Atlantis Chronicles par mail, 2016



Atlantis Chronicles
vient de sortir son deuxième effort, Barton's Odyssey, fin mars via Apathia Records, l'occasion pour nous de nous entretenir avec Antoine (Chant) et Sydney (Batterie) sur la genèse de cet album. On y parle style musical, artwork, concept, concerts et autres délires. Prêt pour une visite des profondeurs abyssales en compagnie d'Atlantis Chronicles ?


Ten Miles Underwater racontait la plongée dans les abysses de l’explorateur William Beebe grâce à l'invention de la bathysphère. Il avait travaillé avec Otis Barton, donc j’imagine que Barton's Odyssey raconte la suite de cette histoire ?

Antoine (chant) : Exactement, nous avons repris les choses là où nous les avions laissées car il nous a semblé que tout n'avait pas encore été dit avec ce duo d'explorateurs, ils font figure de pionniers dans l'exploration des profondeurs maritimes et sont pourtant tellement méconnus. Nous avons d'ailleurs été tout de suite très excités à l'idée de lier le scénario des deux albums.

Vous aviez dans l’idée de faire un dyptique dès le départ ?

Antoine : Absolument pas, l'idée n'est venue que bien plus tard. Après s'être énormément attaché et avoir rendu hommage à l’explorateur, William Beebe, sur notre premier album nous pensions judicieux d’écrire une suite cette fois avec l’ingénieur, Otis Barton, puisque ces deux personnages furent intimement liés dans leur destinée.

Vous aviez enregistré le précédent album au Drudenhaus Studio il me semble. Comment ça s'est passé pour celui-ci ?

Sydney (batterie) : Seule la batterie a été enregistrée au Drudenhaus Studio pour le premier album. Cette fois on est allé au studio The Office / The Artist tenu par Jean François Di Rienzo (ex-OutcastThe Bridal Procession). Nous avons une nouvelle fois enregistré les guitares et basse dans mon home studio et les voix aux Cuizines de Chelles.

Ce qui me marque chez vous c'est cette approche très technique, à la fois proche du Death Metal et du Deathcore, mais tout en gardant une certaine lisibilité ou un côté organique il me semble ? Vous travaillez en ce sens ? C'est difficile à obtenir ?

Sydney : Ça me fait plaisir que tu le notes ! On travaille beaucoup dans ce sens, bien entendu. Le tag le plus juste à mon sens est aujourd’hui Modern Death, car empreint de plein d’autres styles qui ont marqués ces dix dernières années, notamment le Deathcore, de Black, un peu de Djent aussi et j’en passe… Mais on essaie de garder le tout digeste, cohérent et toujours très mélodique.
On a beaucoup travaillé le son avec Joshua Wickman (Dreadcore Studios) et on a dû faire pas mal de concessions pour trouver un juste équilibre entre un son chaud/organique et une grosse prod américaine. C’est vraiment difficile d’allier efficacement les deux. Notre premier album était plus froid et nous sommes très satisfaits du résultat sur ce second.

J’ai l’impression que vous avez ménagé plus de plages calmes sur Barton’s Odyssey  que sur Ten Miles Underwater, est-ce que c’était quelque chose de réfléchi ou qui est venu naturellement ?

Antoine : c'est un petit peu les deux à la fois. Barton’s Odyssey comporte effectivement plus de plages calmes mais aussi beaucoup plus de plages brutales. Réfléchi, parce qu’on trouvait intéressant de tirer les contrastes sur ce nouvel album. Et naturel, car on s’est aussi donné plus de temps pour digérer nos influences, qui sont de plus en plus nombreuses et variées.

Sydney : Contrairement au premier album, on a choisi pour celui-ci de laisser de coté les longues intro, les longues outro, les interludes... Même si ce sont des plages qui peuvent apporter autre chose à un album, ça reste très convenu. Néanmoins ça ne veut pas dire qu’on n’y reviendra plus jamais, mais nous voulions quelque chose de plus compact et direct sur cet album.

Il est difficile de trouver un titre qui se détache des autres dans Barton’s Odyssey, l’ensemble est vraiment cohérent et fluide dans les enchaînement des pistes, de sorte que l’album, quand on l’écoute d’une traite, propose un vrai voyage. J’imagine que c’était le but recherché ?

Sydney : Encore une fois, c’est super que tu puisses noter ça ! C’était effectivement notre démarche dès le départ. Cet album a été composé sur un laps de temps plus court que le premier et donc forcement plus cohérent et compact.

Antoine : Il nous a été plus facile de faire en sorte que la présence d'un fil rouge soit immanquable aussi bien dans la forme que sur le fond, dans la musique et l'histoire qui se dévoile au fur et à mesure des titres.

Les morceaux sont très techniques, est-ce qu'il y en a que vous avez du mal à jouer en live ou que vous évitez à cause de cette difficulté ?


