Dan Terminus : cyberpunk is not dead ! (le 21/09/2016, dans les méandres de la matrice)

" Quand tu es face à ta musique et que tu dézoomes, tu te prends tes excès dans la gueule ! "

Pour beaucoup, le travail du journaliste est de faire le tri dans les informations pour présenter au lecteur que ce qui est considéré comme utile et pertinent. Cet entretien, qui ne devait durer qu'une demi-heure, a été finalement beaucoup plus long. Parce Dan Terminus, en plus d'être fort sympathique, est un être humain (l'est-il vraiment ?) passionnant et passionné, comme rarement on peut en observer. Aussi, il aurait été un vrai crève coeur de couper ne serait-ce qu'une miette de cette interview. De par sa longueur, elle sera sans doute indigeste à tout lecteur tentant de la finir d'un coup. Et pourtant, il y a de l'or à déterrer dans ces lignes.


Pour commencer, comment en es-tu arrivé à faire de la musique ? Et ensuite, qu’est-ce qui t’a amené à faire de la synthwave ?

Eh bien, je fais de la musique depuis que je suis très jeune. J’ai grandi dans un milieu dans lequel on accordait beaucoup d’importance à la musique. Quand j’étais petit, j’ai pris des cours de solfège « à l’européenne », c'est-à-dire assez austères mine de rien, mais qui m’ont bien aidé. J’ai fait du violon, du piano, de la batterie… Après, naturellement, je me suis  tourné vers des choses comme le metal et surtout le fait de jouer en groupe, parce que c’était plus intéressant de faire la musique avec des gens que tout seul dans son coin.  Donc je me suis jamais vraiment posé de question à propos de la musique, parce que c’est quelque chose qui a toujours fait partie de ma vie. Après, concernant la musique que je fais aujourd’hui, c’est plus compliqué, tout en étant plus simple. Je faisais de la musique électronique dans mon coin, d’abord pour des amis, qui en avaient besoin pour des soirées. Je leur faisais 4 à 6 morceaux sur des ordinateurs de type Atari 520 ST. Et j’en faisais aussi pour m’amuser, pour le plaisir de mettre en forme les mélodies que j’entendais dans ma tête. Et un jour, j’ai joué à Hotline Miami, et j’ai découvert Perturbator, et toute la scène qui va avec. Et je me suis rendu compte que la petite musique que je faisais dans mon coin, il y avait plein d’autres gens qui en faisaient sur cette scène internet. Je dis internet, parce qu’elle n’avait pas de réalité tangible, en tout cas pas à l’époque. Et je me suis dit que j’allais me lancer moi aussi, à balancer ça sur Bandcamp. Et ça pris !

Donc c’est par Perturbator que tu t’y es mis ?

De manière sérieuse, oui. D’ailleurs, on est très vite devenus assez proches, jusqu'à devenir amis. Et au début, il m’a donné des conseils d’ordre général pour orienter ma musique telle que je voulais l’orienter. Il n’a jamais porté de jugement sur ma musique, il m’a juste suggéré de faire les choses  de telle ou telle manière. Grâce à Perturbator et Noir Deco, j’ai pu progresser rapidement, parce que je suis arrivé beaucoup plus vite à reproduire les choses que j’entendais dans ma tête, mais que je n’arrivais pas à retranscrire avec mon logiciel. Comme ils sont très modestes, ils te diraient qu’ils ne m’ont donné que « deux ou trois conseils », sauf que ces deux ou trois conseils m’ont fait gagner des mois, voire des années de recherche. Après, j’ai juste eu à me documenter pour trouver de nouvelles techniques, chose dont j’ai toujours soif aujourd’hui.

C’étaient quels type de conseils ?

Perturbator m’a donné des conseils de composition et de production purs et durs.  Et après, ça s’est transformé en échange d’expérience. En ce qui concerne Noir Deco, c’était des conseils un peu plus poussés, parce que l’un des membres  a des connaissances très vastes en la matière.

Histoire de nous situer dans le temps, tu as reçu ces conseils à quelle époque ?

2012, peu de temps après avoir découvert la scène. J’ai commencé à mettre à plat mes chansons de Dan Terminus début 2013, et mon premier album The Darkest Benthic Division est sorti en 2014.





Oui, et tu sors l’album Stratospheric Cannon Symphony la même année, il me semble.

