plus ce qui est écrit derrière. Quand je prends un bouquin, et que l’écriture est ampoulée, pleines de manières, de tournures pompeuses, ça me gave, ça me fait mal aux yeux. Je suis quelqu'un qui est pour le fond au détriment de la forme. La forme ne doit jamais faire oublier le fond, c’est toujours ce dernier qui doit primer pour moi, et non l’inverse. Je préfère donc l’épure à l’emphase. Et le genre d’écrivains dont on a parlé ils sont également cyniques, et j’aime aussi énormément les tons absurdes et sarcastiques. Donc voilà, moi quand j’écris, je ne veux pas en faire des tonnes, je ne veux pas faire du grandiloquent, faire de l’enflure, de l’exagération. Je ne veux pas me cacher derrière de beaux mots et de grandes métaphores. Pourtant, j’aime bien malgré tout les métaphores hein, utiliser des figures de style ou faire preuve d’une certaine subtilité dans le choix de mes mots, leur tournures, les doubles niveaux de lecture. Je ne veux juste pas en faire des tonnes. Justement, on parlait de l’écriture en français, et je trouve que beaucoup de groupes qui écrivent en français se la pètent dans leur texte, il y a un côté pompeux, limite snobe. Le mec écrit en français, alors il se sent obligé de faire le poète. On dirait ce gars qui vient de découvrir le vin et qui ne peut pas s’empêcher de parler comme un œnologue averti et de te casser les couilles avec des palabres au lieu d’apprécier le truc et d’aller directement au fond des choses.



Peux-tu nous parler de ton parcours de lecteur, des auteurs qui t’ont le plus marqué ?

Je pense que j’ai pas mal répondu à cette question dans le précédente ! Il y a les six auteurs dont on a parlé, et dont j’ai lu beaucoup d’œuvres, si ce n’est toutes pour certains. J’aime bien aussi Edgar Allan Poe, La lettre volée est une de mes nouvelles préférées, ou encore Oscar Wilde, j’ai lu 2 ou 3 fois Le Portait de Dorian Gray. J’aime beaucoup aussi Marguerite Duras, Céline ou Hubert Selby Jr., par exemple, Last Exit To Brooklyn est vraiment déroutant. Mon parcours de lecteur est assez classique sinon, avec les livres que l’on te donne à lire à l’école puis au collège, et dont la lecture de certains m’a marqué. Ce n’était pas forcément une marque profonde, genre en mode philosophique, métaphysique, psychologique, c’était juste quelque chose d’agréable, d’attractif, de divertissant. Un exercice auquel j’aimais juste m’adonner, ça n’allait pas plus loin. Même si quelque part, ça a ouvert ma curiosité, aiguisé mon appétit. Plus tu lis, plus t’as envie de lire, du coup en grandissant, en vieillissant, en m’affirmant, on va dire vers l’époque du lycée, j’y ai trouvé un côté plus profond, plus introspectif, j’ai commencé de plus en plus à lire des trucs qui me faisaient réfléchir sur moi ou sur le monde qui m’entoure. Mais je suis toujours resté très centré sur les romans et nouvelles. Les essais par exemple, ça me fait chier, tout comme les bouquins théoriques ou les trucs du genre. J’aime bien l’idée de fictionaliser la réalité, fictionaliser des sentiments, des faits et des émotions réels. J’aime le fait que raconter une histoire inventée de toutes pièces véhicule des idées, une réflexion, ou des pensées qui s’appliquent dans nous vraies vies, nous touchent dans notre for intérieur, qui nous marquent pour de vrais alors qu’à la base ça part de trucs romancés. Aujourd’hui, je ne lis plus autant qu’avant, plus autant que j’aimerais, mais ça reste quelque chose que j’adore faire dès je le peux.

« Cendres, tu redeviendras cendres » / « C’est par un baiser que fut trahi le fils de l’Homme » / « Jusqu'à la lie je boirai le calice ». Ces références bibliques trahissent un intérêt pour les textes sacrés, dans quelle mesure sont elles une source d’influence au même titre que la littérature profane ?