Antoine : Malheureusement c'est plutôt l'inverse qui se produit haha. Il y a pas mal de morceaux sur cet album qui font partie des plus techniques et que nous voulons/devons absolument jouer en live. Non pas pour la démonstration loin de là, mais parce que nous savons qu'ils ont un réel potentiel d'efficacité sur scène et que nous nous éclatons à les jouer. Après nous ne sommes pas des machines et avons (et devons encore) énormément travailler pour leur faire passer l'épreuve de la scène.

Sydney : En studio tu es assis sur ta chaise, à la bonne température, avec une écoute parfaite, si la prise n’est pas comme tu veux, tu peux la refaire, bref le luxe ! En live tu es dans des conditions presque nouvelles tous les soirs, tu bouges comme un dingue, tu sues tout ce que tu peux, des fois tu n’entends rien, mais il faut assurer quand même ! Le live ne peut pas être aussi parfait que le studio mais s’il y a un gros travail en amont tu optimises tes chances de faire un super show.

Au contraire, comment ça se passe pour la composition ? Vous ne composez rien qui ne soit pas faisable "en vrai" ?


Sydney : Exact. On pense avant tout à jouer les morceaux en live, puisque c’est la principale raison pour laquelle on fait de la musique ! Évidemment il y a des pistes qui resteront des morceaux studio comme la dernière piste de l’album A Modern Sailor’s Countless Stories qui est clairement un morceau orienté studio, avec des instruments additionnels, beaucoup d’ambiance et qui aurait sans doute peu d’impact en live. 

J'ai l'impression que vous jouez beaucoup moins grave que beaucoup de groupes du genre. Vous utilisez quoi au niveau du matos ?

Sydney : Alex joue sur une Schecter Hellraiser Extreme, Jérôme sur une Vigier Excalibur Indus avec micro Lace. Alex et Jérôme sont accordés en RÉ standard sur 6 cordes Ernie Ball 10-52.

C'est une nouvelle fois Pär Olofsson (Immortal, The Faceless, Winds Of Plague) qui a réalisé la pochette ?

Antoine : Olofsson avait fait du très bon travail sur notre première pochette mais cette fois-ci, il s'est surpassé je trouve. Le choix de revenir vers lui s'est imposé de lui-même car nous voulions que les liens scénaristiques des deux opus soient renforcés par une patte graphique commune et évidemment avec la bathysphère du premier album, au second plan cette fois.

Vous avez joué au Japon avec Vomitory et Beyond Creation. Ca devait être assez fou de partir là-bas ? Vous pouvez nous raconter un peu comment ça s'est passé ?

Antoine : Comme beaucoup d'ados des années 90, la culture nippone possède une place prépondérante dans nos esprits et fait partie intégrante de nos identités, en témoigne les jeux vidéo Atlantis Chronicles que nous créons pour chaque sortie d'albums sur l'un de nos goodies (une clef USB). Le fait d'y partir grâce à la musique, et pour jouer sur place, c'était pour nous l'impensable qui devenait réalité. Le dépaysement a été total, les sensations incroyables, la rencontre avec Beyond Creation reste l'un de nos meilleurs souvenirs de tournée.

Sydney : Le fait que notre premier album ait été distribué par Howling Bull (Metal Blade Japan) a clairement joué dans la balance. Le promoteur de la tournée était un Français installé au Japon et nous avait repérés avec la sortie de notre premier album. Il a eu un long échange avec Alex et avec le soutien de Howling Bull, on a pu envisager ce voyage. C’est vrai que c’est une autre culture là-bas ! On a vu des gars en costard piter au milieu de la fosse avec leur attaché case. C’est que tu t’aperçois que là-bas, malgré la productivité légendaire des japonais sur le marché du travail, tout le monde a besoin d’un break ! Et là ces gars venaient apparemment de sortir du boulot haha. 
Ils sont également très collectionneurs, on a fait un paquet de photos avec des fans, signé des tonnes d’autographes, parfois même sur des cahiers de feuilles blanches avec une double page consacré à chaque groupe que le gars aime, logo et photo découpés soigneusement en-tête. T’es à l’autre bout du monde et tu vois ta tronche sur le cahier d’un fan. C’est juste hallucinant pour un jeune groupe comme le nôtre ! Le public est vraiment avec toi, pas de mec blasé accoudé au fond de la salle, tout le monde participe et c’est vraiment plaisant.
On a pu faire un peu de tourisme à Tokyo, une ville complètement hors du temps et du monde, on a vu de nos yeux le Mont Fuji qui est bien plus beau qu’en photo, j’ai personnellement fait un tas d’expériences culinaires et ai été très peu déçu !