C’est vrai, mais initialement, je ne voulais pas le sortir ! [rires] C’est une erreur, je le regrette aujourd’hui. Cet album devait être la bande son d’un jeu vidéo indépendant. Il se trouve que le jeu n’a jamais été fait, pour différentes raisons, qui ne sont pas de mon fait. Au lieu de garder les chansons pour plus tard, je l’ai sorti. C’était un acte non réfléchi, en fait. Compiler les chansons, demander une pochette pour l’album, inviter Tommy ’86 à poser ses synthés dessus… Il correspond à un état d’esprit trop fugace, un coup de colère qui a duré une semaine. Aujourd’hui, c’est trop tard, il est sorti et les gens l’écoutent… D’ailleurs, beaucoup de mes amis producteurs de musique trouvent que c’est leur préféré ! Alors que je le déteste, mais pas artistiquement : à chaque fois que je le vois, je fais face à mon erreur de précipitation.

Mais justement, tu as trois albums qui sont tous très différents. Mais Stratospheric se détache encore plus des autres. Est-ce que tu l’as composé à partir des concepts du jeu ?

Oui et non, j’ai composé une chanson à partir des concepts du jeu et des interminables discussions que j’ai eues avec un des développeurs. C’est « Steel Clouds Over Iron Trees », et le gars voulait un truc hyper métallique, dans une espèce de casse automobile intersidérale, avec des grands vaisseaux… Pour le reste, il ya des chansons que j’ai composé pour moi, notamment « Catastrophic Orbital Decay » et « Tokamak ». Les autres, je les ai sorties en me disant qu’elles seraient sur le jeu, et j’étais fier qu’elles y soient exclusivement dédiées. C’est des chansons des chansons très orientées science fiction, et si tu les écoutes, tu vas entendre des assemblages d’ambiance. Il n’y a pas de fil conducteur de l’une à l’autre, à part de raconter de petites histoires, avec un thème SF. C’est tout, c’est la seule ambition de cet album. C’est vrai que je regrette de l’avoir sorti, mais quand je le considère, je me dis que ce que je suis arrivé à faire est pas mal : arriver à créer des morceaux qui doivent correspondre à une ambiance bien particulière, chose que je n’ai pas fait avec mes autres albums, qui ont une tonalité plus unifiée.

Par rapport à cette collaboration avec ce développeur, est-ce que tu as trouvé ça stimulant de composer de manière « encadrée » ?

C’était très enrichissant, parce que paradoxal. D’un côté, on doit mettre en avant son ego, ses talents, son sens de la composition, et de l’autre, on doit trouver la limite qui permet de rentrer dans la vision de l’autre personne. Ca peut être une ou plusieurs personnes d’ailleurs. Donc c’est un exercice très difficile, parce que tu vas avoir en face de toi une personne qui va te faire chier pour un son de basse qui ne va pas à tel ou tel moment de la chanson, alors que toi, t’as pas du tout une vision « micro » de la chanson, t’as une vision « macro », tu vois la chanson dans son ensemble. Et c’est hyper intéressant, justement, d’arriver parfois à mettre son ego de côté mais à ne pas trop l’oublier non plus. Mais en même temps, c’est aussi quelque chose qui flatte l’ego, parce que, quand tu te fais démarcher par quelqu’un qui veut que tu fasses de la musique pour lui, les gens attendent de toi que tu composes quelque chose qui va leur sembler familier. C'est-à-dire que, quand tu vas leur porter ton projet, ils vont te dire « Ah, ouais, c’est du Dan Terminus ! C’est bien, on te reconnaît ! » . Ou alors, ils vont dire « Ah putain, on ne dirait pas du tout du Dan Terminus,  mais c’est bien quand même ! ». Les gens partent avec une idée préconçue en fait, et c’est marrant, parce que si t’as pas un brin de retenue, tu peux vite partir en couille et proposer n’importe quoi. Et suivant les gens que tu as en face, tu peux faire ton travail par-dessus la jambe et te rendre compte qu’ils adorent. Ca apprend le respect, à respecter la vision qu’on propose. Après, je n’ai pas envie de charger ces gars-là, ce sont des indépendants, si le projet n’a pas pu se faire, c’est qu’ils ont vraiment du avoir des soucis. Quand on est musicien, et qu’on est baladés de droite à gauche dans un projet, « Oui, mais le projet n’est pas terminé, il n’y a pas ci, il n’y a pas ça. », en principe, c’est jamais bien bon. Par contre, quand quelqu’un te présente ta vision de manière très précise et détaillée, déjà là, c’est un peu mieux !





