The Lumberjack Feedback, dans leur studio, le 22/12/15

À l’occasion de la sortie de leur très attendu premier album, Blackened Visions, Metalorgie est allé à la rencontre de The Lumberjack Feedback, que l’on surnomme : Les Bûcherons lillois. C’est dans leur studio de la métropole lilloise que les gaillards m’ont reçu pour un entretien après une répétition. C’est Seb le bassiste qui s’est prêté au jeu de l’interview. Au programme de celle-ci, l’album, les concerts, le label, et plus encore.

Salut Seb, merci de me recevoir. Nous sommes à quelques jours de la sortie de Blackened Visions, votre premier album, comment ça va ? Pas trop pression ? 

Salut Shades, ça va bien. Effectivement nous sommes dans la dernière ligne droite avant la sortie de l’album. Je ne parlerais pas de pression car de notre côté le boulot a été fait, on est plutôt impatients de connaître les réactions du public. Tu sais la sortie de Blackened Visions est maintenant planifiée depuis presque six mois, l’album est terminé depuis quasiment un an. Nous n’avons pas pressé sa sortie puisque le line-up a évolué. Olivier est parti pour des raisons professionnelles et avec son départ, même s’il a été anticipé, il était hors de question de se précipiter. Nous voulions vraiment être opérationnels pour le live, il a donc fallu travailler les morceaux avec Virgil en répétant encore et encore. Puis nous voulions sortir une version vinyl de l’album, ce format est très apprécié par nos fans, mais pas seulement, il y a beaucoup de demandes et peu de fournisseurs, ces derniers peinent à tenir les délais. Là encore, nous avons préféré prendre notre temps pour qu’il soit disponible en même temps que le CD. 

Le résultat final est-il celui escompté ? 

Complètement ! Que se soit les compositions, les ambiances ou le son c’est exactement ce qu’on voulait obtenir. La pression nous nous l’étions mise lors de la conception et à tous les niveaux ; de l’enregistrement jusque l’artwork. Il aurait été plus que dommage qu’après tout ce travail et cet investissement on soit déçu.

Dès la première écoute de Blackened Visions, une chose m’a frappé. Ce premier opus par rapport aux précédents EPs sonne plus Metal. Autant sur Hand Of Glory et Noise In The Church on sentait un vrai côté Post-Rock, voire Postcore, et là je pense directement à Cult Of Luna, alors que maintenant celui-ci est plus en retrait. Je me trompe ? 

Tu ne te trompes pas, ah ah ! C’est une décision que nous avons prise dès le départ quand nous avons commencé à travailler sur l’album. On s’est rendu compte avec le temps que certains plans qui fonctionnent bien en live pouvaient être mis en avant, tout comme certaines de nos influences qui n’étaient pas remontées sur les EPs et que nous voulions vraiment exposer. Il y a aussi eu, sans que ce soit une obsession, une volonté de surprendre l’auditeur avec une musique plus rentre-dedans que par le passé. Il y a aussi l’aspect "routine"  qu’on voulait éviter, nous évoluons dans un style où on peut vite se répéter et tourner en rond. Dans un aspect plus général on peut également prendre en compte le fait que nous écoutons pas mal de musiques différentes, cela va du Jazz à l’Electro, en passant par le Black Metal traditionnel et plus moderne. Comme tu le peux le voir c’est très éclectique. Les deux groupes sur lesquels nous sommes tous d’accord, ça doit être Mastodon et Gojira, sinon pour le reste c’est très varié. Du reste, cette orientation plus Metal est totalement assumée, on ne voulait pas tomber dans le Post-Rock ou encore le Doom pachydermique à fumette comme Electric Wizard, même si j’adore ce groupe, mais ce n’est pas qu’on voulait jouer. 

Quelles sont les influences majeures de The Lumberjack Feedback du coup ? Et surtout quel rôle ont-elles ? 