Je ne sais pas trop en fait dans quelle mesure exactement, mais elles en sont effectivement une, oui. Je suis né sur un sol judéo-chrétien, ça aussi ça a forcément son influence. Si j’étais né et avait grandi en Inde, je serais peut-être bouddhiste ou hindouiste. De même que si j’étais né en Syrie, j’aurais peut-être rejoins Daesh. Bref, la Bible c’est une compilation de textes mythologiques, je vois donc ni plus ni moins ce que tu nommes « textes sacrés » comme ce qu’ils sont : des histoires. Même si je viens d’une famille catholique non-pratiquante, je me considère comme ce que l’on désigne sous le terme « athée », mais ma culture et mon éducation font que je suis allé à l’église, que j’ai entendu parler à maintes et maintes reprises de l’histoire de Dieu et de son fils Jésus. De la Bible donc, qui est une sorte de catalogue de références philosophiques et spirituels sur énormément de thèmes universels : l’amitié, l’amour, la filiation, la trahison, la peur, l’accomplissement personnel, etc., etc. Mais je ne m’y étais jamais intéressé jusqu'à ce que j’ai, tardivement, une sorte de coup de cœur pour les peintures de la Renaissance, l’art florentin, et toutes ces œuvres qui nous content différents épisodes de la Bible. Si à l’époque il y avait autant de peintures et de représentations de la Bible, c’était parce que la majorité de la population était illettrée, ainsi ils pouvaient, sans savoir lire, comprendre les textes sacrés. Et bien moi j’ai fait comme les illettrés : lire la Bible ne m’intéressait pas, me faisait chier même, et ce sont les images qui m’ont parlé, qui m’ont instruit. Comme je te le disais, ça soulève plein de thèmes très universels, qui parlent à tout un chacun, et aussi ça raconte des histoires, et je me répète, moi j’aime bien que l’on me raconte des histoires pour me parler de trucs plus profonds qui me toucheront dans la vraie vie. Voilà d’où provient cet intérêt pour les textes sacrés, et l’influence qu’ils ont sur moi. Peut-être que certains connards, en tombant par hasard sur des textes de Pilori, vont se dire que je suis une sorte de catho ou quelque chose comme ça, comme si c’était une insulte, alors que ce ne sont que les mythes et ce qu’ils racontent qui m’intéressent. Si je faisais des références à la mythologie grecque, je pense que ces mêmes connards trouveraient ça « cool ». Ils se diraient même peut-être que je suis cultivé. Mais les histoires compilées par Homère, c’est la même chose que celles compilées par Marc, Jean, Mathieu et Luc. Des mythes, pour la plupart inventés et dans d’autres cas librement inspirés d’histoires réelles, qui racontent de jolies histoires empreintes de spiritualité et d’images sur un énorme panel de thèmes différents, et qui sont racontées aux gens pour les toucher, les faire réfléchir sur eux-mêmes, sur la vie.

Tes dernières lectures ?

L’interview de Cowards que tu m’as envoyé juste avant de m’envoyer les questions de cette interview, haha ! Je rigole, mais en plus ça me fait vraiment marrer de lire les interviews de ce connard d’Adrien. Après, si l’on doit parler de lecture plus « sérieuses » (bien que je ne pense pas qu’Adrien ne soit pas sérieux, en plus il est cynique et sarcastique et dit plein de trucs absurdes sans forcément faire de forme mais avec un réel fond, par conséquent il aurait des chances de devenir mon auteur préféré, j’attends donc son premier ouvrage, « L’hostilité pour les nuls », avec impatience), j’ai commencé le dernier Houellebecq, Soumissions, qui est sorti il y a environ deux ans je crois. Juste avant, j’avais relu Le Portrait de Dorian Gray justement, pour la première fois depuis 10 ans, et avant cela j’avais lu une bonne grosse merde conseillée par une amie très proche, La Conversation Amoureuse d’Alice Ferney. Dans le genre "je fais de l’emphase et j’en fais des tonnes à tel point que j’arrive même à rendre pompeux un point virgule", j’ai été servi. La forme était incroyablement prétentieuse et ampoulée, tous les trais y étaient forcés, surlignés, si bien que j’ai trouvé cela d’un vide abyssal. Et c’était prévisible à souhait. Dommage, car il y avait vraiment pas mal de bons trucs dans le fond qui auraient pu me toucher, et cela a été complètement gâché par la forme. La simplicité, des échanges, des actes, des idées, des pensées, etc., c’est sûrement ce qu’il y a de mieux finalement. Pas tergiverser, passer par quatre chemins. C’est comme la franchise, c’est un comportement noble, mais les gens en ont peur, et ils vont préférer l’hypocrisie d’une politesse exacerbée. Quand on a échangé toi et moi sur les rapports amoureux qui deviennent compliqués d’un coup, tout seuls, contre ton gré, tu m’as dit « C’est comme si ça ne pouvait pas être juste simple et beau ». Je suis d’accord avec cette idée, la simplicité et la sobriété, ça effraie les gens, il leur faut du complexe, du torturé, du tordu, sinon ils sont perdus. Bref, assez digressé, j’ai également lu L’immoraliste d’André Gide qui m’a énormément plu il y a quelques semaines.