J’ai une question, que pas mal de tes fans doivent se poser je pense : d’où vient ce nom « Dan Terminus » ?

[rires] Au début, je voulais m’appeler Terminus tout court, mais j’avais pas envie qu’on me confonde avec le film de Johnny Halliday. C’est un film délicieusement mauvais d’ailleurs, je le recommande à tous ceux qui ne l’ont pas vu, c’est une ignoble merde qui se regarde super bien !

Un nanard, donc ?

C’est un nanard, mais qui ne s’assume pas, c’est ça qui est bien ! [rires]

Bon, je crois qu’on peut se mettre d’accord sur le fait qu’aujourd’hui, le mouvement synthwave a le vent en poupe. Carpenter Brut va tourner avec Ghost, Perturbator qui remplit des salles et joue dans des gros festivals, Dance With The Dead était en tournée française il y a peu… Il commence à y avoir une forme de saturation, et je pense que pour quelqu’un qui connaît peu cette scène, tout se ressemble énormément. Il y a beaucoup de gimmick de composition, de sons qui reviennent. Du coup, avec toute cette « concurrence », est-ce que tu prends en compte le fait de sonner différemment quand tu écris ?

Je m’en fous complètement, très clairement. Déjà, il faut savoir que je compose d’une manière qui est évidemment très personnelle et heureusement, parce que sinon, on sonnerait tous de la même façon. J’entends une mélodie, je structure mes morceaux dans ma tête et après je les reproduis sur mon ordinateur. Ou parfois, j’improvise sur mon synthé. Voilà comment je fonctionne. Ce que tu évoques ne me gêne pas du tout, parce que j’estime que chacun a le droit de faire ce qu’il veut. D’autre part, je pense que c’est une bonne chose que les gimmicks soient repris, parce que ça veut dire que c’est quelque chose qui a été vu, qui a été perçu et ça ne s’est pas fondu dans la masse.
Ca vaut à une échelle ultra mainstream comme Katy Perry ou Carly Rae Jepsen, ou à notre échelle qui est beaucoup plus réduite, parce qu’il y a peu de gens qui connaissent savent vraiment ce qu’est la synthwave, finalement. Quand un gimmick  est repris, ça veut dire que son ou ses créateurs ont eu raison de faire ça, et ça ne me dérange absolument pas que ça soit repris. Et je ne pense pas qu’il y ait une saturation, parce que c’est quand même une musique qui est aujourd’hui exclusivement sur internet, qui est en train de se manifester physiquement avec les CDs et les concerts, mais ça reste minoritaire. Et sur internet, on sature très vite, on se lasse. Moi, je n’ai pas cet angle d’attaque : je fais ma musique en essayant de me dépasser par rapport à ce que j’ai fait avant, et je la fais d’abord pour moi et être fier de ce que j’ai réalisé. Donc la saturation et les gimmicks, ça ne me dérange pas. Au contraire, ce que je trouve génial, c’est de recevoir, à mon petit niveau, des messages de gens qui me disent : « Hey mec, j’ai lu dans une de tes interview que, pour faire tes distorsions, tu prends tes synthés, et tu mets de la disto dessus. Moi j’ai fait ça ! » Et les mecs te font des trucs hallucinants, avec juste une pauvre disto de merde, et je trouve ça génial. Donc c’est super d’être la source d’un gimmick, si jamais quelqu’un me considère comme tel, hein ? Voir que je suis repris, ou que Perturbator ou Carpenter Brut soient repris, c’est une super forme de flatterie !

Revenons sur ton dernier album The Wrath of Code. Il est beaucoup plus rapide et agressif que Darkest, qui est plus ambiant, avec une pulsation et de grosses nappes de synthé. Donc je me demandais si ce changement de cap était arrivé spontanément ?