Beaucoup de personnes pensent que nos principales influences sont Cult Of Luna, Neurosis ou Kylesa (à cause des deux batteries). Elles le sont d’une manière mais pas comme on peut le penser, ce sont surtout des groupes que nous aimons écouter et je pense qu’en fait nous avons les mêmes goûts musicaux et les mêmes influences qu’eux, mais nous les retranscrivons d’une façon différente. J’ai eu la chance de pouvoir discuter avec les membres de ces groupes, ils se sont nourris d’influences venant de la New-Wave et du Post-Punk, d’ailleurs à la base Neurosis et Kylesa sonnent très Hardcore. De notre côté on est également fans de Kickback et Converge, tu vois ce sont des groupes qui ne sont pas le trip lourd / pachydermique mais plus dans une démarche oppressante. C’est donc une question à laquelle il est difficile de répondre précisément.     

Concernant l’artwork, lui aussi est surprenant, qui l’a créé et qui est ce personnage que l’on voit sur la pochette ? Représente-t-il l’entité The Lumberjack Feedback ?

Ta question est intéressante. Tout d’abord c’est moi qui l’ai conçu, comme tous les artworks de The Lumberjack Feedback. Avant d’intégrer le groupe comme musicien, j’avais réalisé pour eux la conception du logo et la pochette de la démo. J’ai consacré énormément de temps et d’énergie pour cet artwork. Nous sommes une formation instrumentale, il est donc important de soigner nos pochettes qui sont un peu l’équivalent de nos paroles. Plusieurs personnes sont déjà venues nous voir à la fin de nos concerts en nous disant que pendant notre prestation ils s’imaginaient des petits films, ils tripaient d’une manière particulière du fait qu’il n’y a aucune partie vocale. Il était impératif de balancer un visuel accrocheur. Pour sa conception je suis parti sur une travail de photographie car je voulais là encore rompre les habitudes du passé où mon travail était essentiellement graphique. Tout le challenge a été de créer un visuel en adéquation avec l’orientation musicale prise. Pour le personnage je ne peux pas trop en dire, vous en saurez plus prochainement… Tu as surement remarqué par contre qu’il est dans un élément, on va dire "forestier", ça colle bien d’ailleurs avec le côté Lumberjack, mais soyez patients, vous en saurez bientôt plus sur cette espèce de chaman solitaire. Ce que je peux également te dire, sans trop en dévoiler, c’est qu’il représente un peu notre état d’esprit, nous aimons bien nous enfermer pour répéter et travailler, on se coupe du monde, lui aussi peut-être ? Ensuite, on ne voulait pas tomber dans la pochette ambiance 70's ou psyché comme cela se fait beaucoup en ce moment. Je me répète mais c’est très important pour The Lumberjack Feedback d’avoir un univers bien défini et reconnaissable. Gojira l’a très bien fait et on tend à s’en inspirer. Hangman’s Chair également l’a bien réussi, regarde leur dernier artwork, il est aussi inattendu que formidable, personne ne s’attendait à ce qu’ils claquent du rose dessus et pourtant c’est hyper bien foutu et ça se démarque complètement de ce qui se fait actuellement. 


Quelles ont été les différentes phases de la conception de Blackened Visions ? Où a-t-il été enregistré ? 

Pour sa conception les choses ont été relativement simples. The Lumberjack Feedback est un groupe on ne peut plus démocratique, chez nous, personne n’arrive avec sa petite maquette de titre en disant « tenez les gars, j’ai composé un truc, on va bosser sur ça aujourd’hui ». On compose plutôt en jammant pendant les répétitions, à la rigueur un riff a germé en amont mais c’est très rare. Dans le passé on a tenté de bosser en maquettant chacun de notre côté à cause de problèmes d’éloignements géographiques, puis on s’est vite rendu compte que ça ne marchait pas, ce n’est pas dans l’ADN du groupe de fonctionner de la sorte. Pour que la sauce prenne, nous devons être ensemble : Virgil et Nicolas, les deux batteurs, ont besoin de se parler énormément, un peu comme peuvent le faire deux guitaristes du reste. Donc tu vois, la conception est ultra simple chez nous. Les prises pour les parties batteries ont été faites dans une salle de spectacle près de notre studio. C’est une très grande salle avec des couloirs immenses et du parquet au sol. On s’est éclaté à mettre des micros partout pour tester différentes choses, c’était génial. Par ailleurs notre ingénieur son live nous accompagné et a apporté une autre oreille, sa vision et ses conseils ont permis une autre approche, ce fut un moment très enrichissant.