Le texte de Seul Contre Tous est une référence directe au film de Gaspar Noé. A quel niveau le cinéma est il une source d’influence pour ton écriture ? Pourrais tu citer d’autres films ayant impacté ton écriture ?

En live, on utilise quelques samples de films durant notre set. Il y en a aussi extraits d’ Eyes Wide Shut de Kubrick, et des Démons de Jésus de Bernie Bonvoisin. Et donc il y en a deux de Gaspar Noé. Ce doit être notre référence indirecte à Kickback quelque part !! C’est d’ailleurs là un de mes groupes de Hardcore, toutes nationalités confondues, préférés. Bref, Seul Contre Tous, j’adore ce film, c’est le chef-d’œuvre de Noé, il n’a jamais fait mieux depuis, et ne le fera probablement jamais. Enfin si, je trouve Irréversible très bien en fait, d’ailleurs on en sample un extrait aussi. Avant la musique et la littérature que l’on a évoqué, le cinéma est ma première grande passion. J’ai fait des études de cinéma, je suis un gros mangeur de films, mais surtout c’est lui qui m’a ouvert à pas mal d’autres choses. C’est en matant des films que j’ai eu envie de lire certains livres, d’écouter certains morceaux de musique, etc. Et puis voilà, j’en reviens à ce que j’ai déjà dit, le cinéma ça raconte des histoires qui peuvent parfois faire écho à ta propre existence. Donc, ça ne pouvait que me plaire. Après, je ne saurais pas dire avec exactitude quels films ont impacté mon écriture. Il doit y en avoir c’est certain, mais je ne sais pas dans quelle mesure ils m’ont fait écrire certaines choses. On a là quand même deux exercices très différents pour moi, je ne trouve pas que le cinéma soit un art très littéraire, même si tout film est basé sur un scénario, et que beaucoup sont inspirés de bouquins. Mais un scénario, ça n’a rien de très littéraire, c’est bien plus informatif et indicatif, c’est un outil de travail. Si les scénarios étaient de la littérature, il y a longtemps que beaucoup auraient été publiés, or à ma connaissance, ce n’est pas le cas.

Qui sont tes paroliers francophones préférés et pourquoi ?


Si je ne dois en retenir qu’un seul, je dirais Alain Bashung, sans la moindre hésitation. Sur ces trois derniers albums notamment, Bleu PétroleL’imprudence et Fantaisie Militaire. Parce que c’est le seul à avoir cette plume au monde, cette poésie désabusée, crépusculaire, d’une putain de beauté. Enfin, même si il n’a pas écrit tous ces textes seul. C’est unique, ses textes très abstraits, hyper chiadés et imagés, parfois alambiqués à un point qu’ils en deviennent obscurs, la façon dont il utilise les mots. Et puis cette voix, ce charisme. Pour moi, Gainsbourg, sur qui d’ailleurs tout le monde se branle allégrement (bien qu’il ait un talent certain), c’est du pipi de chat à côté de Bashung.

Ton écriture traduit davantage un sentiment de résignation que de détresse, de lâcher prise plutôt que de lutte, de détachement ironique plutôt que de révolte. Comme s’il te faillais digérer certaines choses avant de pouvoir écrire avec le recul nécessaire dessus. Te vois tu écrire davantage à chaud de certaines émotions à l’avenir ?