Oui et non. Oui, parce que quand j’ai fait The Darkest Benthic Division, j’avais des connaissances en production sonores qui n’étaient pas aussi pointues que quand j’ai fait The Wrath of Code. Donc forcément, je pouvais faire plus, parce que je savais en faire plus. Et de l’autre côté non, parce que je voulais donner des colorations à cet album. J’avais vraiment envie de donner un côté cyberpunk aux chansons.  C’est d’ailleurs comme ça que je décris ma musique en général : en gros, je dis que je fais de l’electro, et quand je sais que je parle à des gens un peu plus pointus, je dis que c’est du cyberpunk. Et je voulais vraiment que si William Gibson tombait sur cet album, il se dise « Ah oui, ça c’est du cyberpunk ! ». C’est presque une question d’ego : comment mettre en musique ma perception du cyberpunk, de la science fiction, et faire que quelqu’un qui n’y connaît rien écoute ça et se dise que ça sonne vraiment futuriste ?

Si on regarde la scène, on constate que ce sont beaucoup de metalleux qui font ce genre de musique. C’est vrai pour la scène française, mais pas seulement, GosT et Dance With The Dead aussi. Comment tu expliquerais ça ?

Je n’en ai aucune idée. Moi je peux te répondre de manière personnelle, mais je ne pense pas que ça soit applicable aux autres. Moi, c’était simplement parce que ma vie a changé, et je n’avais plus de temps à consacrer aux répètes, à passer trois ou quatre heures dans un local, à gérer les egos, etc… Moi aussi, j’ai un caractère, même si je suis assez souple. Ca m’a saoulé, et j’ai arrêté le metal.  Le temps passe, et la vie fait le tri ! Les membres de mon groupe sont partis à droite à gauche pour faire leur vie, et quand je me suis retrouvé une main devant, une main derrière, j’ai plus eu envie de faire un groupe. Du coup, je me suis tourné vers les choses que j’écoutais quand j’étais un peu plus jeune : la musique électronique. C’est marrant : à mes concerts, ceux de GosT ou Carpenter Brut, je vois de très belles jeunes femmes, c’est vrai, des geeks avec des t-shirts Call of Duty ou Hotline Miami et… Des putains de metalleux ! Et je vois tout ce beau monde en train de danser/headbanguer. D’ailleurs c’est marrant, souvent ce sont les geeks qui headbanguent et les metalleux qui dansent ! Je ne peux que constater ça, mais je ne peux pas l’expliquer. Après attention, moi ça me ravit ! Quand j’ai fait la tournée avec Perturbator et GosT, quand j’ai mis un t-shirt Venom, t’as des mecs avec des t-shirts Vangelis qui sont venus me voir : « Oh putain, j’adore Venom, les trois premiers albums sont excellents ! ». Et t’as aussi des gars avec des t-shirts Nokturnal Mortum qui me disent : « Ta musique est excellente, elle est metal à mort ! »



Tu es un fan connu de Bolt Thrower. Or, on vient d’apprendre qu’ils se séparaient définitivement. J’ai entendu que tu avais proposé à Karl Willets de chanter sur un de tes morceaux. Lequel, et pourquoi ce chanteur ?

Je suis un énorme fan de Bolt Thrower en effet. J’avais proposé à Karl de chanter sur un des morceaux de mon prochain album. Il n’était pas contre, mais finalement, ça n’a pas pu se faire pour plusieurs raisons, qui ne sont pas négatives, ni de mon côté ni du sien. Je pense que la porte n’est pas fermée pour l’avenir. Par contre, j’ai effectivement demandé à Tom G. Warrior de Celtic Frost/Triptykon parce que j’aurais adoré qu’il chante sur « The Chasm ». J’ai composé ce morceau en ayant sa voix en tête. J’ai peu de regrets dans ma vie, et ne pas avoir pu casser les barrières successives pour le faire en est un. Parce que j’ai tout fait, j’ai contacté son management, j’ai essayé de le contacter lui. A chaque fois, je disais bien que je m’excusais de passer pour un gros lourd, parce que je ne savais pas si mes messages avaient été lus. C’était difficile pour moi de ne pas passer pour un fanboy harceleur et chiant, ce que je ne suis pas. Ca n’a rien donné, son management n’a pas bougé et c’est normal. Dave Grohl appelle Tom Warrior pour son projet Probot, évidemment que Tom va se dire que ce n’est pas n’importe qui et quelqu’un va venir lui parler et lui dire : « Putain, mec, c’est Dave Grohl !». Quand Dan Terminus tente de contacter Tom Warrior, personne ne remonte l’info ! J’ai aussi désespérément tenté de faire chanter Carl Mc Coy de Fields of The Nephilim sur mon prochain album, mais c’est mission impossible. A chaque fois que je franchissais une barrière, on m’en posait deux autres. Donc j’ai laissé tomber. J’aurais adoré que ça se fasse. J’ai aussi contacté une actrice porno pour qu’elle me fasse quelques bruits de jouissance, quelque mots sur mon prochain album, elle ne m’a toujours pas répondu. Donc allez vous faire foutre, il n’y aura aucune collaboration sur mon prochain album ! C’est toujours un peu compliqué de se mettre dans cette position là quand tu n’es personne. C’est très difficile d’être crédible par le biais d’internet.