Les concepts aquatiques sont finalement assez peu présents dans l'univers Metal. Malgré tout et dans des styles différents je pense au Leviathan, de Mastodon et aux disques d'Ahab ou de Sourvein en Doom ou bien Giant Squid ou The Ocean en plus prog. Est-ce que vous connaissez ?

Sydney : Alex et moi avons énormément été influencés à nos débuts dans la musique par Mastodon. The Ocean est également un groupe immanquable ! Je connais trop peu les autres pour en parler.

Par rapport à vous, c’est le grand écart avec la plupart de ces groupes au niveau "nombre de notes jouées à la minute". On désigne souvent l’océan par le terme "monde du silence", pourquoi mettre autant de fougue dans votre musique ? 

Antoine : "Le monde du silence" certes, et en même temps la propagation du son y est exceptionnelle, c'est un monde onirique qui peut être d'une douceur et d'une splendeur incroyables, dont les sonorités et les mouvements peuvent vous envelopper et vous bercer… Ou en claquement de doigts devenir l'enfer sur terre, le théâtre d'éléments qui se déchaînent de façon incontrôlable. Pourquoi pas du Death Metal avec de la mélodie finalement ?



Pratiquez-vous la plongée, ou la voile ou êtes-vous simplement passionné ?

Sydney : J’ai pu plonger il y a quelques années et passer mon premier niveau de la méthode PADI. C’est, je pense, une des expériences les plus incroyables de ma vie. Alors tout ceci est très subjectif mais je me suis senti comme dans le temple d’une force (pour ne pas rentrer dans le divin) à qui je devais faire allégeance. Tu sens que ta présence est tolérée si tu ne touches à rien et ne casses rien. Ma domination d’être humain avide s’arrêtait ici. Ça remet l’esprit à sa place, ça fait un bien fou.
Et je suis certain de n’avoir vu qu’un tout petit pourcentage de ce que l’océan peut offrir en termes de sensation. Comment je pourrais ne pas persévérer avec Atlantis Chronicles après avoir ressenti quelque chose d’aussi fort ?

Est-ce que vous pensez qu’il est indispensable pour un groupe aujourd'hui de se forger une identité visuelle ou thématique pour se faire connaître et reconnaître, au delà de ses qualités musicales ? (pour des exemples français, je pense à 6:33 avec l’univers freakshow / cirque ou The Great Old Ones avec HP Lovecraft)

Antoine : Pas nécessairement, il faut que tout cela ait du sens (ce qui est clairement le cas avec 6:33 au passage), que cela émane d'une envie forte au sein du groupe. Chez nous, c'est quelque chose d'indispensable parce que cela fonctionne naturellement, nous n'avons pas choisi cet univers abyssal par hasard, il s'est imposé à nous pour diverses raisons (culturelles sans doute) et fonctionne désormais comme un carburant devenu indissociable de notre écriture et de notre composition. Il y a énormément de groupes qui possèdent une identité forte tout en utilisant des visuels très épurés, sans thématique centrale mais avec des propos renversants. Bref, il n'y pas de règle, ce serait trop facile, et sacrement triste d'ailleurs.

Pouvez-vous me citer trois groupes sur lesquels vous vous accordez tous les cinq ?

Antoine : Hum… ce n'est pas évident mais on pourrait citer : The Human Abstract, August Burns Red et Gojira.

Sydney : Même pas ! Simon déteste Gojira. Oui, ça existe.

Pour finir, trois questions un peu décalées :
- Combien de fois avez-vous fini le jeu Bioshock ?

Sydney : Alex et moi une fois chaque épisode. Le premier est sorti en 2007, nous baignions déjà dans notre univers aquatique avec notre premier groupe Abyss. Je te laisse deviner l’excitation pour nous d’y jouer !

- Y-a-t’il des fans de Patrick Duffy dans le groupe ? (je ne sais pas si vous connaissez la série L’homme de l’Atlantide qui date de la fin des années 70)

Antoine : Je ne connais Patrick Duffy que de South Park via le monstre "Kukrapok" avec sa main en branche de céleri et sa jambe en Patrick Duffy : "Salut, je suis Patrick Duffy de la télévision". Mes connaissances en Patrick Duffy s'arrêtent ici !

Sydney : Difficile de connaitre toutes les références à l’Atlantide. Ou alors faudrait arrêter la musique pour s’y plonger (blague) plus profondément.

- Avez-vous envoyé votre album à Georges Pernoud (Thalassa) ? 

Antoine : Je suis un putain de fan de Thalassa, mais malheureusement j'ai l'intime conviction que George ne serait pas très sensible aux charmes de notre Death Metal.

Pentacle (Avril 2016)


liens utiles :
- Barton's Oddyssey est disponible chez Apathia Records
- Boutique officielle Atlantis Chronicles
- Clip de Upwelling Part II

Interview réalisée avec l'aide de Grum.
Merci à Roger de Replica Promotion d'avoir rendu cet entretien possible.

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