L’enregistrement, lui, s'est passé ici, dans notre local de répétitions, avec Olivier l’un de nos anciens batteurs, qui a également mixé Blackened Visions. Tu vois, ce fût un travail assez familial et démocratique. La seule personne extérieure avec qui l'on a travaillé est Colin Marston qui a masterisé l’album. C’est un mec qui vient du milieu Death Metal puisqu’il est membre de Gorguts, et c’est ce qu’on cherché avant tout, une personne qui vient d’un univers différent. De plus, il travaille essentiellement avec un matériel analogique, sa vision est totalement complémentaire à la notre, on a évité de partir sur un son compressé pour avoir un rendu plus organique. Quand nous l’avons contacté il a souhaité écouter les titres avant, il avait été très clair sur le fait que si ça ne lui plaisait pas, il n’aurait pas envie de bosser avec nous, ce qui est légitime ! Au final ça l’a super bien fait et nous espérons pouvoir le rencontrer lors de la tournée européenne de Gorguts au printemps prochain pour lui remettre en main propre le CD et le vinyl. 

La petite surprise c’est aussi l’apparition du guitariste d’Agressor, Alex Colin-Tocquaine. Comment ça c’est fait ? Ce mec est une légende du Death / Thrash français, européen même, et là on le retrouve chez The Lumberjack Feedback ! Dis moi tout Seb.

Outre l’envie de surprendre qui n’est pas la raison première de son invitation sur l’album, je dois t’avouer que Simon et moi-même sont des fans de Black Metal. À l’époque on lisait des bouquins sur le mouvement et l’un des groupes, je me souviens plus du nom, mais ce n’était pas un petit groupe obscur mais un poids lourd de la scène, et l’un des membres citait Agressor comme l’une de ses principales références. C’est également l’un des premiers groupes que j’ai vu en live. Puis on s’est aperçu plusieurs fois dans nos concerts qu’Alex était dans le public. T’imagines un peu notre stupéfaction ? On a longtemps hésité avant d’aller le voir, on s’était dit qu’il était là juste pour boire une bière, passer une soirée tranquille, on s’est jamais imaginé qu’il était là pour écouter et nous voir sur scène. Puis en faite si ! On a pris notre courage à deux mains, on est allé vers lui. Il nous a dit qu’il nous suivait un peu de loin et qu’il appréciait ce qu’on faisait, notamment en live. C’est en plus un bon ami de Nico, le boss de Kaotoxin Records, notre label. Après avoir beaucoup réfléchi on s’est lancé et on lui a proposé d’intervenir comme invité sur l’album, ce qu’il a accepté tout de suite. Il était super chaud, il nous a dit « ok, vous répétez quand et où ? Vous avez un ampli à me prêter ? ». Malgré tout, c'était un peu le choc des cultures, enfin surtout pour nous ! Le voir débarquer comme ça dans notre studio… c’était énorme. Mais Alex est un super pro, il a une sacrée expérience, il a vite pris ses marques, s’est vite imprégné de notre style et univers. Il a bossé chez lui la partie sur laquelle il intervient et là c’est le bluffe ! Son solo est super, on ne s’attendait pas du tout à ça, il est totalement dans l’esprit de l’album. 

Question logistique maintenant. Vous jouez avec deux batteurs, ce n’est pas trop compliqué pour trouver des lieux avec suffisamment de place ? Je pense directement aux concerts dans des lieux plus underground.

Dans l’ensemble ça va. En plus on est pas très regardant, dès qu’on nous propose de venir jouer, on y va, on s’adapte à la place qu’il y a. Parfois ça t’emmène dans des lieux improbables car récemment on a joué dans des espèces de containers près du port de Dunkerque ! Mais c’est canon, il y a une proximité avec le public que tu ne retrouves pas dans les concerts plus "pros", comme les batteries prennent quasiment toute la place, les guitaristes et moi on joue directement dans le public, c’est un peu complexe parfois, mais on a toujours trouvé une solution pour jouer quel que soit le lieu. Aussi incroyable que ça puisse paraître c’est dans les grandes salles qu’on a rencontré le plus de problèmes. Ils te disent que c’est chiant pour les changements de matériels entre les groupes. Mais bon, on travaille tous dans le domaine du spectacle, on a l’habitude de ce genre de chose, on est capable de vite se préparer et de régler les "problèmes" nous-mêmes. 