Du coup, est-ce qu’il y aurait d’autres chanteurs avec qui tu aimerais collaborer, mais surtout, que tu considères comme compatibles avec ce que tu fais ?

Oui, mais il est mort : Peter Steele. Je ne me suis jamais remis de son décès. Pour le reste, je vois pas… Vraiment. Ah si, Seth Putnam d’Anal Cunt pour la déconne, mais il est mort, ce con !

Continuons : tu as fait ce remix de « Born to Die » de Lana Del Rey. Le mélange est étonnamment efficace. Est-ce que tu penses qu’il y a d’autres artistes pop qui peuvent avoir une voix qui collerait à la synthwave ?

Oui, mais j’ai un avis très tranché sur la question. Je pense que tant qu’une voix est belle, tu peux la mettre dans n’importe quel écrin. Lana Del Ray, on aime ou on n’aime pas. Moi j’aime beaucoup, même si je trouve qu’elle a certaines chansons médiocres et inintéressantes. Mais, quand j’ai écouté juste sa voix, c'est-à-dire les stems de sa voix a capella, j’ai trouvé ça génial. Je suis désolé, je vais parler un peu en mode « artsy », mais j’ai trouvé qu’il y avait une très belle émotion dans sa voix. Cette voix très lente, on dirait qu’elle se fout de ta gueule. Elle fait traîner les mots, elle est au bord du souffle. En fait elle ne chante pas vraiment, elle souffle avec de la mélodie. Et j’aime bien ce côté désinvolte. Si je trouvais une voix belle, je pourrais arriver à la modeler, mais il faudrait que je n’aie que la voix. Et ça m’intéresserait de faire ça effectivement. Par exemple, j’ai écouté des stems a capella de Katy Perry, et je trouve qu’elle a une voix très moche. C’est très guttural, surtout quand elle force. Pareil pour Shakira, voix dégueulasse ! Par contre, Céline Dion, ce qu’elle fait ne m’intéresse pas, mais elle a une voix incroyable. Remixer du Céline Dion, ça pourrait être marrant. Mais juste sa voix, encore une fois. Par exemple, Björk, je trouve que c’est une artiste formidable, même si elle m’emmerde aujourd’hui, je trouve sa musique trop intimiste. Je n’arrive plus à la suivre et à rentrer dans sa vision. Mais sa voix a cappella, je la trouve insupportable. Quand j’écoute ça, j’ai envie de lui dire : « arrêt de parler, chante ! ».

Qu’est-ce qui t’a décidé à faire des concerts ?

Eh bien, l’envie de monter sur scène ne m’a jamais vraiment quitté. Pas par égoïsme, mais pour le fait de jouer ma musique. Etre un « bedroom producer », c’est cool, on fait tout tout seul, mais partager sa musique sur scène avec d’autres gens, c’est quand même mieux. Je ne savais pas trop comment faire, et un jour j’ai vu que Perturbator allait s’y mettre. Et je me suis dit que s’il le faisait, pourquoi pas moi ? Je n’étais pas convaincu de la pertinence de ma musique en live, mais après tout, je suis metalleux, j’ai fait des concerts. J’ai même fait des mini-tournées dans des Renault Traffic pourris, quand t’en a un qui choppe la crève, il la refile à tout le monde ! Normal, quel metalleux n’a pas vécu ça ? Pourquoi je me suis dit « Pourquoi pas ? » ? Parce qu’il n’y a pas de règle dans la musique électronique en live. Tu peux arriver avec un Ipod que tu branches sur la table de mixage de la salle : ça passe, c’est de la musique électronique. Ou tu peux faire comme Kebu, un artiste finlandais, avec huit synthés autour de toi, deux boîtes à rythme, et tu joues ta musique sans filet. Entre ces deux extrêmes, tu peux jouer de la façon qui te plaît. Le concert m’intéresse, parce que c’est une remise en question permanente pour moi. Pour être  franc, j’ai  acheté deux synthétiseurs vintage que je compte amener pour mes prochains concerts, pour plus m’appuyer sur des vrais synthés plutôt que des synthés virtuels avec des contrôleurs séparés, comme je le faisais avant. A l’époque, je n’avais pas le budget pour faire autrement. Si je pouvais, je jouerais avec quatre synthés, dix lasers, deux machines à fumées, quatre back drops, mais je ne peux pas me le permettre ! [rires]