Oui, je pourrais le faire bien sûr, et je l’ai déjà fait en fait, mais je ne suis pas trop homme à prendre des décisions à chaud. J’ai un côté très impulsif, je peux me montrer très impatient, mais ce n’est pas comme ça que je me préfère, ce n’est pas comme ça que je réfléchis le mieux, ce n’est pas comme ça que j’arrive à retirer le meilleur de ma réflexion. Quand tu as su digérer les choses, prendre du recul, c’est là que tu es le plus efficace. Dans certaines situations, je sais aussi agir dans l’urgence bien entendu. Mais je préfère prendre la mesure des choses, pour bien les évaluer et réagir au mieux et en conséquences. Mais j’ai déjà écrit à chaud. Par exemple, le texte du Baiser, un des deux morceaux qui sera sur notre split vinyle qui sortira début 2017 et qui sera clippé en fin d’année, je l’ai d’abord écrit très vite, à chaud, juste après une émotion très vive. Je ne l’ai pas beaucoup retouché, je l’ai retravaillé, mais il est proche de sa version d’origine. Je pourrais donc le refaire sans problème. Mais je ne suis pas résigné, je n’ai pas lâché prise, quand tu ressens ça dans mes textes, c’est quand je parle des autres. Dans Médiocratie ou Déjà Mort, qui sont sur la démo que l’on a sorti en mai en K7 et qui est sur notre Bandcamp, je pointe davantage les autres que je ne me pointe moi. Je parle très peu de moi finalement, je préfère cracher sur les autres ! Je parle souvent de ceux qui ne se battent pas, qui ne mènent aucun combat, qui suivent le courant tels des poissons morts, ceux qui se laissent vivre, qui sont passifs, qui s’écoutent, qui ne se prennent pas en main. Je critique vivement cela car je suis l’exact contraire de ça. En revanche, je suis en effet détaché de façon ironique de plein de choses, et ça me permet d’avoir du recul justement. Je ne me prends pas au sérieux, mais ça ne m’empêche pas de faire ce que je fais sérieusement. Je suis quelqu’un de simple, j’ai des désirs, des envies et des besoins simples, et je sais que beaucoup de choses avec lesquelles les gens se stressent, se torturent, se prennent la tête, et bien ce sont des trucs pas grave du tout. La plupart des gens n’ont pas de réels problèmes, ils s’en inventent pour s’auto-pourrir la vie comme par obligation. Moi, la réponse la plus fréquente que j’ai entendu à la question « Pourquoi t’es pas bien ? Qu’est-ce qui ne va pas ? » c’est « Je sais pas ». J’accepte mes erreurs, j’accepte de me tromper, j’accepte de tomber. Le tout c’est de se relever, c’est en substance le texte de Ce Que Je Suis, qui est aussi sur la démo. Mais non, je ne suis pas en détresse, pas du tout même, je ne suis pas un véritable "révolté" non plus, je sais digérer les choses et prendre du recul, je sais prendre des décisions et faire des choses. Je stigmatise en revanche ce comportement chez les autres. Tous ces bouffons qui chialent, qui n’assument pas, qui s’inventent des soucis, qui ne se battent pas, qui se prennent la tête pour rien, qui oublient de vivre, me font gerber. Tous ces connards de dépressifs qui préfèrent s’enfoncer que de changer les choses pour aller mieux. Ils m’inspirent autant, si ce n’est plus d’ailleurs, que les auteurs précédemment cités. Pas besoin de lire ou de mater des films pour être inspiré pour écrire des textes, juste regarder autour de soi.

Qui sont tes paroliers anglophones préférés et pourquoi ?

Ado, je me souviens que les textes de Denis Lyxzen dans le The Shape Of Punk To Come de Refused m’avaient bien marqué. Notamment ceux de Summer Holidays Vs. Punkroutine et New Noise. Il y avait justement, dans le premier morceau cité, cette idée d’assumer ce que l’on tentait, ce que que l’on faisait, et d’accepter d’essayer de faire des trucs en dépit de pouvoir les rater. J’aime beaucoup aussi les textes de Layne Stayley d'Alice In Chains. L’album Dirt regorge de lyrics hyper sombres, désabusées et mélancoliques, mais tellement belles et poétiques. J’aime bien les mots noirs, les idées déchirées, c’est un peu cliché, un peu poète maudit je sais, mais ça me plait. C’est mon côté babtou fragile ça !!! Il y a quelques textes hyper bien écrits et bien sentis aussi chez Frank Carter à son époque dans Gallows, mais aussi chez Keith Buckley d'Every Time I Die. Ces mecs ont une belle plume, ils savent se servir des mots, faire des références, jouer avec des idées. Ha oui, il y aussi pas mal de textes de Tragedy et His Hero Is Gone qui m’ont bien plu. Dans un tout autre registre, plus pop et plus mainstream, Julian Casablancas des Strokes et Alex Turner des Arctic Monkeys ont eux aussi quelques lyrics et thèmes bien classes. Je pense qu’en général, c’est la façon d’aborder les thématiques et de mettre des mots bien sentis sur des sentiments qui me plaisent.

Tortue Rouge (Novembre 2016)

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