Depuis la création du groupe vous faites de l’instrumental, c’est par choix ou c’est la force des choses qui vous y a amené ? On peut envisager un jour du The Lumberjack Feedback avec du chant ?

Même s’il ne faut jamais dire jamais, je pense que la décision de jouer de l’instrumental a été prise il y a longtemps et on s’y tiendra. On a fait quelques essais en live en invitant des personnes sur certains titres pour poser un chant, mais ça reste du spontané, genre tu croises un pote chanteur avant le début du concert et tu lui dis « tiens tu viendrais pas improviser un truc sur le dernier titre ? ». On a aussi invité un chanteur pendant un concert acoustique, mais c’est toujours resté une expérimentation live. 

Comment ça se passe la collaboration avec Kaotoxin Records ? 

Ça se passe super bien, Nico laisse une totale liberté artistique à ses groupes, aussi bien dans la musique que dans le visuel. Il n’intervient jamais sur ces deux points, il n’est pas du genre à te dire que tel ou tel morceau ne devrait pas figurer sur l’album, il s’occupe vraiment uniquement de l’aspect promo. Dès qu’il voit passer des propositions pour des concerts ou festivals il contacte ses groupes, il est toujours à l’affût de la moindre opportunité. Nico est un mec ouvert dans tous les sens du terme, il n’y a qu’à regarder le roster du label, on y trouve du Death (Ad Patres, Dehuman…), du Grind (Putrid OffalMiserable Failure…), du déjanté (6:33), du Doom (Eye Of Solitude), du Black (The Negation, Otargos…) c’est super diversifié. Lors du Kaotoxin Fest (le festival du label qui a lieu à Lille au mois décembre) tu rencontres des musiciens qui viennent de partout, qui ont des univers très différents, c’est super enrichissant sur un point vu musical mais aussi humain. Sans oublier que c’est un label à dimension humaine, l’ambiance est très familiale et fraternelle, regarde Otargos qui était chez Listenable Records (premier label de Gojira), ils n’ont pas hésité à dealer avec Nico pour la suite de leur carrière. 

C’est quoi le programme dans l’immédiat ? Des concerts ? Une tournée ? 

Pour l’instant on est très concentré sur l’aspect promo de Blackened Visions avec des interviews et le relais des premières chroniques. Ce travail se fait en collaboration avec le label mais aussi avec Elodie de chez Dooweet. On gère également le changement de line-up avec l’arrivé de Virgil à la batterie pour être prêt pour le live, pas question de se lancer sans être au top. Nous voudrions jouer pourquoi pas l’intégralité de l’album sur scène, donc on doit bosser encore et encore. Notre prochaine date sera le 27 février au 4 Écluses, à Dunkerque, où nous ferons la première partie de Regarde Les Hommes Tomber. Dans le même temps on démarche pas mal pour faire des dates en France et à l’étranger. Comme tu le constates, on est bien occupé. On a aussi quelques projets en cours, mais tu ne sauras rien, ça reste secret pour le moment, ah ah ! 

Bon, c’est déjà le moment de se quitter, Seb je te remercie pour votre accueil, j’ai passé un super moment, plutôt que d’embrayer sur une dernière question je vais te laisser le mot de la fin ! 

Le groupe tient à remercier Metalorgie pour son soutien, on sait que vous nous suivez depuis le début et que plusieurs d’entre vous aiment ce qu’on fait et ça nous fait plaisir. En plus vous offrez pas mal de visibilité au mouvement Doom / Sludge / Stoner à travers le webzine mais aussi avec Stoned Orgies qui organise des concerts. On a eu le plaisir de jouer à Nantes et Paris par votre intermédiaire et on vous en remercie.

Shades of God (Janvier 2016)

Remerciements : Nico de Kaotoxin Records et The Lumberjack Feedback

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