Justement, je suppose que ton budget a grossi avec ta signature sur Blood Music. Quel impact ça a eu sur ta carrière ?

Il faut savoir que Blood Music ne s’occupe que du côté label. Tout ce qui concerne les concerts, c’est moi qui m’en occupe, avec mon booker, mon « agent » comme j’aime le dire, qui n’est ni plus ni moins que Reznyck, également le booker de Perturbator et GosT.  Pour l’impact sur ma carrière, je ne saurais pas te répondre, parce que j’essaye de ne pas prendre ça en considération. Ca m’a permis d’avoir un peu plus de visibilité sur ma musique, parce que ce label a une fanbase qui est très très large, et ce n’est pas parce qu’il a x followers sur Facebook qu’il n’en a pas plus ailleurs. Il y a beaucoup de gens qui connaissent Blood Music en dehors de Facebook. Je pense que ma musique est arrivée dans les oreilles de certaines personnes plus facilement grâce à ça. Ca m’a aussi apporté d’avoir des retours critique sur ma musique beaucoup plus rapidement que ce que j’avais avant. Ce qui ressort actuellement, c’est que ce sont majoritairement des gens qui aiment les jeux vidéo et qui voudraient voir ma musique là-dedans qui s’y intéressent. Alors que GosT et Perturbator, grâce à leur imagerie, attirent plus les metalleux.  Ca, je m’en suis rendu compte grâce au label, le responsable m’a dit que les compagnies de jeux vidéo avaient un peu plus tendance à aller vers moi que vers GosT et Perturbator. Pour ma carrière, je pense que ça serait hyper arrogant de dire que ça a eu un impact. Je préfère travailler là-dessus avec lui et voir où ça me mène. L’impact a été positif, forcément, mais j’ai pas envie de tomber dans la prétention. Par contre, ce qui me fait plaisir, c’est qu’être signé sur Blood Music, c’est un signal assez fort de qualité « dark ». Parce que ce label ne signe que des artistes assez dark, si tu regardes bien. Et moi je suis le moins dark de tous ! [rires] C’est un petit plus pas désagréable !

Ceci dit, il y a maintenant des artistes comme Corpo-Mente sur Blood Music. Tu es peux être le projet le moins dark juste après eux !

C’est vrai. Mais après, je ne me pose pas trop de questions sur ça. Je préfère me concentrer sur ma musique, notamment mon prochain album, qui est très compliqué, mine de rien.

Justement, parlons de ce nouvel album. Comment l’as-tu abordé par rapport à tout ce que tu as déjà accompli avec tes trois premiers albums ?

Je l’ai abordé de manière très détendue, parce que j’avais envie de changer mon approche. Parce que je pars du principe qu’il ne faut jamais avoir peur de se remettre en question. Je me suis dit que j’allais composer comme d’habitude, mais que si, au bout de cinq minutes, j’étais toujours satisfait de ce que je faisais, je gardais le morceau. Si au bout de cinq minutes, je ne l’étais pas, je le jetais ! En tout et pour tout, j’ai fait 37 morceaux, ce qui compte ceux que j’ai gardé et ceux que j’ai jeté, sachant que mon prochain album devrait avoir neuf morceaux. Beaucoup de déchets, donc ! Et mine de rien, c’était très intéressant de composer de cette façon, parce que ce prochain album sera très âpre. La base est extrêmement simple, assez violente dans certains cas, et je pense que ça s’entendra. Sur  quelques morceaux, ça devrait même être à la limite du désagréable ! Mais avec ces bases, j’avais un élément de confiance vers lequel je pouvais revenir sans me poser de questions. J’ai donc travaillé sur ces bases en rajoutant des choses petit à petit. J’ai essayé des nouvelles techniques, appris de nouvelles choses, et ce qui devait être au départ une promenade de santé, est en fait devenue une putain d’usine à gaz qui est aussi agréable à composer et à produire qu’elle est pénible à mettre au monde ! C’est la première fois dans ma vie de musicien que je galère à mettre sur pied un album. Je ne galère pas au point de vue composition, mais dans la mise en place de la production. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi. Donc je laisse faire, parce qu’à chaque fois que je suis allé contre cet état de fait, ça c’est retourné contre moi, et j’ai fait de la merde. Il ya des morceaux, si on regarde mes compteurs de temps, sur lesquels j’ai passé une quarantaine d’heures, voire une cinquantaine. D’ailleurs, j’ai neuf titres, mais seulement six sont finalisés ! Je suis vraiment curieux de voir comment les gens vont réagir à cet album. Moi, forcément, j’ai maintenant le regard d’un type qui y a passé au minimum 500 heures, et j’aimerais bien avoir l’avis des gens.  Je pense que certains vont le trouver compliqué et riche, parce qu’il y a des morceaux où j’ai passé du temps à rajouter des trucs. Et à l’inverse, il y a eu des morceaux que je trouvais hyper chargés que j’ai allégés, parce que c’était inutile de faire plus.  Donc parfois, j’ai passé trente heures à surcharger un morceau alors que ça ne servait à rien : le morceau était très bien dès le début ! C’était une belle leçon d’humilité, parce que quand tu es face à sa musique et que tu dézoomes, tu te prends tes excès dans la gueule !


La dernière [ENFIN] : qu’écoutes-tu en ce moment ? As-tu-eu des coups de cœur récemment ?

J’écoute Kill’em All de The Kill, un groupe de grindcore australien, qui a sorti un des albums de grind qui m’a le plus scotché ! Ca faisait je ne sais combien d’années que… Je suis désolé, je vais reprendre une citation de Jeff Hanneman, je pense exactement la même chose : « Ca fait des années que j’attends de me prendre une claque dans le monde du metal, et je ne l’ai toujours pas entendue. »  Et je suis tombé sur cet album monumental. Il est disponible sur le Bandcamp de Blastasfuk pour les intéressés ! Alors, c’est pas la claque dont parlait Jeff Hanneman, mais c’est un truc qui m’a vraiment fait dresser les oreilles. Et je suis toujours en quête de bonnes grosses claques ! Parce que même si j’ai mes classiques, je me refuse de me fermer à la musique qui est produite aujourd’hui. J’ai quelques curateurs metal qui m’envoient des trucs, et j’écoute tout. Mais rien ne me met sur le cul dans ce qu’ils m’envoient.  Ca vient peut être du fait que j’ai écouté énormément de metal et ce n’est jamais aussi intente que les premières fois. Je me rappelle encore de la première fois où j’en ai écouté, j’avais trouvé ça fabuleux. Peut être que je suis blasé, mais je fais l’effort de chercher de nouvelles choses. Quand Perturbator me fait écouter des trucs imbitables, qui partent dans tous les sens, je suis content de voir qu’il y a encore des mecs qui se réunissent dans un studio en mode « on va faire du metal, on va niquer les oreilles de toute le monde ! ». Ca me fait plaisir de voir qu’il y a des gens qui ont encore cette démarche là, même si leur musique ne me touche pas vraiment : encore du black crié, encore du death metal technique, encore du metal à chauteuse qui essaye de copier Arch Enemy… Sinon, je réécoute du Domenico Scarlatti, qui est pour moi l’équivalent d’un Bach en fait. C’est un virtuose du clavecin, et pour moi, il est aussi bon que Bach. Et quand j’écoute sa musique au travers de différents interprètes, notamment quelques français qui sont excellents, je prends une claque. Je me dis que ce gars est venu des siècles avant nous, et il avait une putain de vision de l’instrument et de la mélodie, c’est génial ! Je réécoute aussi beaucoup de Bach, pour les fugues et les contrepoints, parce que je suis très mauvais en contrepoints. Un autre de mes regrets :  je suis un pianiste médiocre et un compositeur médiocre de contrepoint. Pour me consoler, je joue du Bach. Je ne sais pas en composer, mais je sais en jouer ! Récemment, je me suis replongé dans les Smashing Pumpkins. J’ai une tendresse pour eux. C’est un groupe très polarisant, on aime ou on déteste, mais quand on regarde l’œuvre de Billy Corgan : si on aime un tant soit peu le metal et le rock, on ne peut pas nier les contributions qu’il a fait au genre. C’est un personnage qui a ses défauts, mais en tant que musicien, je le respecte. Je me suis aussi refait l’intégral de Metallica. J’en ai encore des séquelles ! J’ai même écouté leur dernier morceau « Hardwired ». Je ne vais pas me prononcer dessus, juste dire que ça me fait plaisir de voir qu’ils font toujours de la musique. Et je me suis surtout dit : « PUTAIN, RIDE THE LIGHTNING ! CHEF D’OEUVRE». Je le place au dessus de Master of Puppets.

C’est vrai qu’il y a vraiment l’école Master et l’école Ride…

Je suis Ride à 100% ! Je me suis aussi refait The Misfits, que ce soit avec Michale Graves, Myke Hideous ou Glenn Danzig. Comme tout bon fan, quand j’ai lu les rumeurs de reformation… Bon maintenant, ce sont des vieux sacs de soixante ballets, mais ils ont mis de côté leurs différences. Quoique, c’est peut être leurs avocats qui s’en sont chargés ! Je réécoute tout ça avec plaisir, même si j’ai une tendresse pour la période Danzig. Ceci dit, Michale Graves est un putain de chanteur, et il mériterait plus de reconnaissance, il a fait beaucoup de bonnes choses pour The Misfits. Et c’est un EXCELLENT showman. J’écoute aussi mes classiques, c'est-à-dire des albums dont je ne me lasse pas. Je peux t’en citer trois : Venom. Ca, je ne m’en lasserais jamais. En ce moment, je reviens sur Welcome to Hell. Je le connais par cœur, j’ai poncé le vinyle dans tous les sens et pourtant… C’est comme si je rebaisais une nana pour la première fois, à chaque fois. Cet album est juste parfait. Je réécoute Nevermind de Nirvana, parce qu’il n’y a rien à jeter dessus, et pour moi, c’est signe d’un grand album. Je me repasse aussi Symphonies of Sickness de Carcass, un album très cher à mon cœur, parce que j’ai appris à jouer de la guitare avec « Reek of Putrefaction ». Ce qui explique pourquoi je joue si mal ! Idem, rien à jeter sur cet album, tous les morceaux sont grandioses. Enfin, ce n’est un secret pour personne : je suis un grand fan de Type O Negative. Je retourne à World Coming Down, et c’est un album parfait. C’est du grand art et sans vouloir manquer de respect à la mémoire de Peter Steele, je trouve que c’est son album le plus intense. C’est celui qui met l’auditeur le plus mal à l’aise. Il a une espèce de beauté crasse. C’est aussi le plus simple quand on l’écoute. Parce que, par exemple, passer après October Rust, c’était pas facile, d’autant qu’October Rust est un bijou. C’est une pièce d’orfèvrerie baroque, hyper surchargée. Mais avec World Coming Down, ils te mettent la misère en réduisant les ornements, et avec une prod’ hyper simple et sèche. WOW, quoi ! J’ai du l’écouter une bonne centaine de fois. C’est le signe des grands albums ! Quelque chose que tu vas réécouter et dont tu ne te lasses pas. D’ailleurs, j’attends qu’on m’accuse d’avoir plagié Peter Steele, ce à quoi je répondrais  que je préfère largement pomper Peter Steele, plutôt qu’on me dise que j’ai pompé de la merde ! Bref. Je peux te citer aussi Medusa de Clan of Xymox. Et, ça je suis fan absolu, comme de tout ce qui est du label 4AD en fait. Tu pourrais me dire : « Je vais t’enfermer dans une salle pour te torturer, tu écouteras Medusa de Clan of Xymox », je te répondrais « Vas-y, je t’attends ! ». [rires]

Neredude (Octobre 2016)

Photos live par Fanny Storck.

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